Le Procès du Général: Dallaire Tourné par un MacDo-- 6 décembre 2006
[Trouvez ci-dessous un transcrit très important. Dans le contre-interrogatoire de Général Roméo Dallaire par Maître Ronnie MacDonald, l'avocat au Général rwandais Augustin Bizimungu (qui n'y joue pas le clown) a forcé ce malade collabo avec les vrais genocidaires, Les FPR de Paul Kagame, de laisser tomber son air de neutralité et concéder son extrême parti pris et d'admettre quand même que le plus part des massacres dont il sont cité dans les records militaires belges, français, ainsi de l'ONU--même dans son propre livre, J'ai sucé le gland du diable, comme la tuerie à l'Eglise Ste Famille--étaient la responsabilité des forces 'rebelles Tutsis' à l'actuel président rwandais Kagame. Avec toutes les nouvelles (et pas aussi nouvelles) preuves de vrais assassins de deux présidents Hutus de Burundi et Rwanda qui sont récemment enregistrer au TPIR et devant le magistrat français Bruguière contre les FPR, il sera très intéressant à voir juste comment les force de Stop the Fucking Genocide, le lobby de Droits de l'homme, avec Kouchner et Carbonare en tête, qui menait les campagnes vers la destruction de pays comme l'URSS, Afghanistan, Yougoslavie, Palestine, Iraq ainsi Iran, Corée de Nord, et Syrie, vont changer leur stratégie pour continuer récolter les fortunes énorme de l'industrie de droits des victimes. --mc]
TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA
AFFAIRE N° ICTR-2000-56-T LE PROCUREUR
CHAMBRE II
C.
AUGUSTIN NDINDILIYIMANA
FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE
INNOCENT SAGAHUTU
AUGUSTIN BIZIMUNGU
PROCÈS
Mercredi 6 décembre 2006
(13 h 15)
Devant les Juges :
Joseph Asoka de Silva, Président
Taghrid Hikmet
Seon Ki Park
Pour le Greffe :
Roger Noël Kouambo
Issa Toure
Abraham L. Koshopa
Pour le Bureau du Procureur :
Ciré Aly Bâ
Moussa Sefon
Segun Jegede
Abubacarr Tambadou (absent)
Felistas Mushi
Pour la Défense d’Augustin Ndindiliyimana (absent) :
Me Christopher Black
Me Patrick De Wolf (absent)
Pour la Défense de François-Xavier Nzuwonemeye :
Me Charles Taku
Me Hamuli Rety (absent)
Pour la Défense d’Innocent Sagahutu (absent) :
Me Fabien Segatwa
Me Seydou Doumbia
Pour la Défense d’Augustin Bizimungu (absent) :
Me Gilles St-Laurent (absent)
Me Ronnie Mac Donald
Sténotypistes officielles :
Françoise Quentin
Vivianne Mayele
Lydienne Priso
TABLE DES MATIÈRES
PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE
TÉMOIN ROMÉO DALLAIRE
Suite du contre-interrogatoire de la Défense d’Augustin Bizimungu, par Me Mac Donald 1
Contre-interrogatoire de la Défense d’Augustin Ndindiliyimana, par Me Black 45
PIÈCES À CONVICTION
Pour la Défense d’Augustin Bizimungu :
D. 161 (Bizimungu) 3
D. 162 (Bizimungu) 21
D. 163 (Bizimungu) 22
D. 164 (Bizimungu) 25
D. 165 (Bizimungu) 40
D. 166 (Bizimungu) 41
D. 167 (Bizimungu) — sous scellés 44
Pour la Défense d’Augustin Ndindiliyimana :
D. 168 (Ndindiliyimana) 49
D. 169 (Ndindiliyimana) 69
(Début de l'audience : 13 h 15)
M. LE PRÉSIDENT :
Bon après-midi, Mesdames et Messieurs.
L'audience est ouverte.
Les... La composition des Bancs n'a pas changé.
Monsieur Mac Donald, veuillez poursuivre. Vous avez jusqu'à 16 heures, heure à laquelle nous aurons une pause.
Nous observons 45 minutes de pause à 16 heures. Ensuite, Monsieur Black pourra prendre le relais.
Me MAC DONALD :
Bon matin, Général.
M. DALLAIRE :
Bonjour.
CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
PAR Me MAC DONALD :
Q. Si vous voulez bien, Général Dallaire, je vais revenir sur certains éléments qu'on a brièvement touchés hier, de façon décousue.
Première chose : Il était question de réunions entre vous les Interahamwe. Vous mentionnez que... Vous réitérez votre position à l'effet que la première rencontre, selon vous, a eu lieu le 1er mai 1994.
Il y a certaines personnes qui sont venues témoigner, notamment dans le procès Gouvernement I,
le témoin ALG notamment, qui dit qu'il aurait appris que vous auriez participé à une réunion qui se serait tenue le 10 ou le 11 avril 1994, avec les responsables du MRND et des Interahamwe, à l'Hôtel des Diplomates.
Alors, est-ce que vous... est-ce que vous niez ce fait-là, Général ?
M. DALLAIRE :
R. Je ne me souviens pas de cette réunion. Celle qui s'est tenue à l'Hôtel Diplomates dont je me souviens a eu lieu le 9, je crois, et c'était avec le Président et le chef d'état-major de la Gendarmerie.
Et j'ai eu d'autres réunions à cet endroit. Il y avait notamment le colonel Bagosora. Est-ce que les membres du comité étaient présents ? Je ne m'en souviens pas. Je crois que tout cela s'est fait au quartier général de l'armée.
Q. Peut-être un autre point, avant qu'on ne dépose un document, Général.
Peut-être par souci de clarification, vous avez mentionné, hier, concernant les révélations du colonel Cussac de l'ambassade française… je vous ai fait part de certaines révélations qu'il aurait « fait » au colonel Marchal et subséquemment à vous-même, et évidemment dans lesquelles — révélations —, il fait état d'informations qu'il aurait eues, lui, à l'effet que le FPR avait en « leur » possession, au CND ou ailleurs, à proximité, des missiles de type ground-to-air ; et je vous demandais si vous aviez fait état de... de cette révélation-là dans votre livre.
J'ai personnellement vérifié. Je ne l'ai pas trouvée. Mais à tout événement, vous mentionnez, Général, que vous avez la conviction que cet élément-là, cet élément factuel-là concernant les révélations Cussac était ou faisait partie de votre esquisse initiale ou le draft initial de votre... de votre ouvrage ; et ma question est : Pourquoi, si vous pouvez nous le dire, auriez-vous décidé d'en faire part ou d'en faire état, d'une part, dans votre draft, et de ne pas l'insérer dans l'ouvrage comme tel, un élément aussi important que... que ça ? Si vous pouvez, évidemment.
R. L'éditeur de mon livre a procédé à la compilation du travail que j'ai effectué sur le livre sur trois années. Et il a dit qu'il y avait quelque chose comme 4 000 pages, dont seulement 300 ont été retenues dans le texte final. Il y avait des répétitions et donc, il a fallu procéder à un travail d'édition. C'est ainsi qu'on a... on s'est retrouvés avec un livre qui, autrement, aurait été beaucoup trop long.
Ce qu'on a... qui a été retenu ou qui a été éliminé a fait l'objet de nombreuses réunions et de nombreuses concertations. La décision finale sur la partie à publier relevait de la responsabilité de l'éditeur. C'est dans ce processus que cette information a été éliminée.
Mais je ne savais pas, à l'époque, si cet élément avait été retenu dans le livre — le fait que j'aie rencontré le colonel Cussac et l'agent belge, ces deux personnes avec lesquelles j'ai eu des réunions spéciales, pendant « laquelle » je leur ai demandé de m'aider à recueillir des informations sur ce qui se passait dans cette situation en permanente... en constante mutation.
Au cours de cette réunion, j'ai dit que certaines informations qui, pour moi, étaient importantes — et je suis sûr que j'en ai fait mention dans le livre... Et c'était pendant une de ces réunions que cet élément d'information a été déposé sur la table par Cussac. Il ne m'a... m'en a pas indiqué l'origine, ni même si cette information a été confirmée.
Dans tous les cas, je l'ai communiquée à mon quartier général.
Q. (Début d'intervention inaudible)... document, qui est coté A-25. Il s'agit d'un SITREP du 24 avril 1994 qui... qui émane de vous, et adressé à Kofi Annan.
R. Oui. Je l'ai.
Q. O.K. C'est un document qui traite de… — en anglais, the current assessment of the situation in... (fin de l’intervention en anglais inaudible) — « évaluation de la situation actuelle au Rwanda en
avril 1994. »
Dans un premier temps, Général, est-ce que vous reconnaissez effectivement ce... ce document-là ? Est-ce que ce document-là émane effectivement de vous ?
R. C'est bien ma signature qui figure sur ce document. Il ne s'agit pas d'un rapport sur la situation, mais plutôt une évaluation de la situation, comme je le faisais chaque fois que j'estimais qu'il y avait des informations pertinentes qui avaient besoin d'être communiquées à mes supérieurs hiérarchiques.
Me MAC DONALD :
(Début d'intervention inaudible)... Pour les fins...
Monsieur le Président, à ce stade, étant donné qu'il s'agit d'un document de cinq pages, il se peut que je n'aie pas le temps d'interroger le général Dallaire sur son contenu, mais j'aurais voulu verser ce document en preuve à ce stade. Il s'agit... Ce serait la pièce D. 150... 161.
(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 161)
Q. (Début d'intervention inaudible)... deuxième question, Mon général, en rapport avec ce document-là.
Je comprends que vous ne l'avez certainement pas relu depuis un certain temps, mais vous êtes d'accord avec moi qu'il s'agit essentiellement de la position des parties sur le terrain, en date du 24 avril 1990... 1994 ?
R. Ce document, comme c'est dit clairement, est une... est un rapport sur des réunions et des concertations qui avaient eu lieu pendant les 24 heures écoulées. On avait donné le mandat avec des forces réduites. J'ai consigné, donc, dans ce document, les rencontres que j'ai eues avec les divers belligérants.
Q. (Début d'intervention inaudible)... attirer votre attention sur le paragraphe 14, qui se lit comme suit... en fait, une partie du paragraphe 14, qui se lit comme suit :
« En conclusion, les prochaines 72 heures devraient être marquées par un renforcement de la bataille à Kigali, notamment à l'est du pays. L'armée gouvernementale rwandaise a perdu l'initiative et se concentre sur des batailles locales, tactiques, et semble oublier la portée nationale de cette campagne. Ils envoient des renforts dans Kigali, où le FPR a saisi la plus grande… les plus grandes structures sur le terrain et a mis en place des positions de défense très développées. Déloger le FPR entraînerait de lourdes pertes et briserait les reins de l'armée gouvernementale rwandaise. »
C'est effectivement ce que vous avez écrit dans ce... dans ce document-là, Général Dallaire ?
R. C'est exact.
Q. Maintenant, je vais vous faire part, Général Dallaire, de certains éléments factuels qui ont été répertoriés, notamment par Amnesty International et, dans quelques cas, Human Rights Watch.
Il s'agit essentiellement de massacres qu'aurait commis le FPR sur le sol rwandais, à partir d'avril 94. Et dans l'inventaire de ces massacres-là, je vais vous demander si ces massacres-là avaient été « apportés » ou non à votre connaissance.
Alors, premièrement, si je vous dis que le FPR a exterminé des familles entières dans la ville de Kigali, dès la nuit du 6 au 7 avril, et surtout dans la journée du 7 avril 1994. Les soldats du FPR, commandés par le colonel Kayonga — K-A-Y-O-N-G-A — ont exécuté plusieurs personnes dans la ville de Kigali.
Dans le quartier de Remera, ils ont massacré, systématiquement et de manière organisée, sur une base de listes, plus de 160 personnes ; et j'ai une liste de... de certaines de ces personnes-là, mais laissez-moi vous en nommer quelques-unes : L'ex-Ministre de la justice, Théoneste Mujyanama — M-U-J-Y-A-N-A-M-A — et toute sa famille, le préfet de Ruhengeri, Sylvestre Bariyanga, et toute sa famille, et major Hélène Bugemimana — B-U-G-E-M-I-M-A-N-A — et ses trois enfants.
Est-ce que ces informations-là vous avaient été...
(Coupure, puis rétablissement de la liaison entre Ottawa et Arusha)
On vous a perdu un bout de temps, là, Général. Est-ce que vous avez compris les... la totalité de la question, ou sinon, pouvez-vous nous dire à quel... à quel endroit de la question est-ce que les coupures se sont effectuées ?
R. Il y a eu interruption au moment où vous décriviez les opérations menées par les troupes du FPR, munies d'une liste et effectuant des exécutions de familles.
Q. (Début d'intervention inaudible)... je vous ai donné trois noms d'une liste détaillée que j'ai ici ; avez-vous compris ces noms-là ?
R. Je les ai entendus, mais je n'avais pas de contacts particuliers avec ces personnes. Je crois que vous avez mentionné, parmi ces noms, le Ministre de la justice.
Q. (Début d'intervention inaudible)... Mujyanama ; le préfet de Ruhengeri, qui se trouvait à ce moment-là...
R. (Intervention non interprétée)
Q. ... qui se trouvait à ce moment-là à Kigali, Monsieur Bariyanga, et toute sa famille. Et je vous avais donné le nom d'Hélène Bugemimana et ses trois enfants.
Concernant ces massacres-là, Général, encore une fois effectués par le FPR, le 7 avril, est-ce que vous étiez... avez-vous été informé de ce fait-là ? Et si oui, quand et par qui ?
R. Je ne me rappelle pas tout particulièrement ces noms. Les noms de ces personnes qui ont été tuées ce jour-là, je n'en ai pas gardé la liste, et je ne suis pas sûr que, dans les journaux quotidiens des officiers, de telles listes ont été conservées.
Effectivement, nous entendions que le FPR effectuait... commettait des exactions dans les zones qu'ils contrôlaient. Et finalement, quand j'ai pu rencontrer le général Kagame — je crois que c'était autour du 27 février —, j'ai soulevé le problème avec lui. Il m'a répondu qu'un certain nombre de ses soldats étaient arrivés aux endroits où leurs familles vivaient et les ont trouvées « morts » et assassinées, et donc, ils ont réagi à cette situation, et qu'il avait entrepris de discipliner ses soldats.
Il a cité un cas de viol par un soldat qui a été exécuté. Mais il n'y avait pas de rapport. Nous n'avons pas reçu de rapport sur des cas de... de pillages ou d'autres actions ; certainement pas pendant la première semaine qui a suivi le démarrage des opérations du FPR dans Kigali.
Le Ministère de la défense m'a fourni des informations sur des faits intervenus dans la région de Byumba, dont il était originaire. J'ai abordé cette question également avec le général Kagame.
Puis, par la suite, il y a eu d'autres actions... d'autres exactions qui étaient en violation des règles de guerre.
Q. (Début d'intervention inaudible)... le pays au complet, Général Dallaire. Je commence avec Kigali.
Mais vous semblez dire que cette information-là ne vous avait pas été transmise avant deux semaines après le début des massacres. Alors, pourtant, Remera était le... était dans votre « cour arrière », n'est-ce pas ? Amahoro était située à proximité de Remera, ou dans Remera ; est-ce exact ? Il me semble que vous avez même mentionné avoir brûlé des corps, à un certain moment donné.
Alors, j'ai un peu de difficulté à comprendre, même si, effectivement, l'information d'Amnesty International est correcte et qu'effectivement, au moins 160 personnes ont été massacrées à cet endroit-là, dans votre « cour arrière » — si je peux m'exprimer ainsi ; j'ai un peu de difficulté à comprendre que l'information ne vous soit pas parvenue avant deux semaines.
R. La première chose est que je ne sais plus de quelle époque vous parlez. Parlez-vous des exactions commises par le FPR, deux semaines avant le début du génocide, ou parlons-nous de la période qui a marqué le début du génocide ?
M. LE PRÉSIDENT :
Q. La question est celle-ci, Mon général : À partir du 7, est-ce que le FPR a effectué... a tué des gens à Kigali ?
Me MAC DONALD :
Q. (Début d'intervention inaudible)... à Remera auraient été commises précisément le 7 avril.
R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai reçu des centaines d'appels téléphoniques pendant cette période. Mon personnel était complètement submergé, jusqu'au moment où les liaisons téléphoniques ont été interrompues, et cela n'a pas duré bien longtemps.
C'étaient des personnes qui se disaient attaquées ou pensaient qu'« ils » étaient sur le point d'être attaqués, ou même des personnes qui étaient en train de mourir au bout du fil. Nous n'avons pas eu le temps d'établir la liste du nombre des personnes qui nous avaient contactés.
Une semaine après le début du génocide, l'air était devenu tellement irrespirable au niveau du quartier général qu'il nous a fallu aller ramasser les cadavres dans les rues pour... pour les incinérer. Toute la ville était pour ainsi dire un abattoir. Les gens se faisaient tuer partout. Nous n'avions pas d'informations spécifiques sur certains cas. C'était une situation particulièrement horrible, pendant cette période.
Q. Et parmi ces corps-là que vous avez brûlés... que la MINUAR a brûlés, vous êtes-vous interrogés sur les responsables de ces massacres-là ?
R. Pendant cette période, au départ, nous étions dans la zone d'opération des Forces armées rwandaises, mais lorsque le FPR a saisi ces zones qui étaient sous le contrôle de l'armée gouvernementale rwandaise, non loin de notre quartier général, les exactions qui ont été... qui ont été commises, c'était pendant que cette zone était contrôlée par le FPR.
Nous avons dû investir le stade Amahoro parce que le contingent Bengladesh qui en avait le contrôle laissait le FPR entrer, enlever des gens pour les exécuter dans les forêts, en utilisant des... des critères qui n'étaient pas fondés, à savoir que c'étaient des personnes qui avaient commis... commis des exactions. Donc, ils les enlevaient pour les fusiller.
Q. (Début d'intervention inaudible)... espèce de petit tribunal où ils décidaient de la vie et de la mort des gens.
Relativement à cette question-là, justement, Général, vous... vous admettez... ou vous reconnaissez — ce n'est pas une question d'admettre —, mais vous reconnaissez qu'effectivement, plusieurs personnes ont été enlevées, notamment au stade Amahoro et à l'Hôpital Roi-Fayçal de Kigali, en présence de la MINUAR, pour être exécutées par le FPR ?
Et si oui, pouvez-vous nous donner une approximation de... du nombre de ces personnes-là à chaque endroit ?
R. La réponse à cette question est non. Certaines personnes, au stade Amahoro, ont été enlevées, et mon quartier général en a été immédiatement informé. Et j'avais donné des instructions fermes au commandement du contingent du Bengladesh, de même qu'au contingent FPR qui était au CND.
Et ces tueries ont cessé, mais je n'ai pas connaissance d'incursions qui auraient été effectuées à l'Hôpital Fayçal ou dans l'enceinte contiguë. Je sais qu'on a... Quelquefois, on a, à certains moments, enlevé les médicaments qui étaient à l'hôpital. Et, par la suite, la Croix-Rouge, sur une base humanitaire, a accepté de fournir les médicaments, tant aux combattants qu'aux non combattants.
Q. (Début d'intervention inaudible)... Général Dallaire, les... et l'Hôpital Roi-Fayçal et le stade Amahoro, ces enlèvements-là sont encore une fois confirmés par Amnesty International, dans un rapport du 20 octobre 94, index AE... AFR47/100... 47/16/94, page 4.
Maintenant, Kacyiru.
M. LE PRÉSIDENT :
Un instant, Maître. Le nombre de références que vous avez mentionnées, les interprètes n'ont pas pu le noter.
Me MAC DONALD :
Ce n'est pas très important. « 47/26/94 » (sic), page 4.
Q. Kacyiru, maintenant, Général — K-C-Y-I-R-U (sic).
Nous avons encore une fois des...
M. BÂ :
Maître... Maître Mac Donald ?
Me MAC DONALD :
Oui ?
M. BÂ :
Vous avez une copie du rapport… (fin de l'intervention inaudible) ?
Me MAC DONALD :
Je ne l'ai pas, Maître Bâ. C'est une.. C'est une synthèse qui... qui a été « fait » de ces... ces tueries-là, mais je pourrai vous en fournir une photocopie ; c'est parce que c'est éparpillé. Alors, il y a des endroits… (fin de l'intervention inaudible)
M. BÂ :
Voyez si je peux avoir la copie, pour vous suivre.
Me MAC DONALD :
Non. Parce que c'est une synthèse que... une synthèse que je me suis « fait » moi-même.
M. BÂ :
O.K. D'accord. D'accord.
Me MAC DONALD :
Mais vous pourrez le... le vérifier, Maître Bâ. Il n'y pas de...
Q. Kacyiru, maintenant, Général.
Certaines informations (inaudible) nous indiquent que le FPR a tué également beaucoup de personnes, dont Monsieur Jean Hategekimana — H-A-T-E-G-E-K-I-M-A-N-A —, président du tribunal de première instance de Kigali, et toute sa famille.
Avez-vous eu l'information, à quelque moment que ce soit, Général Dallaire, sur des exactions commises par le FPR, à Kacyiru ?
R. Je ne me souviens pas particulièrement de noms ou d'incidents. Ces informations auraient pu être communiquées par le quartier général à Kigali. Est-ce que cela l'a été ? Je ne peux pas le confirmer, mais nous savions qu'il y avait des exactions qui étaient commises. Mais je n'avais pas d'informations précises dont je peux me souvenir à ce jour.
Q. Concernant les... les exactions qui avaient été commises à Kigali, particulièrement à Kicukiro, est-ce que ces exactions-là ont été rapportées à New York ?
R. Le rapport est... que j'ai envoyé à New York est celui dont je me souviens.
D'abord, de manière générale, le FPR a... a fait preuve de beaucoup de retenue et de discipline quand ils sont entrés dans la ville et en ont pris graduellement le contrôle. Il ne s'agissait pas d'une foule indisciplinée de bandits. Nous n'avons pas observé de cas de viols ou de... ou de pillages, ou même le type d'exaltations (sic) dont je vous donné la description.
Ils se sont comportés comme des militaires ; et les informations que je recevais, en particulier des médias, corroboraient ces informations. Les ONG également ont attiré mon attention sur certaines exactions et, après la guerre, j'ai vérifié ces informations, mais je ne les avais pas reçues au moment des faits.
Q. Selon l'information que j'ai — on est encore dans le... la région de Kicukiro —, il semblerait, Général — et je ne vous en tiens pas... je ne vous tiens pas à ce que... aux informations que j'ai, parce que je n'ai pas de références —, mais il semblerait que vous avez témoigné devant le TPIR et auriez révélé que, à Kicukiro, le FPR avait fait plus de 500 militaires prisonniers, et que tous ces militaires avaient disparu, avec un nombre important de la population civile.
Est-ce que vous vous souvenez de ça ?
R. Absolument pas. Le seul moment où on a fait état de prisonniers faits par le FPR, c'est au moment où nous avons... au moment où nous avons reçu un bataillon qui nous a été livré à l'aéroport, d'où s'étaient retirées pratiquement toutes les forces de l'armée gouvernementale rwandaise. C'était autour du 20 mai. Ces personnes se sont rendues à moi avec leur famille. Nous les avons cantonnées à l'aéroport avec le concours de la Croix... de la Croix-Rouge internationale.
Q. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ma question est très simple. Essayez de coopérer ; il ne me reste plus que deux heures pour vous poser des milliers de questions.
En fait, je pensais me limiter à une vingtaine de... de questions, mais tel que vous me répondez, je vous exhorterais à répondre précisément à mes questions, et non... et d'éviter de vous attarder sur ce que vous avez fait ou ce que vous avez entendu.
L'information dont je dispose indique que quelque 500 militaires de l'armée gouvernementale rwandaise ont été faits prisonniers par le FPR et ont disparu, de même qu'un grand nombre de civils. C'est ce que vous avez affirmé, lors de l'une de vos dépositions devant ce Tribunal. Vous dites que cela n'a pas été le cas, et cela me satisfait. Je n'ai pas le passage précis où vous avez tenu ces propos, et donc, je m'en contente.
R. Monsieur le Président ?
M. LE PRÉSIDENT :
Oui.
R. Monsieur le Président, je voudrais en appeler à votre patience. Dans la réponse que j'ai faite à Maître Mac Donald, j'essayais de lui fournir toutes les informations que j'avais sur cette question.
S'il m'entendait, s'il me laissait parler, il obtiendrait toutes les informations dont je dispose sur cet élément particulier ; et c'était... c'est pour cela que j'ai fait cette réponse.
Me MAC DONALD :
Q. Sur ce point-là, Général Dallaire, toujours dans Kacyikuro... ou Kacukiro (sic) — je m'excuse —, certains témoignages parlent de 4 000 victimes d'ethnie hutue. Et ce qui est intéressant, c'est que ce sont les corps de ces Hutus qui ont été enterrés à Nyanza par le FPR ; et que, pour camoufler ces massacres, le FPR a propagé et inventé, en 1996, l'histoire de massacres sur le mont Nyanza, en date du 11 avril 1994, de 2000 Tutsis réfugiés à l'ETO de Kicukiro.
Et ce mont Nyanza... En fait, pour appuyer ces dires, c'est que ce mont Nyanza ne figurait pas parmi les sites de massacres inventoriés en 1955 par la commission du mémorial du génocide, sous l'égide du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la culture.
Et en fait, Général Dallaire, ce site de massacres — Nyanza — n'avait jamais été évoqué avant l'établissement de l'Acte d'accusation dressé contre Georges Rutaganda — R-U-T-A-G-A-N-D-A — par le Procureur du TPIR, en 1996.
Alors, c'est une zone, encore une fois, qui a été conquise par le FPR — je vous le suggère — dans la nuit du 10 au 11 avril. Est-ce que ce fait-là est venu à votre connaissance — que le FPR avait tué les 2 000 personnes qui se trouvaient à Nyanza, en date du 11 avril, et que, subséquemment, on a tenté de faire passer sur le dos des Forces armées rwandaises ces morts-là, ces décès-là ?
M. BÂ :
Maître Mac Donald ? Est-ce qu'on peut avoir le nom des témoins que vous citez et la date à laquelle ils ont déposé ?
Me MAC DONALD :
Ce n'est... Ce ne sont pas des témoins, Maître Bâ. C'est encore une information, semble-t-il, d'Amnesty International.
M. BÂ :
« Semble-t-il », vous avez dit ?
Me MAC DONALD :
Je peux vous donner une référence, Maître Bâ. C'est un ouvrage qui s'intitule Du génocide à la défaite, éditions Rebero, et qui a comme auteur Ntaribi Kamanzi — K-A-M-A-N-Z-I. Alors, c'est aux éditions Rebero.
M. BÂ :
(Intervention inaudible : Microphone fermé)
Me MAC DONALD :
Kamanzi — K-A-M-A-N-Z-I. Le titre est : Du génocide à la défaite, éditions Rebero, Kigali, page 113.
M. LE PRÉSIDENT :
Vous ne pouvez pas attendre du témoin qu'il réponde à une question qui a duré cinq bonnes minutes.
Me MAC DONALD :
Monsieur le Président, vous ne pouvez pas m'attendre... attendre de moi que j'exploite 45 pages en une heure. Il risque de me donner une réponse de dix minutes, et je me... finalement, je n'aurai que le temps de lui poser une dizaine de questions.
M. LE PRÉSIDENT :
Arrangez-vous pour finir en deux heures et demie.
Me MAC DONALD :
Je souhaiterais que vous me disiez... que vous me disiez comment je dois procéder.
M. LE PRÉSIDENT :
Posez la question de la manière suivante : « À Nyanza, tel nombre de personnes ont été tuées à une certaine date ? »
Me MAC DONALD :
J'ai le passage de ce livre, que je présente au général Dallaire avec tous les détails. Si vous voulez que je reprenne ces questions, je suis prêt à le faire.
Q. Alors, Général Dallaire, est-ce que ce fait-là a été apporté à votre attention — le fait qu'il y ait eu 2 000 personnes, ou approximativement, qui auraient été tuées à Nyanza, en date du 11 avril et que, subséquemment, on ait tenté de faire passer ces meurtres-là sur le dos des Forces armées rwandaises ? Est-ce que ça, ça a été apporté à votre attention ?
R. Je ne me rappelle pas précisément ce site de massacres ; tout comme c'est le cas avec plusieurs autres sites. Ce dont je me souviens, c'est les massacres de (inaudible) Jean-Bosco qui étaient, en fait, une réaction de vengeance.
Q. Justement, (inaudible) Jean-Bosco, et c'est effectivement à l'ETO. C'est l'endroit où il y avait des forces de la MINUAR qui ont quitté, je pense, le 11 avril, et qui étaient... les troupes étant commandées par le capitaine Lemaire. Effectivement, c'est le cas, Général.
Selon l'information que nous avons, l'histoire veut ou la rumeur veut que... qu'il y ait 2 000 personnes, là, qui aient été tuées par notamment les Forces armées rwandaises, alors que ce que je vous soumets, c'est que ces gens-là n'ont pas été tués par les Forces armées rwandaises, mais bien par le FPR.
En fait, pour être plus précis, les gens qui étaient à l'ETO, ces personnes-là n'ont pas été tuées ; ce sont d'autres personnes qui ont été tuées, le 11 avril 94, par le FPR, et subséquemment, en 95 ou 96, on a tenté d'introduire le fait que les gens qui étaient à l'ETO ont été tués par les Forces armées rwandaises. Est-ce que ça, c'est à votre connaissance ?
R. Ce que je sais, c'est que les forces belges qui se trouvaient sur place se sont déplacées de cet endroit sous le contrôle des militaires belges, de l'organisation des militaires belges qui est venue retirer ses compatriotes et a laissé près de 4 000 Rwandais sur place. Et par la suite, il y a eu 2 400 personnes qui ont été tuées. C'est tout ce que je sais de cette opération.
Q. Et d'où vous tenez cette information-là, Général Dallaire ?
R. Le nombre que nous avons... En laissant ces personnes, nous avons pensé qu'il y avait 4 000 personnes qui avaient été tuées. J'ai eu cette information du contingent belge, je crois qu'il s'agissait du siège de... du quartier général du colonel Marchal ; et c'est après l'opération que je me suis rendu compte de la réalité, je ne sais pas combien d'années après. J'ai eu quelques... des informations beaucoup plus précises « de » ce qui s'était passé à cet endroit.
Et lors du 10e anniversaire du génocide, j'ai visité ce site.
Q. Eu égard aux bombardements du FPR, brièvement, mi-avril/juin 94, vous êtes d'accord avec le fait que le FPR a fait des bombardements aveugles dans la ville de Kigali, faisant beaucoup de morts et de blessés parmi les populations civiles, notamment à l'hôpital de Kigali, l'hôpital de Kanombe et l'hôpital de la Croix-Rouge, à Kiyovu. Est-ce que ça, ça a été apporté à votre attention ?
R. J'étais sur place quelques minutes après le bombardement de... sur l'hôpital de Kigali ; et les estimations, lorsque nous avons effectué... indiquaient que ces bombardements venaient des positions détenues par... occupées par le FPR.
Et en fait, l'hôpital se trouvait au milieu des tirs croisés des deux belligérants, et nous avons eu à conduire des négociations. Philippe Gaillard et moi-même avons essayé de... d'arrêter ces tirs, d'arrêter ces bombardements.
Et pour ce qui est de cet hôpital, je ne sais pas exactement quel établissement militaire s'y trouvait, parce que si c'était à l'intérieur des camps... des camps occupés par ces... les deux parties, alors, il y avait des bombardements des deux parties.
Q. N'est-il pas exact que l'hôpital de la Croix-Rouge n'était pas entre les deux ; il était situé plutôt à Kiyovu ? Donc, il ne pouvait pas être dans ce que vous appelez le crossfire.
R. (Intervention non interprétée)
M. BÂ :
Maître... Maître Mac Donald, s'il vous plaît. Vous avez cité trois endroits : L'hôpital de Kigali, l'hôpital de Kanombe, l'hôpital de Kiyovu. Est-ce que vous ne pensez pas que ça va créer une confusion ? Est-ce qu'on peut passer endroit par endroit, site par site, pour que... parce que, finalement, on ne sait plus de quel endroit il parle.
Me MAC DONALD :
Je pense que, oui, le général a été clair sur les trois... les trois endroits.
M. BÂ :
Parce que nous on est en (inaudible) français ; et comme il parle un peu vite, on n'a pas toute la traduction. On a que des bribes, parfois, de conversation.
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Nous avons suivi les réponses sur l'hôpital de Kigali et Kanombe. Le troisième endroit... Oui, cette troisième partie de votre réponse qui parlait de la Croix-Rouge internationale, pouvez-vous la répéter lentement, s'il vous plaît ?
R. Je m'excuse de parler aussi rapidement.
La Croix-Rouge... L'hôpital de la Croix-Rouge internationale se trouve dans une petite zone de vallée où les troupes se trouvaient sur les différentes... de différentes collines. C'était dans une zone qui était régulièrement contestée, et les lignes se sont déplacées. Et lorsqu'il y a eu des bombardements autour et sur l'hôpital, j'ai eu une discussion avec Philippe Gaillard, qui dirigeait la Croix-Rouge sur place, et il a dit qu'il y avait certains belligérants qui ciblaient, qui visaient l'hôpital. Et nous nous sommes efforcés « pour » faire arrêter les hostilités ou les opérations dans cette région, à cause de l'impact de ces bombardements dans le site ou bien dans l'enceinte de l'hôpital.
Me MAC DONALD :
Q. On va passer maintenant à Kibungo et Byumba.
Encore une fois, selon Amnesty International, rapport établi le 20 octobre 94, et intitulé « Rwanda, l'Armée patriotique rwandaise responsable d'homicides et d'enlèvements », il semblerait que, « dans la préfecture de Byumba, les massacres sont d'une telle ampleur que le nombre de personnes tuées est évalué à 470 000 personnes, pour une population de 845 000 ». On ne parle pas d'une douzaine, d'une centaine, un millier ; 470 000 personnes qui ont été tuées par le FPR.
Est-ce que cette information-là a... vous a été relayée de quelque façon que ce soit ?
R. La seule information que j'ai reçue sur la zone Byumba... D'abord, il y a 800 étudiants dans la ville du nord-est... dans cette ville du nord-est, qui était à risque. Et on m'a demandé de voir si je « peux » envoyer des véhicules pour les activités de cette zone, et le bataillon du Ghana n'a pas pu effectuer cette mission.
Deuxièmement, les observateurs m'ont fait savoir qu'ils entendaient... qu'ils apprenaient que le FPR était en train d'effectuer ou... des exécutions ou d'enlever des officiers militaires, ainsi que leurs familles, dans la zone de Byumba. C'est l'information qui m'est parvenue.
Et enfin, lorsque les.. lorsque Byumba a... lorsque le siège de Byumba a commencé, c'est-à-dire dans la nuit du 7 au 8, je crois, mes observateurs m'ont fait savoir qu'il y avait un grand nombre de personnes qui étaient évacuées à travers la route principale... par la route principale.
Ce sont là les seules informations que j'ai obtenues sur cette région de Byumba.
Q. Le fait que le FPR, dans son avancée pour la prise de contrôle du pays... le FPR se prêtait à des exactions. On ne s'entend peut-être pas sur le... le nombre, mais sur le principe, je pense que oui.
Ne trouvez-vous pas ça un peu paradoxal et un peu effronté, de la part du FPR, d'insister dans ses revendications pour un cessez-le-feu que les massacres cessent d'être commis, alors que c'est eux-mêmes qui commettent les massacres ?
Avez-vous, à quelque moment que ce soit, dit à Kagame ou à qui que ce soit : « Écoutez, on a de l'information que ce sont... c'est le FPR qui tue les gens. Alors, vous devriez commencer par cesser les massacres et cesser de faire passer ça sur le dos des Forces armées rwandaises » ?
Est-ce que vous avez eu, à quelque moment que ce soit, une discussion avec Kagame à cet effet-là, ou avec Sendashonga ou Pasteur, ou qui que ce soit ?
R. Je me rappelle avoir eu des discussions avec Kagame, et ainsi que les autorités du RP... du FPR que j'ai rencontrées. Je me rappelle avoir soulevé ce problème. Je leur ai dit que nous recevions des informations sur les exactions qui étaient commises par ses soldats. Et il m'a dit que ses soldats qui étaient dans le maquis avec ses forces se rendaient chez eux pour trouver que leur famille entière avait été massacrée et qu'ils agissaient excessivement et se mettaient à tuer tout ce qui était alentour. Mais il a dit qu'il était en train de chercher à les maîtriser.
Il a également dit que les forces qui suivaient, en fait, étaient des gens qui avaient rejoint les rangs du FPR lorsque la guerre avait commencé et qu'ils n'avaient pas le même niveau de discipline que ces... les personnes qui étaient là avant, mais qu'il essayait de maîtriser la situation.
Pour ce qui est de la communauté internationale, nous avons accueilli l'arrivée des responsables, des chargés des droits de l'homme, et j'ai donné des ordres par écrit et verbalement pour que toute mon... pour que tout mon personnel donne toutes les informations nécessaires liées à la... aux violations... aux violations des droits de l'homme.
Q. (Intervention non interprétée)
R. J'ai eu un certain nombre de discussions avec Kagame. Je pense que cette discussion a eu lieu entre le 21 et 22 avril. Et ces sujets étaient soulevés ; je lui posais... je lui révélais les informations que j'avais reçues.
Et je dirais que le problème le plus important que j'ai eu à résoudre avec lui, c'est le fait que, lorsque nous étions dans la zone sud-ouest, ces forces infiltraient des gens, et j'ai dit que je ne pouvais pas me rendre dans ces endroits où il y avait des infiltrations, pour des raisons de sécurité ; et je ne sais pas exactement ce qui s'est passé dans ces endroits.
Q. Vous avez l'information, Général Dallaire, je suppose, que le FPR a commis des massacres à grande échelle, notamment dans les préfectures de Butare, Gitarama et Kigali-Rural, tant pendant la guerre, c'est-à-dire d'avril à juillet 1994, mais également après sa victoire militaire, où il est allégué par certaines personnes, dont l'ex-Premier Ministre, Twagiramungu, l'ex-Ministre de l'intérieur, c'est Sendashonga, ainsi que Monsieur Musangamfura, ex-directeur du renseignement dans le Gouvernement FPR, ainsi que Human Rights Watch, Amnesty International, spécialement dans son rapport du 23 juin 98.
Alors, dans cette région-là... dans ces régions-là — Butare, Gitarama, Kigali —, plusieurs personnes...
M. LE PRÉSIDENT :
Doucement, doucement, Maître.
Me MAC DONALD :
Q. Plusieurs exactions ou massacres ont été commis par le FPR, encore une fois d'avril à juillet, mais également énormément de massacres — plusieurs milliers de personnes auraient été tuées après la prise de pouvoir du FPR ; est-ce que ça, ça a été apporté à votre connaissance ?
R. Je n'ai jamais eu d'informations sur des massacres perpétrés par le FPR. Les informations que je recevais portaient sur des événements qui étaient portés à notre attention ; par exemple, ceux que je vous ai décrits tout à l'heure.
Du moins... Du mieux que je peux me souvenir, nous n'avons pas reçu d'informations sur des actes, des tueries massives de... du genre dont vous parlez. C'est plus tard, plusieurs années plus tard, après que des enquêtes aient été menées, que des livres « ont » été écrits, que nous avons eu des rapports sur des agissements de ce genre qui avaient lieu à l'époque.
Q. Pendant votre séjour au Rwanda, Général, c'est-à-dire de... disons, d'avril à octobre 94, est-ce qu'on a porté à votre attention le fait que, dans la préfecture de Kigali-Rural, plus de 3 000 personnes avaient été froidement massacrées par les soldats du FPR, dans le centre scolaire de Muhondo — M-U-H-O-N-D-O —, commune de Rushashi — R-U-S-H-A-S-H-I ? Cet élément spécifique-là, est-ce que ça, ça a été apporté à votre connaissance ? Et si oui, quand ?
R. Vous avez bien parlé d'avril à août 1994, c'est-à-dire la zone, la période de guerre et la période qui l'a suivie ?
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, les rapports de guerre qui nous parvenaient… Nous... nous envoyions des rapports sur la situation à New York. Et je me rappelle particulièrement ces endroits, mais je ne me rappelle pas les autres sites où avaient lieu des massacres, surtout des massacres menés par les Interahamwe.
Donc, en fait, vous pouvez toujours évoquer ces événements, mais je ne peux pas vous donner de... d'informations spécifiques sur ces endroits ou sur ces lieux, parce que je ne me rappelle rien.
Q. Essayez de cibler sensiblement des groupes plus spécifiques. Par exemple, ça a été apporté à votre connaissance, Général Dallaire, que le FPR a décapité complètement le clergé catholique, à partir d'avril 94 ?
Et si je peux vous donner un exemple, en date du 21 avril 94, le FPR a massacré, dans le cadre d'une attaque généralisée, les prêtres du diocèse de Byumba. Et là, j'ai une liste de noms, mais qui... je ne vois pas l'utilité de vous la soumettre.
Est-ce que cette information-là — on parle d'un groupe très spécifique : Le clergé, les prêtres, les évêques —, est-ce que ces exactions-là, du 21 avril 94, ont été apportées à votre connaissance ?
R. Je me rappelle un rapport que nous avons reçu sur un endroit qui n'était pas très loin du stade Amahoro et le stade... entre le stade et la route de l'aéroport, et ce rapport faisait état de personnes qui avaient été tuées et certaines de ces personnes étaient d'origine européenne.
Je me rappelle très clairement de la réaction vive qui avait... que ce rapport avait « eu » à Kabgayi, où un évêque... deux évêques, 13... et 13 prêtres avaient été exécutés à Kabgayi, alors qu'ils se trouvaient sous la protection du FPR. Ces éléments nous ont été communiqués et nous les avons également portés à la connaissance de la communauté internationale, mais dans le rapport que nous avons envoyé à New York.
Si je puis ajouter à ce que je viens de dire, Maître, je dirais que, lorsque j'ai parlé de la catastrophe de Kabgayi au... à Kagame, la réaction qu'il a eue, du mieux que je m'en souvienne, c'est que la... l'église catholique rwandaise avait participé aux tueries qui avaient été perpétrées et que les... et que ses forces avaient agi, réagi excessivement en exécutant ces prêtres.
Q. (Début de l'intervention inaudible)... si je comprends bien, il y a des dizaines et des centaines de milliers de personnes qui sont massacrées froidement par des soldats du FPR et Kagame vous explique ça de façon très simpliste, en disant que c'est... c'est un overreaction, c'est un léger débordement. Ce sont certains éléments spécifiques qui ont, pour une raison X, Y, Z… parce que leurs familles ont été tuées.
Alors, c'est toujours... ce n'est jamais dans le cadre d'une attaque systématique par le FPR, si je comprends bien. Ce sont toujours des éléments isolés ; et comme vous le dites vous-même, c'est du overreaction de la part de certains éléments. Est-ce que vous avez « acheté » ces explications-là, vous, de Kagame, Général ?
R. D'abord, si je peux apporter des éclaircissements, je n'ai pas dit... je n'ai jamais été d'accord avec les déclarations de Kagame que… chaque fois que des centaines de personnes étaient massacrées, il me donnait ces explications.
Lorsque je lui en parlais, il y avait des... des points, des éléments spécifiques ; et à part l'exécution de ces prélats à Byumba, il me parlait de personnes locales qui prenaient des décisions à leur niveau.
Et il m'a dit également qu'il y avait des actions disciplinaires qui étaient... des mesures disciplinaires qui étaient prises contre ces personnes.
Et d'une manière générale, les soldats du FPR étaient disciplinés sur la ligne de front, mais l'étaient moins dans les lignes arrière, parce qu'ils n'étaient pas du même niveau. Les... Ceux qui étaient à l'arrière-plan n'étaient pas... n'avaient pas le même degré de discipline que ceux qui étaient sur les premières lignes. Et j'ai expliqué aux médias que les exactions et les massacres de milliers de personnes étaient perpétrés par le... le FPR.
Q. (Début de l'intervention inaudible)... Kagame vous a fourni que vous n'avez pas alerté la communauté internationale, via New York, de ces massacres-là qui étaient commis par le FPR. Est-ce que c'était parce que vous aviez une oreille attentive et que, finalement, vous compreniez la situation, après les explications de Kagame ?
R. Je ne sais pas sous quel angle vous le dites. D'abord, j'ai dit qu'au moins cinq fois, j'ai, dans mon rapport, indiqué qu'il y avait des exactions et que des mesures avaient été prises. Et sur... à partir de ce que je sais et avec les forces limitées que j'avais dans... sur... sur le terrain, si vous vous le rappelez, je n'avais pas reçu de mandat pour déployer ces forces sur le terrain.
Et deuxièmement, les médias « auxquels » j'ai autorisé de... de se rendre sur le terrain, je leur ai demandé d'aller sur le terrain pour voir ce qui se passait, et ils ont pu envoyer des rapports sur ce qui se passait. Je ne me rappelle pas qu'ils « sont » revenus me dire ou me livrer ce genre d'informations, en... en dehors de celles que je... j'ai évoquées.
Donc, si vous faites allusion au fait que j'ai empêché que les informations sur les exactions du R... du FPR soient portées à l'attention de la communauté internationale, alors je dirais non.
Q. Je reviens à votre témoignage en chef, Général, où vous semblez dire... vous semblez affirmer... en fait, vous affirmez de façon catégorique que les Forces armées rwandaises, au moment de leur retraite, auraient systématiquement commis des exactions. Et la question que je vous pose : D'où tenez-vous ces informations-là ?
Et je vous demanderais d'être... alors, si possible, d'être le plus « spécifique » possible. Et pour quelles régions et... Bon, si vous voulez y aller par région, on va y aller par région, mais ça me semble être un point important, Général, qu'il faut... on va prendre le temps de... de le décortiquer. Alors, vous pouvez y aller par région ou répondre de la façon que vous voulez, mais essayez d'être le plus spécifique possible. D'où tenez-vous l'information, quant à cette affirmation ?
R. Vous... Vous me posez une question sur des événements qui se sont passés sur une période de trois mois, et je vais répondre de cette façon : Lorsque l'opération a commencé, avec les forces que j'avais déployées et les informations que nous... qui nous parvenaient de ces forces, des massacres étaient perpétrés par les miliciens, par certains soldats et certains gendarmes, à commencer par la zone du Nord — Ruhengeri, Gisenyi —, où des observateurs avaient été postés et où ils étaient témoins de ces massacres.
Et lorsque nous avons commencé à recevoir ces informations de l'est et de... du sud du pays, jusque dans les zones urbaines, les grandes zones urbaines du pays, dans la zone de l'est du pays, nous avons pu répertorier près de 500 000 Rwandais qui fuyaient vers la Tanzanie, en traversant la frontière entre le Rwanda et la Tanzanie. Ils laissaient derrière eux... — et ce sont là des informations que nous avons reçues des médias et observateurs — derrière eux, on a découvert des sites où il y avait eu des massacres, ou des... des maisons où il y avait eu des massacres, des groupes qui avaient été massacrés.
Ensuite, lorsque la bataille se... s'est dirigée vers l'est et vers l'ouest, et surtout au sud de Kigali, les opérations dans la zone de Byumba ont été également effectuées, et les massacres qui ont été perpétrés ont été signalés également dans la zone de Kigali. Nous avons reçu différents rapports des observateurs de la MINUAR, des médias qui étaient sur le terrain et qui indiquaient qu'il y avait des sites, de... des charniers... des charniers qui étaient découverts dans... découverts dans la ville, où on trouvait des personnes habillées de rose, ainsi que des camions de l'administration qui ramassaient des piles, des piles et des piles de corps, et les jetaient dans des fosses qui avaient été creusées par des bulldozers, à Kigali.
Et lorsque les opérations se sont beaucoup plus concentrées à Kigali, il y avait de moins en moins de personnes dans la ville. Et la plupart des personnes s'enfuyaient, et il n'y avait presque plus personne dans la ville parce que, dans la zone est et dans la zone nord, il n'y avait plus personne.
Ensuite, les opérations sont allées du côté de l'ouest et, une fois de plus, il y a eu deux événements : D'abord, vers la fin du mois d'avril, nous avons reçu des rapports des observateurs postés à Butare, selon lesquels le Premier Ministre du Gouvernement intérimaire s'était rendu à Butare. Et on m'a demandé d'évacuer mes observateurs parce que les tueries et les massacres étaient perpétrés à grande échelle par les éléments de la Garde présidentielle, ainsi que les éléments d'autres forces armées.
Ensuite, lorsque nous nous sommes dirigés vers l'ouest, vers Gitarama, on retrouvait le même... le même scénario. Les rapports faisaient état des... des mêmes « scénario ». Les Forces armées rwandaises se retiraient, poussaient les populations devant « eux » et commettaient des exactions au fur et à mesure qu'ils... qu'elles avançaient, surtout aux différents barrages routiers.
Je me suis rendu dans certaines zones qui se trouvaient sous le contrôle des Forces armées rwandaises qui, ensuite, sont passées dans une zone neutre et sont passées ensuite sous le contrôle de... du FPR, et on nous a fait rapport également de personnes qui étaient massacrées.
Donc, en fait, c'est ce genre d'exercice que... auquel nous nous sommes livrés. Nous avons également reçu des informations de Cyangugu sur des exactions qui étaient menées dans cette préfecture. Des... Les ONG nous ont également fait part de ces informations, de même que les ONG (sic) et les médias.
En fait, il s'agissait d'une opération continue jusqu'à ce que les Français arrivent et que les Forces armées rwandaises se retirent à travers les lignes de front des forces françaises. Ils sont allés, donc, à travers... vers la région de Goma et, plus tard, se sont rendus au Zaïre.
Donc, en fait, c'est des informations de ce genre que j'ai reçues, mais si vous me demandez de donner des informations plus précises, alors j'ai peur de ne pas pouvoir vous satisfaire parce que je n'ai pas de données beaucoup plus précises.
Q. Maintenant, ces rapports-là, Général, est-ce qu'il s'agissait de rapports écrits ? Avez-vous des rapports écrits indiquant que les Forces armées rwandaises commettent des exactions, par exemple, de vos observateurs militaires ?
R. Concernant le FPR...
M. BÂ :
Excusez-moi, Général.
Est-ce que la question a été bien traduite ? Est-ce que la cabine vous a bien saisi ?
Me MAC DONALD :
Je vais répéter la question.
M. BÂ :
Voilà. Merci bien.
Me MAC DONALD :
Q. Alors, Général Dallaire, eu égard à votre témoignage en chef, lorsque vous dites que vous avez l'information à l'effet que les Forces armées rwandaises, dans le processus de retraite, commettaient des exactions, ceci est formellement contredit — nous le démontrerons en défense —, mais vous persistez, vous maintenez que vous aviez l'information à l'effet contraire, à savoir qu'effectivement, les Forces armées rwandaises commettaient des exactions.
Et la question que je vous pose : Avez-vous... Aviez-vous des rapports écrits de vos observateurs à cet effet-là ?
R. Les informations qui me parvenaient provenaient surtout des centres opérationnels, au quotidien, avec des rapports sur la situation. Bon nombre de ces rapports étaient répercutés à New York, je n'en connaissais pas nécessairement le contenu.
Je voudrais par ailleurs souligner que les tueries étaient commises par des miliciens qui s'identifiaient comme étant des Interahamwe. C'est ainsi qu'ils se présentaient aux observateurs, aux populations et aux médias. Et l'armée semblait fermer les yeux sur ces exactions.
Je ne prétends pas que l'armée était complice, car quand j'ai soulevé ce problème avec le général Bizimungu et, je crois, avec le général Ndindiliyimana et le colonel Bagosora, on m'a répondu qu'il s'agissait de militaires indisciplinés, des déserteurs ou, tout simplement, des gens qui avaient... des civils habillés en tenue militaire. Il y avait beaucoup de gens qui circulaient avec le haut de l'uniforme, le bas, ou alors même des bottes militaires.
Q. (Début d'intervention inaudible)... document D. 12, qu'on va vous remettre, qui est un document... an outgoing cable daté du 15 avril 94, qui émane de vous, à Kofi Annan.
R. J'y suis.
Q. O.K. Alors, la raison pour laquelle je vous expose ce document, Général, c'est parce qu'on a... en fait, moi, j'ai un peu de difficulté à comprendre comment vous pouvez recevoir systématiquement des rapports de... d'observateurs, et compte tenu des informations que vous alléguez au paragraphe 11, où vous dites : « La MINUAR a perdu ses alliés hors de Kigali avec le retrait des forces des Nations Unies, le retrait de la zone démilitarisée et l'envoi des troupes pour assurer des services de patrouille dans la ville de Kigali. »
(Début d'intervention inaudible)... ce document-là, du 15 avril 94, ce câble-là, que plusieurs observateurs militaires refluaient sur Kigali à ce moment-là ; est-ce que c'est ce qu'on doit comprendre de ce câble-là, Général — paragraphe 11 ?
R. Ce que ce câble dit, c'est qu'un certain nombre d'observateurs, lorsque les hostilités ont commencé, se sont retirés et se sont rendus dans les pays voisins. J'en ai donc perdu le contrôle. D'autres ont été obligés de se retirer par les forces de l'armée gouvernementale qui se trouvaient sur les lieux.
Et enfin, certains d'entre eux ont pu se reconcentrer à Kigali, pendant que nous essayions de reprendre le contrôle des troupes qui étaient partout à travers le pays.
Mais le gros de mes troupes se trouvait à Kigali, et l'information que je recevais portait sur certains éléments qui étaient encore mobiles. Et j'ai dû créer un groupe qui était un peu comme la cinquième colonne, qui était mobile et qui essayait de recueillir le maximum d'informations.
J'ai laissé mon quartier général tout un moment au groupe des ONG et à la communauté internationale pour nous fournir des informations et.... et pour nous permettre le maximum de coordination.
Donc, ces informations nous provenaient de ces groupes. C'étaient des personnes qui, pendant cette période, étaient payées par nous-mêmes pour nous permettre... pour nous aider à évacuer quelques 700... 700 personnes qui avaient été abandonnées sur le terrain.
En tant que commandant — et ceci, vous avez raison de le souligner —, je n'avais pas un service de... de renseignements efficace. Je pense ici à des atouts tels que des photographies par satellite ou des services électroniques, qui me permettraient de recueillir des informations.
Me MAC DONALD :
Monsieur le Président, je voudrais verser cette pièce aux débats.
M. LE PRÉSIDENT :
Ce serait la pièce D. 162. Il s'agit du rapport sur la situation en date du 15 avril 1994, un câble envoyé du quartier général.
(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 162)
Me MAC DONALD :
Q. De façon générale, c'est la (portion inaudible), avez-vous eu des rapports, avez-vous été informé, à quelque moment que ce soit, du fait que, par exemple, le FPR utilisait des véhicules de l'ONU, et qu'effectivement, le général Bizimungu aurait attiré votre attention là-dessus ? Est-ce que vous vous souvenez de ça — que les Forces armées rwandaises avaient, eux, l'information que le FPR...
R. Absolument.
Q. O.K. Avez-vous également, Général, été informé du fait que certains... certains cadavres, soldats du FPR... sur certains de ces cadavres-là, on avait trouvé des pièces d'identité de certains éléments de la MINUAR ; est-ce que ça, ça a été apporté à votre connaissance ?
R. Il y a eu un incident qui m'a été rapporté, selon lequel une... qu'on avait trouvé une carte de la MINUAR, et c'était à la base de la MINUAR, à Byumba. Nous avons recueilli ces cartes d'identité et... et nous les avons vérifiées. Donc, c'étaient des cartes qui avaient été distribuées, mais dont les titulaires étaient encore vivants. Ces cartes avaient été simplement oubliées.
Mais je ne me souviens pas particulièrement de situations où des éléments du FPR auraient été surpris avec des cartes d'identité de la MINUAR. Ils ont saisi certains de nos véhicules. Dans certains cas, c'était facile parce que mon personnel avait tout simplement abandonné les véhicules sur les lieux et ne les avait pas immobilisés. Ils utilisaient les véhicules qui avaient été laissés sur place, et les utilisaient pour progresser.
Q. Vous avez absolument raison, si je me fie « sur » le document C. 23. On pourrait peut-être vous le présenter, Général Dallaire — je n’avais pas l’intention de le déposer, mais je vais le déposer.
Effectivement, du 25 avril 1994, et j’ai mentionné la cote C. 23.
On parle de... En fait, c’est une lettre qui émane de vous où vous écrivez au Premier Ministre le 25 avril 1994, et vous faites état justement « de » neuf cartes d’identité MINUAR avec des photocopies auraient été trouvées sur les cadavres. Vous dites ce message : « (Inaudible)... sans aucune preuve formelle, l’implication de la MINUAR dans le conflit actuel. »
Et par la suite, troisième paragraphe, vous expliquez... — du moins l’explication que vous donnez effectivement est celle-là — vous dites que ce sont des cartes qui auraient été subtilisées après le déménagement du bataillon ghanéen de la DMZ vers Kigali.
Je voudrais verser cette pièce aux débats, Monsieur le Président, le document C. 23.
M. LE PRÉSIDENT :
Vous voulez le verser en preuve ? Que ce document soit versé en preuve sous la cote D. 163. Il s’agit d’une lettre adressée au Premier Ministre par le général Dallaire.
(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 163)
Me MAC DONALD :
Je vous remercie.
Q. (Début d’intervention inaudible)... Général, certaines personnes ont allégué que vous entreteniez, d’avril à juillet 94, une grande complicité avec Kagame. Et j’aimerais porter à votre connaissance l’incident du 2 avril. Je pense que vous en avez parlé « en chef ».
Alors, 2 avril 1994, où vous rencontrez, vous, Kagame à Mulindi. Et Kagame vous informe à ce moment-là que — pour résumer la situation, mais cela se retrouve aux pages 218-219 de votre livre —, Kagame vous informe que : « Nous étions à la veille d’un cataclysme, qu’une fois enclenché, aucun moyen ne permettrait de le contrôler. »
Vous vous souvenez je suppose très bien, Général, de cette rencontre-là avec Kagame ?
R. Oui. Je m’en souviens.
Q. Je comprends que vous n’avez pas eu à noter quoi que ce soit de ce que Kagame vous a dit. C’est resté... C’est resté en mémoire ?
R. Je ne pense pas que j’étais accompagné de mon secrétaire particulier militaire à cette occasion.
Q. Maintenant, Général, connaissant la suite dramatique des événements quatre jours plus tard, et pour reprendre certains... certains vocabulaires de votre livre, cette annonce-là, faite par Kagame, vous dites dans votre livre, « sous » un visage sombre, à voix grave ; n’est-il pas exact qu’on pourrait s’attendre à ce genre d’échange uniquement d’un confident à un autre confident ?
En fait, la question, si je peux peut-être la simplifier, Général Dallaire : Vous écrivez... vous décrivez dans votre ouvrage ces révélations-là de la part de Kagame qui vous dit... (inaudible) : « On est à la veille d’un cataclysme. » Quatre jours plus tard, on connaît la suite des événements.
Pourquoi Kagame vous aurait-il dit ça, s’il n’était pas votre confident, votre ami ? Je le dis, je le dis de façon un peu détachée, mais comment pouvez-vous expliquer que Kagame vous fasse ces observations-là, vous qui êtes un arbitre neutre chargé de l’application des Accords d’Arusha ?
R. D’accord, pour dire ce qu’il avait clairement à l’esprit, c’est qu’il était sous pression sur le plan politique. Il y avait également le fait qu’à un certain nombre d’occasions, il avait évoqué avec moi les difficultés qu’il avait à nourrir et à approvisionner ses troupes parce que les dates initialement arrêtées pour la mise en place du Gouvernement avaient été repoussées. Et ensuite, nous avons eu plusieurs réunions aux bons soins... conjointes avec le comité militaire et il s’agissait d’un commandant qui s’adressait à un commandant de troupe et il parlait de la difficulté de la situation qui frisait la catastrophe. Et cette transparence, de sa part, illustrait à quel point la situation était critique.
Et c’est l’information que j’ai répercutée à Kigali et à New York. Je crois que c’était une attitude tout à fait professionnelle par opposition à quelqu’un qui chercherait à cacher l’information. Du côté du Gouvernement, je dois dire, et ce faisant j’essaie de puiser dans mes souvenirs, que ce soit au contact du Ministre de la défense ou avec les généraux, la préoccupation majeure qu’ils avaient était que l’impasse politique risquait d’exploser, donnant lieu à une situation intenable, en particulier à Kigali, pour eux-mêmes et pour la population.
Q. (Début d’intervention inaudible)... compte tenu de la gravité des propos tenus par Kagame à votre égard, on se serait justement attendu que vous relayiez cette information-là à vos supérieurs à New York.
Et je vous suggère, je vous soumets, Général Dallaire, que ça n’est que dans le câble du 17 avril, câble qui est déposé... qui va être déposé sous la cote A. 24, à la page 3, ce n’est que dans ce câble-là que vous faites état, vous, de ces échanges-là ou des propos de Kagame, lorsque vous mentionnez dans le câble que la rétrospective — et là, on est rendus au 17 avril —, en rétrospective, les confidences de Kagame étaient plutôt profondes.
Et, encore une fois, on se serait attendu à ce que vous transmettiez cette information-là, cette... les informations, les propos de Kagame portant sur « le cataclysme », on se serait attendu à ce que vous envoyiez un message à New York avant le 17 avril. Avez-vous des commentaires à formuler ?
R. Ma réponse est la suivante : Nous avions répercuté à New York le rapport en date du 13 mars, du moins le premier rapport, et dans ce rapport, nous expliquions très clairement, sous la signature de Booh-Booh, la gravité extrême de la situation, l’impasse et le fait que la situation était sur le point de se rompre et que le processus de paix d’Arusha était menacé.
Ce rapport, même si certains de ses passages... dans certains des passages, je me suis exprimé en termes plus fermes que d’autres. J’ai traité de certains appels téléphoniques que j’ai faits à New York car le Conseil de sécurité, à une certaine date, avait fait sien le contenu de notre rapport et avait fixé des limites extrêmes aux opérations de la Mission et disait que si dans les six semaines, nous n’avions pas une solution politique, la Mission perdrait sa raison d’être en raison d’une rupture de communication avec les parties belligérantes. Cette information a été communiquée et avait donné lieu à des réactions.
Les forces belligérantes avaient, elles, préparé leurs positions de défense comme, par exemple, la... les militaires qui défendaient la Présidence, de même que les paracommandos à Kanombe et dans d’autres parties de Kigali. Nous avons également fait état d’incursions et de positions de lancement qui pourraient être utilisées par l’armée de l’air qui essayait de pénétrer dans la zone démilitarisée ou dans d’autres zones pour essayer d’encercler Byumba.
Tous ces points, encore une fois, ont été communiqués au plus haut de la hiérarchie où des décisions ont été prises. Pourquoi ont-ils pris ces décisions qui, finalement, étaient incompatibles avec les efforts de paix ? Nous ne le savons pas. Nous étions plutôt surpris.
Nous n’étions pas surpris que l’on nous ait réprimandés. En revanche, ce que nous ne comprenions pas, c’est pourquoi ces actions, ces décisions ont été prises.
Q. (Début d’intervention inaudible)... avec tout le respect que je vous dois, mais ce que je vous soumets, moi, c’est que Kagame vous fait des révélations monstrueuses. Kagame vous parle, le 2 avril, d’un « cataclysme », et vous prenez ça suffisamment au sérieux pour en faire état dans votre ouvrage aux pages que j’ai mentionnées, 218... (inaudible).
Ce que je vous soumets, c’est que vous prenez cette information-là et vous la gardez pour vous. Et ce n’est que le 17 avril, dans un câble écrit, que vous dites à New York : « En rétrospective, les confidences que Kagame m’avaient faites étaient plutôt profondes. »
Et j’attire votre attention, Général Dallaire, sur la pièce 238, cartable 238.
M. LE PRÉSIDENT :
Voulez-vous verser en preuve l’autre document ?
Me MAC DONALD :
Non. Il y est déjà. Il s’agit de la pièce P. 118.
M. LE PRÉSIDENT :
All right.
Me MAC DONALD :
Monsieur le Président, il s’agit des derniers documents que nous avons reçus, donc ils ne l’ont pas de l’autre côté. Il s’agit d’un seul paragraphe dont je donnerai lecture au général Dallaire.
M. BÂ :
Quel document dites-vous, Maître ?
Me MAC DONALD :
« 38 », à la page 4. Donc, c’est un... C’est un fax qui est envoyé par Booh-Booh à Kofi Annan, le 3 avril, donc la journée suivante de votre rencontre, et tout ce que Booh-Booh trouve à dire à Annan est au paragraphe 4. Et il dit ceci : « Le commandant s’est rendu à Mulindi où il a rencontré le major Kagame. Diverses questions ont été examinées. »
Q. (Inaudible)... comme rapport. Est-ce que je dois comprendre de ce rapport-là... — oui, encore une fois, Général Dallaire, cela n’émane pas de vous, ça émane de Booh-Booh — est-ce que je dois comprendre que vous n’avez pas discuté de ces confidences-là qu’a pu vous faire Kagame le 2 avril à Booh-Booh ?
R. Je ne me rappelle pas une discussion que j’aurais eue avec Booh-Booh le 3, ni même le 2 à mon retour. Je me rappelle que début mars, Kagame avait préalablement indiqué que ses forces faisaient preuve d’impatience et que la situation devenait explosive ; et l’information a été transmise en haut lieu.
Cet état de choses, en fait, ce que nous disait Kagame pendant cette période, tous ces commentaires venaient de diverses sources, y compris les sources politiques, de même que « les » observateurs civils. Je ne me souviens pas avoir spécifiquement eu une discussion avec Monsieur Booh-Booh le 2 ou même le 3 sur ce point précis.
Me MAC DONALD :
Je voudrais verser cette pièce aux débats, le document 38 du 3 avril 1994.
M. LE PRÉSIDENT :
Ce sera la pièce D. 164.
(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 164)
Me MAC DONALD :
Q. Lorsque Kagame fait état de ce cataclysme, n’est-il pas exact, Général Dallaire, que vous saviez à ce moment-là que les jours du Président Habyarimana étaient comptés ? Et qu’à titre d’illustration… c’est la raison pour laquelle, justement, le 4 avril, par un hasard extraordinaire, vous demandez à Bagosora l’identité du dauphin du Président ; alors, deux jours après ces confidences-là que vous a faites Kagame…
M. LE PRÉSIDENT :
Vous n’avez pas terminé votre question ; en tout cas, l’interprète n’a pas suivi.
Me MAC DONALD :
Q. Êtes-vous toujours là, Général Dallaire ?
R. Oui. Je n’ai pas suivi votre question, Maître.
M. LE PRÉSIDENT :
Peut-il nous suivre ?
Me MAC DONALD :
On me dit qu’il y a eu des problèmes à comprendre la question.
M. LE PRÉSIDENT :
Il faut déjà nous assurer que nous sommes suivis à Ottawa. Pouvez-vous nous suivre ?
R. Oui. Je n’ai pas de problème. J’ai eu tout simplement des problèmes à comprendre la question.
Me MAC DONALD :
O.K. Je vais vous reposer la question, Général Dallaire.
Q. N’est-il pas exact, en rapport avec les confidences que vous a faites Kagame, compte tenu de son état d’esprit, à Kagame, le 2 avril, lorsqu’il vous parle de ce cataclysme-là, n’est-il pas exact que vous saviez, dès lors, que les jours du Président Habyarimana étaient comptés ? Et à titre d’illustration, je vous soumets justement ce que vous avez... ce sur quoi vous avez témoigné en chef, à savoir que le 4 avril, vous-même, par un hasard extraordinaire, vous demandez à Bagosora l’identité du dauphin d’Habyarimana.
R. D’abord, l’information que Kagame m’a donnée...
Q. Je m’excuse, Général.
R. ... s’inspirait de la situation politique et de l’impact que cette situation avait sur ses troupes et qu’en tant que tel, il ne s’agissait pas...
Q. Je n’ai pas suivi le début de votre intervention, Général.
M. LE PRÉSIDENT :
Alors vous pouvez reprendre votre réponse, Monsieur le Témoin ?
R. Comme je l’ai dit, l’information que Kagame m’a communiquée ce soir (sic) était conforme avec l’information qu’il m’avait donnée sur les frustrations continuelles et les pressions que... l’impact que cela avait sur ses troupes, comment il passait à une phase, une phase différente de stress en raison du fait que les décisions sur le parti du CDR et les décisions qui étaient en constante mutation… Donc, en fait, cela était en droite ligne avec ses informations.
Deuxièmement, ce que j’ai dit sur les remarques de Kagame, c’était que quelque chose devait arriver. Mais il n’était pas indiqué spécifiquement que cela devait se passer du côté du FPR ou du côté des FAR. Les deux parties se préparaient à la guerre, les deux parties étaient en fait sous une pression intense, une pression politique et… pression militaire. Donc, n’importe quelle partie pouvait mener des opérations pour que les négociations ou les Accords ne soient pas appliqués.
Pour ce qui est de la remarque que j’ai faite au colonel Bagosora concernant le dauphin du Président, en fait, c’était une remarque tout à fait innocente parce que, dans toutes les structures politiques, les leaders, très souvent, ont — surtout dans les contextes dictatoriaux —, les leaders ont toujours quelqu’un qu’ils préparent, ou bien qu’ils sont en train de former pour leur succéder. Et comme je n’en avais pas entendu parler au Rwanda, je demandais tout simplement au chef de cabinet du Ministère de la défense si ce n’était pas le cas au Rwanda.
Alors, j’ai l’impression que vous avez vite fait d’aboutir à une conclusion et je dirais que c’est tout simplement une invention que vous faites et cela n’est en aucune façon lié aux événements qui se sont déroulés.
Me MAC DONALD :
Q. (Début d’intervention inaudible)... Dallaire, sur, justement, l’identité du dauphin d’Habyarimana ; avant le 2 ou avant le 4 avril 1994, en aviez-vous déjà discuté avec qui que ce soit, et si oui, avec qui ?
R. Non. Nous ne nous étions pas rencontrés avant. Et la relation, la discussion que j’ai eue avec le chef de cabinet... (inaudible) lorsque nous parlions de la répartition des postes ministériels dans le Gouvernement de transition à base élargie, j’ai posé juste la question et puis je me suis demandé pourquoi on n’a pas inclus la notion d’amnistie dans les Accords de paix, parce qu’il y avait ce risque que le Président Habyarimana soit emprisonné après l’établissement... l’installation du Gouvernement de transition à base élargie. Et j’ai discuté avec le chef d’état-major de la Gendarmerie, le Ministre de l’intérieur, et je me suis demandé s’il y avait un système qui permettait de maîtriser le système judiciaire. Et, en fait, je n’ai jamais abordé cette question.
Q. Et ce que vous dites, c’est que Bagosora a — pour utiliser votre expression — réagi de façon très violente à cette question-là.
Et je vous suggère que la raison pour laquelle — évidemment, on n’est pas... on ne peut que spéculer sur l’interprétation que Bagosora a faite de cette question-là —, mais vous serez d’accord avec moi que le type de réaction qu’il a manifestée indiquait clairement qu’il interprétait cela, lui, comme une suggestion de votre part à l’effet que le Président Habyarimana était « pour » mourir, assassiné ou autrement ; ne croyez-vous pas ?
R. Je le penserais également, si ce monsieur avait quelque chose à cacher, ou peut-être que j’étais à deux doigts de mettre la main... le doigt sur le problème. J’ai posé une question simple, j’ai tout simplement demandé si dans cette pseudo-démocratie, le Président était en train de préparer quelqu’un pour lui succéder et je m’attendais à ce qu’on me dise « oui » ou « non » ou, alors, que c’est tel ou tel, puisque ce monsieur suivait la situation de près. Donc, le fait que ce monsieur ait réagi de façon aussi brutale indiquait peut-être qu’il y avait un problème dont je n’étais pas conscient.
J’ai fait cette remarque... En fait, si quelqu’un qui est proche, qui est conscient d’une situation catastrophique au Rwanda réagit aussi violemment à ce genre de remarque, on se demande s’il n’y avait pas ce problème. Donc, il y avait des commentaires qui étaient faits à gauche et à droite et certaines personnes disaient que le Président Habyarimana n’était pas assez rigide pour l’application des Accords de paix. Et, en fait, je cherchais à savoir ce qui se passait.
Et si j’avais quelque chose à cacher, pensez-vous que je l’aurais mentionné dans mon livre ?
Q. Je pense que n’importe qui pourrait... qui a lu ou va lire votre livre, Général Dallaire, ne peut pas en arriver à une conclusion autre que… du fait que vous êtes carrément partial à l’égard du FPR. Je pense qu’on ne peut pas faire... Connaissant la suite des événements, et notamment je vous ai donné des illustrations par rapport au niveau… évidemment, par exemple, de Gatabazi, la lettre du 3 décembre, la lettre du 12 avril, bon, des choses qui ont été répertoriées, inventoriées aujourd’hui, pour lesquelles il existe une certaine preuve, à l’effet que certains … allégués dans votre livre sont faux.
Je pense que le lecteur, le lecteur neutre, objectif, ne peut pas faire autrement que d’en arriver à la conclusion que vous supportiez le FPR, en lisant votre livre. Du moins, c’était carrément mon impression, Général Dallaire.
R. Pour ce qui est de la première question, je ne suis pas sûr que vous êtes neutre lorsque vous lisez mon livre !
Q. You might have a point there !
M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)... ne faites pas de commentaires, posez votre question.
Me MAC DONALD :
O.K.
Q. En date, Général, en date du, disons, du 4 avril 94, connaissiez-vous les plans ainsi que la stratégie de Kagame, en totalité ou partiellement ?
R. Pouvez-vous confirmer que vous parlez de la stratégie ou des objectifs ?
Q. (Début d’intervention inaudible)... en date du 4 avril 1994, est-ce que vous connaissiez les plans ainsi que la stratégie de Kagame en tout ou en partie ? On s’entend : La stratégie sur le terrain.
R. La connaissance que j’avais en tant que commandant observant la situation empirer, la connaissance que j’avais est la suivante : Il aurait été irresponsable pour les deux parties de ne pas avoir des plans, des plans d’urgence. Je considérerais cela comme hautement irresponsable de la part des autorités. Donc, je pense que le major Kagame avait des plans, des plans de rechange, et je pense que les forces gouvernementales, puisqu’elles avaient du matériel lourd et renforçaient leur défense sur Kigali, avaient également envisagé la possibilité d’une reprise des conflits. C’est ce qui s’était passé avant et la même chose pouvait se reproduire pour une troisième fois.
Dans ce contexte, le FPR, de manière historique, a toujours été une force offensive, c’est-à-dire qu’il n’attendait pas toujours que la situation... il n’attendait toujours pas « à » être attaqué. Ils ont toujours pu « lancer » ou contre-attaquer.
Alors je pense que le FPR… — je me mettrais à leur place — et lorsque je regarde également du côté des forces gouvernementales, comme je l’ai fait pour le FPR, je me demanderais : Quel concept, quelle théorie de défense pourrais-je mettre en pratique ? Si j’étais le chef d’état-major des Forces armées rwandaises, je mettrais en place un plan, j’examinerais la situation. Et peut-être que j’en ai parlé avec certains officiers supérieurs, mais je ne suis pas allé plus loin que cela.
Q. Je pense que Maître Segatwa vous a cité un passage de votre ouvrage, à la page 413 — je peux me tromper, ou... — il me semble qu’il vous a... il a attiré votre attention sur la phrase suivante, où vous auriez dit à Kagame — et je vais citer « de » votre livre, page 413 : « J’ai demandé à Kagame pourquoi il ne sautait pas directement à la gorge de ses ennemis à Kigali. » Alors, j’ai un peu de difficulté à comprendre ou à déceler quelque neutralité que ce soit de votre part dans ces commentaires-là. Est-ce qu’effectivement vous avez dit ça, posé cette question-là à Kagame : Pourquoi il ne sautait pas directement à la gorge de ses ennemis ?
M. BÂ :
Est-ce que vous pouvez préciser qu’on n’est plus au 4 avril ?
Me MAC DONALD :
On n’est plus au 4 avril.
M. BÂ :
Parce que vous étiez au 4 avril, vous citez cette phrase. Précisez au moins qu’on est à une autre... à une date ultérieure.
Me MAC DONALD :
Q. Alors, avez-vous effectivement tenu de tels propos avec Kagame, lui avez-vous fait cette suggestion-là ou posé cette question-là ?
R. À mesure que le conflit progressait, au fil des semaines, j’avais... j’ai eu avec Kagame, et même avec le général Bizimungu, des périodes où nous examinions la situation pour que je puisse comprendre la situation, savoir à quoi m’attendre, particulièrement ce qui se passait concernant la poursuite du conflit et l’impact que ce conflit avait sur les réfugiés, les personnes déplacées sur le plan interne — comment est-ce que je pouvais travailler avec les ONG, faire parvenir l’aide humanitaire dans le pays. Et il m’appartenait donc de savoir si mes forces étaient exposées, savoir ce qu’il se passait et comment elles pouvaient se déplacer dans le pays. Et c’est pour cela que j’ai eu des discussions avec les deux parties. Et je me rappelle clairement qu’avec les deux parties, j’ai déroulé mon plan et je leur demandais ce qui allait se passer. Et l’une des questions que j’ai posées, celle que vous m’avez rappelée, c’est de demander à Kagame pourquoi il prenait autant de temps pour s’emparer de Kigali. Et vers le 24 avril… cela s’est passé le 24 avril, ce qui indique qu’en fait, le FPR était sur le point de s’emparer de Kigali. Alors, je me demandais pourquoi il prenait tout ce temps, pourquoi il retardait ces opérations. Ce qui nous créait des problèmes, parce que nous avions des problèmes, et si les hostilités ne cessaient pas, nous aurions des problèmes à faire parvenir, à déployer l’aide humanitaire.
Et je me rappelle que lorsque j’ai eu des discussions avec le général Bizimungu, j’ai demandé quelle était la situation de la défense, et les réfugiés et les personnes déplacées qui étaient derrière leur force. Je lui ai demandé pourquoi est-ce qu’il ne pouvait pas me donner les moyens afin que nous puissions nous occuper de ces personnes.
Q. A-t-il accepté ?
R. Non, il ne l’a pas accepté. Il n’a pas accepté ma proposition. Et si je peux vous donner d’autres informations : Le général Bizimungu s’est avéré un commandant inefficace dans la zone de Ruhengeri ; et lorsqu’il a pris la tête de l’armée et qu’il était responsable de l’aspect opérationnel de la guerre, alors, il n’avait pas les compétences et les moyens pour assumer ses responsabilités. Et c’est dans ce contexte que j’ai eu, donc, cette discussion avec lui.
Q. Je suis heureux qu’il ne soit pas présent !
Je dois procéder de façon un peu décousue, Général.
Je reviens, si vous le voulez bien, sur les... Vous avez fait état, ce matin, des évêques, l’assassinat des évêques de Kabgayi.
Dans votre ouvrage, à la page 506, vous mentionnez avoir, le 2 juin 1994, avoir reçu le message de Kofi Annan qui demandait à la MINUAR d’accorder une protection supplémentaire « de » Kabgayi, et que cette demande-là était conséquente à l’intervention du pape lui-même, Jean Paul II. Et vous reconnaissez également que, dans cette région-là, plus de 30 000 personnes s’y trouvaient, ainsi qu’évidemment un certain nombre de prélats et de prêtres. Est-ce exact ?
R. Je ne me rappelle pas ce mémorandum. Peut-être, si vous me le présentez, il pourrait susciter des souvenirs. Je sais que j’ai écrit quelque chose sur le pape et même sur l’église catholique ; et il était le doyen du corps diplomatique. Mais je ne me rappelle pas exactement le passage que vous avez évoqué. Aidez-moi à me le rappeler.
Et ce que je me rappelle cependant clairement, c’est que Kabgayi était un centre où se retrouvaient de nombreuses personnes déplacées, parce que Philippe Gaillard de la Croix-Rouge internationale a mis ces personnes sous la protection de la Croix-Rouge et il acheminait de la nourriture et des équipements.
Et plus tard, au cours de la discussion du concept, de la théorie des opérations que j’avais pour la MINUAR 2, c’est l’un des exemples que j’ai utilisés pour ce qui est de l’établissement de sites sécurisés ou de zones sécurisées où la... pour que la communauté internationale puisse soutenir ce concept.
Ce sont donc là des exemples où je me suis dit : On pouvait protéger des personnes plutôt que de le faire dans toute la région…
Q. Je me réfère à votre livre à la page 506, et vous dites : « Le 2 juin, j’ai reçu un message de Kofi Annan qui me demandait d’accorder une protection supplémentaire dans un lieu nommé Kabgayi. » Et vous continuez en mentionnant qu’il y a 30 000 personnes, qu’il y avait des prélats, des prêtres ; et vous mentionnez également que l’endroit était encerclé par le FPR et : « Annan me signala que le pape en personne avait réclamé une protection supplémentaire pour ces gens-là. » C’est ce que vous dites dans votre livre à la page 506.
R. Un instant, s’il vous plaît, que je retrouve la page.
Bien, j’y suis.
Q. O.K. Je vous soumets, Général Dallaire, que la conquête effective de la région de Kabgayi par le FPR a effectivement eu lieu le 2 juin 94, c’est-à-dire le jour même où vous aviez reçu l’appel de Kofi Annan. Les évêques ont été exécutés le 5 juin, c’est-à-dire trois jours plus tard. Et je vous soumets, Général, que vous aviez à ce moment-là tout le temps possible et nécessaire pour réagir à cette menace-là. Et j’aimerais que vous puissiez nous expliquer quelles sont les actions qui ont été tentées par la MINUAR entre le 2 et le 13 juin pour protéger ces évêques-là.
R. Le 17 mai, les Nations Unies m’ont permis d’aller évaluer la situation humanitaire et voir dans quelle mesure on pouvait apporter de l’aide humanitaire et protéger les personnes qui se trouvaient dans une situation vulnérable. Lorsque j’ai reçu ce mandat, j’ai reçu l’autorité d’augmenter mes forces et avoir plus de... au lieu de 450 personnes qui se trouvaient sur les cinq sites, je devais les renforcer pour que ces personnes puissent renforcer les personnes et les ramener dans des zones beaucoup plus sécurisées. J’ai envoyé, donc, ces troupes supplémentaires à Kabgayi. Et les trois premiers renforcements sont arrivés dans la première semaine du mois de juillet, et ces personnes n’avaient pas les compétences nécessaires pour faire ce travail.
Donc, je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que cette demande avait été satisfaite, parce que j’ai reçu des demandes, et il y avait des personnes qui étaient influentes, des personnes qui fuyaient pour leur vie. Lorsque ces personnes m’ont demandé de l’aide, nous avons sauvé plus de 700 personnes. Mais pour le cas de Kabgayi, je n’avais pas les ressources nécessaires et les forces que j’ai demandées ne m’ont pas été accordées. Si j’avais reçu ces forces, ces personnes seraient encore en vie.
Donc, je ne pense pas avoir donné des ordres pour qu’on puisse acheminer du matériel vers ces personnes et en fait, il y avait quatre à six observateurs militaires qui n’étaient pas armés.
M. LE PRÉSIDENT :
Apparemment, nous avons des problèmes, les interprètes ont des problèmes à vous suivre. Essayez donc de ralentir votre débit.
R. Je m’excuse.
Me MAC DONALD :
Q. Kofi Annan vous a fait une requête, une demande très spécifique. Kofi Annan vous demande : « Voici, j’ai une demande du pape lui-même qui parle des évêques de Kabgayi » ; le pape veut que la MINUAR intervienne et Kofi Annan vous demande d’intervenir.
Je comprends ce que vous nous dites, l’explication, le reste et le reste. Mais la question est la suivante : Est-ce que vous avez, vous, retourné un câble, un message quelconque à Annan lui disant que : « Écoutez, il n’y a rien à faire, je n’ai pas les effectifs, donc, avec toutes mes excuses, je ne peux pas remplir cette requête-là de votre part. » Est-ce que vous lui avez dit, au moins, à Annan, que compte tenu de votre situation, compte tenu des membres de l’effectif, vous ne pouviez rien faire ? Lui avez-vous dit cela, à Annan ? Et si oui, quand ?
R. Je ne me rappelle pas spécifiquement avoir répondu à cette requête car il y en avait plusieurs. Néanmoins, si vous cherchez les dossiers, vous trouverez la réponse d’Annan — à peu près à la même période — me disant que le département des opérations de maintien de la paix était sous pression, sous la pression de diverses parties du monde qui leur demandaient de sauver la vie de personnes et qu’ils savaient que nous n’avions pas les moyens de sauver ces personnes, que nous mettions les gens sous pression et qu’il confiait à mon bon sens et à mon jugement de trouver les moyens de mener à bien cette opération.
Je ne sais pas si j’ai pu envoyer une patrouille à Kabgayi, il faudrait vérifier les archives. Mais le mieux que j’aurais pu faire à cette époque aurait été d’envoyer cinq ou six observateurs des Nations Unies non armés, ce qui n’aurait pas suffi à dissuader les tueries qui ont eu lieu.
Q. Et encore une fois, Kagame, devant ce... ce fait accompli, vous dit que, donc, ce sont certains éléments isolés de ses troupes qui ont réagi de façon un peu brutale à certains événements qu’ils ont vécu. C’est l’explication simpliste que vous donne Kagame.
Et la question que je vous pose, c’est que : Êtes-vous d’accord, aujourd’hui, que la vraie raison de ce massacre-là, des évêques de Kabgayi, est due au fait que c’est un ordre qui aurait été donné directement par le niveau supérieur de l’état-major du FPR ? Et que ces gens-là, les évêques, n’ont pas été tués par accident ou autrement. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette théorie-là, aujourd’hui ?
R. Vous avez parfaitement raison de dire que la réaction de Kagame, si elle n’était pas douteuse, elle était certainement purement technique et était insuffisante. Mais n’ayant pas de troupes au sol, n’ayant pas les moyens, je n’aurais pas pu sauver ces personnes, même en usant de persuasion. Indépendamment des ordres ou des instructions qui ont été donnés ou des initiatives prises par le commandant qui était sur les lieux, je n’ai absolument aucune information sur ces faits.
Q. (Début d’intervention inaudible)... c’est que le responsable de ces assassinats-là est effectivement connu. Il s’appelle Jack Nziza — N-Z-I-Z-A — alias Jackson Nkurunziza — N-K-U-R-U-N-Z-I-Z-A — de son vrai nom, et avait le grade de major, à ce moment-là, au sein du FPR. Il est actuellement colonel et travaille dans les Services de renseignement du régime actuel de Kagame, pour répondre à votre question.
Peut-être, pour avoir une idée claire de votre position, Général, est-ce que vous admettez que le FPR a systématiquement commis des massacres massifs dans les zones qu’il occupait et qu’il a occupées au fur et à mesure de son avancée ?
R. Je n’en ai pas une preuve formelle.
Q. O.K.
R. Et s’agissant des tueries massives dont vous parlez, je dirais que je ne nie pas qu’il y a eu des exactions massives, mais je n’ai pas de raison de les imputer « par » le FPR derrière sa ligne de front.
Q. (Début d’intervention inaudible)... il n’est pas tout à fait de votre avis, Général.
Alors, il dit ceci, à la page 168 — l’avant-dernier paragraphe —, il dit : « Renforcées par des troupes venues de la zone démilitarisée, les forces du FPR ont très vite établi leur autorité sur une grande partie de la capitale. Leurs attaques contre les populations civiles sont établies et méritent d’être considérées comme de graves violations du droit international. » Aviez-vous déjà lu ce passage de Booh-Booh dans son ouvrage ?
R. Non. Je ne vois pas très bien de quelle page il s’agit. Et je trouve plutôt inhabituel qu’il puisse écrire une telle chose, car pendant les deux premières semaines de la guerre, il était installé à l’hôtel Méridien et nous ne sommes sortis qu’une seule fois — je crois que c’était le 15, quand nous avons eu une réunion.
Sinon, tout le temps, il était à l’hôtel où il suivait les négociations de paix. Sinon, le plus clair du temps, il était seul dans sa chambre sous la protection des services de sécurité des Nations Unies.
Q. (Début de l’intervention inaudible)... possible que vous ayez informé Booh-Booh de ces exactions-là ? Vous ou quelqu’un d’autre ? Commises par le FPR.
R. Autant que je le sache, il ne recevait pas des visiteurs. À cette époque, il était seul dans sa chambre et c’était à sa demande. Le docteur (inaudible), qui était de son cabinet, le rencontrait et c’était son personnel qui lui apportait des informations.
Oui. C’est tout à fait possible.
Q. Je vais vous lire un passage de votre ouvrage, Général Dallaire, à la page 475, version française... En fait, l’avant-dernier paragraphe commençant à « nos observateurs », la cinquième ligne… la quatrième ligne. Alors, vous dites ceci :
« Nos observateurs militaires commencèrent à rencontrer de nouvelles troupes derrière les lignes du FPR et ils remarquèrent que certains de ces soldats ne parlaient qu’un dialecte swahili, la preuve qu’ils provenaient de la diaspora ougandaise. Nous reçûmes des rapports faisant état de massacres d’anciens agents et d’employés du gouvernement hutu et de leurs familles. Ces tueries avaient surtout lieu dans les régions de Byumba et de Ngarama, selon DEME — D-E-M-E —, un grand nombre d’orphelins hutus vivaient à Byumba et Bernard Kouchner de Médecins sans frontières était allé vérifier s’il pouvait y faire œuvre utile. »
Et c’est ce passage-là plus particulièrement « dont » j’attire votre attention :
« Pour corser les choses, le FPR avait imposé des restrictions quant aux endroits où pouvaient se rendre nos observateurs. La dernière ligne du rapport de DEME disait ceci : “Nous avons la preuve qu’on nous a imposé des restrictions afin qu’il — le FPR — puisse poursuivre ses activités, en particulier les massacres.” »
Vous vous souvenez avoir écrit ceci, Général Dallaire ?
R. Pas particulièrement. Mais ce que je dis correspond parfaitement à ce que j'ai dit jusqu'ici. À savoir que le FPR nous a pratiquement empêchés de voir où les personnes étaient déplacées et, dans certaines régions, on nous en a empêché l'entrée.
Néanmoins, j'ai indiqué que les mêmes restrictions nous étaient imposées par l'autre partie, mais c'était davantage le fait des forces d'autodéfense qui tenaient les barrages et autres structures. Le FPR n'était pas plus transparent et je ne le nie pas. Surtout la manière dont ils ont géré les pertes et les exactions. Et je me souviens que nous nous étions concertés pour voir dans quelle mesure certaines actions pouvaient être menées.
Q. Quelques mots sur les attaques de novembre, Général, et je dois...
Mon temps s'écoule rapidement.
Les attaques de Kirambo du 18 novembre 1994 (sic), je pense que vous conviendrez avec moi, Général, que la MINUAR a été critiquée par rapport à son inertie suite à ces massacres-là. Et la question que je veux vous poser, Général, c'est que, eu égard à l'identité des responsables de ces attaques-là, votre position, vous, à l'époque, au mois de novembre ou de décembre, était à l'effet que vous n'étiez pas en mesure d'identifier les responsables de ces attaques-là. Et encore une fois, votre position était à l'effet que cela pouvait être des gens du MRND, comme ça pouvait être des gens du FPR ou encore d'autres personnes.
Et pourtant, Général Dallaire, dans cette préfecture de Kirambo, là où 55 personnes ont été massacrées, plus de 30 personnes assassinées étaient des membres du MRND, et ils venaient tout juste de remporter des élections communales organisées dans des DMZ sous l'égide de la MINUAR. Le FPR y avait participé mais obtenu aucun siège. Et ma question, Général, est la suivante : La simple logique ne vous permettait-elle pas d'en déduire que le MRND n'aurait pas pu tuer ses propres élus dans les communes où il venait d'affirmer sa supériorité sur tous les autres partis politiques y compris le FPR ?
M. LE PRÉSIDENT :
Je vois que vous avez donné une mauvaise date. Vous avez dit le 18 novembre 1994.
Me MAC DONALD :
Non, c'est une erreur, il s'agit de 1993.
R. Nous parlons de deux faits distincts. Et je dois dire que je ne me rappelle pas la date des élections. Peut-être pourriez-vous me la rappeler ?
Me MAC DONALD :
Q. Il y avait des élections qui avaient été tenues, Général Dallaire, et d'autres restaient à venir, selon l'information que j'ai eue... Je peux me tromper mais, au moins, il y avait eu des élections dans cette zone-là.
R. Vous avez parfaitement raison. Pour ce qui est du deuxième fait, des deuxièmes massacres, lorsque nous avons créé le bureau de supervision des élections, ce que nous avons observé, c'est que les gens étaient en désaccord sur le parcours de la ligne de démilitarisation et, donc, ils se demandaient s'il fallait ou non aller aux élections. Ce fait a fait augmenter la tension d'un cran. Je n'ai pas vu les résultats de ces élections, mais je sais que l'information que vous avez citée est exacte, à savoir que les personnes qui avaient été tuées, les élus qui avaient été tués étaient membres du MRND. Donc, je prends acte de votre information.
Pour ce qui est du 17 et du 18, je dirais que nous avons mené trois enquêtes.
La première, par les observateurs, et je me souviens que je me suis rendu personnellement sur le site, j'ai grimpé la colline et je n'ai pas pu parvenir à l'endroit où se trouvaient les enfants pour pouvoir faire une appréciation personnelle de la situation.
Ensuite, nous avons mené, au sein de la MINUAR, une enquête qui n'a pas été concluante ni même assez transparente pour les médias ou même la population.
Puis nous avons mené une troisième enquête, menée par les membres du comité des affaires politiques en associant le FPR et d'autres partis, et même ces enquêtes n'ont pas été concluantes. Ceci tient au fait que nous ne disposions pas d'instruments d'enquête fiables pour pouvoir tirer des conclusions convaincantes.
Ma conclusion personnelle était que ces massacres ont eu lieu sur cinq sites différents. Le maire d'une des villes a pu faire rapport, tôt ce matin-là, du fait qu'il y a eu des combats ; mais il n'était pas en mesure de vérifier quelles sont les personnes qui étaient impliquées dans ces combats. Et nous étions surpris, d'ailleurs, qu'il ait rapidement tiré les conclusions des faits qui s'étaient produits dans la nuit. Les combats ont eu lieu dans la nuit du jour où le Président était venu pour ouvrir ou pour inaugurer certains locaux. Il a prononcé un discours, donc, qui témoignait de beaucoup de bonne volonté de sa part. Et nous étions surpris que ces faits se soient produits immédiatement après. Tous ces faits, en fait, donnaient l'impression que nous cherchions une... que nous avions besoin — plutôt —, d'une force faite de professionnels et non pas... et non pas d'amateurs. Je n'ai jamais conclu effectivement… tiré de conclusions sur les auteurs de ces massacres.
Q. Malheureusement, Général Dallaire, je ne peux poursuivre sur cette ligne. Concernant le général Bizimungu, vous êtes d'accord avec moi, Général, que jamais le général Bizimungu n'a fait l'objet de critiques — évidemment, à votre connaissance — dans les médias, à l'effet qu'il pouvait être contre les Accords d'Arusha ?
Et, pour poursuivre, permettre le deuxième volet de cette question-là, ma suggestion — parce que je dois procéder dans ce sens-là, vu le temps —, je vous soumets, Général, qu'au contraire, le gouvernement d'Agathe l'avait désigné, lui, général Augustin Bizimungu, comme l'un des cinq officiers rwandais qui devaient faire partir du HCCA, c'est-à-dire du Haut Conseil de la commandement... du Haut Conseil de commandement de l'armée, organe qui devait gérer l'armée dans la période de transition. Est-ce que c'était à votre connaissance, ça ?
R. Non. Je ne le savais pas. Nous parlions de la démobilisation et de l'intégration des troupes, mais nous n'avions pas indiqué des noms pour occuper certains postes. Donc, je n'étais pas informé de ce fait.
Lorsque j'ai rendu visite à Bizimungu à son quartier général à Ruhengeri, il était un commandant très dynamique qui n'a jamais fait mystère de l'efficacité de son commandement dans des opérations antérieures. Et il affichait son mépris pour le FPR en indiquant qu'il était l'un des rares officiers dans l'armée rwandaise qui avait réussi à contenir le FPR. Il était perçu comme un individu qui était un commandant très énergique et qui considérait le FPR comme un véritable ennemi.
Quand il a pris le commandement de l'ensemble des Forces armées rwandaises, il était évident que dire... qu'il lui a fallu le temps de se former, le temps de percevoir, de prendre conscience de l'ampleur, de toute l'ampleur de sa tâche. Mais il ne disposait pas de toutes les informations sur ce qui se passait. À certaines occasions, à certaines réunions, il a fait preuve d'antagonisme à l'égard des membres du Gouvernement et des politiciens à qui il faisait rapport et qui lui donnaient pas les moyens de mener ses opérations.
Et il lui est arrivé de prendre... Il s'est opposé, par exemple, à des décisions, notamment celle de déclarer l'aéroport une zone neutre. Il était certes le commandant, mais il n'était pas nécessairement préparé à cette tâche.
Q. Toujours sur cette question, Général Dallaire, lorsque le général Augustin Bizimungu est arrivé en place, le ou vers le 19 avril 1994, êtes-vous d'accord avec la proposition à l'effet qu'il n'a apporté aucun changement par rapport à l'état-major qui est en place pendant la transition de Gatsinzi ; et que le seul qui, par la force des choses, a été remplacé, c'est lui-même, Gatsinzi ; mais que ce soit au niveau du G1, G2, G3, G4, le général Bizimungu a gardé tous les éléments en place. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là ?
R. Selon mon appréciation, je n'ai pas des informations détaillées sur les personnes qui occupaient les postes au sein de l'armée. Je sais que Gatsinzi a été littéralement rétrogradé, a été complètement écarté et n'avait aucune autorité, aucune responsabilité de commandement dans la conduite de la guerre. Gatsinzi a fini par être négociateur du cessez-le-feu et cela n'a rien donné.
Plus tard, ils ont établi un contact avec moi à Gitarama pour essayer d'avoir un lien direct avec Kagame. Je les ai aidés à le faire et leur intention était de contenir l'offensive de la guerre et Kagame, Kagame s'y est opposé et a donné pour condition qu'ils devaient opérer de manière plus publique.
Par ailleurs, les forces ont été scindées en deux. Il y avait les uns qui étaient, qui travaillaient, pour ainsi dire, à l'ombre de ceux qui étaient ressortissants du Nord. Ceux-là recevaient des armes et des munitions, alors que les autres ne recevaient rien…
Q. (Intervention non interprétée)
R. (Intervention non interprétée)
Me MAC DONALD :
Je ne devrais pas avoir moyen d'intervenir. Les choses semblent tellement évidentes.
Q. Je dirais, Général Dallaire, que si vous pouviez le demander à Gatsinzi lui-même, la raison pour laquelle Gatsinzi n'est pas retourné dans le Sud, c'est qu'il voulait lui-même demeurer en poste et être affecté où il a été affecté, c'est-à-dire aux négociations. C'est lui-même qui a demandé au général Bizimungu d'être — pour employer votre expression — « targeted », si effectivement il était targeted. Et si Gasintzi avait le courage de se présenter devant ce Tribunal, peut-être qu'il nous le dirait.
Rwabalinda, c'est un des individus que vous considériez comme — entre guillemets — un « modéré », n'est-il pas exact ?
R. Pouvez-vous répéter le nom ?
Q. Rwabalinda Ephrem.
R. Oui. Ephrem Rwabalinda...
Me MAC DONALD :
Q. Répondez seulement par oui.
M. DALLAIRE :
R. Il m’a indiqué qu’il était au sein des forces armées, qu’il appartenait « au sein » des forces armées,
à l’aile modérée.
Q. (Début de l’intervention inaudible)… un agent de liaison entre les Forces armées rwandaises et la MINUAR avant l’arrivée même d’Augustin Bizimungu ; c’est exact ? Et je vous suggère qu’Augustin Bizimungu l’a maintenu en place après son arrivée ; c’est exact, Général Dallaire ?
R. Oui, et il a été tué dans le processus.
Q. Il a été maintenu en place, mais le général Bizimungu l’a nommé conseiller du chef à l’état-major ; c’est exact également ?
R. Il ne m’en a jamais fait part.
Q. Et… Je m’excuse d’agir de façon saccadée, mais encore une fois, je suis paralysé par le temps.
Je vais faire allusion à la lettre du 12 avril — Général Dallaire, vous savez de quoi je parle —, c’est une lettre dont vous avez qualifié, vous, les signataires comme étant des « modérés », à l’époque. Et la question que je vous pose, Général Dallaire, c’est : N’est-il pas exact que tous ces gens-là, tous les gens que vous qualifiez comme étant des modérés, les signataires de la lettre du 12 avril, sont demeurés en place après l’arrivée d’Augustin Bizimungu ?
R. Je ne saurais le nier, car je ne me rappelle pas vraiment ; à part que Gatsinzi, qui était l’officier supérieur le plus qualifié à la tête de l’armée, n’a pas été désigné à ce poste.
Q. J’attire votre attention, Général Dallaire, sur le document 2. 10.
Il ne l’a pas.
Bon. Vous ne l’avez pas et c’est de ma faute parce que c’est un autre document que j’ai compilé à la toute fin de la préparation de votre contre-interrogatoire.
J’attirais votre attention tout simplement, Général, sur… il s’agit d’une lettre du 17 mai 1994 ; et vous dites ceci — premier paragraphe, Maître Bâ.
M. BÂ :
C’est le document que vous nous avez donné hier ?
Me MAC DONALD :
Oui, c’est la…
M. BÂ :
Quel numéro ?
Me MAC DONALD :
C’est cartable numéro 2, Maître Bâ, document 10.
Premier paragraphe… Encore une fois, c’est une lettre qui est adressée au Ministère de la…. au MINADEF et qui émane de vous.
17 mai 1994, et vous dites ceci : « J’ai l’honneur de vous adresser cette lettre pour marquer ma surprise quant aux réunions que j’ai tenues avec les autorités militaires des forces gouvernementales et auxquelles vous ne semblez ni adhérer, ni encourager. »
Q. Vous souvenez-vous de cette lettre-là, Général Dallaire, que vous envoyiez au MINADEF ?
R. J’ai bien peur que non, je ne suis pas sûr de ce que vous avez ; est-ce que vous pouvez peut-être lire cette lettre pendant que je suis l’interprétation en anglais ?
Q. Général, le premier et le dernier de la page. Alors : « J’ai l’honneur de vous adresser cette lettre pour marquer ma surprise quant aux réunions que j’ai tenues avec les autorités militaires des forces gouvernementales et auxquelles vous ne semblez ni adhérer, ni encourager. »
Et le dernier paragraphe : « Monsieur le Ministre, votre directeur de cabinet vous a représenté à l’occasion. Il pourrait continuer à remplir ce rôle car il y a urgence pour faire avancer certains dossiers qui ne débouchent pas sur une prise de décision et par voie de conséquence, un handicap très sérieux sur nos actions communes à venir. »
Alors finalement, je n’ai pas malheureusement la lettre que le Ministre de la défense vous a adressée à vous, je suppose que c’est une lettre de reproche dans laquelle le Ministère… le…. le MINADEF, le Ministre de la défense Bizimana vous reproche d’avoir des contacts avec, notamment, dans ce cas ici, et Bagosora, et Bizimungu. Vous souvenez-vous de ce contexte, de cette lettre-là ?
R. Non, j’ai bien peur que non, je me rappelle cependant les tensions qui existaient entre les commandants militaires et les autorités politiques. À cause du fait que les autorités politaires… les autorités politiques — pardon — se trouvaient à Gitarama et ne fournissaient pas à temps des informations au commandant militaire.
M. LE PRÉSIDENT :
Il s’agit du document D. 165.
(Admission de la pièce à conviction D. 165)
Me MAC DONALD :
Numéro L0026157.
Je comprends que nous soyons limités dans le temps, Monsieur le Président, mais j’aimerais reprendre… demander une fois de plus, une fois encore que le général Dallaire soit rappelé en janvier. Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas continuer… poursuivre en janvier. Je pense que c’est, une fois de plus, un exemple de la façon dont nous avons travaillé jusqu’à présent.
Une fois de plus, le général Dallaire est un témoin très important ; j’ai bien suivi vos remarques hier, Monsieur le Président. J’ai des difficultés à cause du fait que dans d’autres cas, les autres avocats… les autres équipes de la défense ont eu moins de temps que nous ne l’avons eu actuellement, et je dirais, Monsieur le Président, que je ne suis pas d’accord, parce que dans d’autres cas, le général Dallaire était présent dans la salle, nous n’avions pas ces difficultés… les difficultés techniques auxquelles nous avons… auxquelles nous faisons face à présent. Dans le…
Dans une affaire, il a eu à être contre-interrogé ; ici, le sujet est différent, le contexte est différent, et je dois, pour le procès-verbal, reformuler ma demande, parce que j’ai 43 pages de questions que j’ai reformulées, je l’ai ramené… je les ai ramenées à 43 pages. Et si vous décidez à la fin que le général Dallaire ne soit pas revenu… ne soit pas rappelé pour témoigner, alors j’aimerais que cela soit consigné au procès-verbal, et demander que les questions importantes qui n’ont pas été posées puissent être appréciées.
M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)
Me MAC DONALD :
Alors, j’aimerais demander...
M. LE PRÉSIDENT :
Le Conseil dit que les questions qu’il a préparées devraient être acceptées… admises par la Chambre et la Chambre ne… n’y fait pas opposition.
Et pour des raisons d’identification, nous allons donc lui accorder le numéro D. 166 (Bizimungu)
(Admission de la pièce à conviction D. 166)
M. BÂ :
On peut avoir une copie de ce document ?
Me MAC DONALD :
Pas vraiment.
M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)
Me MAC DONALD :
Non, je ne voudrais pas que le Procureur ait un exemplaire ou une copie de mes questions… de mon questionnaire.
M. BÂ :
Vous nous excluez du procès, on peut partir et vous laisser avec les Juges !
Me MAC DONALD :
Il y a des circonstances particulières.
M. LE PRÉSIDENT :
Le problème, c’est qu’il n’y aura pas de réponses, il y aura seulement des questions.
Me MAC DONALD :
Je ne m’attends pas à ce que, Monsieur le Président, vous le fassiez. C’est pour cela que je proposais qu’on puisse le présenter sous scellés. Je ne voudrais pas que vous le lisiez... que vous lisiez ce questionnaire, et… il y a eu plusieurs problèmes avec le général Dallaire par le passé.
M. BÂ :
Le problème, c’est que vous ne les présentez pas de manière platonique, sans aucune raison. Vous les présentez pour pouvoir dire après que vous n’avez pas pu poser vos questions.
Me MAC DONALD :
Voilà.
M. BÂ :
Il faudrait que nous en ayons un état.
Me MAC DONALD :
Non.
M. BÂ :
Et comment ça ? Ce n’est plus un débat contradictoire, maintenant ?
Me BLACK :
Maître Bâ, aux États-Unis, ça se dit « offre de preuve ». C’est tout simplement pour indiquer les questions qui auraient été posées lors du contre-interrogatoire si la Défense en avait eu le temps.
M. BÂ :
Même en appel, nous serons partie au procès. Donc, nous aimerions pouvoir répondre à vos griefs. Mais cela dit, vous pouvez les mettre au dossier.
M. LE PRÉSIDENT :
Que l’on ait donné suffisamment de temps à la Défense ou pas, cela apparaîtra dans le procès-verbal. S’ils pensent que ce… en déposant ce document cela leur sera utile, alors nous l’acceptons.
Nous allons suspendre l’audience pendant 45 minutes.
Quelques minutes, s’il vous plaît.
Général Dallaire, vous pouvez revenir dans 45 minutes.
Me MAC DONALD :
Étant donné que Maître Bâ n’a aucun problème avec le rapport Bruguière, comme il l’a dit hier, nous aimerions également verser en preuve ce rapport. Et comme nous l’avons dit hier...
(Conciliabule entre les Juges)
M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)
M. BÂ :
Non, le procédé ne me paraît pas approprié. Mais si vous pensez qu’une connexion quelconque a été faite avec le témoin en cause, je n’ai aucun problème avec le rapport Bruguière, vous pouvez le déposer, déposez-le. De toute façon, si vous ne le faites pas maintenant, vous le ferez avec certains témoins de la Défense. Faites-le maintenant !
Me MAC DONALD :
Non, la raison, Maître Bâ, c’est qu’on puisse le déposer au Greffe pour qu’il puisse être traduit pour les Juges.
M. BÂ :
Oui, pas d’objection non plus.
M. LE PRÉSIDENT :
Je ne sais pas si…. Je pense que ce document a été versé en preuve, je ne sais pas s’il sera utile pour l’affaire en cours, mais si vous le souhaitez, alors nous l’accepterons… nous admettrons ce document.
À présent, Maître Mac Donald…. Maître Mac Donald aimerait donc verser en preuve le rapport Bruguière.
Me MAC DONALD :
Je l’ai appelé le « rapport Bruguière », ce n’est peut-être pas l’appellation appropriée… le terme approprié pour désigner ce document. Peut-être que nous devrions l’appeler… Nous l’avons déjà appelé « rapport Bruguière », à moins que Maître Bâ n’ait une quelconque objection.
M. LE PRÉSIDENT :
Ce rapport doit déjà être traduit. Je pense qu’hier, j’ai donné des instructions pour que ce rapport soit traduit en temps opportun.
Alors, ce document est marqué… reçoit la cote D. 167.
(Admission de la pièce à conviction D. 167 — sous scellés (Bizimungu))
Maître, concernant ce rapport, je vois... j’envisage déjà… j’imagine déjà plusieurs témoins venant dire que le juge n’a pas cité exactement leur propos, Maître Bâ a soulevé cette question hier. Mais ce n’est pas exactement ce que le général Dallaire a déclaré lorsqu’il a témoigné dans l’affaire Militaires I. Je pense que nous devons accorder une certaine...
Maître Jegede, est-ce que vous serez prêt demain ?
M. JEGEDE :
Si c’est prêt, nous pouvons le faire aujourd’hui. Nous avons eu des contacts avec le Conseil de la défense, nous avons réglé les problèmes, et il leur appartient de présenter ce document lorsqu’ils seront prêts.
M. LE PRÉSIDENT :
Alors est-ce que vous…. Il faut tout simplement accepter, donc, le document et « leur » affecter des numéros. Pendant la pause de demain, nous pouvons… nous pourrons le faire. Si vous n’y trouvez pas d’inconvénient, ce qui nous permettrait d’aller beaucoup plus vite.
M. JEGEDE :
Oui.
Me MAC DONALD :
Une dernière chose, Monsieur le Président, le stagiaire avec lequel je travaille a rencontré Monsieur Jegede et Maître Jegede s’est opposé à 20 documents… 28 documents sur les 71 que nous avons présentés. Il y a eu des documents qui ont reçu la cote en D. au lieu de la cote en ID.
Je ne pense pas être bien placé pour le proposer, mais ce que je proposerais, c’est que les documents qui seront déposés en « ID » soient présentés sous réserve que l’on revienne, que l’on rouvre ce problème plus tard.
M. LE PRÉSIDENT :
Alors, je n’y trouve pas d’inconvénient, il peut le faire. Si vous pouvez présenter des éléments qui prouvent que ces documents sont pertinents, alors on peut toujours changer leur cote.
Alors, nous allons suspendre pour 45 minutes.
(Suspension de l’audience : 16 h 20)
(Reprise de l’audience : 17 h 5)
M. LE PRÉSIDENT :
Le dernier document que nous a remis Maître Mac Donald doit être mis sous scellés.
Oui. Maître Black vous avez la parole, vous pouvez commencer.
Me BLACK :
Général Dallaire, êtes-vous là ?
M. DALLAIRE :
Yes.
Me BLACK :
Nous nous sommes rencontrés très brièvement à Arusha, il y a quelques années.
Je me dois de vous poser certaines questions qui seront peut-être compliquées, mais je vous demanderais de faire preuve de patience à mon égard.
CONTRE-INTERROGATOIRE
PAR Me BLACK :
Q. Dans le procès Militaires I, le 26 janvier 2004, vous avez... on vous a posé cette question à laquelle vous avez répondu. Je vous répète la question et la réponse que vous avez donnée, et je vous demanderai de confirmer.
Je suis désolé pour les interprètes, je n’ai pas la version française, je lirai la version anglaise lentement.
Page 12 du procès verbal du 26 janvier 2004.
Question : « Général, je vous remercie. Je comprends à présent. J’avais certaines inquiétudes, laissez-moi passer à une autre question. Vous avez parlé d’officiers modérés et d’autres officiers qui n’étaient pas si extrémistes au sein de l’armée rwandaise ; je suppose que vous classez quelqu’un comme Ndindiliyimana et Rusatira parmi ceux que vous considérez comme modérés ? »
Réponse que vous avez donnée : « Oui, et cela à la suite des réunions que j’ai eues avec eux et le temps que j’ai passé avec eux sur la guerre. Que vous parliez de Ndindiliyimana, de Rusatira ou de Gatsinzi, c’est au début de la guerre et particulièrement pendant la période de la guerre que je me suis fait cette idée à travers les contacts que j’ai eus avec eux, et son comportement — parlant de Ndindiliyimana, en tant que coprésident du comité de crise. »
Est-ce que vous vous rappelez de la question… de la réponse que vous avez donnée, mon Général ?
M. DALLAIRE :
R. Cela me semble plausible, oui.
Q. Page 10 du procès verbal du 1er janvier... du 21 janvier 2004. On vous a posé la question suivante… Vous parliez du livre du colonel Marchal et de certains de ses points de vue.
On vous a posé la question suivante : « Quel est votre point de vue sur le colonel Marchal ? »
Vous avez donné la réponse suivante : « C’est une déclaration tout à fait peu familière et qui ne reflète pas le travail que nous avons fait ensemble, mais je le dis sous une certaine condition, dans la mesure où le colonel Marchal a travaillé étroitement avec la Gendarmerie en particulier, et avec certains éléments de l’armée gouvernementale. Il avait une très haute idée du général Ndindiliyimana et des efforts qu’il a déployés pour fournir tout ce qu’il pouvait fournir. »
Vous avez posé une question... On vous a posé une question à laquelle vous avez donné cette réponse, vous vous en souvenez-vous — sur le général Ndindiliyimana ?
M. LE PRÉSIDENT :
Deux minutes, Maître Black.
(Problèmes techniques)
Maître Black, poursuivez.
Me BLACK :
Mon Général, il y a eu une interruption de communication. Nous sommes en communication désormais.
Q. Oui, avez-vous suivi cette question sur le général Ndindiliyimana ou devrais-je vous en redonner lecture ?
R. S’il s’agit... C’est la deuxième question que vous m’avez posée.
Q. Vous partagiez à l’époque l’opinion que Marchal... que vous avez exprimée sur Ndindiliyimana, n’est-ce pas ?
R. Comme je l’ai dit dans mon livre, j’ai trouvé l’individu assez énigmatique et j’ai fourni cette information telle quelle.
Q. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Vous avez déposé devant le juge Vandermeersch lors de la commission rogatoire belge et vous leur avez fait une déclaration assez longue que nous avons obtenue du Procureur. Vous en souvenez-vous — je crois que c’était en 1995 ?
R. Oui.
Q. À la page 36, il s’agit du document n° 1.
Je suis désolé Monsieur Bâ.
C’est le document n° 1 qui porte le titre « Information note ». Et dans le coin, vous avez le chiffre suivant : « 23331 ».
M. LE PRÉSIDENT :
Quel est le numéro de série en « K » ?
Me BLACK :
Le numéro en « K » du document lui-même, c’est K0191482. Et nous passerons à la page 35 de ce document, paragraphe 77 qui porte le numéro en « K » K01915221.
R. Oui, je l’ai reçu.
Q. Et on vous a demandé ce que vous pensiez du général Ndindiliyimana, et vous avez répondu ceci : « Le commandant en chef des Forces tenait des réunions régulières avec le général Ndindiliyimana, commandant de la Gendarmerie, un officier modéré, qui était opposé aux dirigeants extrémistes, Ndindiliyimana s’est révélé un partenaire... »
M. BÂ :
Attendez, où est-ce que vous lisez ?
Me BLACK :
Page 35.
M. BÂ :
Page 35, le paragraphe 77 ? Paragraphe 77 ?
Me BLACK :
Yes.
M. BÂ :
Est-ce que vous pouvez reprendre, parce que je crois qu’il y a un problème dans la traduction en français.
Me BLACK :
Je vais essayer d’aller lentement.
Désolé, mon Général, vous avez dit ceci : « Le commandant des Forces tenait des contacts réguliers avec Monsieur Ndindiliyimana, chef d’état-major de la Gendarmerie, un modéré qui avait des relations avec les dirigeants politiques modérés et extrémistes. Monsieur Ndindiliyimana a paru au commandant des Forces comme quelqu’un de sincère quand, le 7 avril 1994, il lui a affirmé qu’il faisait tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver les soldats belges du camp de Kigali. »
Est-ce bien la réponse que vous aviez faite à l’époque ?
R. C’est exact.
Q. Paragraphe 78, vous déclarez en outre ceci : « Le chef d’état-major était connu du commandant des Forces comme quelqu’un d’intelligent et disposé à la coopération, qui semblait profondément loyal au processus de paix. Le commandant des Forces recevait des informations qui étaient possiblement liées au chef d’état-major relativement aux caches d’armes. Toutefois, son engagement dans cette affaire n’a jamais été confirmé. Après avoir reçu cette information, le chef des Forces a traité le chef d’état-major avec un certain élément de suspicion. Pendant la guerre, il a sauvé de nombreux Rwandais et était toujours un responsable autant que possible du... en tant que commandant des Forces. Il s’est enfui fin juin parce que les extrémistes cherchaient à le cibler. »
Est-ce que c’est bien ce que vous avez déclaré ?
R. Oui.
Q. Autre chose : « La position adoptée par le chef d’état-major de la Gendarmerie, pendant la réunion du... des forces armées gouvernementales au quartier général des forces armées gouvernementales, à environ 22 h 30 le 6 avril, était que la Gendarmerie se déploie à travers la ville aux fins de maintien de la sécurité. Quand il a rencontré le commandant des Forces le lendemain matin, il a déclaré que le camp de Kigali était entre les mains d’éléments incontrôlables, que les officiers des Forces armées rwandaises essayaient de contrôler la situation et ont essuyé des coups de feu, que les soldats étaient hors de contrôle et que le commandant des Forces n’avait pas l’autorisation d’aller au camp étant donné les risques. »
Est-ce bien ce que vous avez déclaré ?
R. Parfaitement.
Q. Paragraphe 80 : « Monsieur Ndindiliyimana était informé de l’assassinat des 10 soldats de la mission de maintien de la paix belges le 7 avril 1994 à 21 heures au quartier général de l’armée en présence du commandant des Forces. Ils ont tous dû quitter la morgue... Ils se sont rendus à la morgue de l’hôpital de Kigali où ils ont découvert la scène de la mort des soldats belges empilés hors du bâtiment. Le chef d’état-major est apparu très choqué et a présenté des excuses pour l’état dans lequel se trouvaient les corps. Sur l’insistance du chef du... du commandant des Forces, il a ordonné que les corps soient nettoyés et disposés avec dignité et a déclaré que les auteurs devaient être retrouvés et punis. »
Est-ce bien ce que vous avez déclaré ?
R. Oui.
Q. Je crois savoir que le général Ndindiliyimana a également donné de son argent pour que les corps des militaires soient nettoyés ; est-ce bien cela ?
R. Je le suppose, mais s’il l’a fait, c’était après mon départ. Quand j’étais présent, nous étions sur les lieux, et il m’a dit qu’il réglerait le problème. Mais en toute honnêteté, je ne sais pas comment les choses se sont passées, ni quel argent ils ont utilisé.
Me BLACK :
Peut-être que ce document devrait être versé en preuve comme moyen de preuve de la Défense,
s’il n’y a pas d’objection.
M. BÂ :
Pas d’objection.
Me BLACK :
Je crois que le titre devrait être « Interview avec Dallaire ».
M. LE PRÉSIDENT :
Le document portant le numéro K0191482 est versé en preuve comme D... D. 168 (Ndindiliyimana).
Poursuivez.
Me BLACK :
Le titre devrait être « Information note ».
M. LE PRÉSIDENT :
« Information note ».
Me BLACK :
Je proposais que l’on ajoute également ceci : « Réponses du général Dallaire aux questions qui lui ont été posées ».
(Admission de la pièce à conviction D. 168 (Ndindiliyimana))
Q. Je voudrais vous lire un autre passage. Dans le cadre du procès Militaires I, il s’agit toujours de l’hôpital et je vous demanderai de m’en donner confirmation. On vous a parlé de votre retour à la MINUAR ce soir-là. Et la question qui vous a été posée par Monsieur… (inaudible) White du Bureau du Procureur était la suivante : « Quel itinéraire avez-vous emprunté pour retourner à la MINUAR et combien de temps cela vous a-t-il pris ? »
C’était le 28 janvier. Vous avez dit ceci : « Nous avons quitté l’hôpital pour retourner au quartier général, nous sommes restés dans l’enceinte quelques minutes, je dirais qu’il était autour de 10 h 30 ou au plus tard 10 h 45. Le général Ndindiliyimana a insisté pour que je prenne son escorte de gendarmes parce qu’il a estimé que la situation était dangereuse et il voulait me fournir, autant qu’il pouvait, la protection nécessaire. Et donc, nous avons emprunté une route allant de l’est à l’ouest pour se rendre au quartier général, parce qu’autour des Mille Collines et autour du camp de la Garde présidentielle, il y avait des tirs de feu... des tirs de fusil. »
Avez-vous donné cette réponse, mon Général ?
R. Oui.
Q. Pouvez-vous également confirmer que vous avez... À un moment donné, on a tiré sur votre escorte ; avez-vous affirmé que vos gendarmes ont retourné le feu dans l’obscurité ?
R. J’ai regardé en arrière au moment où les balles venaient vers nous et j’ai eu le sentiment que les gendarmes qui était derrière nous retournaient le feu parce qu’ils étaient étendus sur le sol.
Q. Très bien. Pouvez-vous également confirmer la deuxième partie de votre réponse ?
Quand vous êtes arrivé au quartier général, personne n’avait été blessé, même pas les gendarmes.
À l’arrivée... À leur arrivée au quartier général, les gendarmes ont déclaré qu’ils ne retournaient pas... qu’ils ne retournaient pas. Pouvez-vous confirmer ces propos ?
R. Oui, c’était exact.
Q. Si vous avez le document sous les yeux… le document n° 13 qui est une lettre d’une seule page adressée par le colonel Marchal au colonel Ndindiliyimana, en date du 31 décembre 1993, dans le coin supérieur gauche de cette page, vous avez le chiffre 13 inscrit au feutre.
R. Je l’ai.
Q. Je dois lire ce document aux fins du procès-verbal, vous voudrez bien m’excuser mon accent français. Et le texte se lit comme suit : « Adressé à _Mon Colonel_ (Inaudible)...de l’opération Clean corridor, c’est-à-dire l’installation d’un bataillon du FPR et de ses autorités politiques fut un succès et je pense que nous devons tous nous en réjouir. Un pas important dans le processus de paix vient d’être accompli. Ce pas n’aurait pas été possible sans la parfaite collaboration qui régnait entre la Gendarmerie nationale et la MINUAR.
En tant que responsable de l’action de cette Mission, j’ai pu apprécier le travail remarquable fourni par la Gendarmerie nationale, à la tenue irréprochable de tout le personnel le long de l’itinéraire. L’excellence de la prestation est tout à l’honneur du corps de la Gendarmerie.
Je tiens par la présente à vous exprimer mes plus sincères remerciements pour l’engagement et la compétence dont vos gendarmes ont fait la preuve et je vous saurais gré d’avoir l’amabilité de transmettre cette appréciation à tout le personnel concerné.
Je vous prie d’agréer, mon Colonel, mes salutations les meilleures.
Colonel Marchal. »
Avez-vous reçu ampliation de cette lettre, Général Dallaire, cette lettre du colonel Marchal ?
R. Je n’ai pas vu copie de cette lettre, mais je me rappelle que certaines correspondances étaient rédigées par moi-même. Je ne suis pas certain que Booh-Booh l’ait signée, mais cette lettre portait sur le travail de la Gendarmerie et certains actes politiques qui avaient été posés. Mais je n’en ai pas une copie sous les yeux, j’essaie simplement de me rafraîchir la mémoire.
Q. Je vous suggère que cette opération est celle qui a permis au bataillon et aux politiciens du FPR d’être escortés dans Kigali par la Gendarmerie nationale ; est-ce bien cela ?
R. C’était une opération à très hauts risques étant donnés nos moyens limités, et n’eût été l’assistance de la Gendarmerie, nous n’aurions jamais réussi. Et sur le plan sécurité, on nous aurait reproché d’avoir retardé la mise en place du Gouvernement intérimaire qui devait être installé le 1er janvier.
Q. Saviez-vous qu’à la suite de ce concours de la Gendarmerie, certains politiciens ou certains journalistes ont critiqué la MINUAR d’avoir installé le FPR dans la ville ?
R. Je n’avais pas les moyens d’écouter, de suivre la presse. Le secrétaire... Le Représentant spécial du Secrétaire général avait un responsable de la presse, mais moi, je n’avais personne. Je n’ai pas connaissance d’une réaction négative à cette opération ; j’ai pensé plutôt que nous avons aidé à l’avancement du processus politique.
Q. Avez-vous envoyé une lettre dans ce sens au colonel (sic) Ndindiliyimana ?
R. C’était soit à lui, soit au Ministre de la défense. C’était dans l’intention d’encourager une coopération entre les forces de la MINUAR et les forces armées nationales dans le cadre du processus de paix, mais je n’ai pas de référence précise à l’esprit.
Q. Je suppose que vous n’avez pas formellement identifié ce document, mais...
M. LE PRÉSIDENT :
Je crois qu’on peut dire qu’il a été identifié. Nous lui avons déjà donné un numéro de cote qui est le numéro D. 70, et c’est marqué dessus.
Me BLACK :
Q. Je vais vous ennuyer un peu en parcourant ce livre pour lire certains passages qui portent sur vous et sur le général Ndindiliyimana ; c’est peut-être ennuyeux, mais c’est important pour ma thèse.
R. Je ne suis pas sûr que vous m’ennuierez en me relisant certains passages de mon propre livre.
Q. Très bien. Dans ce cas, j’en suis fort heureux. Prenons la page 7, page 7 — j’utilise la version anglaise — page 70, plutôt. L’avez-vous sous les yeux ?
R. Page 70, oui.
Me BLACK :
À l’intention des interprètes, je dirai que c’est la page 2 des extraits que nous leurs avons remis. Il s’agit du document n° 5. Dans le coin supérieur droit, il est marqué le chiffre 5 au feutre.
Q. Avez-vous retrouvé le passage ?
Deuxième paragraphe, dernière phrase : « Parmi tous les officiers avec lesquels nous devions travailler, Ndindiliyimana était de loin le plus coopératif, le plus candide et ouvert. Ce constat était partagé aussi bien par… — ou plutôt — cette appréciation porte sur l’ensemble des forces, aussi bien le FPR que l’armée gouvernementale rwandaise. »
Passons à la page 165, ce n’est pas dans le... dans les passages que je vous ai distribués.
Je m’excuse auprès des interprètes qui peuvent faire une traduction libre, mais je lirai lentement.
Vous parlez du contrôle des mouvements de matériel. À la cinquième ligne, vous avez une phrase qui commence par « Le Ministre de la défense », et vous dites ceci : « Le Ministre de la défense est alors intervenu avec une demande de déploiement du bataillon de la police, soit 400 hommes à l’intérieur de la zone... »
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Peut-il aller plus lentement, s’il vous plaît ?
Me BLACK :
(Intervention non interprétée)
M. LE PRÉSIDENT :
Reprenez, s’il vous plaît.
Me BLACK :
« Le Ministre de la défense est alors intervenu avec une demande de redéploiement du bataillon militaire de la police, soit 400 hommes, à l’intérieur de la zone de consignation d’armes de Kigali, de manière à relever la Gendarmerie de ces tâches. Le Ministre a fait valoir que la Gendarmerie était épuisée et avait besoin de renforts. » Puis plus loin, vous dites que certaines... d’autres raisons ont été avancées, etc.
Q. Était-ce exact que la Gendarmerie était littéralement au bout du rouleau, à cette époque des faits ?
R. Non, ils n’étaient pas en état d’être déployés, au contraire, leurs effectifs étaient littéralement au bout du rouleau. Introduire 400 policiers de la police militaire dans le pays aurait changé toute la structure de la zone de consignation d’armes de Kigali. Et j’ai pensé que la Gendarmerie était en mesure de mener à bien ces tâches, et la police devrait être... devrait être réservée pour protéger les populations… les populations civiles.
Q. Je passe à la page 173 de votre livre et je vous donne lecture d’un passage. Il s’agit de la première page des extraits que j’ai distribués. Il s’agit toujours du contrôle des mouvements des populations, et vous dites ceci : « Ndindiliyimana a encore une fois... m’a encore une fois saisi pour que je demande aux Nations Unies des équipements... des équipements de lutte contre les manifestations pour permettre à la Gendarmerie de contrôler les manifestations violentes, sans avoir besoin de recourir à des forces... à des armes _de_ feu ».
Et plus loin, vous dites ceci — dernier paragraphe : « J’ai pris l’initiative de négocier avec les ambassadeurs de France, d’Allemagne et de Belgique pour obtenir les équipements de lutte contre les manifestations, mais aucun de ces pays n’a fourni des... les ressources nécessaires. »
Je n’utilise peut-être pas les terme exacts, mais manifestement, la Gendarmerie n’avait pas les moyens matériels dont une police, dans un pays occidental, disposerait pour faire face aux manifestations violentes, n’est-ce pas ?
R. Ils n’avaient pas... Ils n’avaient pas des instruments qui ne soient pas des armes à feu comme, par exemple, des bâtons, des... des... des gaz lacrymogènes ou des matraques. Ils étaient obligés d’utiliser des armes à feu, et ce qui risquait, bien sûr, de conduire à une recrudescence de la violence.
Q. Je suppose que vous avez contribué à la rédaction du livre de Jacques Katsenge, car il vous a cité comme étant l’un des contributeurs à la rédaction de ce livre intitulé...
R. Oui, il m’a interviewé, effectivement.
Q. Je suis désolé, mais j’ai trouvé ce passage très tardivement. À la page 65 de ce livre, le professeur Katsenge dit ceci de la Gendarmerie... En avez-vous une copie, mon Général ?
R. Non, je ne l’ai pas.
Q. Je vais le lire en français, dans mon français approximatif. Jacques Katsenge dit ceci : « Il faut dire par ailleurs que la Gendarmerie, à laquelle revenait la responsabilité de faire des arrestations, n’était pas non plus sans défaut. Comme tant de Tutsis… Comme tant « des » Tutsis, elle était infiltrée par des extrémistes et manquait de personnels, d’équipements et d’agents. Son chef d’état-major, en qui le commandant de la force... (inaudible) interlocuteur de l’Accord de paix, ne laissait pas indifférent, ne se faisait pas non plus des illusions sur son organisation. Face au banditisme... banditisme et aux manifestations de plus en plus nombreuses, la Gendarmerie se trouva plus d’une fois dépassée par les événements. N’ayant pas l’équipement nécessaire pour contrôler les foules, ni les matériels de communication requis, ni les véhicules appropriés, ni même les camions nécessaires à ses déplacements, elle n’avait pas la capacité d’un groupe de gendarmes impressionnants. »
Est-ce que vous convenez avec cette appréciation, est-ce qu’elle provient de vous, cette analyse ?
R. Je ne sais pas si l’auteur me cite ou bien s’il reprend mes termes. Mais d’une manière générale,
la Gendarmerie était beaucoup plus... beaucoup mieux formée que l’armée... avait une plus grande proportion d’armées, y compris dans le rang des officiers ; il y avait beaucoup plus de Tutsis que dans l’armée. Et de l’avis du colonel de Gendarmerie français, qui était le conseiller de la Gendarmerie, c’était la force qui avait les capacités nécessaires pour mener à bien leurs responsabilités. À la fin du mois de mars, parce qu’il n’y avait pas de gouvernement établi, le Gouvernement en place qui était coordonné par Madame Agathe était en train de manquer « les » ressources : Les troupes n’avaient pas été... n’avaient pas reçu leur salaire, il n’existait pas des pièces détachées pour les véhicules et les pièces détachées n’existaient pas. Et dans ces circonstances, il était difficile à la Gendarmerie de remplir toutes ses tâches... de mener à bien toutes ses tâches.
Q. Vous savez bien ce que cela veut dire, est-ce que vous comprenez ce que cela veut dire, lorsqu’on dit que la Gendarmerie était infiltrée par des extrémistes ?
R. Lors des conversations informelles que j’ai eues avec les différents éléments de la population ainsi que les leaders politiques, j’ai essayé... je ne sais pas si cette information m’est parvenue lors des conversations que j’ai eues au cours des dîners avec le colonel français, j’ai cru comprendre que la Gendarmerie qui était mieux formée et qui reflétait mieux l’esprit de réconciliation avait des éléments... comportait des éléments qui appartenaient plus à l’aile dure. Et plus tard, au cours... pendant la guerre, ceci a été confirmé par le général Ndindiliyimana, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il a pensé que la Gendarmerie ne pouvait pas nécessairement jouer le rôle de force d’interposition pour mener à bien la tâche qui leur était confiée.
Q. Certains informateurs disent qu’il a dit que certaines personnes étaient... Mais… Est-ce qu’il vous a jamais dit que parfois, il se disait qu’il ne pouvait pas commander cette force ?
R. Oui, autant que je puisse me le rappeler, nous avons eu plusieurs rencontres, je ne savais... je ne sais pas exactement au cours de laquelle il me l’a dit. Il m’a dit que, parce que le pays retombait dans la période de conflit, le commandement de la Gendarmerie revenait... rentrait à l’armée et les éléments qui étaient déployés derrière les lignes de front... Je ne sais pas combien de personnes ou combien de milliers de personnes y participaient, alors, il m’a dit que la Gendarmerie devait être sous le commandement du chef d’état-major de l’armée. C’est ce qui a d’ailleurs expliqué le fait que les gendarmes n’étaient pas toujours présents pour mettre fin aux exactions qui étaient perpétrées aux différents barrages routiers.
Q. Vous avez dit que les... il y a eu des barrages routiers qui étaient établis par le FPR et l’AGR. Vous avez également affirmé qu’à certains barrages routiers, vous avez vu des miliciens et des gendarmes qui les tenaient. Pensez-vous que ce soient des éléments... des éléments isolés ou des personnes qui n’étaient plus sous le contrôle du général Ndindiliyimana ?
R. Je ne peux pas exactement vous dire ce qui se passait, même si parfois, c’étaient des personnes qui étaient droguées, et certains, en fait, ne portaient que soit le pantalon ou le haut de l’uniforme qu’ils devaient mettre.
Q. Ce qui pourrait indiquer que ces personnes étaient des déserteurs ou des personnes qui n’étaient sous le contrôle de personne, qui échappaient au contrôle de leur supérieur hiérarchique — si ces personnes, comme vous le dites, avaient été droguées ?
R. Je ne peux pas vous dire s’ils étaient sous le commandement des Interahamwe ou s’il s’agissait d’éléments isolés qui agissaient de leur propre chef. Il y avait des points de contrôle qui étaient établis par la Gendarmerie, d’autre par la Garde présidentielle. Mais il y avait également des barrages qui avaient été établis par la population locale ou par des Interahamwe où on retrouvait des gendarmes et même des soldats.
Alors, est-ce que ces éléments faisaient partie du plan qui avait été établi par soit Ndindiliyimana, Bizimungu ou Bagosora, je ne pense pas pouvoir le dire avec certitude. Il y avait des troupes qui étaient déployées, mais je pense que ce que vous dites est une possibilité.
Q. Que ce soit dans votre livre ou dans les rapports de situation, vous n’avez jamais reproché au général Ndindiliyimana de... d’avoir affecté certains gendarmes à certains barrages routiers. Vous ne l’avez jamais fait. Alors, cela veut dire que vous ne pensez pas qu’il soit pas responsable de ces exactions... des exactions commises par ces personnes ?
R. Je dois dire que la Gendarmerie était sous son commandement à l’exception de certains éléments qui relevaient… qui travaillaient dans le domaine de la sécurité du pays. Je dois dire que l’armée... le chef d’état-major de l’armée, le général Bizimungu et le Ministère de la défense sont les personnes qui contrôlaient le plus cette situation.
Q. Je reviens sur votre livre, à la page 190. Vous parlez d’une réunion… dernier paragraphe, à la page 190 de votre livre...
Je suis désolé, cette partie n’a pas été... ne fait pas partie des extraits qui ont été distribués.
Vous parlez d’une rencontre avec le colonel Marchal, Bizimana, et Ndindiliyimana, et Munyazesa, et vous déclarez ceci… vous dites : « J’ai déclaré à Ndindiliyimana... » Et il s’agit de la lutte contre les démonstrations. « J’ai déclaré à Ndindiliyimana que les gendarmes n’en faisaient pas assez pour aider mes hommes à contrôler les émeutes dans la ville. Il a reconnu qu’il ne savait pas quoi faire, ses hommes étaient épuisés, les véhicules tombaient en panne et ils manquaient totalement de carburant. En outre, il a ajouté que le Ministre de l’intérieur... qu’en tant que Ministre de l’intérieur, il n’avait pas obtenu d’orientation sur le déploiement des forces. Alors, ses hommes n’avaient pas de moyens de disperser la foule, ils n’avaient pas l’équipement nécessaire, ils n’avaient pas de gaz lacrymogène ou de canon à eau. Il pouvait tout simplement... Il ne savait pas quoi faire pour mettre fin à la crise. »
Lorsqu’il vous a affirmé ceci, est-ce que vous avez vu dans quelle mesure... envisagé dans quelle mesure il pouvait être aidé ? Comment est-ce qu’on pouvait aider la Gendarmerie à accomplir sa mission ?
R. Je me rappelle que j’ai essayé de conclure un accord avec lui pour l’approvisionnement en carburant, mais à la fin, je n’ai pas pu réussir, parce que le personnel des Nations Unies n’a pas permis que ceci puisse se faire. Le carburant était disponible, mais le problème, c’était de savoir si la Gendarmerie ou l’armée avaient accès à ce carburant.
Q. En fait, à la page suivante, vous suggérez que vous avez proposé des patrouilles mixtes de la Gendarmerie et de l’armée et il vous a dit qu’il n’avait pas suffisamment de véhicules. Et vous avez dit que vos forces pouvaient patrouiller avec la Gendarmerie.
R. Oui, nous cherchions à résoudre le problème et à faire des patrouilles mixtes de… des différents éléments, c’est-à-dire le FPR, l’AGR et la MINUAR pour... Nous cherchions à organiser des patrouilles mixtes pour montrer la transparence de nos actions sur le terrain. Et l’objectif qui était recherché était de... d’arrêter les émeutes, d’arrêter les exactions qui étaient perpétrées contre certaines personnes en particulier, et également, la mise en application du cessez… du couvre-feu — pardon.
Q. Maintenant, je vais à la page 202... 202...
J’ai l’impression qu’une fois de plus, cet extrait ne figure pas parmi les pages distribuées.
À la page 202, au milieu de la page, vous dites ceci de Ndindiliyimana — vous parlez d’une réunion… d’une rencontre que vous avez eue avec Bizimungu, Ndindiliyimana, et des… du problème que posait le renforcement des... du bataillon du FPR au sein du CND. Et vous avez dit que Ndindiliyimana a, une fois de plus, cherché à insister que : « Étant donné que la Gendarmerie ne pouvait pas faire son travail, je devais lui permettre de renforcer ses hommes... de renforcer ses patrouilles avec les forces de l’AGR, et ce à quoi j’ai dit non. »
Je suppose que Ndindiliyimana se montrait coopératif. En fait, il ne prenait pas d’initiatives. Très souvent, il venait vous consulter pour voir dans quelle mesure il pouvait déployer ou redéployer ses hommes sur le terrain ; est-ce exact ?
R. Autant que je m’en souvienne… et Luc Marchal travaillait beaucoup plus en étroite collaboration avec les autorités dans cette zone, et je ne vois pas… je ne crois pas qu’il ait jamais déployé ses forces sans consulter les autorités de la zone de consignation d’armes de Kigali. Il a... Très souvent, lorsqu’il avait des problèmes, il les soulevait au cours de ces rencontres. Il faisait preuve de transparence, autant que je me souvienne. Et en même temps... Toutefois, les propositions qui étaient faites étaient des propositions... des propositions à l’effet de faire acheminer beaucoup plus d’hommes dans la zone de consignation d’armes. Et j’ai eu l’impression qu’on cherchait à envoyer des troupes dans cette zone, alors que nous avions déjà des problèmes sur le terrain. Je ne m’aventurerais pas assez loin pour dire, parce que je n’ai aucune preuve. Je ne dirais pas que Ndindiliyimana faisait partie de la cabale qui cherchait à ce que des forces soient redéployées à Kigali, je ne pourrais pas le dire, parce que ce serait aller trop loin.
Q. En fait, vous n’avez pas de preuve qu’il y ait eu de mouvements... de mouvements de troupes... de mouvements inconnus de troupes, parce que Ndindiliyimana, très souvent, demandait votre approbation pour le faire ?
R. Oui, pour la Gendarmerie... dans le cadre de la Gendarmerie, je ne crois pas avoir reçu de rapports qu’il y ait eu de manœuvres secrètes dans cette zone.
Q. Plusieurs… À plusieurs reprises, dans votre livre, ceci m’a frappé — et je suis sûr que cela a frappé bien d’autres.
À la page 223, vous vous exprimez comme si vous vous attendiez à ce que ce monsieur fasse un coup d’État... organise un coup d’État. Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce point ? Je puis vous donner quelques repères : Page 223... D’abord à la page 223...
M. LE PRÉSIDENT :
Maître Black, vous avons perdu la communication.
(Problèmes techniques)
Me BLACK :
À quelle heure observons-nous la pause, Monsieur le Président — je suis désolé ?
M. LE PRÉSIDENT :
Dans 45 minutes, nous prendrons une pause d’un quart d’heure et puis, nous continuerons jusqu’à 20 heures.
Je crois que c’est bon.
Me BLACK :
Mon Général, nous avons été coupés.
Q. Avez-vous retrouvé cette référence — à la page 223 ?
R. Revenons à votre question, si vous n’y voyez pas d’objection.
Q. Vous parlez d’une réunion avec Bagosora et Ndindiliyimana et vous dites ceci : « La présence de Bagosora a miné mon espoir que ce coup, s’il en était un, a été lancé par les éléments modérés de l’armée et de la Gendarmerie. »
Pourquoi aviez-vous ce sentiment que certains officiers pouvaient organiser un coup d’État — officiers de l’armée et de la Gendarmerie ? Et dans quel but ?
R. Les frictions qui étaient en cours entre les différentes composantes de... que ce soit au sein du FPR ou qu’il s’agisse de personnes non identifiées appelées « des modérés » ou même des hommes politiques ou d’autres considérés comme des partisans de la ligne dure et du pouvoir hutu, et puis, il y avait d’autres personnes qui étaient considérées comme « des extrémistes », il y avait donc plusieurs groupes que l’on retrouvait au niveau des ONG, des médias, des observateurs, des groupes de type CDR. Ces frictions avaient créé un climat qui n’était pas favorable à la mise en œuvre des Accords de paix. Nous vivions une situation où nous attendions qu’une étincelle se produise à tout moment, entraînant une déflagration s’il n’y avait pas d’accord politique.
Donc, face à cette réaction... à cette situation, la réaction instinctive était de penser, par exemple, qu’un groupe d’officiers pouvait entreprendre une action en vue de contrôler la situation.
Le texte que vous avez lu n’était pas tout à fait clair, j’aurais voulu revenir dessus : « La présence de Bagosora a miné le seul espoir que j’avais, qu’un coup d’État pouvait être monté par les éléments modérés de l’armée et de la Gendarmerie. » Ce que je voulais dire par là, était que, peut-être que les officiers modérés avec qui j’entretenais des rapports tout à fait transparents, allaient intervenir de manière à contenir les éléments extrémistes de l’armée de manière à créer une situation plus conciliante et favorable au règlement de l’impasse politique.
Q. Et vous avez pensé que Ndindiliyimana pouvait être un des membres influents de ce groupe ?
R. Absolument.
Q. C’est pour cela que vous l’avez désigné comme un individu énigmatique dans votre livre ? Parce que vous vous attendiez à ce qu’il prenne les rennes du pouvoir, mais il n’est pas intervenu. Est-ce bien pour ces raisons ?
R. La première indication était que des armes avaient été... des armes qui étaient au siège du MRND lui appartenaient. Bon, je n’ai pas vu de preuve écrite, mais ces armes étaient contrôlées par ses forces.
Ensuite, il était particulièrement actif le 7 et le soir du 8, et par la suite. Il y avait comme un... une caution tacite de tout ce que faisait Bagosora qui se présentait comme un interlocuteur particulièrement réticent à l’évolution de la situation politique et à la mise en place des Accords de paix.
Q. Parlons des caches d’armes qui existeraient chez lui. Il dit que cette maison a été donnée en location au MRND à des fins purement commerciales.
R. Je ne sais pas si c’est lui-même qui me l’a dit ou le colonel Marchal, mais vous avez raison, il s’agissait d’une transaction purement commerciale, il donnait sa maison en location au MRND.
Q. Je passe à la page 224 où vous parlez de l’autorité de Madame Agathe Uwilingiyimana.
Et au bas de la page 224 — je ne pense pas que cette page figure parmi les extraits que j’ai distribués, vous dites ceci : « Je me suis tourné vers Ndindiliyimana qui a déclaré qu’il voulait disposer une garde de la Gendarmerie à Radio Rwanda, au central téléphonique et quelques complexes et bâtiments... bâtiments administratifs, que c’était des endroits sensibles qui nécessitaient d’être protégés. Et il a insisté pour dire que tout soit coordonné avec le secteur de Kigali dans le cadre de la zone de consignation d’armes de Kigali, et Ndindiliyimana était d’accord. » Ensuite, vous le présentez comme un individu énigmatique.
Dans la page suivante, vous dites que vous avez demandé au colonel Marchal de collaborer avec le général Ndindiliyimana dans le cadre de ce qui était prévu ; est-ce exact ?
R. Oui, c’est exact.
Q. À la page 228, les quatre premiers paragraphes de cette page, deuxième phrase, vous dites ceci :
« Il était environ 2 heures du matin... » Et vous dites : « Luc avait élaboré un plan complet aux fins des patrouilles conjointes avec Ndindiliyimana. Le problème était que ce plan nécessitait le mouvement d’un grand nombre de troupes belges à travers la ville, ce que j’ai considéré comme pouvant être perçu comme c’est de la provocation. Or, c’était là, bien la dernière chose dont nous avions besoin. » Est-ce cela également exact ? C’est ainsi que les choses se sont développées, que Ndindiliyimana collaborait avec Marchal ?
R. Oui, autant que je m’en souvienne.
Q. Dans ces conditions, ce 7 avril à 2 heures du matin, pourquoi avez-vous pensé que les déplacements des troupes belges à travers la ville seraient perçus comme de la provocation ? Mais mon impression est que les radios ou les télévisions n’avaient pas diffusé d’émissions montrant du doigt les Belges comme étant ceux qui ont descendu l’avion du Président.
R. La raison en est qu’à mon retour de la ville, les troupes qui se déplaçaient dans la nuit, à travers des rues mal éclairées, pouvaient être prises pour cibles. Dans cette situation, des patrouilles importantes... les patrouilles étaient en fait plus statiques qu’autre chose. Et ensuite, il y avait une forte concentration des troupes dans la zone. Ce que je voulais éviter, c’est des altercations entre mes troupes... les troupes belges et les troupes des Forces armées rwandaises qui étaient dans
la ville mal éclairée.
La protection à apporter à Madame Agathe me paraissait... me « souhaitait » absolument nécessaire et c’est pour cela que j’ai donné mon accord. Et je suis allé ensuite à l’aéroport pour essayer de sécuriser la zone où l’avion s’est écrasé.
Q. Mais dans votre esprit, vous n’aviez aucun doute que le général Ndindiliyimana, à ce moment-là, était prêt à envoyer ses troupes dans les rues pour maintenir la stabilité et le calme dans la ville, n’est-ce pas ?
R. Je ne nierai pas qu’il était très coopératif dans le cadre de cette mission avec les moyens dont il disposait. Mais j’ai pensé que mettre les Belges dans les patrouilles de nuit consisterait à les mettre en danger. La Garde présidentielle en particulier qui n’avait pas été « les » forces les plus favorables à la mise en place des Accords de paix aurait pu être impliquée dans des accrochages avec les soldats belges.
Q. À la page 258, je voudrais que vous m’apportiez des précisions... malheureusement, vous n’avez pas ce passage non plus. Il ne s’agit que d’une seule phrase, dans le dernier long paragraphe, deuxième phrase, vous dites ceci : « Nous avons tous dû aider Rusatira et Ndindiliyimana à assurer le contrôle de la Garde présidentielle et à stabiliser la ville. » Je ne comprends pas comment cela aurait pu arriver ? Quelle idée avez-vous à l’esprit ?
R. Je ne retrouve pas ce passage.
Q. Le passage se trouve au bas de la page, les quatre dernières lignes, deuxième phrase qui commence par : « Nous avons tous dû aider Rusatira, etc. »
R. Non, je ne retrouve toujours pas.
M. BÂ :
Est-ce que vous pouvez rappeler le numéro de la page ?
Me BLACK :
Page 258, dans la version anglaise du livre.
R. Très bien, j’y suis.
Me BLACK :
Q. Toujours à la même page, vous parlez de Gatsinzi et Ndindiliyimana. Alors, je ne sais pas quelle version est la bonne. Il s’agit probablement de la deuxième édition. Voulez-vous dire que nous devrions lire « Gatsinzi » ?
R. Absolument.
Q. Étant donné que Gatsinzi, à cette époque, était le chef d’état-major de l’armée et que vous traitiez avec la Gendarmerie, pourquoi incluriez-vous Ndindiliyimana ?
R. Parce que Ndindiliyimana était le président du comité de crise, donc, il avait la... cette responsabilité, de manière générale, et il était de sa responsabilité de les amener tous les deux à mener à bien la mission.
Q. Donc, il ne s’agissait pas d’opérations militaires qui seraient menées par les gendarmes, par opposition à la Garde présidentielle, ce n’est pas dans ce sens ?
R. Non, je pensais qu’il était clair que les gendarmes... si la guerre éclatait, la Gendarmerie tomberait sous le commandement de l’armée. Mais il y avait une unité de l’armée qui constituait l’élite et qui avait le potentiel militaire, et la Gendarmerie n’avait aucune possibilité de contrôler cette unité d’élite.
Q. Je prends la page 292. J’ai demandé à Allison Des Forges de confirmer ce qui est écrit dans cette page, et je vais vous poser la même question. Deuxième paragraphe, vous verrez bien la date du 30… 13 avril 1994. On y parle d’un communiqué signé par Rusatira, Gatsinzi et d’autres officiers. Et vous y parlez d’un... d’une reddition inconditionnelle.
Vous dites ceci : « Je me suis demandé pourquoi la signature de Ndindiliyimana n’est pas apparue sur le communiqué. Mais le lendemain, j’ai pu apprendre de sa propre bouche qu’il était à Butare à essayer de protéger certains réfugiés tutsis et n’a pas eu le temps de rentrer à temps pour signer ce document. » Est-ce exact ?
R. Oui, c’est exact.
Q. Avez-vous… Lui avez-vous… Vous a-t-il donné des détails sur l’identité de ces Tutsis, si vous vous en souvenez ?
R. Non, je ne pense pas qu’il s’agissait de sa famille. La raison de sa présence à Butare était que les tueries n’avaient pas véritablement commencé dans cette zone. Pour être honnête, je ne me rappelle pas s’il s’agissait des membres de sa famille élargie ou des personnes qu’il connaissait. Je ne m’en souviens pas, je suis désolé.
Q. Mon Général, savez-vous également qu’un des témoins qui était membre de son escorte a confirmé, de même qu’Allison Des Forges, qu’à sa résidence à Kigali, il avait 37 orphelins tutsis qui ont été amenés par des prêtres et qu’il les a amenés ensuite à Butare ? Vous a-t-il affirmé avoir pris part à cette opération ?
R. Vous poussez un peu trop loin le bouchon. Je sais qu’il est arrivé quelque chose à son domicile, mais je ne peux pas vous le dire.
Q. Non, deux autres témoins à charge nous l’ont confirmé, je voulais simplement savoir si vous en étiez informé.
R. Oui, il y avait chez lui quelque chose qui concernait sa famille, mais mes souvenirs sont plutôt très disparates.
Q. Saviez-vous qu’à un moment donné, pendant le mois d’avril, Radio Muhabura a diffusé
un communiqué faisant état de la mort du général Ndindiliyimana qui aurait été tué par des officiers originaires du nord du pays ?
R. Non, je suis désolé, mais je ne m’en souviens pas.
Q. Passez à la page 305, s’il vous plaît. Je reviens sur quelque chose que vous avez dit plus tôt, pour en obtenir confirmation.
Au deuxième paragraphe, sur cette page, vous dites ceci : « Il y avait plus de demandes d’assistance pendant que les éléments indisciplinés des Forces armées rwandaises et de la Gendarmerie se sont joints aux Interahamwe. » Au moment où vous avez rédigé votre livre, avez-vous... aviez-vous le sentiment que les éléments indisciplinés qui n’obéissaient pas à la chaîne de commandement et qui se mêlaient aux Interahamwe étaient bien ceux-là ?
R. Dans les zones situés à l’extérieur des zones d’opération, c’est-à-dire dans certaines... certains quartiers de Kigali, nous avons effectivement vu des éléments qui ne semblaient pas être structurés de quelque manière que ce soit. Nous avions eu le sentiment qu’il pouvait s’agir d’éléments indisciplinés ou de déserteurs, mais je ne peux pas vous brosser un tableau précis de certains barrages routiers qui étaient entièrement contrôlés par des militaires ou des gendarmes. Ce que je veux dire ici, c’est que ces barrages étaient tellement nombreux qu’à certains niveaux, vous rencontriez un ou deux gendarmes ou deux militaires. Peut-être qu’ils faisaient appel à ces... à ces voyous pour les aider à accomplir leurs tâches. Mais je n’avais aucune raison de penser que ces militaires obéissaient à des ordres venus de la hiérarchie.
Q. Selon ce que vous avez observé et ce que vous... et du comportement de Ndindiliyimana, ce genre d’actions ne pouvaient pas provenir de lui, n’est-ce pas ?
R. En fait, il avait perdu tout contrôle, c’est ce que j’avais pensé à l’époque, et lui-même me l’avait expliqué. Le Ministre de la défense ne l’a jamais nié du reste, il était en flottaison. En fait. Il dirigeait le comité de crise, il était ici et là, il était un militaire... un militaire qui s’occupait un peu des opérations paramilitaires, mais on ne lui confiait pas d’opérations bien précises, on ne lui confiait pas de commandements puisqu’il était malgré tout très respecté parmi les rangs de la Gendarmerie.
Q. Passons à la page 334, deuxième paragraphe. Il s’agit là aussi...
Vous dites ceci : « J’ai reçu de Gatsinzi un rapport... »
Non, permettez-moi de revenir au communiqué du 12 avril. Ndindiliyimana vous a affirmé qu’il était favorable à ce communiqué et qu’il l’aurait signé s’il avait été à Kigali, est-ce bien cela ?
R. Oui, exactement, c’est ce qu’il m’a affirmé.
Q. J’ai une lettre de Gatsinzi qui le corrobore. À la page 334, vous dites ceci : « J’ai reçu de Gatsinzi un rapport selon lequel Ndindiliyimana était, en fait, dans le sud, occupé à aider les gens à échapper. Il devait s’agir du 25 avril. Et il dit qu’un certain nombre d’officiers des Forces armées rwandaises en étaient dégoûtés. »
Est-ce que Ndindiliyimana vous a donné des détails sur cette opération ?
R. Je ne m’en souviens pas, je n’en ai pas un souvenir précis.
Q. Je sais qu’il avait... qu’il avait un moyen de transport, donc il est... je suppose qu’il utilisait ce moyen de transport à cette fin. Apparemment, Ndindiliyimana a été accusé... a été attaqué. On l’a accusé de transporter même les troupes du FPR. En avez-vous entendu parler ?
R. Non, non, non, je ne l’ai jamais appris.
Q. À la page 338... non, 381, 382 — excusez-moi. C’est un long passage. Vous dites ceci... Je qualifie ce passage de confession et vous savez pourquoi, car vous dites ceci :
« Avant l’attaque, j’avais rencontré, à l’Hôtel des Diplomates, Ndindiliyimana, qui avait fait sa réapparition finalement au début du mois, à une session politique à Gitarama. Il m’avait abordé pour me demander d’organiser une réunion avec lui seul à Kigali. Et Ndindiliyimana et moi, nous sommes assis ostensiblement pour régler certains problèmes opérationnels de la Gendarmerie aux fins de transferts entre les lignes. Il a paru terriblement malade... mal à l’aise, mais déterminé dans son esprit, et il m’a prévenu que le préfet de Kigali n’était pas quelqu’un de fiable, et m’a confié que Bizimana, le Ministre de la défense, était diminué en raison de l’échec intervenu dans son domaine, la perte de ses propriétés à Byumba et la mort de ses parents. Il m’a dit que la faction modérée des Forces armées rwandaises, y compris Gatsinzi et Rusatira prenaient... devenaient de plus en plus influents, et qu’il pourrait me donner... il pouvait me donner... et qu’il ne pouvait pas me donner des indications particulières. »
Et vous continuez : « La réunion s’est poursuivie pour environ une heure avec Ndindiliyimana, étant pratiquement le seul à parler. Il m’a confié qu’il était devenu le protecteur d’un grand nombre de personnes en danger dans et autour de Butare. Il a dit que de nombreuses personnes se cachaient dans les plafonds, les murs et même les latrines de leur domicile, et mouraient de faim, de soif, et pire encore, parce que nous ne pouvions pas les aider. Il a souligné qu’il était essentiel de créer une force ou un mouvement à base non ethnique, à base non militaire pour gouverner le pays. Il m’a donné les noms des Tutsis influents qui se trouvent aux Mille Collines qui devaient être sauvés d’une mort certaine. »
Puis, je passe au paragraphe suivant. Vous dites ceci : « Ndindiliyimana avait un dernier conseil à me donner : Il a déclaré que les barrages routiers disparaîtraient si j’usais de la menace et de la force. Les éléments incontrôlables locaux abandonneraient ces barrières s’ils se rendaient compte qu’ils prenaient des risques de s’opposer aux éléments renforcés de la MINUAR. Il a pensé qu’une opération énergique de la MINUAR casserait les lignes des partisans de la ligne forte... de la méthode forte. Je me suis assis et j’ai écouté ce qu’il m’a dit avec beaucoup de scepticisme. Mais ici, il confirmait le rationnel qui fondait mon argument en faveur de la mission de la MINUAR 2. Et s’il était honnête, il était profondément attristé de ce qu’il ne pouvait pas offrir quelque chose aux mouvements modérés. Avec l’appui de Kagame ou même l’appui de la MINUAR, nous pouvions aider les modérés à créer un front qui confondrait les extrémistes et permettrait d’agir au nom de tous les Hutus. Les modérés... L’ineptie des modérés et le manque de courage et d’engagement leur coûteraient très cher après la victoire du FPR. Au moment où nous nous sommes dit au revoir, Ndindiliyimana a eu l’air d’un homme qui avait une confession, mais n’avait pas reçu d’absolution. » Le confirmez-vous ?
R. Oui.
Q. Il a paru comme quelqu’un qui venait à vous pour l’aider à sauver le pays. Et quand vous dites qu’il a eu l’air de quelqu’un qui a fait sa confession, mais qui n’avait pas reçu d’absolution, il voulait donc dire que c’était quelqu’un qui avait abordé plusieurs aspects de la situation, mais n’a pas reçu en retour ce qu’il attendait de vous.
R. Vous l’avez parfaitement compris.
Q. Pourquoi n’était-il pas possible pour la MINUAR d’agir comme le demandait Ndindiliyimana ? Était-ce pour des raisons tactiques, pour des raisons militaires, des raisons politiques ?
R. Le seul concept de l’opération militaire de la MINUAR correspondrait à ce qu’il me disait. Malheureusement, la MINUAR 2 n’a jamais vu le jour avant juillet, alors que le génocide avait pris fin depuis un mois. Il s’agit là d’une manifestation... d’une autre manifestation scandaleuse de l’inaction de la communauté internationale face à une situation donnée.
Q. Y voyiez-vous également une confirmation de ce que le commandant en chef des forces armées qu’il était n’avait pas les moyens de détruire ces barrages par ses propres moyens ?
R. L’argument selon lequel lui-même et certains modérés ne pouvaient pas se soulever, était parce qu’ils risquaient ainsi de mettre en danger la vie de leurs familles.
Deuxièmement : Dans le sud où on avait renforcé les éléments... les éléments venus du nord, considéraient ces personnes comme des faibles et que ces personnes seraient… n’accepteraient pas d’être mobilisées si une telle action était lancée par les modérés, je crois qu’ils auraient pu tenter quelque chose, ne serait-ce que parce qu’ils avaient la possibilité d’exfiltrer les membres de leur famille.
Bon, j’en parle, il est vrai que ma famille n’était pas sur place, mais ils auraient pu tenter quelque chose ; mais Kagame ne leur facilitait pas la tâche, et la communauté internationale rendait la chose totalement impossible.
Me BLACK :
Q. À travers les câbles et les rapports produits par l'ambassade des États-Unis, nous en avons discuté avec Des Forges. « Il » parlait d'une nouvelle armée, faisait-il état d'une possible scission au sein des Forces armées rwandaises ?
M. DALLAIRE :
R. Non, je n'ai aucune connaissance de l'existence d'une éventuelle nouvelle armée. Cette expression… Ce vocable n'a jamais été prononcé devant moi. Il y avait d'une part les Accords d'Arusha, il y avait d'autre part les structures qui devraient être mises en place après les Accords d'Arusha, mais les forces qui devaient être mises en place n'ont jamais été qualifiées de « nouvelle armée. »
Je crois qu’il s'agissait ici des forces extrémistes, et si les modérés s'étaient soulevés, ils auraient pu servir de force de tampon entre les extrémistes et le FPR.
Q. J'ai un document qui porte le numéro 2, dans le coin supérieur gauche, il s'agit d'une lettre émanant de la commission permanente de recours des réfugiés, qui porte la date du 6 juillet 19… du 10 juillet 1996, elle vous a été adressée et vous « demandant » de répondre à un certain nombre de questions sur l'implication du général Ndindiliyimana dans les opérations qui ont été menées pour sauver les réfugiés, qu'ils avaient appris certaines choses positives sur lui. Vous en souvenez-vous ?
R. Je suis désolé, mais je ne m'en souviens pas. Je ne me rappelle pas cette lettre. Toutefois, étant donné mes responsabilités de commandant en chef des forces des Nations Unies, je n'étais pas en mesure d'appuyer ou de donner une suite favorable à l'une quelconque de ces demandes.
Si j'ai reçu cette correspondance, j'y ai certainement opposé une fin de non-recevoir. Cette lettre a pu ne pas me parvenir, peut-être que mon personnel l’a tout simplement classée. Je n'ai pas souvenance non plus d'une réponse que j'ai pu donner à cette lettre.
Q. J'ai devant moi deux versions, il y a un document, le document 17, le numéro 17… qui porte le numéro 17 dans le coin droit, c'est un câble sortant que vous adressez au général Baril à New York. Il porte la date du 30 mars 1994, et il a pour objet « capacités de la Gendarmerie. » J'espère que vous l'avez retrouvée ?
R. Oui, je l'ai.
Q. Je ne vais pas vous donner lecture de l'ensemble du document, mais j'aimerais attirer votre attention. Pour le Procureur, il s'agit du document L0025215, il s’agit d'une analyse complète de l’état de la Gendarmerie à la date du 30 mars 1994. J'aimerais d'abord vous demander pourquoi vous avez eu à rédiger cette analyse ; qui l'a demandée, est-ce le général Baril ?
R. Comme la référence l'indique, il y avait une conférence entre moi-même, le général Michael Martin, qui était l'officier… le responsable juridique dans le Département des opérations de maintien de la paix et c'est un document qu'il m'a envoyé le 23 mars 94 où il demandait une évaluation des capacités de la Gendarmerie nationale du Rwanda.
Je ne me demande pas… Je me demande pourquoi il avait besoin de cette analyse à ce moment, était-ce pour leur fournir du matériel ? Je ne me rappelle pas exactement pourquoi.
Il y a eu des discussions lors d'une réunion de la commission conjointe, on voulait savoir comment démobiliser la Gendarmerie, la reconstruire. Et on s'est demandé s'il fallait considérer ceci comme un premier… comme une première étape de la mobilisation… de la démobilisation de la Gendarmerie. Et je crois avoir dit que si nous restructurons la Gendarmerie rapidement, nous pourrions avoir une… un organisme militaire, un organisme judiciaire au sein de l'armée qui pourrait permettre de résoudre le problème.
Q. Y a-t-il une analyse qui a été faite des capacités de l’armée, la même analyse que pour la Gendarmerie ?
R. Non, je ne pense pas. Je ne pense pas qu'on ait réalisé une autre… une analyse similaire pour l'armée. Et je me demande ce qui a pu motiver cette requête. Et je crois qu’en fait, il s'agissait du processus de démobilisation où nous avons pensé qu'il existait des risques (inaudible)
Q. J'aimerais à présent attirer votre attention sur la deuxième page, paragraphe 9, paragraphe 9 B où vous discutiez de l'agence de sécurité, la compagnie de sécurité VIP. Il s'agit du document L00266.
R. Je l'ai, oui.
Q. Vous avez dit ici que cette compagnie est responsable de la sécurité des personnes importantes et qu’il assumait également des fonctions de garde du corps. Cette compagnie est basée au camp Kacyiru, est-ce vrai ? Vous avez également ajouté que cette compagnie disposait d'une jeep et de deux petites camionnettes.
R. Honnêtement, je ne pense pas qu'ils avaient besoin d'autres véhicules puisqu’ils se déplaçaient toujours en compagnie de personnalités.
Q. Vous avez également dit qu'il était vrai que plusieurs personnalités, par exemple, le chef de la Cour constitutionnelle (inaudible) Lando avait déjà la protection de la MINUAR et également des gendarmes.
R. Oui, les gendarmes étaient toujours présents, des gendarmes qui assuraient la garde de ces personnalités, parce qu’en fait mon mandat ne consistait pas à protéger ces personnes mais à mettre en place un… à assurer la sécurité. J'ai essayé de voir dans quelle mesure nous pouvons, dans le cadre de notre mandat, assurer également des fonctions de protection de ces personnalités.
Q. À la page suivante, paragraphe 11, et vous avez dit que la Gendarmerie… que vous évaluez la Gendarmerie comme étant très peu efficace, sinon inefficace ; c’est parce que vous avez… vous avez expliqué — ils manquaient de formation, ils manquaient de motivation. Et au paragraphe B, vous avez affirmé qu'un certain nombre des éléments de la Gendarmerie avait été arrêtés pour avoir commis des crimes et que la Gendarmerie manquait de transports… de moyens de transport.
Au paragraphe D, vous avez dit qu'ils étaient incapables de répondre aux appels… aux appels à l'aide dans des cas tels…. par exemple, tels que des accidents de route, et que les… des gens se plaignaient du fait qu'ils ne pouvaient pas répondre à leurs appels à l'aide.
Au paragraphe E, vous avez dit que la Gendarmerie était désespérément à court de moyens de communication et d’autres matériels spéciaux dû à des contraintes budgétaires.
Et ensuite, au paragraphe G, vous avez dit que la Gendarmerie n'avait pas de masques de gaz… de masques pour les gaz lacrymogènes.
Je suppose que vous avez reçu l'accord de vos supérieurs hiérarchiques lorsque vous leur avez passé ce rapport ?
R. Oui, il s'agit ici de l'analyse qui a été effectuée en utilisant les normes de l'OTAN pour analyser les capacités de la Gendarmerie dans un pays qui était en guerre. Et on a constaté, effectivement, que la Gendarmerie, en plus du fait qu'elle ne pouvait pas se déployer, manquait d'équipement essentiel.
Et si vous vous rappelez la première opération qui a été menée le 1er avril, c'est-à-dire chercher où étaient les caches d'armes : Je devais faire appel à la Gendarmerie ainsi qu’au bataillon de la Gendarmerie, je devais également faire appel aux observateurs. Ce qui me vient à l’esprit, c’est que j’ai évoqué des… j’ai exprimé mon inquiétude sur les capacités de la Gendarmerie à le faire. Je crois que cela fait partie des discussions que j'avais et j'ai dû, en fait, utiliser beaucoup plus mes forces que celles de la Gendarmerie.
Me BLACK :
J'aimerais verser ce document en preuve.
M. LE PRÉSIDENT :
Ce document a déjà été versé en preuve comme ID. 2, ID. 11.
Me BLACK :
(Intervention non interprétée)
M. LE PRÉSIDENT :
Oui, nous allons reprendre nos travaux dans 15 minutes.
Oui, Général.
R. Je crois que Monsieur Black a deviné ce que j'avais « en » esprit.
M. LE PRÉSIDENT :
Alors, nous observons une pause de 12 à 15 minutes. Nous reprenons à 19 heures.
(Suspension de l'audience : 18 h 45)
(Reprise de l'audience : 19 h 5)
M. LE PRÉSIDENT :
Maître Black, veuillez poursuivre.
Me BLACK :
Général, êtes-vous là ?
Q. Nous venons d'examiner ce document sur les capacités de la Gendarmerie, pièce qui a été versée en preuve. Si vous prenez le document… le document 44, qui est une critique de ce rapport, critique formulée par le major Delporte qui était un major au sein de la police civile de la MINUAR, cette critique était adressée au colonel Marchal et à vous-même. Il a fait quelques corrections ou amendements à ce rapport, avez-vous le document sous les yeux ?
R. Oui, je l'ai.
Q. Si vous prenez le document du 5 avril, et dans le coin, vous avez le chiffre 44.
R. Oui, je l'ai.
Q. Au bas de la page, vous avez des commentaires, la dernière phrase dit ceci : « La Gendarmerie est requise par l'autorité administrative, le préfet, et mène sa mission sous la supervision de cette autorité. Des Forges a dit que lorsqu'un bourgmestre requiert la Gendarmerie, la Gendarmerie s'exécute, est-ce exact ce qui a été écrit ici ?
R. En temps de conflit, oui.
Q. Je passe à la quatrième page de ce document, qui dit ceci au paragraphe 2 : « Sur les questions de sécurité publique, la Gendarmerie ne peut intervenir que sur réquisition du Ministre de l'intérieur et tout particulièrement des autorités administratives, préfets, bourgmestres. Ce sont des politiciens qui dans les manifestations… que certaines manifestations sont dirigées par ces personnes, ce qui rend difficile la tâche de la Gendarmerie ; que pensez-vous de cette appréciation ?
R. Nous traitons ici d'une question technique qui ne m’est pas très familière. J'avais beaucoup de respect pour l'auteur de ce document et donc, je ne peux que corroborer ce qu'il dit.
Q. À la dernière page de ce document, il est dit ceci : Que les gendarmes relèvent des autorités administratives. Une initiative délibérée de la seule Gendarmerie serait considérée comme illégale. Donc, la Gendarmerie ne peut pas intervenir de son propre chef, elle a besoin d'être requise par une autorité administrative, le préfet, le bourgmestre etc… Pensez-vous que l'auteur de ce document a raison dans ce qu'il a dit.
R. C'est certainement exact dans la mesure où ils appliquent les règles du processus juridique et des textes qui régissent ces forces. Il est certain que le Ministre de l'intérieur est l'autorité de tutelle de la Gendarmerie.
Par exemple, le Ministre de la défense était informé quand la Gendarmerie a été déployée pour maintenir l’ordre ou pour protéger Agathe, par exemple. En fait, les documents 43 et 44 constituent un seul et même document. Puis-je le verser en preuve, Monsieur le Président ?
M. LE PRÉSIDENT :
Faut-il les mettre ensemble ?
Me BLACK :
Peut-être pour éviter toute confusion. Le document en date du 5 avril devrait être versé en preuve.
M. LE PRÉSIDENT :
Page 43, date 5 avril 1994. Il est versé en preuve comme pièce… il a déjà été versé en preuve, mais nous ne voyons pas le numéro de référence.
Me BLACK :
Il s'agit d'une lettre du major Delporte adressée au général Dallaire. Il porte la référence REF 255/94.
M. LE PRÉSIDENT :
Elle est versée en preuve donc. Ce serait le numéro D. 159… 169 — pardon — (Ndindiliyimana).
(Admission de la pièce à conviction D. 169 — (Ndindiliyimana))
Poursuivez.
Me BLACK :
Q. Je présume que Monsieur Mac Donald a discuté avec vous du rapport… de votre rapport de reconnaissance qui a déjà été versé en preuve. Je voudrais me référer à la page L002266. La numérotation me paraît bizarre, le document compte 20 pages.
R. Je l'ai.
Q. Prenez le paragraphe 97.
M. BÂ :
Le document, c'est quel numéro dans vos pièces ?
Me BLACK :
Il s'agit de la pièce 150… 163, c'est un gros document volumineux. Il s'agit d'un rapport de mission au Rwanda.
M. BÂ :
Ça ne fait pas partie des documents que vous nous avez donnés cet après-midi, non ?
Me BLACK :
Je suis désolé, Maître Mac Donald l'avait.
M. BÂ :
Je sais.
Me BLACK :
Je me référais à une seule ligne.
M. LE PRÉSIDENT :
Vous avez dit que le document… les documents 19 à 22 ne figurent pas dans le lot.
Me BLACK :
Peut-être que j'ai choisi de ne pas les exploiter, c'est pour ça que je les ai sortis du lot.
Q. Paragraphe 97 donc qui parle des services de sécurité face à la situation — c'est du moins le titre. Vous dites ceci — mais à l'époque, lorsque vous avez effectué cette mission de reconnaissance, vous avez dit ceci : « Les réunions tenues avec le haut commandement de la Gendarmerie sur certains de leurs cantonnements et leurs installations à Kigali a confirmé que même dans la meilleure des hypothèses, la Gendarmerie n'est pas… ne sera pas en mesure de restaurer l'ordre et de lutter contre la criminalité au Rwanda. »
En fait, à partir d'avril 1994, la situation s'est dégradée, et vous dites que le général Ndindiliyimana avait été littéralement dépouillé de son commandement ; était-ce votre position en avril 1994 ?
R. Delporte a fait cette appréciation avec le colonel Tikoka, cette appréciation a été élaborée sur la base des moyens qui seraient « celles » d'une... d'une marine ou d'une gendarmerie régulièrement équipée.
Il y avait le banditisme qui régnait et il y avait beaucoup d'armes qui… en circulation. Donc, l'environnement n'était pas serein et en même temps, on nous informe que la Gendarmerie avait tendance à abuser de la violence, c'est sur cette base que cette appréciation de la Gendarmerie… de la situation de la Gendarmerie a été faite à l'époque.
Q. Avez-vous jamais rencontré le major Zanzufura ? Il était le chef des opérations dans la Gendarmerie ; l’avez-vous rencontré pendant cette période ?
R. J'ai eu quelques réunions d'information au quartier général, de même que quelques réunions. Et un certain nombre d'officiers de la Gendarmerie étaient présents ; je serais surpris que le commandant
du G3 ait été absent à toutes ces réunions.
Q. Un fonctionnaire du… non, il est venu ici à la demande du Procureur, et il a fait quelques affirmations confirmant certains actes posés par Gatsinzi en novembre 1998. Et je me réfère… Je me réfère à un document qui porte la cote K01…
M. LE PRÉSIDENT :
Ce numéro ne figure pas… Ce document ne figure pas dans le lot que vous nous avez donné.
Me BLACK :
Je suis désolé, je n'en ai qu'une copie ici. Le document est en français, et il dit ceci…
M. BÂ :
Vous étiez en train de donner le numéro « K », est-ce que vous pouvez poursuivre ? Est-ce que vous pouvez nous donner le numéro « K » ?
Me BLACK :
Le document c'est « K0191164 » ; et il y a un autre numéro manuscrit qui est K9941 ; il dit que… le chef des opérations pendant les événements dit ceci et je lis : « Ndindiliyimana a demandé aide et assistance à moi-même ainsi qu'au (inaudible) pour aller sauver des gens qui étaient menacés dans le quartier. Je suis allé à plusieurs reprises pour le compte de Ndindiliyimana. Je me souviens que je suis allé chercher l'épouse du docteur Kanimba et les autres personnes. Je les ai conduits aux Mille Collines. Je me rappelle aussi avoir cédé le minibus de mon service afin que le général puisse évacuer des orphelins de Kicukiro vers Butare.
On peut dire que Ndindiliyimana a effectué des sauvetages sporadiques comme la plupart de mes collègues. Je dois encore dire que, parmi la Gendarmerie, j'ai eu connaissance que trois officiers et un caporal avaient été reconnus coupables de meurtre. Ils ont été arrêtés et emprisonnés. Mais comme la guerre était dans Kigali, ils ont été emmenés à la prison de Gitarama. Comme le Gouvernement de Kambanda était à Gitarama, ces tueurs ont été libérés. »
Cela correspondrait-il à votre appréciation… à votre appréciation et à votre connaissance de la personne du général Ndindiliyimana ?
R. Je m'en tiens à ce qu'il m'a dit et aux informations dont je disposais à l'époque, mais je n'ai pas d'information corollaire. Ce que de nature… Ce que vous venez de me dire s'agissant des prisonniers, j'ai effectivement appris que certains prisonniers ont été sortis de prison et libérés.
Q. Je voudrais maintenant exploiter un rapport de situation qui, malheureusement, ne figure pas… ne figure pas dans le lot ; c’est un rapport qui… que vous avez envoyé au… à Kofi Annan en date du 15 avril.
Ce qui m'intéresse c'est le paragraphe 3 où vous dites ceci : « S'agissant des Forces armées rwandaises, hier, ils ont changé les officiers… les officiers chargés du commandement et en ont désigné d'autres et que Ndindiliyimana a été écarté alors que… malgré le fait que sa maison était louée par le MRND. Il soutenait les négociations, mais on l'accusait de soutenir… justement de soutenir ces négociations. »
Reconnaissez-vous avoir envoyé un message dans ce sens à Kofi Annan ?
R. Peut-être mon assistant. Oui, cela correspond effectivement à ce que je sais.
Me BLACK :
J'aurais eu à poser des questions au général Dallaire sur de nombreux documents, mais j'ai reçu des instructions de mon client. Si nous observons… Si levons l'audience aujourd'hui, peut-être que demain, je n'aurais pas besoin de poursuivre ce contre-interrogatoire.
M. LE PRÉSIDENT :
Je vous laisse le soin d’en décider.
Me BLACK :
J’ai reçu instruction d'explorer certains domaines, j'ai une idée bien précise maintenant.
M. LE PRÉSIDENT :
Dans ces conditions, nous pouvons lever l'audience et revenir demain. Je vous souhaite… Ce sera la dernière journée, je vous souhaite un bon repos.
M. BÂ :
Maître Black a terminé ?
M. LE PRÉSIDENT :
Il reviendra, il a besoin de recueillir des instructions de son client et il pense qu'il va pouvoir terminer demain.
Me BLACK :
Peut-être que nous pourrons alors avoir une conférence de mise en état.
M. LE PRÉSIDENT :
L'audience est levée jusqu'à demain 13 heures.
(Levée de l'audience : 19 h 25)
SERMENT D’OFFICE
Nous, sténotypistes officielles, en service au Tribunal pénal international pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
ET NOUS AVONS SIGNÉ :
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Lydienne Priso Françoise Quentin
____________________
Vivianne Mayele