Sunday, March 11, 2007

Le Procès du Général: De Plus Dallaire Contreinterrogatoire -- 5 décembre 2006

Le Procès du Général: De Plus Dallaire Contreinterrogatoire -- 5 décembre 2006

[L'editorial/intro cm/p arrivera tout suite. Mais allez-y, le menu vous propose un gros porc très bien cuit avec un sauce de mensonges. Saisoné à la poussière des fées pour cacher un grand tuerie des innocents. Bon appetit. --mc]

TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

AFFAIRE N° ICTR-2000-56-T LE PROCUREUR
CHAMBRE II
C.
AUGUSTIN NDINDILIYIMANA
FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE
INNOCENT SAGAHUTU
AUGUSTIN BIZIMUNGU


PROCÈS

Mardi 5 décembre 2006

(13 h 10)

Devant les Juges :
Joseph Asoka de Silva, Président
Taghrid Hikmet
Seon Ki Park

Pour le Greffe :
Roger Noël Kouambo
Issa Toure
Abraham L. Koshopa

Pour le Bureau du Procureur :
Ciré Aly Bâ
Moussa Sefon
Segun Jegede
Abubacarr Tambadou (absent)
Felistas Mushi

Pour la Défense d’Augustin Ndindiliyimana :
Me Christopher Black
Me Patrick De Wolf (absent)

Pour la Défense de François-Xavier Nzuwonemeye :
Me Charles Taku
Me Hamuli Rety (absent)

Pour la Défense d’Innocent Sagahutu :
Me Fabien Segatwa
Me Seydou Doumbia

Pour la Défense d’Augustin Bizimungu :
Me Gilles St-Laurent (absent)
Me Ronnie Mac Donald

Sténotypistes officielles :
Françoise Quentin
Vivianne Mayele
Lydienne Priso



PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE


TÉMOIN ROMÉO DALLAIRE

Suite du contre-interrogatoire de la Défense d’Augustin Bizimungu, par Me Mac Donald 5


PIÈCES À CONVICTION

Pour la Défense d’Augustin Bizimungu :
D. 154 (Bizimungu) 8
D. 155 (Bizimungu) 20
D. 156 (Bizimungu) 22
D. 157 (Bizimungu) 66
D. 158 (Bizimungu) 68
D. 159 (Bizimungu) 69
D. 160 (Bizimungu) 75
D. 160 A (Bizimungu) 75

(Début de l'audience : 13 h 10)


M. LE PRÉSIDENT :
Bon après-midi, Mesdames et Messieurs.

L'audience est ouverte.

Pourriez-vous nous présenter les différentes équipes, en commençant par le Procureur ?


M. BÂ :
Je vous remercie, Monsieur le Président.

Monsieur le Président, Honorables Juges, le Bureau du Procureur est représenté cet après-midi par Monsieur Sefon, Avocat général, Monsieur Segun Jegede, Avocat général, Madame Felistas Mushi, Substitut général, Madame Hélène, qui est assistante au Bureau du Procureur, et Monsieur Munyaga (phon.), qui est legal assistant.

Mon nom est Ciré Aly Bâ et je suis Avocat général principal.

Je vous remercie.


M. LE PRÉSIDENT :
Je vous remercie.

Au tour de la Défense.


Me MAC DONALD :
Bonjour… ou plutôt, bon après-midi, Madame, Messieurs les Juges.

Je m'appelle Mac Donald, Conseil de Bizimungu, assisté par mon conseiller juridique, Monsieur Mutabazi, et un interne juridique.


Me BLACK :
Je m'appelle Christopher Black. Je représente le général Ndindiliyimana. Et mon nouveau Coconseil (sic) s'appelle Nsengiyumva.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous voulez dire... votre Coconseil est là ?


Me BLACK :
Non. Il a dû repartir en Belgique pour travailler sur le dossier de la Défense. Je crois savoir qu'il a parlé au Greffe. Je n'étais pas au courant de l'ordonnance que vous avez rendue.


M. LE PRÉSIDENT :
Dès lors que votre Conseil est... que votre client est représenté, c'est bon.


Me TAKU :
Je m'appelle Chris Charles Taku, conseiller (sic) du major Nzuwonemeye. Monsieur Colson (sic) est mon Coconseil, et j'ai également avec moi mon assistant juridique.


Me SEGATWA :
Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame, Monsieur le Juge.

Je m'appelle Segatwa Fabien et je suis avec le Coconseil Seydou Doumbia pour représenter les intérêts de l'Accusé Innocent Sagahutu.

Et pour aujourd'hui, j'ai.. j'ai à côté de moi un enquêteur, pour les besoins de la cause.

Je vous remercie.


M. LE PRÉSIDENT :
Monsieur du Greffe, j'apprends que les trois Accusés ne sont pas présents aujourd'hui. Ont-ils été informés ? Et quelle a été leur réaction ?


M. TOURE :
Vos instructions ont été exécutées. Nous sommes... Nous sommes entrés en contact avec les Accusés en question et l'information est que, à l'exception de l'Accusé François-Xavier Nzuwonemeye, les trois autres disent qu'ils ne seront pas présents à cette audience. Ils estiment qu'ils sont représentés par leurs Avocats.

Je vous remercie, Monsieur le Président.


M. LE PRÉSIDENT :
Je vous remercie.

Monsieur Black ?


Me BLACK :
Très brièvement, je ne serais pas long ; j'aurais besoin tout au plus d'une minute.

Je voudrais faire un commentaire sur un fait, vous en ferez part au Président du Tribunal, le Juge Møse.

Nous avons reçu, il y a quelques jours, un communiqué de presse publié par le représentant du Rwanda auprès du Tribunal. L'objet de cette déclaration portait sur la déclaration faite par les Conseils de la Défense auprès du Tribunal. Il nous a, dans cette correspondance, traité de « fanatiques », de... d'« agents des Français », et a demandé au Tribunal de nous faire arrêter, tous, pour des propos calomnieux à l'encontre du Président rwandais et du peuple rwandais.

Le document porte la date du 26 novembre 2006. Je voudrais attirer votre attention sur ce message, pour que vous en parliez au Président, afin que le représentant du Tribunal ici soit retiré, soit réprimandé. Et nous avons l'intention de rédiger une lettre de protestation au Gouvernement rwandais pour des propos insultants et calomnieux à l'égard des Conseils de la défense.

C'est une menace. Il n'est pas normal de nous traiter d'« agents des Français » et de « fanatiques ». L'objet de cette publication est de nous intimider et a nécessairement une incidence sur le moral des Accusés. Nous vous demandons donc de transférer le communiqué, notre protestation au Juge Møse, afin qu'il se prononce auprès du Gouvernement rwandais contre cette déclaration.


M. LE PRÉSIDENT :
Nous n'avons pas besoin d'y être impliqués. Puisque vous avez une association, saisissez directement les personnes concernées.


Me BLACK :
Nos Conseils nous ont... Nos clients nous ont demandé de faire les deux. À part cette démarche, nous avons l'intention de publier une lettre également.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous pouvez saisir directement le Président du Tribunal.


Me SEGATWA :
C'est pour avoir une information sur la date de la fin de cette session, pour que nous puissions, au besoin, faire des réservations pour les billets d'avion.

Est-ce que nous avons... La session, pour cette Chambre, prend fin à quelle date, s'il vous plaît, Monsieur le Président ?


M. LE PRÉSIDENT :
J'ai l'intention de mettre fin à cette session jeudi soir ; mais cette interruption peut intervenir plus tôt, tout dépendra de vous. Nous avons... Vous avez trois jours ; à vous de... et si vous finissez plus tôt, eh bien, l'interruption interviendra plus tôt.


Me BLACK :
On nous avait dit que la déposition de Dallaire allait jusqu'au 8.


M. LE PRÉSIDENT :
Non. C'est jusqu'au 7.


Me BLACK :
Nous travaillerons jusqu'à quelle heure, aujourd'hui ?


M. LE PRÉSIDENT :
Jusqu'à 20 heures.


Me BLACK :
Et il en sera de même demain ?


M. LE PRÉSIDENT :
Oui. Il en sera de même demain également.


Me BLACK :
Très bien.


Me MAC DONALD :
Je m'attendais à ce que cette session aille jusqu'au 8. Y a-t-il une raison quelconque — à moins que ça ne soit des questions personnelles — pour que nous n'allions pas jusqu'au 8 ? Est-ce à cause du calendrier de Monsieur Dallaire ?


M. LE PRÉSIDENT :
Non. C'est en raison de notre calendrier à nous.


Me MAC DONALD :
Nous ne pouvons pas nous en plaindre, dans ces conditions.

Je pensais, Monsieur le Président, que...


M. LE PRÉSIDENT :
Demain également, nous travaillerons « demi-journée ».


Me MAC DONALD :
Monsieur le Président, puis-je vous demander, au fur et à mesure que cette déposition se poursuivra... Nous croyons savoir que Dallaire a une vaste culture militaire, mais étant donné que le temps nous fait défaut, peut-on lui demander de nous donner des réponses brèves ?


M. LE PRÉSIDENT :
Vous également, vous devrez poser des questions brèves, pour pouvoir obtenir des réponses brèves.


Me MAC DONALD :
Le problème, Monsieur le Président, c'est que j'ai une longue liste de questions et que je ne peux pas laisser de côté cinq ou six pages.


M. LE PRÉSIDENT :
Essayez d'être le plus bref possible.

Gardez aussi à l'esprit que les sténos qui sont là ont travaillé toute la matinée. Nous devrons en tenir compte.


M. KOUAMBO :
(Début de l'intervention inaudible)... le Président.


M. DALLAIRE :
Bonjour.


Me MAC DONALD :
Bonjour, Mon général.

CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
PAR Me MAC DONALD :

Q. Concernant la problématique qu'on a « discutée » la semaine passée ou il y a deux semaines, concernant Agathe, et plus particulièrement sa légitimité en tant que remplaçante du Président, je vous soumets que, d'un point de vue strictement juridique, la Constitution rwandaise de 1991 prévoyait, à son article 42, qu'en cas de décès du Président, le Président du CND en titre devait lui succéder ; est-ce que c'était à votre connaissance au moment des événements, au mois d'avril ?

M. DALLAIRE :

R. Non. Ce n'était pas le cas.

Q. Et vous savez, à tout le moins aujourd'hui, je suppose, Général, que le président du CND, à l'époque, était celui même qui a été désigné Président intérimaire le 9 avril 1994, à savoir Sindikubwabo ? Est-ce que... Est-ce que ceci était à votre connaissance, au moment des événements ?


Me BLACK :
Excusez-moi.

Excusez-moi. Désolé, Mon général.

Nous avons entendu à travers l'interprétation « le Président du CND », et non pas le Président du MRND.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui.


M. BÂ :
« CND », c'est un lieu. C'est peut-être le président du Parlement.


Me MAC DONALD :
Il s'agit du Président du Parlement. Il s'agissait de Sindikubwabo. Et aux termes de la Constitution, il devait remplacer le Président. Donc, je maintiens ce que j'ai dit ; il s'agit du Parlement, le CND.

Excusez, Général.


R. Cette question n'a jamais été abordée lors de la réunion, ni le 6, ni le 7, ni même le 8, ni par le colonel Bagosora, ni par qui que ce soit.


Me MAC DONALD :
Q. (Début d'intervention inaudible)... par la suite ; exact ?


M. LE PRÉSIDENT :
Allez-y, Maître.

Maître Mac Donald, pouvez-vous répéter votre question ?


Me MAC DONALD :

Q. Alors, cette information-là, Général Dallaire, que je viens de vous soumettre, à l'effet que le président du CND, à l'époque, était le Président qui a succédé au Président Habyarimana, à savoir Sindikubwabo. Ceci, je comprends, est venu à votre connaissance à la suite des événements ; c'est exact ?

R. Cette possibilité n'a jamais été avancée à quelque moment, que ce soit les 6, 7 ou le 8, par les personnes présentes... par les personnes présentes, à ma connaissance.

J'en aurais certainement pris note, parce que je posais des questions sur la manière dont ils entendaient assurer la continuité... le pouvoir gouvernemental.

Q. D'un point de vue strictement légal, est-ce que c'était à votre connaissance, en date du 6 et 7 avril, que les Accords d'Arusha — et plus particulièrement l'Article 47 — prévoyaient qu'en cas de décès du Président, que c'était au MRND « à » soumettre deux noms à l'ANT — à savoir, l'Assemblée nationale de transition — pour désigner un successeur au Président ? Est-ce que cette information-là était à votre connaissance le 6 ou 7 avril ?

R. Je ne me souviens pas que cette question ait été abordée par mon personnel ou par moi-même.
Je travaillais uniquement sur le système politique qui m'était familier, qui prévoyait que le Premier Ministre désigné, Agathe en l'occurrence, puisse logiquement et politiquement assurer la vacance de pouvoir à la tête du Gouvernement.

Q. Avez-vous, toujours en date du 6, 7, ou même le 8 ou 9 avril 1994, demandé une opinion au contentieux juridique des Nations Unies, afin de connaître leur position sur le successeur légal du Président Habyarimana ? Avez-vous fait cette démarche-là, Général ?

R. La seule mesure que j'ai prise était de « confirmer » auprès de mon conseiller politique, qui était le Représentant du Secrétaire général, de me donner des orientations en ce qui concernait la question politique dans le cadre de l'exercice de mes fonctions. Cette question a donc été abordée avec lui et avec personne d'autre, à l'époque des faits.

Q. (Début d'intervention inaudible)... si le Représentant spécial du Secrétaire général, lui, a demandé une opinion juridique au contentieux des Nations Unies ? Un simple « oui » ou « non ».

R. Non. Je n'ai pas la moindre connaissance d'une communication de cette nature.

Q. Maintenant, en faisant abstraction du côté purement légal des choses, est-ce que c'est à votre connaissance, Général, que Madame Agathe avait des problèmes, à cette... pendant la période de mars, avril 94, avec les différents ministres du MRND, et plus particulièrement que Madame Agathe s'était démobilisée elle-même, vu son obstination et refus à convoquer le Conseil des ministres ? Est-ce que ça, c'est venu à votre attention, Général ?

Et je réfère au document... J'ai une lettre ici, en date du 28 mars 94, qui est adressée à Madame le Premier Ministre et signée par 13 signatures de différents ministres qui déplorent l'obstinence (sic) de Madame... du Président... du Premier Ministre Agathe à persister à ne pas vouloir convoquer le Conseil des ministres.

Est-ce que ça, ça a été « apporté » à votre attention, Général ?

R. Autant que je me souvienne, les informations que j'avais sur le fonctionnement du Gouvernement émanaient de Madame la Première Ministre, elle-même, et certains ministres qui ont dit que, à partir de janvier, à maintes reprises, l'on a essayé de convoquer un Conseil des ministres, mais que les ministres du MRND ont refusé d'y participer.

J'en ai eu confirmation de sa propre bouche, à un moment donné, en février.

Et je sais que ces discussions ont continué jusqu'au 6.

Q. (Début d'intervention inaudible)... assez franche avec vous, Général, parce dans cette lettre-là du 28 mars 94, les différents ministres, encore une fois, déplorent son obstination à ne pas vouloir convoquer le Conseil des ministres, en disant notamment que le dernier Conseil des ministres avait été convoqué le 29 février 94. Et par la suite — et là, on est en date du 28 mars, la date de la lettre —, six différents ministres tentent d'inciter Madame Agathe à convoquer le Conseil des ministres. Et ce qu'elle semble avoir refusé par la suite.

Monsieur le Président, ceci ne figurait pas dans le document initial que nous avons déposé, mais vous l'avez dans le document n° 232… au numéro 232. J'aimerais le présenter. Je pense que Monsieur Bâ en a une copie. Et comme vous allez le noter à droite, ce document... il est précisé que ce document a été présenté dans l'affaire Bagosora par l'équipe de la défense.

Et j'aimerais donc présenter ce document comme pièce P... D...


M. LE PRÉSIDENT :
Ce document doit donc porter la cote D...


M. KOSHOPA :
(Intervention non interprétée)


M. BÂ :
Il s'agit bien du document n°... (fin de l'intervention inaudible).


Me MAC DONALD :
C'est ça. C'est ça. Si vous me le permettez, Monsieur le Président, étant donné que nous allons suivre un contre-interrogatoire, je me demande si nous pouvons présenter ce document à la fin de la... du contre-interrogatoire du général Dallaire.


M. LE PRÉSIDENT :
Mais vous devez le déposer immédiatement.

Donc, ce document a été... reçu la cote D... D. 42. La lettre est datée du 28 mars 1994.

(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 154)


Me MAC DONALD :
Il ne porte pas de cote, Monsieur le Président. Nous ne... Il n'a pas de cote « K ».


M. LE PRÉSIDENT :
Merci.


Me MAC DONALD :

Q. Également, Général Dallaire, je vous soumets — ce qui, de toute façon, vous a été soumis dans Militaires I lors de votre déposition — que le professeur belge Reyntjens — R-E-Y-N-T-J-E-N-S — parle, lui, d'une réunion de militaires qui se serait tenue chez Agathe le 4 avril 94, en vue de préparer un coup d'État. Et vous avez été questionné sur ce point-là le 22 janvier 04, à la page 76.

Alors, est-ce que... est-ce que cette rumeur-là de tentative de coup d'État est venue à votre attention dans les jours suivant ou les semaines suivant le 4 avril 1994 ?

R. Je ne me souviens pas d'une telle information que j'aurais reçue à ce moment, au moment que vous indiquez.

Q. Général, quel était le but recherché par vous en demandant qu'Agathe s'adresse au peuple dans la nuit du 6 au 7 avril ? Quel était le but de l'exercice ?

R. Je vais reprendre ce que j'ai dit déjà la semaine dernière : L'objectif que je visais, « en » mon sens, c'était qu'elle s'était déjà adressée au peuple, à la population, à travers la radio. Et à mon avis, elle était le chef politique du Gouvernement qui était encore en place et sa voix, à travers les ondes de la radio, pourrait... devait avoir... apaiser... un effet apaisant sur les populations, les rassurer.

Et c'est pour cela que j'ai demandé au Représentant spécial du Secrétaire général qu'elle s'adresse à la population. Et il était d'accord.

Q. (Début d'intervention inaudible)... entretenez cet espoir, Général ? Sachant que, justement — et je suis d'accord avec vous là-dessus — qu'elle — Madame Agathe — s'était adressée au peuple au mois de février, suite aux assassinats de Gatabazi et Bucyana, du CDR ; et qu'à ce moment-là, vous vous souviendrez que, suite à ces assassinés-là... ces assassinats-là, le pays avait été quasiment à feu et à sang et que l'intervention de Madame Agathe n'avait absolument rien changé. Vous êtes d'accord avec ça ? Du moins, à court terme.

R. Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que son intervention n'a rien changé. Parce que nous n'en avons aucune preuve. Sa participation, sa présence ou tout autre personne... Même le Ministre de la défense, avec le... avec l'installation du couvre-feu, est intervenu. Donc, je pense qu'elle faisait partie du processus et qu'elle devait intervenir.

Q. Ce que je tente d'obtenir de vous, Général, c'est l'acquiescement, en fait, que suite à l'adresse de Madame Agathe au peuple en février 94, son intervention n'avait absolument rien changé ; les tueries et les manifestations n'avaient pas diminué, du moins à court terme, dans les deux jours... deux, trois, quatre jours suivant son intervention. Vous vous souvenez de ça ?

Parce que vous dites, dans Militaires I...

R. (Intervention non interprétée)

Q. Allez-y, Général. Je vous en prie.

R. Je vais répondre de la même façon que je l'ai déjà fait : Elle faisait partie du processus et elle devait donc participer à l'instauration de... à rassurer les populations. Et je pensais qu'il s'agissait d'un processus raisonnable. C'est ce que... C'est ce à quoi nous nous attendions. Et c'est pour cela que je lui ai proposé de s'adresser au peuple.

Et je pense que je peux me tromper… Par... Et seul le Représentant spécial peut me corriger. Mais je pense... je pensais que c'était la meilleure chose à faire.

Q. Maintenant, sans remettre en cause, Général, le fait qu'Agathe, en tant que Premier Ministre, ait pu légalement ou non s'adresser au peuple, est-ce que vous... ne considériez-vous pas que ce précédent-là — son intervention antérieure — vous indiquait que Madame Agathe n'avait aucune... aucune écoute, dans pareilles circonstances ?

Et je comprends vos motivations. Je comprends ce que vous nous dites, sur le pourquoi vous insistez à faire entendre Madame Agathe sur les ondes. Mais il y avait un précédent, Général, et ce précédent-là vous indiquait clairement qu'elle n'avait pas l'écoute du peuple, qu'elle n'avait pas d'autorité sur le peuple. Et c'est dans ce sens-là que je m'interroge sur la pertinence de votre motivation ou sa légitimité.

R. Ma décision, je l'ai prise en toute bonne foi, parce que qu'il y avait... il était possible d'apaiser les tensions qui étaient suscitées à ce moment-là.

Le personnel militaire m'avait fait savoir qu'elle ne suivait par leurs opinions. Et je n'avais pas d'autre option ; pour résoudre les problèmes qui se posaient, je n'avais pas d'autre choix.

Et ils n'ont pas également tenu compte du fait qu'elle n'avait pas... qu'elle ne disposait pas de tout le pouvoir ou qu'elle n'avait pas la légitimité voulue.

Ce problème n'a jamais été posé. Si le problème avait été posé, nous aurions envisagé un autre scénario. Et c'est pour cela que j'ai continué sur cette lancée ; j'ai pensé faire ce qui était raisonnable.

Q. Je suis en complet désaccord avec vous, Général. La preuve indique clairement que la position qui avait été prise dans la nuit du 6 au 7 avril était à l'effet qu'on devait attendre la formation d'un Gouvernement intérimaire et demander au représentant de ce Gouvernement intérimaire-là de s'adresser au peuple. C'est ça qui était le plan de marche. Et ça, ça vous avait été clairement indiqué, n'est-ce pas ?

R. C'est absolument faux. Aucun... Rien n'a été soulevé. Personne ne m'a parlé de ce problème. Et en fait, ce n'est qu'après que ce problème « a » été soulevé... et ils m'ont dit qu'ils étaient en contact avec le président du CND qui avait l'autorité... qui avait le pouvoir légitime de le faire.

Aucune... Aucune allusion n'a été faite le 6, et même dans toute la journée de... pendant toute la journée du 7.

Et ce n'est que lorsqu'elle s'est rendue… Elle n'a pas pu se rendre à la station radio et, par la suite, elle a été assassinée.

Q. (Début de l'intervention inaudible)... dans tout événement, avez-vous pris des notes de cette rencontre-là, soit celle du quartier général, dans la nuit du 6 au 7, ou encore la réunion à l'ESM, « 7 » ? Avez-vous des notes personnelles sur ces réunions-là, Général Dallaire ?

R. Non.

Q. (Début d'intervention inaudible)... témoigné à partir de votre... vos souvenirs, votre mémoire sur ces éléments-là ?

R. Oui. Oui. Et également, mon adjoint, mon assistant prenait des notes.

Q. Et pour terminer sur ce point-là, vous avez mentionné, je pense, en chef… en contre-interrogatoire, que le directeur de l'ORINFOR, Monsieur Higiro, avait parlé avec vous au cours de la nuit du 6 au 7. Et je pense qu'il y a eu un ou deux... une ou deux conversations, peut-être trois, entre vous et lui. Et, ultimement, ce que Monsieur Higiro vous a dit, c'est que, pour lui, cette suggestion-là de votre part d'amener Agathe à la radio était, à ce moment-là, trop « dangereux ». C'était au moins... c'était du moins son opinion ; vous êtes d'accord avec ça ?

R. Je ne me rappelle pas le nom de cette personne. Tout ce que je sais, c'est qu'il était directeur d'une station radio. Et lorsque j'ai eu une première conversation, il a accepté que Madame Agathe « pouvait » se rendre à la station radio.

Et lorsque j'ai conversé avec lui pour une deuxième fois, il m'a dit qu'elle ne pouvait plus venir parce que les membres de la Garde présidentielle étaient présents et l'empêcheraient d'entrer. Et il craignait pour la vie de... de la Première Ministre.

Et je lui ai demandé, donc, s'il pouvait faire une liaison téléphonique, afin qu'elle puisse utiliser le téléphone pour s'adresser à la population. Il a refusé. Et ensuite... Et il a dit qu'il allait voir si elle pouvait s'adresser à travers une autre station radio, ce qui n'était pas possible à la fin.

Q. À qui avez-vous parlé, « au » RTLM ?

R. Je ne me rappelle pas le nom de cette personne, mais elle semblait être en position d'autorité.
Je crois que c'était le directeur, mais je ne sais pas exactement à qui je me suis adressé.

Q. Et, finalement, Général, n'est-il pas exact que vous avez personnellement — et encore, là, ce n'est pas une attaque de ma part —, mais vous avez été blâmé par la commission belge d'avoir manifesté une certaine imprudence à l'égard de l'escorte dont devait bénéficier Madame Agathe ; êtes-vous d'accord avec ça ?

R. Je ne suis pas d'accord. J'ai fait ce que j'ai pensé... J'ai pris ce que je pensais être une décision responsable, même si l'issue n'a pas toujours été positive.

Q. La question, Général, ce n'est pas... je ne vous demande pas votre opinion à vous, c'est plutôt l'opinion de la commission belge.

Est-ce que vous êtes d'accord, oui ou non, qu'elle vous attribue une certaine responsabilité ou une certaine négligence eu égard à... à la mort d'Agathe ?

R. Je n'ai pas lu tout le rapport de la commission. Je ne sais pas exactement où vous voulez en venir.

Q. Well, the point... Le point est que c'est une commission, une des premières commissions qui a enquêté sur les événements du Rwanda et cette commission-là a siégé sur plusieurs semaines. Plusieurs de vos collègues… D'ailleurs, Luc Marchal, colonel Marchal, a été entendu. Le Juge Bruguière, du tribunal de grande instance de Paris, s'est fortement inspiré de cette commission-là et des témoignages qui ont été rendus lors de cette commission-là pour en arriver à la conclusion qu'il y avait manifestement une responsabilité de la part de Kagame, du FPR, dans les événements du Rwanda, et plus particulièrement l'assassinat du Président.

Êtes-vous en train de me dire, Général, que ça non plus, vous n'avez pas lu ? Le rapport de la commission belge. Et qu'au moment où on se parle aujourd'hui, ou avant aujourd'hui, personne ne vous avait mentionné qu'on vous avait pointé du doigt comme étant l'un des... — je ne dirais pas l'un des responsables — mais que vous aviez manqué à votre obligation d'accorder une protection appropriée à Agathe ? Vous ne saviez pas ça avant aujourd'hui, si je comprends bien ?

R. Je... Non. J'ai lu des parties de ce rapport. J'ai lu certaines pages. Je connais la conclusion générale qui est donnée sur le travail que j'ai fait. J'ai lu cette conclusion. Et voilà. C'est tout.

Q. Je voudrais maintenant, Général, aborder la question des Interahamwe, et plus particulièrement en rapport avec votre témoignage du 21 novembre, en chef, aux pages 41 et 54, à la page 35… Vous, à la page 40, vous mentionnez avoir été présent lors d'une réunion que vous fixez au 1er mai 1994. Et pour résumer un peu votre témoignage, là, pour accélérer le processus, en fait, vous parlez d'une première réunion, vous parlez d'une deuxième réunion avec les Interahamwe, page 42.

Et la question qui vous était posée par le Procureur, Maître Bâ, consistait à vous demander qui avait organisé la réunion du 1er mai. Et vous avez répondu que... de façon générale et vous dites quelque chose dans le style : Tous les contacts avec les Interahamwe étaient faits par — si je comprends bien — votre staff ; c'est votre staff qui s'occupait de communiquer avec certaines personnes pour fixer différentes réunions ; est-ce exact ?

R. Non. Mon personnel organisait des réunions entre moi-même et tous les autres, afin que je puisse... Et pour que je puisse rencontrer les Interahamwe, les réunions étaient toujours organisées par le colonel Bagosora, le général Bizimungu. Et c'est à travers eux que nous établissions des contacts avec les Interahamwe. Je ne pense pas que l'un quelconque des membres de mon personnel avait des contacts directs avec des Interahamwe ou pour l'organisation de ces réunions.

Q. N'est-il pas exact, Général Dallaire, que toute communication ou tentative de communication, que ce soit avec les autorités gouvernementales ou encore avec les autorités militaires, à l'époque, passait nécessairement par le colonel Ephrem Rwabalinda, qui avait été désigné comme agent de liaison entre le Gouvernement et la MINUAR ?

Et je vous soumets que dans ce cas-là, dans le cas que vous indiquez « à la » page 40, 41, 42, à savoir les contacts effectués pour rencontrer les Interahamwe, je vous soumets que la personne à qui vous avez parlé, vous ou votre staff, était Rwabalinda ; est-ce que c'est exact ?

R. Les officiers de liaison qui travaillaient avec mon bureau organisaient ces liaisons. Ephrem était donc là pour assurer les liaisons avec la Gendarmerie, les militaires et même les ministres. C'était donc (inaudible) de cette voie qui était utilisée. Et si nous ne pouvions pas le joindre, pour une raison ou pour une autre, alors, c'est à ce moment que mon personnel pouvait établir ce contact directement.

Q. Pouvez-vous nous indiquer, s'il vous plaît, Général, eu égard à cette réunion-là du 1er mai, pouvez-vous nous expliquer en détail, avec le maximum de précisions possible, comment les arrangements ont été effectués ? Et par qui ?

R. Autant que je m'en souvienne, j'ai rencontré le général Bizimungu ce matin — le matin du 1er mai — et nous avons discuté de cette réunion avec les Interahamwe. Et je me rappelle spécifiquement qu'il a dit qu'il allait les rejoindre, mais je ne me souviens pas exactement qui a été mandaté pour établir le lien avec les Interahamwe, pour prendre contact avec les Interahamwe.

Q. (Début d'intervention inaudible)... le nom de... du général Bizimungu à deux reprises ; est-ce que je comprends que ce que vous voulez dire, c'est que c'était soit général Bizimungu ou encore colonel Bagosora…
Qui s'est occupé de... de faire le lien entre vous et les Interahamwe, à ce moment-là ?

R. Pour ce jour précisément, je ne me rappelle pas ce qui a été fait. Je me rappelle tout simplement de la méthode que nous avons utilisée : Et nous communiquions directement avec le général Bizimungu et lui demandions de transmettre l'information aux Interahamwe ; ou alors, nous traitions avec le colonel Bagosora, qui a proposé à plusieurs reprises d'établir la liaison avec les Interahamwe ; ou alors, nous passions par Ephrem Rwabalinda.

Ce dont je me rappelle, c'est qu'à travers ces contacts, je tenais des réunions ou j'ai tenu une réunion avec les Interahamwe le 1er mai 94.


M. LE PRÉSIDENT :
Est-ce que... Lorsque vous mentionnez des noms, s'il vous plaît, épelez ces noms, pour les sténotypistes.


Me MAC DONALD:
« Rwabalinda » : R-W-A-B-A-L-I-N-D-A.

Q. Concernant cette réunion-là du 1er mai, Général, juste « m'assurer » de bien comprendre votre pensée là-dessus, je comprends que vous n'avez pas de souvenir exact des tenants et aboutissants sur comment les liens ont pu être faits, mais vous pensez que c'est possiblement à travers le général Bizimungu, qui a pu, lui, entrer en communication avec le colonel Bagosora.

Mais vous n'excluez pas une autre possibilité également, vous n'excluez pas la possibilité que votre staff, encore une fois, ait communiqué directement avec Ephrem Rwabalinda, pour que cette réunion-là puisse avoir lieu ?

Et je m'en tiens uniquement à celle du 1er mai, pas de façon générale, celle de 1er mai.

R. Vous avez raison. Je ne sais pas exactement si c'est Bizimungu ou Bagosora qui a coordonné l'organisation de la réunion avec les Interahamwe. Rwabalinda était l'officier de liaison avec le Gouvernement et non pas avec les Interahamwe. Et je ne me rappelle pas qu'une seule fois, Rwabalinda « a » mentionné des contacts ou qu'il « a » établi des contacts avec les Interahamwe. Toutefois, je me rappelle clairement qu'à plusieurs reprises, Bizimungu ou Bagosora ont établi ces contacts.

Q. Est-ce que la MINUAR a eu à rencontrer des Interahamwe, certains de ses membres, avant le 6 avril 1994 ? Et si oui, comment se sont effectués les contacts ?

R. Autant que je me souvienne — je pense que c'est en février ou en mars, en début mars —, nous « avons » prévu une réunion avec les Interahamwe et ces contacts ont été pris par le Ministre de la défense.

Il y a eu donc une réunion où le général Doho (sic) devait rencontrer les Interahamwe, afin qu'ils puissent discuter de leurs actions persistantes, les actions qu'ils menaient donc de façon désordonnée. Et nous cherchions donc à obtenir beaucoup plus de coopération de leur part, afin d'instaurer un environnement beaucoup plus sain.

Q. Et est-ce que cette réunion-là a été effectivement tenue par votre second, Anyidoho ?

R. J'ai l'impression que oui, cette réunion s'est tenue, mais je ne sais pas exactement quels sont les détails, ce qu'il en a résulté.

Q. Maintenant, n'est-il pas exact, Général Dallaire, que ce type de requêtes-là qui étaient faites occasionnellement par la MINUAR, à l'égard du... soit du côté gouvernemental ou encore directement avec les FAR, n'est-il pas exact que vous avez, de façon générale, toujours eu la coopération entière de ces instances-là, du côté gouvernemental rwandais ou encore des Forces armées rwandaises ?

Si vous vouliez rencontrer des gens, vous rendre à certains endroits, etc., ce n'est pas exact que, de façon générale, le Gouvernement rwandais et les Forces rwandaises ont toujours pleinement collaboré avec vous ou avec la MINUAR, de façon générale ?

R. Nous parlons de deux périodes différentes : Il y a la période qui a précédé la guerre et la période qui s'étend pendant la guerre.

Avant la guerre, il y a eu plusieurs occasions où le Gouvernement ne répondait pas, ne venait pas aux réunions, en prétextant qu'il n'avait pas de carburant ou qu'il n'avait pas d'autres moyens.

Nous pouvons tout simplement imaginer que ces excuses n'étaient pas exactes.

Mais pendant la guerre, pendant... à plusieurs occasions, nous étions incapables de nous rendre à différents endroits, en raison des agissements des Interahamwe. Et parfois, des militaires ou membres de la Gendarmerie empêchaient mes éléments de circuler. Et parfois, ils coordonnaient ces... les agissements des Interahamwe.

Donc, je ne peux pas dire qu'à tout moment, j'ai eu la totale coopération... j'ai bénéficié de la coopération des membres du Gouvernement.

En fait, sur le terrain, il y avait les Interahamwe et, très souvent, nous avons eu maille à partir avec eux. Et parfois, ils pouvaient arrêter les tueries ; et parfois, ils empêchaient le convoi de progresser.

Q. Mais vous êtes d'accord avec moi que si...

Premièrement, la question préliminaire : Avez-vous des illustrations à nous donner là-dessus ?

Lorsque vous alléguez cette non collaboration-là, en cas de guerre, je comprends que, vous, votre définition, là, « en temps de guerre », c'est après le 6 avril 1994 ; la nôtre n'est pas tout à fait la même.

Mais donnez-nous des illustrations, si vous voulez bien, Général, et avec le plus de précisions possible, si vous pouvez, de cette non collaboration-là, et les dates.

R. Nous étions... Nous travaillions dans une situation particulièrement sensible, dans des conditions très difficiles. Les personnes qui tenaient les barrages, les Interahamwe ou les membres de la population, des militaires ou des gendarmes, tout dépendait des lieux où nous nous rendions et de ce que nous voulions faire — déplacer les personnes ou essayer de mener notre mission d'observation.

Lorsque nous essayions de susciter une réaction de la part des autorités, qu'il s'agisse de Bizimungu ou du colonel Bagosora, en rapport avec les agissements des Interahamwe, les... leurs réactions variaient : Quelquefois, le message était communiqué ; d'autres fois, la communication ne fonctionnait pas.

Nous avons même... Au moment du... de notre premier transfert de personnes, notre convoi a été bloqué par des militaires, alors que Bagosora et Bizimungu étaient présents. Et ils n'ont pas pu régler la situation, ils n'ont pas pu empêcher les Interahamwe d'attaquer les personnes dont nous assurions le transfert.

Q. Vous savez très bien, Général Dallaire…— et nous veillerons à vous donner des illustrations très claires là-dessus — vous savez très bien que la raison pour laquelle ça ne pouvait pas se faire quand ça s'est passé, c'était justement que les militaires n'avaient pas d'ascendance sur les Interahamwe, que les Interahamwe dirigeaient, contrôlaient et décidaient ce qu'ils voulaient faire à certains points, que ce soit à Kigali ou ailleurs.

Et vous avez, à « nombreuses » reprises, vous-même émis des SITREP à cet effet-là, où vous semblez dire que la situation n'est pas claire : « On ne sait pas si, effectivement, ces gens-là — les Interahamwe — sont contrôlés de quelque façon que ce soit et par qui ils sont contrôlés » ; vous vous souvenez de ça ?

R. Ce dont que je me souviens, c'est d'essayer de comprendre si les Interahamwe étaient... représentaient l'aile jeunesse du MRND et, donc, constituaient les auxiliaires du Gouvernement.

Les Interahamwe existaient avant la guerre. Nous étions parvenus à les contrôler ou, du moins, nous les avions amenés à manifester une certaine volonté de préserver la paix et la tranquillité.

Est-ce que, sur le plan militaire ou sur le plan politique, ils étaient sous le contrôle de certains milieux, nous n'en savons rien. Ce que nous savions, c'était que certains groupes étaient sous contrôle alors que d'autres ne l'étaient pas. Le scénario était en mutation permanente.

Q. Je fais référence, Général, au document 2-34, qui est un câble sortant du 5 mai 1994 au général Dally (phon.).

Je ne sais pas si vous l'avez devant vous ? Non, vous ne l'avez pas. Malheureusement, Général.

C'est un document qui s'est introduit à la toute fin de notre préparation, malheureusement.

Je vais vous lire le paragraphe 4, et vous dites ceci, en anglais, parlant des Interahamwe :

« Chaque cellule semblait avoir un dirigeant autodésigné qui n'obéissait pas nécessairement ou ne recevait pas nécessairement des ordres de qui que soit, dans le cadre de la chaîne normale de commandement.

Ils étaient surtout armés d'armes traditionnelles, mais plusieurs d'entre eux portaient des armes à feu et des grenades. Ils semblaient disposer de suffisamment de ressources financières (provenant de pillages) pour satisfaire leurs agissements, pour financer leurs agissements pendant un certain temps. »

Et j'attire votre attention sur le passage suivant, où vous dites ceci :

« Même si un cessez-le-feu était instauré, il serait difficile de contrôler ces groupes, car ils ont tendance à inciter ou obliger les populations locales à se joindre à leurs rangs. »

R. Il s'agit là d'un document évaluant la situation que je crois avoir rédigé. En fait, l'idée que j'avais de la coopération avec la MINUAR d'eux était une situation où nous aurions à nous confronter à ces groupes qui érigeaient des barrières et les amener à cesser les tuements... les tueries.

Q. C'était votre position, donc, en 1994, en avril ?


M. BÂ :
J'ai entendu « avril » ; mais c'est avril ou mai ?


Me MAC DONALD :
(Début de l’intervention inaudible)… Maître Bâ ?

Lequel, le dernier ?


M. BÂ :
Vous avez dit : « C'était votre position en avril » ; mais le document que vous lisiez, il date d'avril ou de mai ?


Me MAC DONALD :
Non, non. Le 5 mai.

Parce que j'ai dit « avril » ?


M. BÂ :
(Début de l'intervention inaudible)... dans la traduction, j'ai entendu « avril ». OK.


Me MAC DONALD :
Non, c'est (inaudible).

Je verserai cette pièce en preuve plus tard.

Q. Pour en venir à cette réunion-là, du 1er mai, Général, je comprends que vous n'êtes pas en mesure de donner l'identité des Interahamwe que vous avez rencontrés cette journée-là ; c'est exact ? Ou encore leurs fonctions ?

R. Je ne peux pas me rappeler les noms des hauts responsables, mais je sais qu'il y avait deux grands responsables des Interahamwe. Et chaque fois que j'avais besoin de les contacter, comme je l'ai dit tout à l'heure, je passais par Bagosora ou Bizimungu et... ils étaient là.

Q. Vous revenez encore sur les... l'identité des personnes qui ont pu favoriser ces contacts-là et vous mentionnez encore une fois le général Bizimungu. Si je comprends bien, vous avez eu deux rencontres, au moins deux rencontres, mais vous n'êtes pas en mesure de nous dire si c'est plus que deux. Il y en a au moins deux, peut-être trois, mais il y en a au moins deux, la troisième est incertaine.

Et la première, je vous ai demandé qui avait... comment s'étaient effectués les arrangements pour rencontrer les Interahamwe ; vous avez donné une réponse.

Il en reste une autre, la deuxième : Est-ce que vous êtes en mesure d'affirmer, de façon catégorique, que le général Bizimungu participait, de façon directe ou indirecte, à vous faciliter cette rencontre-là, avec les Interahamwe ?

R. Je me rappelle deux rencontres principalement, mais également une série de réunions que mon personnel a eues pendant le mois de mai — j'essaie de me rappeler également le mois de juin.

Je me souviens tout particulièrement de Bagosora s'entretenant avec moi et préparant certaines de ces réunions. Je ne me souviens pas très précisément d'avoir eu un entretien avec Bizimungu et les Interahamwe, à part ces occasions pendant lesquelles nous nous sommes rencontrés pour étudier la situation sécuritaire.

Vous avez donc raison. Je ne peux pas préciser une occasion à laquelle j'aurais expressément demandé au général Bizimungu de m'aider à obtenir une rencontre. Mais je me souviens que toute la coordination avec les Interahamwe a toujours été assurée soit par Bizimungu soit par le colonel Bagosora.

Q. (Début d'intervention inaudible)... encore une fois que c'est à votre demande ou à la demande de la MINUAR que ces démarches-là, si démarches il y a eu, étaient effectuées ; c'est à votre initiative à vous, à votre demande ; exact ?

R. La raison en est qu'il me semblait que les Interahamwe étaient devenus une force autonome et qu'à ce titre mes services de sécurité consistaient... me faisaient obligation de communiquer avec toutes les forces en présence. D'où les contacts que nous avons sollicités avec eux pour obtenir les informations directement de cette organisation.

Q. (Début d'intervention inaudible)... la réunion du 1er mai, certaines personnes ont témoigné, Général, dans différents dossiers, notamment dans un présent dossier... également dans le dossier de Gouvernement I, récemment — la semaine passée, je pense, ou deux semaines —, qui ont traité de cette réunion-là. Dans notre cas particulier, c'est le témoin AOG qui est venu témoigner.

Et ce qui ressort de la preuve, c'est qu'effectivement vous étiez présent lors de la réunion, au moins à une réunion avec des Interahamwe, et que les individus présents étaient... un certain Robert Kajuga qui était le président des Interahamwe ; vous vous souvenez de ce nom-là, Robert Kajuga ?

R. Oui. Je me rappelle le nom Robert Kajuga qui était bien connu, mais les autres noms sont... ne sont pas bien perçus dans mon esprit.

Q. Saviez-vous que cet individu-là était tutsi ?

R. Lorsque vous dites...

Q. Continuez, Mon général.

R. Je me souviens que l'un d'eux a indiqué qu'il avait un lien tutsi ; je ne me rappelle pas si c'était son père ou sa mère.

Q. (Début d'intervention inaudible)... était présent lors d'une réunion — on ne s'entend peut-être pas quant à la date, mais dans ces environs-là — qu'il était tutsi, d'ethnicité tutsie, parce que son père était tutsi et, je pense, sa mère était tutsie également. Et ce fait a sûrement été apporté à votre attention.

Mais ce que je trouve... j'ai des difficultés à comprendre pourquoi, dans votre ouvrage, vous refusez de reconnaître ce fait-là… ou vous mentionnez, plutôt, que Kajuga, sa mère était tutsie. Et je me demandais pourquoi vous ne vouliez pas mentionner l'ethnicité de Kajuga, dans votre livre, quant à mentionner que sa mère est tutsie. Pourquoi ne pas tout simplement dire qu'il était tutsi ?

R. J'ai mis par écrit ce dont je me souvenais. Et je me rappelle très bien ce que j'ai écrit. Je ne me souviens pas que la personne, que l'intéressé ait dit qu'il était tutsi. Et autant que je me souvienne, sa mère était tutsie et ce qui n'était pas une situation particulière, car les mariages interethniques étaient légions.

Q. Et quand a eu lieu la deuxième réunion, Général ?

R. Il me semble que c'était autour du 13 mai. C'est autour du 13 mai que cette deuxième réunion a eu lieu.

Dans mon livre, pour des raisons d'édition, il y a une certaine confusion, on ne sait pas si c'est le 12 ou le 13, mais je crois que c'était le 13 ; et n'ayant pas de calendrier sous les yeux, je ne saurais être plus précis.

Q. (Début d'intervention inaudible)... mentionné, Général, lorsque je vous ai questionné sur vos notes personnelles, n'avez-vous pas mentionné avoir un calendrier ou un agenda de vos différentes activités ? Est-ce que vous l'avez, cet agenda-là, devant vous ?

R. Oui. J'avais le calendrier.

Q. (Intervention inaudible)

R. Non. Je ne l'ai pas. Je ne l'utilise pas, je ne les utilise pas.

Pendant la guerre, certaines des informations qui étaient consignées dans le calendrier allaient au delà de certaines dates. Par exemple, j'avais des informations, des discussions qui ont pu avoir lieu le 8 ou le 9 et se sont poursuivies jusque « le » 9, le 10 ou 11. Et donc, mon calendrier ne comportait pas des informations au quotidien, comme c'est le cas dans un...

Q. (Début d'intervention inaudible)... journal de campagne pour un militaire, surtout un militaire haut gradé ? Et si oui, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi, dans votre cas, vous refusiez d'avoir un tel agenda ?

R. L'objet d'un agenda est de satisfaire les besoins historiques, notamment dans le cadre d'une mission. Il s'agit de rapporter quotidiennement les actes qui ont été posés au niveau des communications, des opérations, du matériel, etc.

Le commandant utilise ce qui constitue ses documents de travail, par exemple, les cartes, il peut prendre des notes sur des paquets de cigarettes ou sur des carnets — c'est ce que je faisais parce que nous étions à cours de papier.

Dans le cadre d'une mission de l'OTAN — mission classique —, le commandant a un certain nombre de personnels sous son commandement qui se chargent de ses activités quotidiennes. Mais j'avais si peu de collaborateurs que j'étais limité dans la possibilité de prendre ces notes ou de consigner les actions ou les opérations qui ont été menées dans la journée.

Q. Le document 234 (sic) que je verserai éventuellement en preuve...


M. LE PRÉSIDENT :
C'est le document qui porte la date du 15 mai 1994 (sic).


Me MAC DONALD :
On me dit que ce document a déjà été versé en preuve — le document D. 114.

Apparemment, il ne figure pas parmi les pièces à conviction, il faudrait simplement lui donner une cote.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, est-ce le document qui porte la cote L00-1724 ?


Me MAC DONALD :
Il s'agit du document L00-24443 (sic)... (fin de l'intervention inaudible).


M. LE PRÉSIDENT :
Le document D. 154 (sic) (Bizimungu), à verser en preuve.

(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 155)

Poursuivez.


Me MAC DONALD :

Q. Général Dallaire, je voudrais vous inviter à... je fais appel à votre sens de fair-play. Vous savez, on est très limités par le temps et je comprends que, dans certaines circonstances, vous sentez le besoin d'élaborer sur les réponses que vous donnez. Mais je vous demanderais... Encore une fois, je fais appel à votre sens de fair-play : Essayez dans la mesure du possible de nous donner des réponses succinctes lorsque, évidemment, les circonstances le permettent.

Vous avez tenu des réunions, au moins deux réunions avec des Interahamwe. Est-ce que je comprends, de façon générale, que ces gens-là, les Interahamwe, sont... ont décidé d'acquiescer à certaines de vos demandes ? Est-ce que vous avez... Est-ce qu'ils ont participé conjointement avec la MINUAR ? Et encore une fois, peut-être, sans entrer nécessairement dans les détails, Général… — c'est juste une question pour savoir si, effectivement, ils ont collaboré ou s'ils n'ont pas collaboré avec vous — et sans nous dire nécessairement ce qu'ils ont fait ou qu'ils n'ont pas fait.

R. Ils se sont engagés verbalement à collaborer. À certaines occasions, nous avons pu percevoir cette collaboration. Mais dans un certain nombre de circonstances, l'information n'a pas été jusqu'à la base ou, alors, les dirigeants n'ont pas collaboré avec la base ou « que » l'information n'est pas allée jusqu'à la base.

Q. Selon vous, Général, est-ce que le fait, pour la MINUAR, de négocier avec les Interahamwe ou encore de participer à certaines opérations conjointement avec eux signifiait implicitement que la MINUAR encourageait leurs faits et gestes, selon vous ? Et là aussi, vous pouvez peut-être nous donner une réponse courte, si vous le pouvez.

R. La décision que j'ai prise de collaborer avec eux, c'est parce qu'ils représentaient une force qui s'opposait à la mission dont nous avions la charge.

Ensuite, la Croix-Rouge internationale avait engagé des négociations directes avec eux et j'y étais associé. Ces négociations avaient pour but de cesser l'assassinat de personnels rwandais qui essayaient de sauver les gens.

Et, en fait, les discussions avec eux n'avaient pas pour but de les aider, eux, mais plutôt d'avoir une meilleure compréhension de leurs agissements et de leurs intentions.

Q. (Début d'intervention inaudible)... cotée IC27. C'est une lettre du 16 mai 94. Vous en avez une copie à Montréal, oui ? À Ottawa, c'est-à-dire. C'est du « CHO ». Je comprends que c'est un dénommé... Monsieur... — je n'ai pas son rang, je pense major. Est-ce que c'est possible ?

Et j'attire votre attention au paragraphe 19 de cette lettre-là. Et j'aimerais que vous nous disiez si, effectivement, vous êtes d'avis... du même avis que « du » major MacNeil ?

Alors, il dit au paragraphe 19... — et je ne vais pas reprendre tout le contenu de la lettre — mais
au « 19 », il dit :

« Il ressortait clairement de la conduite de la réunion... »


M. KOUAMBO :
Le document que vous a... que nous a donné votre assistante ne semble pas contenir le paragraphe 19 dont vous parlez.

Est-ce bien la lettre du 16 mai 1994 ?


Me MAC DONALD :
C'est le document IC27.


M. KOUAMBO :
Je crois que nous l'avons eu.


Me MAC DONALD :

Q. Alors, paragraphe 19, Général. Major MacNeil dit ceci :

« Il ressortait clairement de la conduite de la réunion que la Garde présiden... les Forces armées gouvernementales avaient perdu le contrôle des groupes de miliciens et ne pouvaient pas orienter leurs agissements de manière positive »

Est-ce que vous êtes d'accord avec l'opinion du major MacNeil ? Et ça, c'est en date du 16 mai 1994.

R. Je suis d'accord avec les deux éléments : D'une part, le manque de contrôle ; et d'autre part, la volonté d'influencer ces groupes.

Q. Cet autre document, j'ai l'intention de le verser en preuve à terme.


Me MAC DONALD :
Ce serait le document D. 156.


M. LE PRÉSIDENT :
Le document D. 156 (Bizimungu).

(Admission de la pièce à conviction (Bizimungu) D. 156)


Me MAC DONALD :

Q. Vous vous souvenez avoir témoigné dernièrement devant une commission rogatoire — et vous avez été questionné là-dessus — devant le juge d'instruction Verstreken — V-E-R-S-T-R-E-K-E-N — le 12 septembre 2006 ?

R. Oui.

Q. Vous dites... — ça paraît dans le document qui nous a été remis par le Bureau du Procureur — vous dites dans ce document-là... en fait, vous dites au juge Verstreken notamment que... n'avoir aucune souvenance d'avoir parlé avec des Interahamwe avant le 1er mai ; c'est exact ? Vous vous souvenez de cela, Général ?

R. Je ne me le rappelle pas, mais je crois que ça va en droite ligne de ce dont je me souviens, oui.

Q. Maintenant, il semblerait à la lecture de ce document-là que le juge — Madame le Juge Verstreken — ait tenté de vous confronter, Général, avec la version d'un certain Ephrem Nkezabera — N-K-E-Z-A-B-E-R-A — qui prétend, lui, avoir été présent lors d'une réunion avec vous et d'autres Interahamwe. Mais, dans son cas, il place la réunion au 24 avril.

Et vous... Je ne veux encore une fois pas revenir sur tous les éléments de ce rapport-là, mais vous… comme on dit en anglais, (inaudible), vous maintenez la position à l'effet que cette réunion-là, du moins la première réunion a eu lieu le 1er juin... le 1er — je m'excuse — le 1er mai. Et vous dites qu'il n'y a justement pas eu de réunion avant le 1er mai. Vous êtes catégorique là-dessus.

J'attire votre attention... — je ne sais pas si vous avez le document devant vous — mais à la page 2… Notamment à la page 2, et ailleurs dans ce document-là, la juge fait état de vos notes.

Et Maître Bâ, vous le verrez à la page 2, l'avant-dernier paragraphe... et également à la page qui n'est pas numérotée, là, mais la page 5.

Et là, on précise, par contre... dans vos notes de juin 2006, vous précisez que vous n'avez pas participé, etc., etc. Alors, manifestement...


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald ? La communication est rompue.

Oui, Maître Mac Donald, vous pouvez poursuivre.


Me MAC DONALD :

Q. Je ne sais pas si vous avez compris les dernières questions, Général ?

Ce que je vous dis, c'est que Madame le Juge Verstreken fait état de notes que vous auriez... en fait, elle a une copie de vos notes, semble-t-il, qui sont datées de juin 2006 — et je me base essentiellement à la page 5 du document, lorsqu'elle dit : « Par contre, dans vos notes de juin 2006, vous précisez que vous n'avez pas participé à cette réunion. »

Parce que là, elle vous confronte encore une fois à des questions de date.

Plus particulièrement quant à la deuxième réunion, elle dit : « Bien, dans votre livre, vous avez parlé
du 16. Dans vos notes, vous parlez du 13. Quelle position maintenez-vous ? » Et vous avez, vous, je pense, mentionné le 13.

Alors, quelles sont ces notes-là, Général ? Voulez-vous nous éclairer là-dessus ? C'est… (suite de l’intervention inaudible) qui est simple.

R. D’abord, la juge a dit qu’il y avait une réunion. J’avoue que ce monsieur a dit qu’il y a eu une réunion le 24 avril. En fait, il n’y a pas eu de réunion le 24 avril ; à ce moment, nous étions encore en train de voir comment les choses allaient se passer et nous nous attendions à ce que les Nations Unies s’engagent pour la Mission.

Donc, la première réunion qui s’est tenue, elle s’est tenue le 13. Et j’ai eu l’impression, lorsque j’ai rédigé mon livre, mon ouvrage, que la réunion s’était tenue le 16 avril. Mais en fait, elle s’est tenue le 13, parce qu’il y a eu comme un vide les trois jours suivants ; et mon ouvrage… — enfin, j’ai rédigé mon livre avec l’aide d’un éditeur — et je donne l’impression que la réunion se tenait le 16 avril, alors qu’en réalité elle s’est tenue le 13.

Q. Je vais peut-être m’exprimer en anglais parce que vous ne répondez pas aux questions qui sont posées, Général Dallaire.

Puisque nous n’avons pas suffisamment de temps, je vous saurais gré d’essayer de vous concentrer sur les questions posées.

Je ne me pose pas la question de savoir si la réunion s’est tenue le 13 ou le 16, je me réfère au document du juge Verstrecken et elle déclare, dans ce document… — parce qu’elle s’en réfère aux notes que vous avez rédigées en juin 2006… Ma question est la suivante : Avez-vous ces notes ? Puisque nous ne les avons pas.

R. Je crois que les notes font partie des documents. Il s’agit de procès-verbaux de réunions qui ont été pris par mon adjoint — celui qui a assisté à cette réunion avec moi. Et ces notes ont donc été jointes au document et rendues publiques.

Q. Elle semble se référer à vos notes, à des notes que vous avez personnellement rédigées. Parce que pour ce qui est des raisons pour lesquelles elle vous confronte à cet autre monsieur, elle dit que vous avez mentionné la date du 16 dans le livre et que maintenant vous mentionnez celle du 13. Et c’est pour cela qu’elle confrontait vos notes à celles de quelqu’un d’autre. Il ressort clairement de ce document que lorsque des questions vous ont été posées, vous avez dit de façon définitive que cette réunion s’est tenue à une autre date.

R. Je suis sûr que l’annexe qui porte les notes « sont » en fait un compte rendu de la réunion, un compte rendu dressé par mon adjoint...

Q. Lorsqu’elle a confronté vos notes avec celles d’Ephrem Nkezabera qui dit que la première réunion s’est tenue le 24 avril 94, au lieu du 1er mai 94, comme vous le dites, elle s’est efforcée de vous replacer dans le contexte. Elle vous a donné une référence et elle a dit que, selon Ephrem… cette juge a dit que, selon Ephrem Nkezabera, vous avez fait une plaisanterie sur un de vos frères nommé Dieudonné. Cette plaisanterie, vous l’avez faite pour détendre l’atmosphère ; et le juge vous a rappelé cette plaisanterie pour vous donner des repères, afin que vous puissiez vous rappeler ce qui s’était passé au cours de cette réunion.

Et vous avez répondu au juge, à la page 4 du document, vous avez dit — je dois lire la version en français que j’ai :

« Pas de place pour la plaisanterie. Nous parlions de vie ou de mort. »

En d’autres termes, ce que vous avez déclaré au juge… — le juge de la commission rogatoire — vous avez dit que :

« Ephrem se trompe, parce que s’il dit que moi, le général Dallaire, j’ai fait une plaisanterie, alors, il se trompe parce que je ne l’avais jamais fait. Nous étions dans une situation… nous parlions de vie ou de mort. »

Est-ce que vous confirmez cela, Général ?

R. Vous me demandez de me souvenir de ce moment ?

Q. Non. Je voudrais vous poser cette question simple. Je suppose que ce qui se trouve dans les notes est véridique. C’est un relevé de ce qui a été transmis au Procureur général. Je ne sais pas si vous disposez de ces notes. Il s’agit de notes en date du 16 novembre 2006…

R. J’ai un document qui porte la date du 12 septembre.

Q. Alors, il ne s’agit pas du même document.

R. Mais j’aimerais savoir, cette histoire sur Dieudonné, vous avez parlé de Dieudonné ; de quoi s’agit-il ?

Je ne me rappelle pas exactement la date, il faut que cela soit dit clairement.

Q. Le juge — je crois que j’ai des problèmes à me rappeler son nom — Verstrecken, elle vous interroge, je pense que vous répondiez d’Ottawa, si je ne me trompe, et elle vous pose la question suivante…

Elle préside la commission rogatoire. Sur ce personnage, Ephrem Nkezabera, que vous mentionnez d’ailleurs dans votre livre — vous avez mentionné ce nom dans votre ouvrage, à la page 437 —, alors, elle essaie de vous replacer dans... essaie de rétablir les faits, la véracité des faits et elle vous confronte avec ce monsieur, ce Ephrem Nkezabera, la version qu’il donne des faits. Il s’agit de ce... Nkezabera dit que la réunion s’est tenue le 24 avril et non le 1er mai.

Alors, le juge vous dit :

« Général Dallaire, vous rappelez-vous un incident au cours de cette réunion où vous avez…. pour détendre l’atmosphère, vous auriez dit que vous aviez un frère prénommé Dieudonné ? »

Et vous avez dit que non seulement vous n’avez pas un frère dont le prénom serait Dieudonné, mais que vous n’avez pas fait de plaisanterie au cours de la réunion. Et à la page 4, vous avez dit : « Il
n’y avait pas de place pour la plaisanterie, nous parlions de vie ou de mort. »

C’est la réponse que vous avez donnée au juge Verstrecken, pour dire : Voilà, Ephrem a dit qu’il y a eu des plaisanteries. En fait, il n’y a pas eu de plaisanteries. Donc, il est dans le faux. Ce n’est pas le 24 avril, c’est le 1er mai.

Je ne sais pas si vous avez compris ce que je veux dire.

R. Je me rappelle deux choses : Premièrement, le 24 avril, il n’y a pas eu de réunion ; et deuxièmement, cette question, cette histoire sur Dieudonné, en fait, c’est une invention.

Q. Et vous avez dit également, au cours de cette commission rogatoire, vous avez dit qu’il ne peut pas être dans le vrai parce que, en fait, il n’y a pas eu de plaisanterie.

Mais j’attire votre attention sur la page 437 de votre ouvrage, de votre livre... 438 — pardon — où vous dites exactement le contraire. J’ai ici la version française, paragraphe 2, page 438. Et vous avez dit, lorsque vous étiez à cette réunion… et vous dites dans le livre :

« (Début de l’intervention inaudible)... quartier général, j’ai eu l’impression d’avoir serré la main du diable. Nous avions même échangé des plaisanteries. »

Alors, ou Ephrem a raison lorsque vous dites qu’à un certain moment, au cours de la réunion, vous avez fait des plaisanteries, afin de détendre l’atmosphère ou, alors, il a tort. Mais vous avez dit, au cours de la commission rogatoire, que ce n’était pas le cas, qu’il n’y avait pas de plaisanterie.

Alors, il y a eu ici une contradiction avec ce qui est dans le livre ; qu’est-ce que vous en dites ?

R. Je pense que nous devons définir ce que nous entendons par « plaisanterie », une « plaisanterie ».

En fait, nous avons eu à nous présenter, nous avons eu à échanger des informations sur les personnes. Nous avons... Nous nous sommes salués et nous avons parlé du temps qu’il faisait.

Mais en fait, c’est moi qui essayais d’aller vers ces personnes et d’être poli avec eux. Reconnaître leur présence. Mais en fait, nous n’avons pas cherché à commenter le climat ou à être aimables les uns envers les autres.

Q. Si je m’en tiens à vos explications, je dois dire que vous avez des interprétations différentes de ce que vous entendez par « plaisanterie » :

D’abord la première interprétation, le 12 septembre 2006, lorsque vous avez été interrogé par cette juge de la commission rogatoire.

Et une autre interprétation, lorsque vous avez rédigé votre livre. Parce que lorsqu’on lit votre livre, Général, vous avez dit que vous avez échangé des plaisanteries avec les personnes présentes à cette réunion. Et au cours de l’interrogatoire de la commission, vous avez dit : « Non, Ephrem a tort, nous n’avons pas eu à faire des plaisanteries. »

Alors je trouve cela un peu difficile à comprendre.

R. Je crois que si je me rappelle bien, j’utilise les termes de la juge. Lorsqu’elle a dit : « Vous avez bien plaisanté », j’ai répondu, lorsqu’elle me l’a dit : J’ai dit qu’il n’y a pas eu de plaisanteries — lorsque je parle de « plaisanteries », il s’agit, en fait, d’échanges civils, d’échanges de politesses les uns envers les autres — et je pense que cela en soi… au cours de cette réunion, je trouvais cela répugnant.

Q. Alors, comment est-ce que vous pouvez l’interpréter comme étant des plaisanteries ? Vous avez eu des contacts sociaux, vous avez été poli, même si vous pensiez qu’il ne fallait pas faire preuve de politesse, vous avez serré la main à ces gens. Vous avez peut-être échangé des banalités ; mais des banalités, ce n’est pas des plaisanteries.

Parce que lorsqu’on parle de « banalités », il y a une connotation humoristique. Et vous avez dit au juge Verstrecken que : « Non, nous n’avons pas échangé de plaisanteries, nous discutions de questions liées à la vie et à la mort — des questions de vie ou de mort. »

J’aimerais revenir un peu en arrière sur cette deuxième réunion afin que les Juges puissent comprendre clairement la situation.

Vous avez dit dans votre livre et, en fait, c’est là la contradiction, parce qu’à la page 465-468, vous avez mentionné la date de la réunion : le 16.

Et dans les notes… — étant donné qu’il ne s’agit pas de notes prises personnellement —, la date qui apparaît dans ces notes est la date du 13 mai.

Et lorsqu’on vous a demandé de choisir l’une des dates, vous avez choisi la date du 13 mai ; est-ce vrai ?

R. Oui.

Q. Une chose de plus, concernant cette réunion : Est-ce que vous avez rencontré les mêmes personnes, les trois personnes que vous aviez rencontrées la première fois ?

R. Oui.

Q. Au vu de ce rapport de la commission rogatoire, je pense qu’il parle ici de la date du 14 ; 14 de quel mois, il s’agit de quelle date ?

R. Il s’agit du 14 mai.

Q. La « date » que j’ai ici, c’est « 1966BIF » ; je ne sais pas s’il s’agit du même document.

R. Oui. Je m’excuse… je m’excuse.

Q. Alors, il s’agit de la date du 12 septembre…

R. Oui. C’est cela.

Q. J’aimerais maintenant attirer votre attention, Général… D’abord, j’aimerais dire ceci : Lorsque Ephrem a témoigné... en fait, son opinion, l’opinion d’Ephrem Nkezabera, qui était présent… qui déclare avoir été présent le 24 avril… Parce qu’après il dit qu’il s’est déplacé, il est allé en mission ; alors, il ne peut pas comprendre que cette réunion se soit tenue le 1er mai.

Mais dans tous les cas, il déclare que le général Bizimungu n’était pas présent à la réunion. Et un autre monsieur qui a témoigné sous le pseudonyme AOGR a également déclaré que le général Bizimungu n’était pas présent à la réunion. Êtes-vous d’accord sur la version de ces deux témoins ?

R. Une fois de plus, nous parlons de réunion… d’une réunion qui s’est tenue pour certains le 24 avril, pour d’autres le 1er mai. Mais pour la réunion qui a eu lieu le 1er mai, alors que je m’adressais aux membres des Interahamwe, il était à ma gauche. Je ne me rappelle pas qu’il soit intervenu d’une manière ou d’une autre, mais je sais qu’il était présent.

Q. Alors, je comprends qu’il s’agit d’événements qui ont eu lieu il y a longtemps, vous n’avez pas de notes, d’informations sur cet événement dans vos notes, vous n’avez pas de notes personnelles. Et vous êtes en train de témoigner en tenant compte de vos souvenirs. Alors, la question que je vous pose, c’est : Est-ce qu’il existe une possibilité… Est-ce qu’il est seulement possible que vous puissiez... Est-ce qu’il est possible que vous ayez tort sur cette version que vous avancez ?

Nous savons que vous vous êtes adressé au général Bizimungu le 1er mai, selon vous, avant ou après cette réunion.

Est-ce qu’il pourrait être possible… Est-ce que vous pourriez vous tromper ? Est-ce que vous pourriez vous tromper sur les faits que vous avancez ?

R. Je répondrais en disant que j’ai fait cet exercice plusieurs fois, à plusieurs reprises, et du mieux que je « m’en » souvienne… du moins, du mieux que je me souvienne des événements, ce que je peux dire, c’est qu’il y a cette personne qui était à ma gauche. Et au fur et à mesure que nous continuons, vous me demandez si je peux mettre ma main au feu et dire qu’il s’agissait du général Bizimungu. J’ai dit : Oui. Alors je ne pense pas qu’il y ait confusion. Je vous dis ce dont je me souviens. Ce dont je me souviens, c’est tout ce que je peux faire pour le moment.

Q. Qu’en est-il de la deuxième réunion ? Cette deuxième réunion dont vous vous souvenez ? Le général Bizimungu, à votre connaissance, était-il présent ?

R. Non. Je ne m’en souviens pas. Il s’agissait d’une réunion censée préparer la grande réunion avec Kouchner et qui concernait les orphelins. Il était là, de même que Bagosora. Mais cette fois-ci, je ne donnerais pas ma main à couper. Je suis désolé.

Q. Très bien.

Je vais devoir vous reposer cette question, car je n’en suis pas certain : À quelle date situez-vous cette réunion ? Vous ne pouvez pas mentionner une date, mais qu’en est-il du 13 ?

R. Je sais que cette réunion a eu lieu et qu’il y a eu une réunion également le 14, dont l’objet était de définir en détails les conditions de transfert des orphelins par Kouchner. Bagosora était là et c’est lui qui a fait tout le travail préparatif avec les membres de la milice. Je m’en souviens très clairement. Mais je ne peux pas vous dire avec précision si Bizimungu a fait partie de cette réunion.

Q. Très bien.

J’ai ici le document 239 en date du 21 mai 1994. Il s’agit d’un fax, au départ, de Booh-Booh, adressé à Kofi Annan.
J’appelle votre attention sur le paragraphe 4 de ce message.


M. BÂ :
Le document dont vous parlez date de quand et quel est son numéro, dites-vous ?


Me MAC DONALD :
« 39 ».


M. BÂ :
« 39 » ?


Me MAC DONALD :
Oui. C’est un des nouveaux, Maître Bâ.

Now, c’est au paragraphe 4 de la page 2... (fin de l’intervention inaudible).

Q. Ce document n’émane pas de vous, je ne vais donc pas vous l’opposer. Mais le paragraphe 4 se lit comme suit :

« Le travail de routine consistait à organiser des patrouilles dans les rues de la ville. Des réunions d’information avaient lieu régulièrement avec les commandants, le personnel. Le chef du commandement a rencontré l’ancien chef d’état-major, les responsables des Interahamwe et le chef de la Gendarmerie. »

Est-il possible qu’il s’agisse ici de la réunion que vous évoquez ?

R. Je n’ai pas lu ce document. Mais je n’en ai aucun souvenir ; si je le voyais, peut-être qu’il me rafraîchirait la mémoire.

Q. On a parlé de l’ancien chef d’état-major de l’armée, il s’agit manifestement de Gatsinzi ; n’est-ce pas ?

R. Oui. C’est bien cela.

Q. Très bien.

Vous souvenez-vous avoir eu une réunion avec les Interahamwe en présence de Gatsinzi ? Car ce document n’émanant pas de vous, je ne vais pas vous l’opposer, mais le document me donne l’impression... Ce document vous était certainement connu, vous l’avez eu entre les mains avant qu’il ne soit envoyé ?

R. J’aurais voulu prendre connaissance de ce document aux fins de pouvoir vous donner davantage de détails. Mais pour l’instant, je ne m’en souviens pas. Si je pouvais l’avoir cela arrangerait les choses.


M. BÂ :
« Ottawa » ne peut pas lui soumettre le document ?


Me MAC DONALD :
Elle ne l’a pas.


M. BÂ :
Elle ne l’a pas ?


Me MAC DONALD :
C’est dans les CD de la MINUAR, je ne sais pas si (inaudible) pourrait le...

C’est un document qu’on a photocopié aujourd’hui, Maître Bâ, à 11 h 30, 12 heures.

Q. Mon général, on pourrait vous l’envoyer en fax ?

Très bien, nous allons vous l’envoyer par télécopie.


M. KOUAMBO :
Maître Bâ, si c’est parmi les documents que vous m’avez donnés, je n’ai pas prévu de les avoir pour le contre-interrogatoire de Maître Mac Donald. Alors...


Me MAC DONALD :
Je vous donne le numéro en « L ».


M. KOUAMBO :
(Intervention inaudible)


M. BÂ :
Roger, ce ne sont pas mes documents, ce sont les documents de la Défense !


Me MAC DONALD :
Le numéro est le suivant : « L0005713 ».

Q. Mon général, nous reviendrons à ce document dès que vous l’aurez reçu. Mais de mémoire, vous ne vous rappelez pas avoir eu une réunion avec Gatsinzi en présence des Interahamwe, si je vous ai bien compris ; est-ce bien cela ?

R. Non. Je n’en ai pas souvenance, à moins que l’on ne me rappelle les circonstances qui ont donné lieu à cette réunion ; mais là, pour l’instant, je ne vois rien du tout.

Q. Je ne sais pas si vous serez en mesure de répondre à cette question, mais je vous la pose quand même : Conviendrez-vous avec moi, Mon général, que le protocole ne permettrait pas au chef d’état-major de l’armée rwandaise d’organiser une réunion et d’y inviter le directeur du MINADEF, le directeur du cabinet du MINADEF, du Ministère de la défense ?

Encore une fois, je ne suis pas certain que vous soyez en mesure de répondre à cette question. Mais ce serait aller à l’encontre du protocole si effectivement ces faits se sont produits ; êtes-vous d’accord, en désaccord, ou vous l’ignorez, tout simplement ?

R. Il faudrait que vous me donniez les noms de la personne qui était chef d’état-major de l’armée.

Q. Très bien.

Ma question était celle-ci : Conviendrez-vous avec moi que ce serait en violation du protocole si le chef d’état-major de l’armée rwandaise organisait une réunion et y invitait le directeur du cabinet du Ministère de la défense — MINADEF —, en l’occurrence le colonel Bagosora ?

R. Il m’est arrivé d’assister à des réunions où le directeur du MINADEF a invité des ministres ou des hauts fonctionnaires, lorsque le ministre n’était pas disponible. Et le chef d’état-major le remplaçait dans ces occasions. Donc, il est possible que ces choses se soient produites.

Q. Non. Ce n’est pas que le MINADEF inviterait le chef d’état-major, c’est plutôt l’inverse. Ma question est celle-ci : Serait-ce une violation du protocole que le chef d’état-major invite le directeur du MINADEF ?

R. Non. Je ne pense pas que ce serait en violation du protocole à moins qu’il n’y ait des raisons politiques particulières.

Q. Je continue en anglais. Mais je suis obligé de traduire ce document.

Mais avant cela, autre chose : Le colonel Marchal était bien votre allié au Rwanda, en 1994, puisqu'il était le chef du contingent ou du bataillon belge... ou du contingent belge ; est-ce bien cela ?

R. Dans les missions des Nations Unies, les États prêtent des troupes et chaque troupe arrive avec son commandant ; c'était le cas du colonel Marchal pour le contingent belge. Mais il était tout particulièrement responsable de la zone de Kigali libre... de la zone désarmée de Kigali.

Q. J'y reviendrai plus tard.

Le colonel Marchal a comparu en témoin dans l'affaire Militaires I et sa déposition se poursuit aujourd'hui encore — ils sont au niveau du contre-interrogatoire.

Le 28 novembre...


M. LE PRÉSIDENT :
Nous l'avons perdu à nouveau.


Me MAC DONALD :
Êtes-vous là ? M'entendez vous, Mon général ?


L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Rupture de communication.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, poursuivez.


Me MAC DONALD :

Q. Le colonel Marchal était responsable de la mise en application de la zone démilitarisée, la zone de consignation d'armes de Kigali. Je voudrais vous poser la question suivante : À travers l'expérience que vous avez eue avec le colonel Marchal sur le terrain, avez-vous, à l'époque et aujourd'hui encore, eu le moindre doute sur l'impartialité du colonel Marchal ?

R. Le colonel Marchal est... m'a été envoyé par le Ministère de la défense belge avec de très fortes recommandations : Il avait une bonne connaissance de l'Afrique ; un vaillant soldat et un officier compétent.

Il a apporté son appui à la mission... à ma mission au mieux de ses compétences, quelquefois même en se mettant à dos ses supérieurs hiérarchiques. Nous avons eu des frictions sur certaines décisions, mais nous nous sommes entendus comme nous le pouvions. Et au fil des années, nous avons maintenu une communication, un peu moins intense, peut-être une fois à l'occasion. Mais au cours des deux dernières années, j'ai appris qu'il avait le sentiment que le conflit a été provoqué par le FPR pour instaurer l'hégémonie tutsie au Rwanda.

Q. Ma question est plutôt celle-ci : À l'époque, en 1994, aviez-vous le moindre doute sur son impartialité ?

R. Non. Je le considérais comme un officier compétent et très objectif.

Q. Dans votre livre, notamment à la page 13 de la version française, vous dites ceci : « Il était un de vos collègues les plus proches au Rwanda » ; qu'entendez-vous par là, Mon général ?

R. Je voulais dire qu'il était là. Il venait d'arriver, il avait ce que je considérais comme le secteur le plus difficile à commander. Nous avons procédé à des échanges d'expériences professionnelles, car nous étions tous des officiers de l'OTAN. Et, donc, nous avions des relations plutôt cordiales.

Q. Serait-ce exact d'affirmer... À l'époque où vous étiez proches et travailliez avec lui, serait-ce exact de dire que vous aviez une confiance totale en ses talents et en son jugement ?

R. Oui.

Q. Comme je l'ai déjà dit, le colonel Marchal a comparu dans l'affaire Militaires I et il a fait l'affirmation suivante : À Ruhengeri… ou, plutôt, dans le secteur opérationnel de Ruhengeri, il y avait des observateurs militaires. Je crois que vous en avez fait état aussi, pas nécessairement dans le procès Militaires I ; êtes-vous d'accord avec cela, Mon général ?

R. Oui. J'avais des observateurs dans cette zone. Nous avions un sous-secteur à Ruhengeri, oui.

Q. Serait-ce exact de dire que la MINUAR avait son quartier général en avril 1994... ou même
en octobre 1993, que le quartier général de la MINUAR se trouvait à une localité appelée Lukumba
— L-U-K-U-M-B-A — qui se trouvait dans la zone démilitarisée ?

R. Je ne me rappelle pas le nom de la localité, mais nous avions des positions fixes à l'intérieur de la zone démilitarisée. Mais par la suite, lorsque nous avons pu déplacer les observateurs et les Ghanéens, le siège a été transféré... le quartier général a été transféré à Byumba.

Q. Pouvez-vous essayer, Mon général, de nous situer la période pendant laquelle les observateurs avaient leur quartier général à Ruhengeri ?

R. Je fais un peu de devinette, mais je dirais que c'était autour de janvier. Il n'était pas à Ruhengeri précisément en décembre, car nous déplacions les gens vers le sud en raison de la situation qui prévalait au Burundi et à Butare.

Q. Combien d'observateurs étaient dans la région de Ruhengeri, si vous vous en souvenez ? Si vous le savez.

R. Je n'ai pas les détails. Le commandant de la mission d'observation avait les chiffres. Nous avions entre 6 et 12 observateurs dans une région donnée, mais cela n'empêchait pas que d'autres observateurs s'y ajoutent ou en partent.

Q. Est-ce que le chiffre de 20 à 25 correspondrait relativement à la réalité ?

R. Dans certaines régions, ils étaient même plus nombreux. Je sais que, dans certains secteurs, il y en avait jusqu'à 25, alors qu'à Kigali il y en avait une centaine. Il y en avait qui étaient à Mulindi. Je ne peux pas rejeter le chiffre de 25, mais... ce n'est pas impossible non plus.

Q. Mon général, pouvez-vous nous donner une brève description des fonctions qui étaient celles des observateurs ? Ils étaient là, certes, pour observer, mais observer quoi ?

R. Les observateurs non armés avaient des véhicules et des équipements radio qui posaient régulièrement des problèmes. Leurs tâches consistaient à organiser des patrouilles, avoir des contacts avec les autorités de la police, de l'armée, du Gouvernement, des hommes politiques. Ils devaient observer ce qui se passait, relevaient des signes de dégradation de la situation ou de non-observation des Accords de paix. Et ils en faisaient rapport au quartier général de la mission des Nations Unies.

Q. Mon général, est-il exact que vous n'avez jamais reçu ou eu entre les mains un rapport quelconque des observateurs qui étaient dans la région de Ruhengeri, rapport indiquant que des civils subissaient une formation militaire dans les camps militaires ou aux bureaux communaux ? Est-il exact que jamais il ne vous a été fait rapport de ces activités ? C'est-à-dire des civils subissant une formation militaire, soit dans les camps militaires ou ailleurs.

R. Non. Nous avons reçu des informations selon lesquelles les milices étaient en train d'être formées, transportées et équipées par l'armée. Certaines d'entre elles ont été déplacées du camp de Mulundi...

Q. Non, je parle de Ruhengeri. Ma question porte essentiellement sur la région de Ruhengeri.

R. J'aurais voulu voir ce rapport, si jamais il a existé. Je ne saurais vous donner une raison précise quant au lieu où était dispensée cette formation militaire. Il me souvient que nous avons parlé des forêts dans le Sud-ouest. Je ne me rappelle pas quelles unités étaient impliquées. Mais je ne peux pas vous donner une réponse précise selon laquelle le camp… des civils étaient... subissaient une formation militaire dans le camp Ruhengeri.

Q. Donc, aujourd'hui, votre position est que, à votre connaissance, vous n'avez jamais vu, eu entre les mains ou entendu que des civils subissaient une formation militaire à Ruhengeri ? Je sais que vous avez parlé du Sud, nous connaissons votre opinion sur le Sud, mais pour ce qui est de Ruhengeri, votre réponse est négative ; est-ce bien cela ?

R. Non. Je n'en ai la moindre souvenance.

Q. Très bien. Je vous remercie.

Nous avons des témoins, au moins deux témoins, qui ont affirmé que des civils ont reçu un entraînement militaire dans certains bureaux communaux, notamment dans la banlieue de Ruhengeri — je ne me rappelle plus le nom de cette localité. Apparemment, c'était une formation militaire en plein air, en plein jour et de manière systématique. Ces faits ne peuvent pas avoir échappé à la vigilance des observateurs, n'est-ce pas ?

R. Restons raisonnables. Prenez l'étendue du territoire, le nombre de bases et les voies d'accès. Tenez également compte du nombre très limité de véhicules et, donc, de patrouilles qui pourraient être menées. Étant donné que cette formation en... se faisait généralement dans la nuit, ils auraient pu entraîner des bataillons ! Mais il ne fait aucun doute que les Français et les Belges avaient des conseillers dans cette zone et s'ils avaient... si ça avait été le cas, ils auraient... ils n'auraient pas manquer d'observer ces activités.

Q. Les localités indiquées par les deux témoins que j'ai mentionnés, c'est le bureau communal de Mukingo. Je sais que vous avez été à Ruhengeri, je ne suis pas certain que vous vous seriez rendu à Mukingo. Le bureau communal se trouve en bordure de route, à quelque 25 mètres de l'axe principal. Ils ont un terrain vague qui ressemble à un terrain de football, un terrain vague ouvert : C'est à cela que je fais référence.

Je ne parle pas des formations ou d'entraînements qui auraient été dispensés dans des zones forestières, il s'agit d'un bureau qui se trouve en bordure de route dans la banlieue de Ruhengeri sur un terrain qui ressemble à un terrain de football. Telles sont les circonstances de ces entraînements qui auraient eu lieu dans la commune de Mukingo, des entraînements qui ont été dispensés sur une longue période et en plein jour ; en avez-vous jamais eu connaissance ?

R. Vous semblez qualifier... vous utilisez des épithètes pour dire que cette formation s'est faite en plein jour et pendant longtemps. Cette formation peut se faire par exemple pour seulement 10 personnes. Qu'est-ce qu'ils ont utilisé comme armement ? Peut-être des fusils en bois. Quel type de formation ? Formation tactique ? Il y a toute une gamme de domaines de formation qui se dispensaient à l'époque. Et ils auraient pu poster des sentinelles pour guetter l'arrivée des véhicules de couleur blanche arborant les couleurs des Nations Unies, au cas où ces véhicules approcheraient.

Q. La suggestion que je vous fais, Mon général, et je vous rappelle, autant que je peux, la teneur de la déposition de ces témoins qui sont venus ici, en décembre dernier : Il y avait des dizaines de civils qui étaient formés sur cette route... sur ce terrain qui se trouvait en bordure de l'axe principal menant à Ruhengeri. Selon ce témoin, cet entraînement avait lieu en plein air, au vu et au su de tous. C'est ce fait que je vous soumets.

Vous en aviez... vous auriez dû en avoir entendu parler par ces observations (sic). Dans tous les cas, j'ai retenu votre réponse et je cherchais simplement à être plus précis : Je voulais simplement préciser que la formation était une formation qui se dispensait à l'extérieur, et non pas à l'intérieur d'une enceinte. Il en était donc impossible que vous n'en ayez pas été informé.

R. Non, ce n'est pas impossible. C'est peut-être probable et... Et si jamais les patrouilles passaient par cet endroit régulièrement, ils l'auraient certainement observé. Mais à cette époque, nous n'avions pas d'autres moyens de nous informer de ces faits.

Q. Votre réponse est que vous n'avez jamais entendu de ce type de formation ; est-ce bien cela ?

R. Oui. Très clairement. Je n'en ai jamais entendu parler.


M. BÂ :
Monsieur le Président, c'est une journée à combien de pause ? À une seule pause ou à deux ?


M. LE PRÉSIDENT :
Nous avons deux pauses d'une demi-heure chacune.


M. BÂ :
N'est-ce pas le moment de prendre la première ?


Me MAC DONALD :
Oui. Parce que nous allons poursuivre jusqu'à 20 heures ; est-ce que nous pouvons prendre une pause à 15 heures et, ensuite, à 17 h 30 ?


M. LE PRÉSIDENT :
Alors, nous pouvons prendre une pause de quelques minutes et nous reprendrons à 16 heures.


(Suspension de l’audience publique : 15 h 30)

(Reprise de l'audience : 16 h 5)


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


M. KOUAMBO :
Monsieur le Président, Roger Kouambo depuis Ottawa, juste pour vous dire que le général n'est pas encore là, mais on nous fait savoir qu'il sera là d'une minute à l'autre.


M. LE PRÉSIDENT :
D'accord.

Monsieur Bâ ?


M. KOUAMBO :
Il faut dire à Maître Black que nous avons pu imprimer... Maître Mac Donald que nous avons pu imprimer le document et que nous pourrons le mettre... et que nous « pourrons » le mettre à la disposition du général Dallaire... qui est présent dans l'audience.


M. LE PRÉSIDENT :
Monsieur Bâ et Maître Mac Donald, je pense qu'il faut verser en preuve les documents indiquant que vous avez accordé... vous vous êtes accordé avec Monsieur Jegede et le Greffe afin que, demain, soit... que ce soit entre... avant que nous ne commencions la déposition, vous pouvez le faire aujourd'hui ou, alors, demain avant que nous ne poursuivions... avant que ne se poursuive la déposition du général Dallaire.


Me MAC DONALD :
Je croyais comprendre qu'étant donné... qu'il s'agit d'un contre-interrogatoire, je ne connais pas le contenu de ce document ; je proposerais donc que Monsieur Jegede puisse avoir un entretien avec mon stagiaire afin qu'il puisse s'accorder sur ce qu'il convient de faire.


M. LE PRÉSIDENT :
Je pensais que cela avait été fait. Pas encore ?


Me MAC DONALD :
On me fait dire que Monsieur Jegede devait rencontrer Monsieur... le Greffe et que, pour une raison ou pour une autre, Monsieur Jegede ne s'est pas présenté.


M. LE PRÉSIDENT :
Alors, si cela n'a pas encore été fait, demandez-lui de rencontrer la personne indiquée demain afin que d'ici jeudi... que tout soit fait.


Me MAC DONALD :
Parce que le problème, Monsieur le Président — je ne voudrais pas m'étendre sur la question —, la personne qui connaît le plus ce document, c'est Maître Mac Donald (sic), et cette personne n'est pas ici. Alors, nous pouvons essayer de voir si nous pouvons tomber sur un accord d'ici demain, nous allons vous faire savoir quelle est la situation, et ensuite, nous allons verser le document en preuve. Merci.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous pouvez poursuivre, Maître Mac Donald.


Me MAC DONALD :
Merci, Monsieur le Président.

Q. Général Dallaire, nous avons examiné la semaine dernière un rapport très important qui vient d'être publié et qui... — il s'agit du rapport de Jean-Louis Bruguière — qui date de... qui compte 64 pages et date du 17 novembre 2006. En fait, ce document présente assez de détails sur les preuves recueillies par le juge Bruguière « et » qui lui ont permis de conclure à la responsabilité du FPR et du Président Kagame en ce qui concerne... en ce qui concerne l'accident de l'avion présidentiel.

Est-ce que vous avez eu le temps de parcourir ce document ?

M. DALLAIRE :
R. Non.

Q. Non, vous ne l'avez pas fait ? Alors, j'aimerais attirer votre attention sur certains éléments du rapport en question, à commencer par la page 58...

Monsieur le Président, nous avons la version française du document et j'aimerais, je crois, verser ce document en preuve.

Je pense que l'idéal serait de traduire ce document. Nous allons demander à la Chambre de le faire traduire.


M. LE PRÉSIDENT :
Alors, vous pouvez le remettre au Greffe pour traduction et nous allons, donc, demander que ce document soit traduit le plus tôt possible.


M. BÂ :
Je n'ai pas de problème avec ce qu'il appelle « rapport du... du juge Bruguière ». Je pense que la Défense pourra l'introduire avec n'importe lequel de ses témoins à décharge. Mais, que je sache, ce n'est pas une ordonnance de clôture, c'est une ordonnance de soit-communiqué au Procureur de la République en vue de requérir ses réquisitions supplétives. Et lorsque vous dites que le juge a conclu, on n'est pas encore au stade des conclusions. La conclusion intervient à la clôture de l'information, on est loin de cette phase.

Cela dit, c'est un rapport qui ne me gêne nullement. Mais je ne vois pas en quoi et comment le général, qui n'a pas témoigné directement sur l'accident de l'avion et qui ne connaît pas... qui n'a pas été entendu par le juge et qui n'a pas parlé des... qui n'a pas rencontré les témoins du juge... en quoi on peut introduire ce document-là par le biais du... d'un témoin de l'Accusation qui n'a pas déposé sur ce fait, d'un, et de deux, qui n'a été mêlé ni de loin ni de près à l'enquête du juge Bruguière.

Cela dit, il me semble que vous pourrez l'introduire avec n'importe lequel de vos témoins à décharge, c'est un document qui ne me gêne nullement. Mais ne me dites pas que ce sont des conclusions, ce sont pas encore des conclusions, c'est une ordonnance de soit-communiqué — c'est comme ça qu'on l'appelle en civil law, ce n'est pas une ordonnance de clôture.


Me MAC DONALD :
De mon côté, il s'agit de conclusions factuelles du juge et vous aurez l'occasion de parcourir ce document.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, pour ce qui est...


Me MAC DONALD :
Je pense que Monsieur Bâ... Monsieur Bâ se trompe lorsqu'il dit que le général Dallaire n'a pas participé, directement ou indirectement, à l'élaboration de ce rapport. Peut-être qu'il a témoigné ou il a refusé de témoigner, mais il est mentionné dans ce rapport. Je suis sûr que Monsieur Bâ a... a eu à lire, à parcourir ce rapport.

Je vais donc poser les questions au général Dallaire non pas particulièrement sur le crash de l'avion... alors, le fait que l'avion se soit écrasé n'est qu'un élément entre plusieurs et j'aimerais, donc, poser cette question au général Dallaire.

Je crois comprendre que les interprètes ont en leur possession ce document, si je ne me trompe — page 58.

Général, je vais vous donner lecture de certains éléments du... auxquels... qui font partie des conclusions du juge — donc à la page 58.

Q. D'abord, mon Général, est-ce que vous avez été directement ou indirectement... est-ce que vous avez participé directement ou indirectement à cette enquête menée par le juge Bruguière ? Est-ce que vous avez été amené ou appelé à témoigner ou à fournir quelque information que ce soit au juge ?

R. Oui, il y a eu une requête, mais ce rapport a été publié avant que je ne réponde à cette requête.

Q. Je ne comprends pas : Pouvez-vous être plus précis ?

R. Monsieur le Président, pour l'information de la Chambre, le juge Bruguière a pris des dispositions pour demander au général Dallaire de témoigner, mais cette requête n'a pas encore eu de suites. Et les conclusions... la conclusion du juge Bruguière semble... pardon, la conclusion à laquelle il a abouti, c'est qu'il l'a fait sans attendre... sans attendre la réponse du général Dallaire.


M. LE PRÉSIDENT :
Alors, je suis en train de confirmer ce qu'a déclaré le général Dallaire.


Me MAC DONALD :
Et Monsieur le Président, j'aimerais dire que, même si on peut poser des questions sur le... la réaction du général Dallaire, j'espère..

.
M. BÂ :
Objection.


Me MAC DONALD :
Il y a eu des objections...


R. Je n'ai pas fini ; comment pouvez-vous soulever des objections alors que je n'ai pas encore fini avec mon intervention ?

Me MAC DONALD :

Q. Sur quelle base est-ce que vous dites ce que vous étiez en train d'affirmer ?


M. YAROSKI :
D'abord, j'aimerais dire qu'une question a été soulevée sur le statut ou la situation du juge Bruguière, et j'aimerais que la Chambre puisse éclaircir ce point. Et deuxièmement, en tant que Conseil du général Dallaire, j'espère que... c'est... j'espère qu'il s'agit là d'une question sur laquelle il ne sera pas appelé à faire des commentaires, parce que... il... le général Dallaire est ici pour répondre à toutes les questions relatives aux faits auxquels il est lié.


M. LE PRÉSIDENT :
Avant que... je... je crois comprendre qu'avant que le Général Dallaire ne réponde à la... à la requête qui a été formée, le rapport a été publié.


Me MAC DONALD :
Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais j'aimerais poser une ou deux questions au général Dallaire.

Q. Quand est-ce que la requête a été faire, Général Dallaire ? Quand est-ce que vous avez reçu la requête du juge Bruguière ?

R. Je ne me rappelle pas exactement la date.

Q. Est-ce que vous pouvez nous donner une date approximative ?

R. Je n'en ai aucune idée.

Q. Avez-vous reçu cette requête en 2005 ? 2004 ?

R. Je ne pense pas que cela remonte à aussi longtemps. Personne ne m'en a parlé.

Q. Alors, vous devez le savoir parce qu'il s'agit là d'un élément très important. Il s'agit d'une enquête importante... en fait, c'est la seule enquête, parce que personne n'a encore mené d'enquête sur le crash de l'avion présidentiel, jusqu'à ce qu'un membre de la famille présidentielle décide de... d'agir dans ce sens. Kagame n'aimerait pas que ce dossier soit ouvert, alors les autorités françaises... ont dû faire quelque chose dans ce sens et votre nom apparaît dans le rapport. Il est donc évident, mon Général, que le juge Bruguière a essayé d'entrer en contact avec vous et « de » vous amener à témoigner... lors de cette commission... dans le cadre de cette commission d'enquête.

Alors, vous dites que vous n'en savez rien ?

R. Je ne me rappelle pas... Je ne me rappelle pas avoir été contacté par le juge. Je me rappelle que... lorsque cette enquête des autorités françaises a été menée sur les... le crash du... de l'avion, je me rappelle avoir appris qu'il y a eu... qu'on a découvert la boîte noire ; j'ai répondu aux questions qui m'ont été posées, mais je n'ai pas été contacté par le juge Bruguière et, certainement, je n'ai pas eu vent de ce rapport.

Q. Mais, selon votre Conseil, mon Général, vous avez été contacté à un certain moment et j'aimerais, donc, savoir quand est-ce que vous avez été contacté pour témoigner dans cette... dans le cadre de cette commission.


M. YAROSKI :
J'aimerais dire ici clairement que le général Dallaire n'a pas été personnellement contacté. Une requête a été... lui est parvenue à travers le Gouvernement canadien et cette requête n'a pas encore été... n'a pas eu de suites et nous avons tout simplement appris récemment que le rapport a été publié. Donc, le général Dallaire, en fait, n'a pas été convoqué personnellement pour témoigner dans le cadre de cette enquête.


Me MAC DONALD :

Q. Alors, pouvons-nous savoir... est-il possible de savoir quand est-ce que cette requête a été envoyée aux autorités canadiennes ?


M. LE PRÉSIDENT :
Je pense que vous allez beaucoup plus loin, parce que vous demandez à quelqu'un d'autre de répondre, à quelqu'un d'autre que le témoin qui nous concerne ici.


Me MAC DONALD :
Il est clair que le général Dallaire n'a pas été convoqué personnellement par le juge Bruguière. La requête a été adressée au Gouvernement, je pense, avant. Je crois savoir que la requête a été formulée il y a quatre ans. Les parties principales n'ont peut-être pas été informées de ce fait, mais c'est ce que je sais.


M. BÂ :
Ce rapport ne fait pas partie des choses qui nous empêchent de dormir, je vous ai dit que vous pourrez l'introduire par n'importe lequel témoin des témoins de la Défense. C'est simplement que vous êtes pressé.

Vous pouvez poser des questions au général Dallaire sur l'accident, si vous arrivez à établir un quelconque lien, vous l'introduisez. Nous, nous n'avons aucun problème avec ce rapport.
Mais simplement, comme ça, de but en blanc, sans qu'il sache de quoi il retourne dans ce rapport, l'introduire par son canal, je trouve que le procédé est inapproprié. Mais sinon, nous n'avons aucun problème avec le rapport du juge Bruguière — cette ordonnance de soit-communiqué.


Me MAC DONALD :
La question reste posée, Monsieur le Président. Je crois comprendre que le général Dallaire n'a jamais été informé de cette... de ce qui s'est passé et nous sommes dans une situation où le Conseil de l'intéressé dit que, oui, il a été contacté et la... l'intéressé lui-même dit qu'il n'a jamais été contacté.


M. LE PRÉSIDENT :
Alors, n'allons pas au-delà de ce qui a été dit.


Me MAC DONALD :

Q. Général, à la page 58, deuxième paragraphe, voici ce qui est écrit — et je lis en français : « Alors commandant en chef de la MINUAR, lors d'une audition en date du 21 janvier 2004...

[Je suppose qu'il s'agit ici de l'affaire Militaires I, lorsqu'il a témoigné, donc, dans l'affaire Militaires I.]

... confirmait la stratégie hégémonique de Paul Kagame et la détermination dont il avait fait preuve dans la mise en œuvre de son plan. »

Je cite — il s'agit donc d'une citation de vous, Monsieur le Général : « Déclarait-il aujourd'hui au pouvoir, avait planifié un pays dominé par les Tutsis lors de leur lutte armée contre... le Gouvernement contrôlé par l'ethnie hutue. Le FPR, ajoute-il, n'avait pas nécessairement parmi ses priorités le bien-être de la population ou le bien-être des populations... de l'intérieur, mais un plan longtemps élaboré qui aboutirait à un pays dominé par les Tutsis. »


M. BÂ :
Maître Mac Donald, vous dites que le général a déclaré ça dans Militaires I ?


Me MAC DONALD:
Lors d'une audition en date du 21 janvier 2004.


M. BÂ :
Le 21 janvier 2004, il était ici pour être entendu dans Militaires I ? Vous avez lu le transcript de Militaires I de fond en comble, est-ce que vous y voyez ces choses-là ? C'est vous dire le peu de sérieux de cette ordonnance.


Me MAC DONALD :
La question a été posée au général Dallaire et j'aimerais savoir s'il persiste dans ce qu'il a dit.


M. LE PRÉSIDENT :
Est-ce la déposition... la déposition lors de l'affaire Bagosora ?


M. BÂ :
Vous avez le transcript de Militaires I, montrez-nous le passage où il dit cela.


Me MAC DONALD :
Je pense que j'ai retrouvé le passage, Monsieur Bâ.


M. BÂ :
Dites-moi la page.


Me MAC DONALD :

Q. Général Dallaire, est-ce que vous avez jamais tenu ces propos ?

R. Jamais.

Q. J'ai un compte rendu d'audience ici devant moi, un procès-verbal d'audience. Je vais vous donner lecture de ce que j'ai ici dans le procès-verbal.


M. BÂ :
Quelle page ?


Me MAC DONALD :
Page 4.


M. BÂ :
Page 4.


Me MAC DONALD :
Je crois que vous avez dit ceci, Général — je le lis en français :

« (Début de la citation inaudible)... Pas nécessairement parmi ses priorités le bien-être des populations de l'intérieur, mais plutôt un plan longuement élaboré qui aboutirait à un pays dominé par les Tutsis. »

Q. L'avez-vous dit ou non, mon Général, le 21 janvier 2004 ?


M. LE PRÉSIDENT :
Je crois que pour ne pas pénaliser le témoin, vous devez reposer votre question afin qu'il puisse y répondre.


Me MAC DONALD :

Q. La question qui est posée est la suivante... Je ne sais pas si c'était lors de l'interrogatoire principal ou du contre-interrogatoire, mais la question qui avait été posée est celle-ci...


M. BÂ :
Maître Mac Donald, est-ce que vous pouvez lire les quatre lignes... les quatre lignes qui viennent avant... les cinq lignes qui viennent avant cela — ce que vous venez de lire ? Il faut situer ça dans son contexte. Est-ce que vous pouvez lire les cinq lignes qui viennent avant ? Vers la fin juin, en juillet et en août.


Me MAC DONALD :
Je vais faire à ma façon et vous pouvez peut-être réinterroger le témoin.

Q. Général, l'avez-vous dit ou pas ? Je vais vous donner lecture de ces mots... avez-vous tenu ces propos ou non ?

R. Je ne vais pas répondre à cette question... à une question posée de cette façon, parce que, dans mon ouvrage, dans mon livre, j'ai dit que j'ai défini les... les objectifs qui étaient poursuivis et, pour moi, il est ressorti que... pourquoi fallait-il que 1 000 ou 100 000 personnes meurent pour que le FPR gagne ce conflit ?

Et je me suis demandé s'il y avait un plan au sein du FPR, un plan qui permettrait d'établir une hégémonie des Tutsis au Rwanda : C'est une question qui a été posée. Et nous avons également tenu compte de la lenteur des opérations, des préparations qui ont été faites et nous nous sommes demandé s'il s'agissait d'une option que le FPR avait prise. C'était ça le problème.

Q. Mon Général, je vais vous faire lire un autre passage qui se réfère à ce que vous… (inaudible) — et je lis toujours le procès-verbal de l'audience...

La question que je voulais vous poser est celle-ci : Avez-vous tenu ces propos dans le procès Bagosora ?

R. Si vous ne formulez pas la question de manière exhaustive et si vous ne placez pas ce que vous lisez dans son contexte, vous n'aurez pas de réponse. Donnez-moi l'ensemble du procès-verbal que je puisse le parcourir et, alors, j'aurai une idée précise du scénario.

Le scénario que j'ai à l'esprit repose sur certaines hypothèses qui... qui s'étaient échafaudées à l'époque des faits. C'étaient des possibilités sur la nature du conflit : Peut-être qu'il y avait une option de mise en place d'une hégémonie tutsie au Rwanda. C'était une hypothèse et non pas un fait avéré.

Q. Quelle est votre position aujourd'hui sur cette hypothèse, après la publication du rapport Bruguière et après les déclarations des multiples témoins, en particulier ceux qui faisaient partie du commando qui a descendu l'avion du Président Habyarimana ? Ils affirment que la majorité des personnes qui ont été tuées l'ont été par le FPR.

Quelle est votre position aujourd'hui ? Nous ne parlons pas de 1994.

R. J'aimerais savoir à quelle question répondre. Ma position est celle-ci : Peut-être que dans dix ans, lorsque nous aurons écouté tous les scénarios révisionnistes, peut-être écrirai-je un autre livre. Mais pour l'instant, je maintiens les positions que j'ai exprimées dans mon livre.

Q. Fondamentalement, vous dites que votre position ne changera pas, car ce que vous avez vu ne se reproduira pas. Voici que le juge essaye d'aider à la manifestation de la vérité : Si vous aviez le rapport du juge Bruguière entre les mains, je ne vois pas pourquoi il ne susciterait pas votre intérêt, si vous preniez connaissance des preuves apportées dans ce rapport, en particulier la déposition de Ruzibiza.


M. LE PRÉSIDENT :
Où est-ce que cela nous mène, Monsieur le Conseil de la défense ?


Me MAC DONALD :

Q. Mon Général, est-ce que vous avez un avis sur cette opinion du colonel Marchal ?

Ensuite, dans sa réponse, dans ce paragraphe, le colonel touche à d'autres sujets, mais pour être précis, son opinion sur le FPR :

« J'en ai traité dans mon livre, lorsque je me suis engagé sur la voie du processus de paix, vers la fin de la guerre, en juin, juillet et août, et vu les comportements du FPR depuis le mois de janvier, en particulier sur le terrain, et en raison des pressions qu'ils ont exercées en usant de divers instruments, par exemple, les réfugiés. Mais il y a également l'intransigeance politique que manifestait le FPR en matière de coopération ou de dialogue, par opposition à la confrontation.

Vers fin juin, en juillet et en août, au moment où la guerre prenait corps, j'ai pu m'apercevoir que, de plus en plus, le FPR voulait prendre le contrôle de l'ensemble du pays et ne s'orientait pas nécessairement vers un gouvernement équilibré sur le plan ethnique, mais plutôt vers un retour massif des réfugiés de la diaspora, par opposition aux Tutsis de l'intérieur qui avaient survécu.

J'ai donc compris que le FPR n'avait pas nécessairement parmi ses priorités le bien-être des populations de l'intérieur, mais plutôt un plan longuement élaboré qui aboutirait à un pays dominé par les Tutsis. »

Ma question est celle-ci : Pensez-vous toujours, Général Dallaire, que le FPR avait élaboré un plan en vue de prendre possession du pays par la force plutôt que par les négociations de paix d'Arusha ? Quelle est votre position sur ce point ?

R. Comme je l'ai expliqué, ma position est qu'il était fort probable qu'ils avaient un plan de rechange, étant donné que les négociations n'avaient pas l'air d'aboutir. Et face aux raisons que j'ai indiquées, étant donné que la guerre durait depuis un certain temps, sans aucun espoir de cessez-le-feu, et que le FPR, en fait, était en train de prendre les positions des forces gouvernementales et que le pays leur était ouvert, ils en ont tiré avantage et ont décidé d'aller de l'avant. Les choses auraient pu évoluer autrement, mais comme je vous l'ai dit, je n'avais pas une réponse définitive à cette question.

J'ai dit dans mon livre que, peut-être, le FPR avait des desseins cachés, qu'il s'employait à mettre en œuvre. Tel est le scénario que j'ai tout simplement présenté comme étant une possibilité de ce qui se déroulait sur le terrain. Mais je ne voulais absolument pas affirmer que, dès le départ, le FPR avait lancé son offensive... son offensive, quitte à entraîner des centaines de milliers de personnes dans la mort, dans le cadre du génocide.

Q. Permettez-moi de vous opposer d'autres passages de ce rapport, notamment des passages parlant en particulier du colonel Marchal, en qui vous aviez totalement confiance à l'époque et aujourd'hui encore.

R. Non, non, non. Un instant, si vous n'avez pas d'objection, Monsieur. J'avais confiance en son jugement, à l'époque, et... et j'ai dit que le général (sic) Marchal a adopté d'autres positions depuis un certain temps que je ne partage pas forcément, et depuis, nous n'avons pas communiqué.

Q. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas de position. Lui, au moins, a la conviction... a le courage de ses convictions, il voit les réalités. Ce qui ne semble pas être votre cas. Voulez-vous dire aujourd'hui que, parce que Marchal a adopté une certaine position... — laquelle partagent la majorité des auteurs et, en particulier, les historiens spécialisés dans l'histoire du Rwanda —, voulez-vous dire que, parce qu'il a changé de position, vous ne respectez plus... vous n'avez plus confiance en son jugement ?

R. Je dis que ce n'est pas vrai que tous les historiens partagent ses croyances : Il y a eu plusieurs sources d'informations qui ne convergent pas nécessairement.

Quant au général (sic) Marchal, il est convaincu aujourd'hui que c'est le FPR qui a déclenché le génocide, nous n'étions pas d'accord là-dessus. Mais c'est son opinion et c'est ce que j'affirme.

Q. Je ne suis pas d'accord avec vous, parce que l'opinion de Marchal repose sur des faits dont vous aviez connaissance vous-même en 1994. À la page 26, par exemple, paragraphe 5, il est dit ceci...

Et comme on l'a dit plus tôt, le rapport du juge Bruguière est en partie fondé sur le rapport de la commission belge... la commission d'enquête belge et la commission française, et c'est dans ce contexte que le juge Bruguière parle de la déposition de Luc Marchal devant les juges... devant les juridictions belges. Voici une des conclusions sur lesquelles le juge Bruguière fonde ses propres conclusions. Il dit ceci :

« En 97, devant la commission parlementaire belge (inaudible)... toujours — sorry — qu'il avait toujours été persuadé que le FPR prenait prétexte d'aller chercher du bois de chauffage dans le Nord... »


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, les interprètes ne vous suivent pas. Pouvez-vous reprendre votre lecture, et lentement, s'il vous plaît ?


Me MAC DONALD :
Si vous voulez que je vous redonne lecture de ce passage, je le ferai volontiers. Mais vous avez entendu ces allégations lors du procès Militaires I, allégations selon lesquelles Luc... Luc Marchal affirme qu'il a toujours eu la conviction que lorsque le FPR allait chercher du bois de chauffe à Mulindi, en fait, il ne ramenait pas que du bois de chauffe mais également des armes et des munitions.

Q. Quand Marchal dit qu'il a toujours été persuadé de cela, je présume qu'il vous en a fait part et je souhaiterais savoir, Général Dallaire, ce que... votre réaction à ces soupçons.

R. Il était convaincu que le FPR ramenait des armes, cachées sous les bois de chauffe, sous les fagots de bois : Eh bien, je ne me souviens pas qu'il ait soulevé cette question avec moi. Toutefois, nous nous « préoccupons » de la qualité de la supervision de ces matériaux... de chargement de ces matériaux dans les camions et « le » nombre de troupes... le nombre de militaires qui se rendaient chercher le bois et ramener le bois.

S'il était profondément convaincu, nous aurions pris les dispositions pour mettre un terme à ces faits. Mais je ne me souviens pas que ce soit devenu un facteur important nous obligeant à modifier le modus operandi des déplacements du FPR vers Mulindi et « de » Mulindi.

Q. Donc, vous ne vous souvenez pas que le général (sic) Marchal se soit interrogé sur la transparence des mouvements du FPR ?

Mais allons plus loin, le paragraphe suivant, qui concerne toujours Marchal, dit ceci :

« Lors de son témoignage recueilli le 19 juillet 2002 à Bruxelles, avoir été informé que les éléments du FPR quittaient clandestinement, la nuit, leur cantonnement du CND [et voici la partie importante] (inaudible) aux membres de la MINUAR et aux observateurs de l'ONU d'assister au chargement des véhicules permettant ainsi l'acheminement clandestin d'armes à Kigali. »

Q. Mon Général, vous souvenez-vous avoir été informé de ce que le FPR avait refusé aux membres de la MINUAR et aux observateurs de l'ONU d'assister au chargement des véhicules ? Je suis sûr que ce fait vous a été rapporté, à moins que Marchal ne l'ait inventé.

R. Parlons d'abord des personnes qui sortaient de leur cantonnement du CND. Nous avons reçu des rapports qui semblaient indiquer que cela pouvait être une possibilité, mais nous traitions avec les gens qui voulaient la paix et, donc, nous ne nous préoccupions pas de leurs activités clandestines.

Quant au chargement des véhicules, je sais qu'il y a eu des inquiétudes qui ont été exprimées, mais je ne me souviens pas qu'une décision ait été prise concernant les conditions dans lesquelles les chargements de véhicule se faisaient.

Lorsque vous voyez la quantité de bois que transportaient ces véhicules, il... on ne pouvait pas transporter dans ces mêmes véhicules, des quantités importantes d'armes et de munitions, car les camions étaient lourdement chargés. Les armes qui, éventuellement, étaient cachées sous ces fagots de bois ne pouvaient pas représenter des quantités importantes.

Q. Ma position, mon Général, est que cette pratique de la MINUAR équivalait à se... se fermer les yeux volontairement. Car les observateurs et vos collaborateurs, y compris Marchal, disent que cette pratique avait lieu et vous dites que vous avez agi sur la base de ce que les belligérants étaient animés d'une volonté de paix et qu'ils ne pouvaient pas en même temps s'adonner à ce type d'activités clandestines.

Mais lorsque vous aviez, par exemple, des doutes sur les activités des FAR, par exemple, vous... vous preniez l'initiative d'aller enquêter sur la base des informations qui vous étaient données — par exemple sur les caches d'armes... les caches d'armes qui étaient sous le contrôle des Interahamwe.

R. Je voudrais revenir à un commentaire que vous avez fait plus tôt. Dans un cas, nous avons effectivement décidé de mettre en œuvre une mesure qui était contre des activités qui allaient à l'encontre de la zone de... de la zone de consignation d'armes de Kigali. Mais... Mais pour les... les autres activités, ce sont des... ils ont fait l'objet de plusieurs écrits et il a fallu que je retourne à mes notes et que je les examine.

Et si les belligérants s'entêtaient toujours à ne pas coopérer, alors... il y avait un manque de coopération des deux côtés et... si bien qu'il était... qu'il nous était assez difficile de dire si les deux belligérants voulaient la paix ou ne la voulaient pas. Ils avaient tous des scénarios qui minaient, en fait, les efforts de paix.

Mais le rôle de la mission était d'observer les deux camps et en appeler aux responsables des deux camps. Et au cas où il y « aurait » une réaction positive, alors, nous prenions des mesures. C'est ainsi que nous avons procédé. J'ai... C'est dans ce sens que j'ai sollicité des Nations Unies davantage de forces, un mandat beaucoup plus élargi pour essayer de surveiller davantage et de faire un rapport sur certaines activités.

Q. Je voudrais attirer votre attention sur ce dernier point où Marchal dit ceci : Qu'il avait des informations selon lesquelles le FPR refusait aux membres de la MINUAR et aux observateurs de l'ONU d'assister au chargement des véhicules.

Et au moment où Marchal a fait cette observation, son sentiment était que des armes étaient en train d'être infiltrées dans le... dans la ville. Qu'avez-vous fait ? On vous dit qu'il y avait des activités illicites, n'est-ce pas, qui étaient en cours et qui entravaient votre mission et vous n'avez rien fait ?

R. Quel argument avais-je à leur opposer et quels moyens avais-je d'effectuer une supervision efficace ? Le résultat de tout cela, autant que je me souvienne, c'est que ces problèmes n'ont jamais été résolus.

Q. Général Dallaire, exclurez-vous la possibilité qu'en réalité, rien n'a été fait ? Il n'y a pas eu d'enquête, il n'y a pas eu...

Est-ce que vous excluriez la conclusion selon laquelle rien n'a été fait ? Malgré le fait que le FPR vous a empêché de mener à bien votre mission ?

R. Je suis convaincu que j'ai eu à soulever ce type de problèmes avec le général Kagame. Je suis persuadé que le général (sic) Marchal l'a également fait avec les commandants du cantonnement FPR au... au CND. Mais du fait que ces problèmes n'ont pas été résolus, le fait que les Accords de paix n'ont pas été mis en œuvre, eh bien, on ne peut que l'imputer aux conditions qui prévalaient sur le terrain et aux moyens dont nous disposions.


M. LE PRÉSIDENT :
Parlez lentement puisqu’il nous faut consigner tout ce que vous dites.


Me MAC DONALD :

Q. Une dernière question sur ce point précis : Est-ce que vous vous rappelez à quelle date vous avez abordé ce problème avec Kagame et à quel endroit ?

R. Non.

Q. J'ai quelques autres éléments concernant le colonel Marchal que je voudrais exploiter. À la page 57, il y a deux petits paragraphes... le troisième paragraphe à partir de la fin de la page 57, le texte dit ceci :

« Le colonel belge Luc Marchal, commandant adjoint de la MINUAR, entendu en Belgique le 9 juillet 2002, confirmait que la seule motivation du FPR était la conquête du pouvoir. »

Encore une fois, mon Général, j'accepte votre position et je voudrais m'assurer que je l'ai bien comprise. Vous dites que, en fait, vous n'auriez pas pu éliminer complètement cette hypothèse, mais vous ne l'excluez pas non plus ?

R. Je ne soutiens pas entièrement cette hypothèse parce que je n'en ai pas les preuves factuelles. Mais telles que les choses ont évolué et au vu de l'issue de la guerre, peut-être que cette hypothèse, finalement, était vérifiée. Mais je n'ai pas d'éléments de pensées qui me permettent de penser dans ce sens.

Q. Dans le paragraphe suivant, on parle d'une date qui est un élément important, et le texte dit ceci...
Il notait, à la date du 4 avril 1994 :

« En fait, la thèse défendue est que la seule motivation du FPR, en prenant les armes contre les gouvernements actuels, n'est pas la victoire de la démocratie mais la conquête du pouvoir par la violence. Cette thèse me semble conforme à mes observations et mes déductions. »

Ce qui est sur... surprenant dans ce passage, mon Général, c'est qu'il apparaît que, à cette date — le 4 avril 1994 —, le colonel Marchal a inscrit... a inscrit ce... cette observation dans son journal de bord.

Je présume... Puisque vous dites que vous étiez très proche de Marchal, je présume qu'il a certainement partagé sinon ses inquiétudes, du moins ses interrogations sur les motivations du FPR, alors que vous, vous sembliez insister sur les faits et gestes du Président Habyarimana et de Bagosora.

R. Peut-être qu'il a inscrit cette observation le soir de la réunion que nous avons eue, encore qu'il ne me « les » a pas rapportées en ces termes. Mais je sais qu'il s'est toujours demandé pourquoi le FPR a toujours manifesté une intransigeance... sans... sans appel : Pourquoi n'acceptait-il pas l'accord de paix qui, par ailleurs, leur accordait ce qu'ils... ce qu'ils demandaient... dans le sens de la démocratie ?

Or, la démocratie n'est... n'était pas envisageable sans un... un système multiethnique, le partage du pouvoir et le... le soutien de la communauté internationale. Dès lors que le... l'accord de paix vous accorde ce que vous exigez, pourquoi décidez-vous de mettre le feu aux poudres au risque de coûter la vie à des centaines de milliers de personnes ?

Il y avait là une certaine logique qui n'était pas incompréhensible. Mais sur cette base, bien sûr, on peut faire des déductions, c'est ce que Luc a fait.

Moi, je ne le fais pas. Je me suis... J'ai exprimé mon mécontentement à maintes reprises sur le comportement du FPR qui s'employait à bloquer le processus de paix, au risque de... de faire tout exploser, alors que les Accords de paix leur accordaient en réalité ce qu'il... ce qu'il exigeait, du moins, dans le cadre des Accords d'Arusha. Ce qui ne s'applique pas nécessairement à l'autre partie.

Q. L'autre partie collaborait avec vous, participait aux négociations, vous demandait de convoquer une réunion avec Kagame pour convenir d'un accord de paix, ou plutôt, d'un cessez-le-feu définitif et vous savez très bien, aujourd'hui, que les forces armées gouvernementales et le Gouvernement rwandais ont toujours respecté le... l'Accord... le... le cessez-le-feu — dans la nuit du 6 au 7, déjà... encore, il avait demandé un cessez-le-feu.

R. Vous avez parfaitement raison. Certes, ils ont demandé un cessez-le-feu, mais ils n'ont rien fait pour endiguer ce qui se passait, les exactions qui se... qui étaient commises dans leur milieu, par leurs militaires. Ils n'ont rien fait pour améliorer la situation sécuritaire.

Il y a eu, certes, des déclarations qui ont été faites par certains officiers qui, malheureusement, n'avaient pas les moyens dont ils avaient besoin pour maintenir la paix. Certes, il y a eu une demande de cessez-le-feu, mais ce qui retenait l'attention, c'est que, sur le terrain, rien ne se faisait pour faire cesser les tueries.

En fait, nous avions plus d'éléments… de données sur les séances de formation militaire : Formation militaire dispensée aux milices et aux... et aux civils par la Garde présidentielle. Et l'objectif de ce programme était de tuer les Tutsis civils.

Pourquoi est-ce qu'on s'impliquerait dans ce genre d'activités pour tuer une partie de sa propre population tout en prétendant demander un cessez-le-feu ? Certes, ils nous ont aidés quelquefois, mais ils n'ont jamais manifesté leur volonté réelle de faire cesser les tueries. C'est ce qui nous a menés à la guerre civile.

Q. J'aurais de multiples questions à vous poser sur ces faits. Je connais votre position telle que vous l'avez exprimée dans le procès Militaires I, je sais que certaines des positions que vous avez développées ne sont pas vraies et vous le savez.

R. Ne me dites pas ce que je sais ou ce que je ne sais pas.


M. LE PRÉSIDENT :
Posez les questions au témoin. Ne vous engagez pas dans une polémique avec le témoin.


Me MAC DONALD :

Q. Vous avez toujours su, Général Dallaire, dès le départ, que les Forces armées rwandaises et le Gouvernement rwandais avaient leurs troupes au front, et le FPR, dès le départ, s'est trouvé confronté au FPR (sic). L'armée était au front à combattre le FPR et vous savez très bien que le FPR avait un avantage certain sur les Forces armées rwandaises. Nous en avons vu le résultat.

Et qu'est-ce que les militaires rwandais vous ont dit ? Ils vous ont dit : « Il faut cesser les hostilités ;
il faut pouvoir démobiliser nos troupes de l'armée comme de la Gendarmerie ; il nous faut obtenir un cessez-le-feu ; et en... dès lors que le cessez-le-feu est obtenu, alors, nous pouvons nous retirer des autres régions du pays où nous sommes affrontés au FPR, qui nous combat. » C'était là la position des Forces armées rwandaises et du Gouvernement rwandais à l'époque des faits. C'est « très » bien ce qui a été... ce qui vous a été dit.

R. D’abord, le FPR n’était pas partout. Leurs forces étaient concentrées dans l’est, avec le bataillon FPR à Kigali. Il y avait des bataillons dans d’autres parties du pays qui auraient pu être jetés dans le combat. Il y avait... Il y avait des... Ces militaires étaient loyaux, et malheureusement, nous savons que toute la Garde présidentielle, par exemple, n’était pas aussi disciplinée. Nous avons... Nous avons essayé de calmer le jeu, et une partie de la Garde présidentielle, en fait, essayait de jeter de l’huile sur le feu, en incitant les milices et les populations civiles à tuer. Ceci ne se faisait pas nécessairement en plein jour. Vous vous souviendrez que les combattants se sont orientés vers l’est, et ensuite, vers le sud, avant d’aller vers l’ouest, alors que les forces gouvernementales étaient pratiquement intactes.

Q. Comme je vous l’ai dit, mon Général, j’aurais une multitude de petites questions à vous poser, mais qu’à cela ne tienne, finissons-en avec la déposition du général (sic) Marchal devant la commission belge.
Je passe à la page 59. Au paragraphe 4, il y est dit : « Le colonel Marchal, entendu en Belgique, la manière dont les opérations militaires avaient été déclenchées dans le nord rwandais, dès le 7 avril 94, prouve qu’elles avaient été prévues de longue date et que les hostilités, qui avaient duré trois mois, auraient pu être de plus courte durée. »

Concernant ce paragraphe où il est dit que selon le colonel Marchal, les préparations... l’état de préparation du FPR dans le nord du Rwanda indiquait qu’ils étaient prêts... que les forces du FPR étaient prêtes pour la guerre en avril... le 7 avril ; alors, qu’est-ce que vous en dites, Général ?

R. Si vous vous le rappelez, j’ai donné une réponse similaire à plusieurs... dans plusieurs circonstances, ce qui... que ce qui me surprenait, c’est que la présence militaire du FPR, en tenant compte de tous les bataillons qui étaient inclus, que ce soit les... ceux mentionnés dans les Accords d’Arusha, que ces bataillons avaient des plans pour passer à l’action si les Accords d’Arusha n’étaient pas suivis... n’étaient pas appliqués, et qu’il y avait également des forces pour renforcer l’armée gouvernementale rwandaise. J’ai dit déjà qu’à mon avis, cette opération aurait due être menée beaucoup plus rapidement et ne pas prendre plus de 100 jours, et que la situation aurait pu être sécurisée beaucoup plus tôt. Je ne nie pas ces positions. En fait, je les confirme.

Q. Et toujours sur le rapport Bruguière, page 44, deuxième paragraphe, je vais en donner lecture : « (Début de la citation inaudible)... et le renforcement du potentiel militaire du FPR, en particulier par l’envoi des missiles sol-air était notamment confirmé par le témoignage de Gérard Ntashamanji [N-T-A-S-H-A-M-A-N-J-I], ancien major de l’APR, entendu le 4 avril 2001. »

Et le paragraphe suivant dit ceci : « Entendu que la MINUAR avait également... avait été également témoin de cette situation... » Et pour ce qui est des missiles sol-air, il semble que la MINUAR ait été informée de la situation. Qu’en dites-vous ?

R. Je n’ai pas très bien suivi la traduction, mais si vous dites que les missiles sol-air ont été envoyés
à Kigali, il n’existe pas de preuve pour le confirmer. Nous avons entendu parler des missiles sol-air dans le nord du Rwanda, mais nous n’avons pas eu vent du fait que ces missiles avaient été envoyés au CND où était cantonné le contingent du FPR.

Q. Il me semble, mon Général, que le colonel Koussac était l’attaché militaire à l’ambassade de France, à Kigali au Rwanda.

R. Oui.

Q. Alors, il semble qu’il a informé le colonel Marchal du fait que le FPR avait introduit des missiles sol-air à Kigali, et Marchal l’a mentionné dans sa déposition, la déposition qu’il a faite le 30 novembre 2006, à la page 24 de ce rapport. Et je crois comprendre, mon Général, que le colonel Marchal vous a informé de la situation. Il vous a informé ou tenu au courant de la discussion qu’il avait eue avec le colonel Koussac.

R. Je ne crois pas qu’il l’ait soulevé avec moi, j’ai eu un entretien avec le colonel Koussac, et également avec l’officier belge qui travaillait avec les forces gouvernementales. Et au cours de cette réunion, lorsque nous avons discuté des informations qu’ils pourraient avoir en leur possession et qu’ils pourraient nous communiquer pour nous aider dans notre mission, j’ai été informé par Koussac qu’il pensait que le FPR avait introduit des missiles sol-air. Il n’en avait aucune preuve, tout ce qu’il disait, c’est que ces missiles avaient été introduits. Nous savions qu’il y avait des missiles sol-air qui circulaient dans le nord, mais nous n’avons pas eu de preuve que ces missiles avaient été introduits à Kigali.

Q. Vous avez dit qu’il n’a fourni aucune preuve, mais ce n’est pas ce que pense le colonel Marchal, puisqu’il l’affirme dans sa déposition. Le 30 novembre 2006, à la page 25 de ce rapport, il déclare ce qui suit — à la page... il s’agit du projet de procès-verbal.

La question qui est posée était celle-ci : « Alors, avez-vous demandé au colonel Koussac sur quelle base il vous posait cette question ? » La question portait sur les préoccupations relatives aux missiles.

Réponse du colonel Marchal : « Non, le colonel Koussac m’a donné plusieurs éléments d’informations en réponse aux questions que j’aurais pu soulever. Alors, je ne lui ai pas posé d’autres questions, parce que ce qu’il m’a dit était suffisamment complet pour que je puisse comprendre quel était le problème. »

Alors, le colonel Marchal a rencontré le colonel Koussac avant que vous ne le fassiez. Vous avez rencontré le colonel Koussac, et il semble ou il semblerait... du moins, à partir de l’interprétation que je fais de la réponse du colonel Marchal, cette réponse qu’il a donnée le 30 novembre. Il a dit qu’il avait reçu suffisamment de preuves du colonel Koussac pour comprendre la situation.

Devrais-je comprendre que le colonel Koussac vous a donné moins d’informations qu’il n’en a donné au colonel Marchal ? Parce que le colonel Marchal semble avoir eu des informations complètes du colonel Koussac. Alors, qu’est-ce que vous dit le colonel Koussac, exactement ?

R. Je ne me rappelle pas tous les détails de l’entretien, à part le fait qu’il a soulevé ce problème et le fait qu’il n’avait pas de preuve... qu’il n’a pas avancé de preuve de ce qu’il était en train de dire.

Et comme je l’ai dit, nous étions conscients que le FPR disposait des missiles. En fait, il s’agissait d’informations lorsque... qui nous ont été données lorsque nous sommes arrivés en août ; c’est tout ce que nous avons reçu comme informations. Je sais qu’une préoccupation de ce genre a été soulevée, et peut-être que je devrais rentrer dans la correspondance que j’ai eue avec New-York pour savoir quels étaient les détails. Mais je n’ai pas de données concernant cette situation, et je ne me rappelle pas que Luc ait soulevé ce problème. Et ils ont... on a peut-être discuté des dispositions qu’il fallait prendre pour limiter ce genre de mouvements et Luc devait vérifier ce qui se faisait sur le terrain, mais je ne peux pas vous dire sur quoi... en quoi consistaient ces contrôles, surtout concernant les missiles.

Q. Ce qui est sûr et ce qui est certain, Général, je vais vous poser cette question, c’est une question très longue, mais je vous donnerai l’occasion d’y répondre.

D’abord, le Président Habyarimana a été assassiné. Si l’on s’en tient aux preuves complètes qui ont été fournies par le FPR... par le FPR, sous le commandement du général Kagame, le 6 novembre... le 6 avril 1994... Suite donc à cet assassinat, des centaines de milliers de Rwandais ont trouvé la mort. Et ce que nous savons également, c’est que l’avion a été abattu par le commando de réseau, par un missile SAM7, qui a été tiré à partir des monts Rusaka, proches de l’aéroport, comme vous le savez. Vous avez reçu des confidences ou des informations du colonel Koussac, sur le fait que le FPR avait en « leur » possession, et dans « leur » arsenal, ces missiles... des missiles de ce genre, donc des missiles sol-air, contrairement... ce qui était en contradiction avec les accords sur la zone de Kigali... la zone de consignation des armes de Kigali. Et dans le livre, dans votre ouvrage, vous parlez des multitudes... de multitudes de sujets, vous parlez de différentes personnes, de Martin Sava, major Sakson... enfin...

Alors, Général Dallaire, vous avez certainement dû parler de cette révélation du colonel Koussac dans votre livre. Cette révélation vous avait été faite ou vous a été faite quelques jours avant l’assassinat du Président Habyarimana.

La question est celle-ci : Avez-vous mentionné cette révélation du colonel Koussac dans votre livre ?

R. À moins que je ne me trompe, je me souviens avoir mentionné cet élément dans le projet... dans la première version de mon livre. Mais je pense qu’il s’agissait des missiles SAM7, je ne sais pas exactement, à la fin, quels missiles ont été utilisés.

Q. En fait, si vous prenez connaissance du rapport Bruguière, mon Général, il semble que ces missiles aient été fournis au FPR par le Gouvernement ougandais. Ils avaient donc fait l’acquisition de ces missiles — à peu près 40 missiles sol-air — ils avaient... Donc, ils en avaient fait l’acquisition auprès de l’URSS en 1989... et dans les années 80.

Et puisque nous parlons de votre livre, mon Général, vous conviendrez avec moi qu’il y a certains passages dans ce livre... certains... certaines erreurs dans ce livre ?

R. J’ai dit dès le départ qu’il ne s’agissait pas d’un exercice académique et qu’il ne s’agissait pas d’une étude, d’une analyse de la catastrophe ou du désastre rwandais.

Q. Conviendrez-vous avec moi, également, mon Général, qu’il y a quelques manipulations dans votre livre, des passages où vous tendez... où vous avez tendance... Lorsqu’il y a par exemple certains événements, vous avez tendance à attribuer le blâme au Gouvernement plutôt qu’au FPR. Par exemple, les massacres de Karambo, vous avez très rapidement attribué le blâme aux autorités rwandaises.

Un autre exemple : C’est l’assassinat de Gatabazi. Je crois qu’il est clairement établi aujourd’hui que Gatabazi a été assassiné par le FPR. Je crois que vous avez reconnu aujourd’hui que la lettre en date du 3 décembre était, en fait, une manipulation d’une des parties. Et je crois comprendre, mon Général, que vous avez reconnu dans votre témoignage... dans votre déposition, dans l’affaire Militaires I, que vous êtes en train de préparer une deuxième édition de ce livre, et que cette édition est en cours de révision, si j’ai bien compris. Vous rappelez-vous l’avoir dit, Général ?

R. Devrais-je répondre à toutes ces questions que vous avez posées ?

Q. Si vous voulez, oui.

R. Vous avez d’abord dit que les massacres de Karambo ont été perpétrés, et que j’ai dit qu’il s’agissait de l’AGR. En fait, les enquêtes n’ont pas abouti. J’ai clairement dit que des signes qui avaient été laissés sur place, et que, de par mon analyse, je pensais qu’il s’agissait d’agissements de l’AGR ou d’extrémistes... ou d’organisations extrémistes qui voulaient créer la confusion, mais je n’ai jamais dit, de façon certaine, que c’était l’AGR.

Pour ce qui est de l’assassinat de Gatabazi, si vous avez des faits qui prouvent que le FPR l’a fait, c’est bien, je ne disposais pas de ces informations. J’ai tout simplement dit qu’il s’agissait du territoire de l’AGR et j’avais reçu des informations qui provenaient du Togo. En fait, j’ai laissé plusieurs suppositions ouvertes. Et, également, il y a eu des informations qui ne faisaient pas de sens... qui ne se recoupaient pas du tout. Et je ne sais pas... Il y a des gens qui cherchent à fournir des informations.

Et pour ce qui est de la deuxième édition dont vous avez parlé, il y a quelques corrections sur les noms qui ont été donnés et qui, peut-être, étaient erronés dans la première édition. Mais, en fait, le livre en tant que tel ne subira pas de révision.

Q. Vous avez affirmé dans votre témoignage le 27 janvier 2004, mon Général, qu’une deuxième édition de votre livre était en cours de préparation. Je vais vous donner lecture du procès-verbal,
à la page 105, ligne 13.

Question... Le procès-verbal est en français. Sur de nombreuses questions qui vous ont été posées, je voudrais revenir sur certaines de ces questions qu’on vous a posées, sans établir une ligne directe... un fil producteur direct avec ces questions-là. Mais on vous a posé plusieurs… des questions à plusieurs reprises sur la teneur de votre livre. Tout d’abord, on a parlé de la première édition intitulée J’ai serré la main du diable.
« Est-ce qu’il y a une deuxième édition de ce livre ? »

Réponse : « Oui ».

Réponse… Question : « (Intervention non interprétée) »

Réponse : « La deuxième édition est en cours de révision actuellement. » Et vous continuez plus loin, en disant : « La deuxième édition qui est prévue... »

Question : « La deuxième édition qui est prévue, est-ce que vous avez l’intention de faire des corrections quant aux faits ? »

« Non, il y a des points qui ont été abordés ici concernant certaines erreurs, mais il n’y aura pas
de changement de substance. »

Alors, est-ce qu’il y a une deuxième... Alors, mon Général, existe-t-il une deuxième édition ou non ?

R. Le livre a été édité plusieurs fois. Et ce qui s’est passé, c’est qu’il y a des noms qui ont été mentionnés par erreur... imprimés — pardon —, et il y a eu également des erreurs éditoriales, des problèmes de... des problèmes d’orthographe… des fautes d’orthographe. Mais en fait, l’information qui est donnée... donc, la teneur du livre en lui… en elle-même ne change pas.

Q. Alors, les corrections portent sur les noms et d’autres détails d’une moindre importance ?

R. Oui, exactement.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, si vous avez besoin d’une pause, nous pouvons en prendre une.


Me MAC DONALD :
Oui, peut-être, Monsieur le Président, nous pouvons observer une pause jusqu’à 18 heures ;nous reprenons donc à 18 heures.

M. LE PRÉSIDENT :
Mesdames et Messieurs, nous reprenons à 18 heures.

(Suspension de l’audience : 17 h 30)

(Reprise de l’audience : 18 h 5)

M. LE PRÉSIDENT :
Oui, Maître, poursuivez. Maître Mac Donald, s’il vous plaît.

Me MAC DONALD :

Q. Général Dallaire, êtes-vous là ?

R. Je suis là.

Q. Général, donc, dans son rôle d’arbitre, vous affirmez que la MINUAR avait une obligation de gérer
la situation avec la plus absolue neutralité, impartialité et transparence à l’égard des belligérants. Pourtant, la MINUAR a fait l’objet de moult critiques, à ce niveau, et ce, plus particulièrement par le Gouvernement rwandais, lequel a ouvertement critiqué votre manque d’impartialité à son égard. Avez-vous l’impression que certaines de ces critiques pouvaient être fondées ? Et si oui, lesquelles ?

R. Je ne les considère pas comme étant bien fondées. Je considère qu’« ils » font partie d’un exercice de manipulation de l’information de manière à rendre... à noircir l’image de la MINUAR aux yeux de la population, et partant, réduisant nos moyens de faire face aux massacres de novembre, à travers des membres de la population à travers le pays. Nous étions censés contenir certaines forces, et comme nous n’y sommes pas parvenus, nous étions accusés comme étant pro-FPR par les représentants du Gouvernement et de la population.

Dans certains de ces événements, nous avons simplement été accusés d’être partisans de l’autre partie, dès lors que nous ne partagions pas les analyses diffusées par les médias et des membres de la population, surtout, des informations qui n’étaient nullement corroborées par les faits.

Q. À ce moment-là, Général, comment... À ce moment-là, Général, comment pouvez-vous justifier que votre patron, Monsieur Booh-Booh, le Représentant spécial du Secrétaire général, lui-même, puisse déclarer votre manque de « partialité », de façon générale, le manque de « partialité » de la MINUAR ?

Et vous avez eu... On vous a fourni les illustrations la semaine dernière, notamment à la page 124, lorsque Booh-Booh dit que vous aviez clairement un parti pris en faveur du FPR. Comment... Comment concilier l’explication que vous venez de donner relativement aux forces gouvernementales rwandaises, par rapport à Monsieur Booh-Booh ?

R. Je n’ai pas à faire quelque réconciliation que ce soit. Si Monsieur Booh-Booh était d’avis que le commandant en chef n’était pas impartial, alors, il lui suffisait de convoquer le commandant des forces et de... et lui fournir des instructions, afin qu’il fasse ce qui devait être fait à ses yeux. Et si ces instructions n’étaient pas nécessaires, alors, il pouvait recommander au Secrétaire général de me retirer le commandement des forces de la MINUAR. Une telle discussion ou une telle… un tel rappel à l’ordre « n’ont » jamais eu lieu.

Q. À la page 70 de son ouvrage, Monsieur Booh-Booh dit ceci… — et c’est la cote 2... cartable 2, je m’excuse, document 1...


M. BÂ :
Maître, je vous signale qu’en formulant votre question, vous avez parlé de son manque de partialité, ça veut dire qu’il a été parfait. Est-ce bien ce que vous vouliez dire ?


Me MAC DONALD :
Qu’en pensez-vous ?

(Rires dans le prétoire)

Merci, Maître Bâ.

Alors, dans son ouvrage, Monsieur Booh-Booh dit ceci — dernier paragraphe : « (Début de la citation inaudible)... des rumeurs sur les préparatifs à l’égard du FPR étaient aussi enregistrées à la MINUAR. Il était notamment question de jeunes qui rejoignaient les camps d’entraînement militaire du FPR, au nord de la zone démilitarisée. On évoquait aussi le fait que le général Dallaire, chargé des affaires militaires, ne se montrait jamais curieux sur les actions militaires ou paramilitaires du FPR. »

Qu’est-ce que vous dites, Général, que le Représentant spécial du Secrétaire général ne vous a jamais adressé quelques commentaires ou reproches sur cette question-là ?

R. Nous y « songions » des informations, informations que nous recevions sur des questions de cache d’armes ou de munitions ou des questions de cette nature. Nous avions de multiples réunions avec le Haut-commissariat des Nations Unies, en janvier, jusqu’en février, avec de nombreux représentants venus de l’extérieur, en raison du retour massif des réfugiés venant... dont nous faisions rapport à New-York et à nos supérieurs hiérarchiques, à tel point que sur une certaine période, un certain nombre de jeunes et de personnes plus âgées, conduisant des centaines de milliers de bestiaux, traversaient la frontière pour entrer dans notre zone. Le problème qui se posait était : Comment stopper ce retour spontané des réfugiés en provenance du... de l’Ouganda, les descendants des anciens réfugiés rwandais ? Et le FPR a répondu en disant que l’Ouganda les mettait sous pression, parce qu’à partir du 1er janvier, sur la base de l’Accord de paix, le nouveau gouvernement devait être mis en place, de même que les forces de maintien de la paix. Par conséquent, les réfugiés devaient retourner chez eux.

Parallèlement, le FPR avait commencé à installer les personnes déplacées à l’intérieur de la zone démilitarisée pour leur permettre de gagner un peu plus sur le territoire ; et nous étions en train de travailler sur la manière d’identifier ces personnes.

Le retour spontané des réfugiés, le contrôle des jeunes et des adultes, et en particulier des hommes qui venaient avec leurs bestiaux, devaient être contrôlés par les observateurs pour leur permettre... pour pouvoir préserver la paix.

Q. Mon commentaire, Général, portait plus sur le dernier volet du paragraphe où Monsieur Booh-Booh dit que vous qui étiez chargé des affaires militaires ne vous montriez pas ou jamais très curieux sur les actions militaires ou paramilitaires du FPR. Ça revient un peu à ce qu’on disait tantôt au niveau de (inaudible) volontaire. Et encore une fois, vous dites que... Si je comprends bien, Booh-Booh ne vous a jamais entretenu sur ces questions-là, si je comprends bien votre déposition.

Et la question que je vous pose : Comment...

R. (Intervention non interprétée)

Q. Comment pouvez-vous expliquer, si vous pouvez le faire, la position de Booh-Booh, quelque 10 ans après les événements ? Cette question... (fin de l’intervention inaudible)

R. D’abord, je n’ai rien expliqué sur Booh-Booh ou sur ce qu’il a écrit. J’ai publié ce que j’ai publié, il en a fait de même. Nous avons effectué plusieurs vols par hélicoptère de même que par des moyens de surface dans la partie nord de la zone démilitarisée. Nous avons déplacé les troupes... Nous avons vu les troupes que nous avons renvoyées à leur base et nous n’avons pas vu des gens qui étaient mobilisés ou de nouvelles unités. Nous n’avons pas vu non plus de redistribution d’armes à la jeunesse. Ils ont simplement déplacé… avec leurs bestiaux, dans la partie est du pays et faisaient paître leurs troupeaux. Nous assurions donc une supervision et... et faisions objection de manière formelle à Kagame sur certains faits que nous avions observés ici et là, et en particulier, dans le nord, notamment, dans le domaine militaire. Et le comité militaire conjoint que j’ai créé était le seul qui se réunissait régulièrement, presque jusqu’à la fin, au contraire du comité militaire où le chef d’état-major et Kagame... Nous pouvions nous réunir quelquefois et discuter, mais ce n’était pas régulier.

Q. Sommes-nous en train de jouer sur mon intelligence ou... Que voulez-vous dire ?


M. BÂ :
Maître Mac Donald, on ne vous a pas entendu, ça n’a pas été traduit.


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Aviez-vous suivi la question que j’ai posée ? C’est ce que Maître Mac Donald a dit, et en français.


Me MAC DONALD :
Général Dallaire, que les allégations de partialité soient fondées ou non, une chose est sûre, c’est que, dès votre arrivée au Rwanda... en fait, dans les jours... dans les semaines suivantes, avec les massacres de... notamment de Kirambo, de Kabatwa, on sait que votre crédibilité personnelle était mise à rude épreuve.

Q. Avez-vous, Général Dallaire, à quelque moment que ce soit, songé qu’il serait peut-être souhaitable dans la résolution ultime du conflit d’offrir votre démission comme l’a fait Jacques-Roger Booh-Booh lorsque sa... son impartialité a été remise en question ?

R. Je suis désolé, je n’ai pas... je n’ai pas compris la question. Qui a démissionné et pourquoi ? Booh-Booh ou moi-même pour manque d’impartialité ?

Q. O.K. Je vais la répéter. Avez-vous, à quelque moment, vous, Général Dallaire, songé qu’il serait peut-être souhaitable, dans les résolutions ultimes du conflit, d’offrir votre démission comme l’a fait Booh-Booh, lorsque son impartialité a été mise ou remise en question par le FPR — parce qu’il en a été question ? Avez-vous songé, en avez-vous discuté avec qui que ce soit ?

R. Je jugeais que ma situation n’était pas compromise au point de m’acculer à la démission. Je sais qu’un gouvernement étranger se livrait à des manœuvres à New-York pour obtenir mon limogeage, mais j’ai pensé que ma position était encore crédible, et j’ai rencontré le FPR, et j’ai discuté de plusieurs questions avec le FPR. Ce qui pour moi était une preuve que je menais ma mission avec objectivité.

Q. Pourtant, le FPR était fâché contre vous. Pouvez-vous nous donner un exemple ?

R. À plusieurs occasions, lors des discussions qui portaient sur les activités dans le nord ou des accrochages entre leurs troupes et mes troupes dans le nord, le manque de coopération, en matière de supervision, il y avait des opérations qui avaient pour but d’améliorer toujours davantage la sécurité. Au-delà de la frontière des zones, il y avait des situations où les populations espionnaient leurs activités, et donc, ils ont estimé que nous ne leur... nous n’assurions pas suffisamment leur sécurité. Ils ont pensé que quelquefois, nous laissions les populations passer. Quelquefois, il y avait également des tensions avec eux ou avec Monsieur Booh-Booh, et les cas sont multiples.

Q. J’aimerais attirer votre attention sur… encore une fois, sur le livre de Monsieur Booh-Booh concernant justement le refus de votre part de considérer... de démissionner de votre poste. Il dit ceci… — Booh-Booh, à la page 38, deuxième paragraphe. Je vais vous demander vos commentaires en rapport avec son... sa position. Alors, il dit : « Son attitude incompréhensible consistait... consistant [je m’excuse] à s’accrocher vaille que vaille à son poste l’a placé objectivement dans une position où il ne pouvait servir qu’un seul camp en conflit. »

N’avez-vous pas eu cette impression-là, Général Dallaire, pendant votre séjour au Rwanda ?

R. D’abord, je n’ai jamais refusé d’envisager ma démission et c’est parce que j’ai pensé que cette question ne s’était jamais posée. Je n’ai pas eu à l’envisager parce qu’à aucun moment, mon poste était mis en danger pour manque d’impartialité. Nous avons, à maintes reprises, discuté également avec les Forces armées rwandaises, le commandant... le chef d’état-major et le Ministre de la défense, et d’autres officiers supérieurs de l’armée, le Premier Ministre et d’autres membres du Gouvernement. Je n’ai jamais eu à refuser d’envisager ma démission, simplement parce que la question ne s’est jamais posée. Ce qui est dit dans ce paragraphe, donc, je n’en comprends pas le sens. Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire par le fait que je me suis accroché à mon poste. J’ai estimé que je me devais tout entier à mes charges, et je m’y employais avec... à la satisfaction de mes interlocuteurs.


Me MAC DONALD :
(Début de l’intervention inaudible)... que la MINUAR a duré jusqu’à le Secrétaire général décide de ne pas renouveler son contrat à la fin du mois d’août 94. Et vous vous souviendrez, Général, qu’il en avait été question, justement, la semaine dernière, sur les motifs pour lesquels votre contrat n’avait pas été renouvelé. En fait, vous, ce que vous prétendiez, c’est que c’était une démission de votre part. Mais je vous soumets que Booh-Booh ne voit pas les choses de la même façon que vous, et c’est effectivement à cause de ça, votre mandat, à cause des allégations de partialité contre vous, justement, votre contrat n’a pas été renouvelé, à moins que Booh-Booh mente carrément dans ce livre-là.

R. Je suppose que c’est une question qui m’est posée, je vais essayer d’y répondre. Je voudrais dire clairement qu’il existe des preuves documentaires dans les archives des Nations Unies selon lesquelles le Secrétaire général ne voulait pas que je démissionne, comme j’ai voulu le faire, vers fin juillet ; il voulait que je termine l’année, dans le cadre d’un nouveau contrat de la MINUAR qui devait prendre fin début octobre. J’ai commencé le 5 octobre et il voulait que je reste un an. La recommandation lui en a été faite en termes très, très insistants par le chef d’état-major des armées. Et… Alors que moi, je demandais d’être relevé, parce que je pensais que je commençais à devenir un risque pour la Mission.

En fait, j’ai refusé le... la reconduction de mon contrat, mais j’ai demandé que... à partir avant l’expiration de mon contrat. Pour Monsieur Booh-Booh, c’était une autre paire de manches : Son contrat n’a pas été renouvelé, donc, il est parti.

Q. Pourquoi Booh-Booh prétend, lui, qu’il a démissionné suite aux allégations de partialité du FPR ? C’est ce qu’il dit à la page 37 de son livre. Mais...

R. À aucun moment, je ne l’ai entendu dire à qui que ce soit qu’il démissionnait ; et les informations que je recevais de manière informelle du siège des Nations Unies ne l’indiquaient pas non plus.

Q. Alors, vous avez les instances gouvernementales du Gouvernement... du Gouvernement rwandais... les Forces armées rwandaises qui prétendent que vous aviez un parti pris. Votre patron, Monsieur Booh-Booh est également sans équivoque sur cette question-là. Vous avez également des troupes de soldats sur le terrain, notamment, Monsieur Pot-de-vin qui a déclaré, devant la commission belge, à la page 258, que la MINUAR était pro-FPR. Est-ce que ça, ça a été mené à votre attention ?

C’est le document du 15, Maître Bâ.

R. Je ne me souviens pas particulièrement des Forces armées rwandaises me confrontant pour manque d’impartialité, pas plus que le Président du Gouvernement intérimaire, lorsque je l’ai rencontré, n’a abordé cette question. Et en fait, si le Président Habyarimana lui-même m’avait jugé partial, il aurait pris des dispositions, il m’aurait très clairement dit qu’il ne voulait pas de ma présence au Rwanda. Et il n’existe aucune preuve documentaire étayant une telle hypothèse.

Q. (Début de l’intervention inaudible)... du Ministre des affaires étrangères et de la coopération du 31 mai 94, c’est le document... (inaudible) C’est une lettre qui est adressée au Secrétaire général des Nations Unies, et j’aimerais qu’on vous... Je pense que ça a été envoyé par fax, aujourd’hui. On peut lire sur la page introductive : « Le Gouvernement rwandais formule notamment... »

R. Je n’ai pas encore le document. Je ne sais pas si j’ai le bon document. Celui que j’ai ici a neuf pages. Est-ce le document dont vous parlez ?

Q. Oui, c’est exact. Je disais que cette lettre, Général, a été portée à votre attention. On peut lire, d’entrée de jeu, à la page initiale : « Le Gouvernement rwandais formule notamment des griefs à l’encontre du général Romeo Dallaire, commandant de la MINUAR, et demande que son mandat ne soit pas renouvelé dans le cadre de la MINUAR renforcée. » Et c’est une lettre qui est datée du 15 juin, je pense, 1994. Cette lettre a été apportée à votre attention, Général ?

R. En fait, merci de m’avoir rappelé cette lettre. J’ai dit tout à l’heure, lorsque nous parlions de la période avant la guerre, avec le Gouvernement rwandais, par rapport à la période durant la guerre, je ne sais pas exactement où et quand, mais je pense avoir pris connaissance de ce document au siège de la Mission, ce document m’avait été envoyé par New-York. Je ne sais pas, je ne me rappelle pas le contenu entier du document.


Me MAC DONALD :

Q. Je ne sais pas si j'ai le bon document, celui que j'ai ici a 9 pages ; est-ce le document ? Je vais attirer votre attention à la page 2, au paragraphe B. Ce qu'on dit essentiellement, Général, là pour justifier cette demande-là : « Le Gouvernement de la République rwandaise estime que le commandant actuel de la MINUAR, le général de brigade Roméo Dallaire, n'est pas à la hauteur de la tâche, vu ses défaillances et sa partialité manifeste qui ont grandement contribué à l'échec de la MINUAR. Son mandat ne devrait donc pas être renouvelé. »

M. DALLAIRE :
(Intervention non interprétée)

Me MAC DONALD :
« Si l’on veut voir la MINUAR renforcée et accomplir efficacement sa mission. » Et dans les… Et je termine bientôt, Général. Dans les différents griefs formulés, vous avez une série de griefs à partir de « la » page 2… 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, une série de… une série de 10 motifs qui appuient la demande du Gouvernement. Et notamment, je ne vois pas les… je n'ai pas l'intention de lire toutes les parties.

Au paragraphe 4, on parle d'introduction d’armes lourdes par le FPR dans la ville de Kigali en général et en particulier dans le CND. Et on dit que ce… cette introduction des armes, là, a été facilitée par une complicité de la MINUAR. On parle également du bois de chauffage, également du fait que — et c'est au paragraphe 4 toujours — au retour vers Kigali, ces convois se refusaient à tout contrôle de la part du Gouvernement de la République rwandaise.

Je vais revenir sur le paragraphe 5, laissez-moi tout simplement vous exposer un peu son contenu. On nous dit qu'on aura en outre constaté que la plupart des positions que la MINUAR occupait avant la reprise des hostilités par le FPR, notamment, le mont Rebero, le stade Amahoro et le palais du Conseil national de développement, le CND, se sont révélées plus tard des camps retranchés du FPR.

Également au paragraphe 6, le massacre par le FPR des personnes d’ethnie hutue réfugiées au stade Amahoro, et on dit que la MINUAR a fait montre d'une complaisance inadmissible lorsque le FPR tirait sur la population civile habitant dans les alentours du CND, et ce bien avant la reprise des hostilités le 7 avril 94.

Et on dit : « Ces faits quoi que confirmés par certains officiers de la MINUAR, ont toujours été rejetés par le général Dallaire qui prétendait maîtriser la situation. » On parle également au paragraphe 7 des prises de position pro-FPR du général Dallaire régulièrement relayées par Radio Muhabura.

Et finalement, au paragraphe 8, on nous dit que des éléments de la MINUAR ont directement participé aux opérations offensives du FPR contre les Forces armées rwandaises ; ainsi, et on donne à titre d'illustration le centre (inaudible) de Remera à Kigali où les militaires du FPR et ceux de la MINUAR vivaient manifestement ça.

Et on parle au paragraphe 9 des massacres de Kirambo, de Mutura, de Kinyara et de Taba. Et on dit : « Les résultats maintes fois promis par le général Dallaire n’ont toujours pas été publiés, ce qui a profondément déçu la population rwandaise. »


M. LE PRÉSIDENT :
Votre question, Maître.


Me MAC DONALD :
Je suis en train de donner lecture de ce document.


M. LE PRÉSIDENT :
Parce que nous n’en avons pas de traduction et je voudrais m'assurer que toutes les personnes présentes comprennent le contexte.


Me MAC DONALD :
Je voudrais tout simplement vous faire connaître la teneur de ce document.

Q. Encore une fois, Général, qui est adressé… du Ministère des affaires étrangères et de la coopération adressé directement au Secrétaire général des Nations Unies, le 15 juin. Vous dites que votre contrat n'a pas été renouvelé à quelle date ? Ou c’est-à-dire vous… Je m'excuse. Vous avez pris la décision, Général, de démissionner à quelle date ?

R. Je ne me rappelle pas la date exacte, il s'agissait de la deuxième moitié du mois… J’en ai discuté dans la deuxième moitié du mois de juillet et je pense que mon contrat avec les Nations Unies s’achevait le 4 ou le 6 septembre lorsque j'ai été recruté par les Nations Unies comme commandant de niveau D1.

Q. Avez-vous… Comment avez-vous traité la situation face aux différents belligérants qui étaient sur le terrain ?

R. J'ai continué… J’ai poursuivi mes activités comme commandant de la MINUAR 2 qui était, en fait, une nouvelle mission qui avait reçu mandat le 17 mai 94 par le Conseil de sécurité pour renforcer la mission devant conduire les opérations de sécurité derrière la ligne des belligérants et contrôlait également la situation humanitaire.

Cette information m'a été transmise qu'il n'y avait pas… que le Secrétaire général n'avait pas pris des mesures et on ne m'a pas non plus demandé de répondre aux actions qui étaient menées sur le terrain de quelque manière que ce soit. Et la plupart des informations qui se trouvent dans votre lettre sont des informations que j’ai transmises à New York préalablement, par exemple, les tueries, les massacres, les enquêtes qui n'aboutissaient jamais.

Et la raison première, c'est que je n'avais pas d'enquêteur professionnel, je n'avais pas de responsable juridique, je n’avais personne pour faire ce travail. Et je n'avais personne pour mener des enquêtes de ce genre. Personne n'avait les compétences nécessaires pour le faire.

Et j'ai donc continué à assumer mes fonctions, à avoir des contacts avec le Gouvernement intérimaire rwandais. Et au mois de juin jusqu’au mois de juillet, je travaillais, j'avais des contacts avec le colonel Bagosora, le général Bizimungu et de temps en temps avec le général Ndindiliyimana.

Si mes supérieurs hiérarchiques pensaient que je continuais à faire mon travail, il… s'ils avaient reçu cette lettre demandant que je sois limogé, je ne sais pas pourquoi ils ne l’ont pas fait, mais je dois dire que la plupart des informations contenues ici sont, en fait, des insinuations, en fait des inventions et nous pouvons passer des années à débattre ou à analyser ces informations qui, en réalité, ne sont pas fondées.

Q. Est-ce que je dois comprendre que vos relations avec le Gouvernement intérimaire se sont poursuivies comme si de rien n'était suite à cette lettre-là ?

R. Les rapports que j'avais avec le Gouvernement intérimaire n’ont jamais été faciles que ce soit avant la période de guerre ou pendant la guerre, mes relations n'étaient d'ailleurs pas très bonnes non plus avec l'autre partie. Il y avait de temps en temps des plaintes, et du côté du Gouvernement qui était basé à Gitarama, il était très difficile d’en sortir ou de s'y rendre.

Il y avait entre autres, comme plainte, qu'il n'existait pas de moyens de communication pour communiquer avec eux. Et j'ai proposé de maintenir des officiers de liaison dans les locaux du gouvernement afin qu’ils puissent transmettre rapidement les informations parce que le général Bizimungu et le colonel Bagosora et même le général Ndindiliyimana m'ont dit qu'ils n'ont pas pu me répondre rapidement parce qu’ils devaient aller chercher ces informations, les ramener.

Et ces retards dans la transmission des informations ont posé des problèmes dans la prise des décisions. Je continue à maintenir que les communications avec le Ministère de la défense n'ont pas été faciles. J'ai rencontré le Ministre de l'intérieur, le Ministre de la défense surtout lorsqu'il y a eu des bombardements sur le site de l'hôpital de Kigali. J'ai donc essayé de maintenir le contact avec le Gouvernement qui continuait à… qui poursuivait son retrait vers… dans la direction nord-est.

Q. Et encore, je vais vous poser la question, Général Dallaire, malgré les allégations pour ce document-là, cette lettre-là, qu’elles soient fondées ou non, avez-vous… encore une fois dans l'intérêt de la mission, avez-vous songé à démissionner de votre poste ? Je sais que vous ne l’avez pas fait, vous le dites, mais avez-vous… est-ce que ça… est-ce que ça (fin de l’intervention en anglais et non interprétée) ?

R. J'en ai discuté probablement avec le général Badi (phon.) et Monsieur Kofi Annan, parce qu'il s'agit là d'une lettre qui… qu'on ne peut pas négliger, mais les discussions et les conversations s’en sont tenues à cela. Mes supérieurs ont trouvé que je continuais à bien faire mon travail, alors pourquoi est-ce que je devrais trouver des raisons pour donner ma démission. Donc, les questions ont été… ont reçu une réponse verbale et c’est pour cela que j'ai conservé mon poste.

Q. Est-ce que je dois comprendre de votre réponse, Général, que vous en avez effectivement discuté avec le Secrétaire général de cette lettre-là et de l’opportunité ou non de démissionner ? Parce que vous dites : « J'en ai sûrement ou probablement », je ne suis pas sûr des termes, comment je pourrais l’interpréter en français ; donc, est-ce que, oui ou non, vous en avez discuté, de cette possibilité-là, avec le Secrétaire général ?


M. BÂ :
Excusez Maître Mac Donald que Kofi Annan n'était pas à l'époque Secrétaire général.


Me MAC DONALD :
Allez-y, Général.


R. Je n'ai jamais eu de conversation avec le Secrétaire général concernant une éventuelle démission. J'essaye tout simplement de me rappeler les conversations que j'ai eues à propos de ce document parce que je n’ai aucun document qui… pour me rappeler de ce qui s’est réellement passé. Je sais que j’ai eu un échange… il y a un échange de documents avec le DPMO. Je sais que j'en ai discuté avec le commandant de la mission même si on a recommandé que le Secrétaire général soumette ce problème au Conseil de sécurité pour que celui-ci puisse prendre la décision finale.

Je n’ai reçu aucune information à partir de ce niveau donc du Secrétaire général, et j'étais en position de revoir mes activités sur le terrain. Et je pense que la plupart des accusations dans ce document étaient, en fait, des insinuations. Il s'agissait d’un document rédigé par… motivé par la propagande du Gouvernement intérimaire et c'est des problèmes qui étaient soulevés continuellement et qui nous empêchaient, en fait, de présenter notre version des faits qui se déroulaient sur le terrain.

Q. Je ne vais pas insister infiniment sur ce point, Général, mais je ne comprends toujours pas, est-ce que effectivement… C’est quand même une question relativement sérieuse à savoir si vous ou le Secrétaire général « envisage » votre démission en tant que commandant de la force. J'aimerais savoir est-ce que effectivement, il y a eu des discussions entre vous et le Secrétaire général sur la possibilité ou l'opportunité de démissionner. En d'autres mots, est-ce que le Secrétaire général a voulu connaître votre version des faits en rapport avec les allégations ?

R. Je n'ai pas reçu une lettre ou une communication de ce genre dont je puisse me rappeler.

Q. Vous semblez dire tantôt que s'il y a eu des communications, s’il y a eu des entretiens, alors je comprends que c'est une réponse tout à fait hypothétique, si vous en avez parlé, vous avez traité de certains éléments et non d'autres, mais là, vous êtes catégorique, jamais le Secrétaire général ne vous a demandé vos commentaires relativement aux allégations sérieuses. Encore une fois, qu’elles soient fondées ou non, elles sont sérieuses. Donc, jamais le Secrétaire général ne vous a demandé votre position face à ces allégations ? C'est ce que je veux savoir.

R. Je n'ai jamais soulevé la question. Je n'ai jamais dit que le Secrétaire général m'a demandé directement quel était mon travail. J’ai dit… J’ai tout simplement dit que je ne sais pas s'il a posé la question à mes supérieurs hiérarchiques. Normalement, nous communiquions deux, trois fois au cours de la journée lorsqu’il y avait des communications entre mes supérieurs hiérarchiques et moi-même sur les opérations qui étaient menées sur le terrain. J'ai été désigné pour prendre le commandement de cette nouvelle mission, et je ne me rappelle pas avoir soulevé ce problème. Je ne me le rappelle pas, mais je pense que probablement ce problème a été mentionné au cours des conversations, mais en fait cela n'a abouti à rien d'intéressant.


Me MAC DONALD :
J'aimerais, Monsieur le Président, verser ce document en preuve, ce document est marqué « D. 157 », c’est un document daté du 15 juin 1994. Il s'agit du premier document, la lettre introductive, mais la lettre elle-même porte la date.

(Admission de la pièce à conviction D. 157)

Q. Maintenant, Général…

R. Du 31 mai 94.

Q. … partialité. Est-ce que je comprends qu’avant ce… avec cette lettre-là, avant que vous ne preniez connaissance de cette lettre-là, est-ce qu’on peut dire, Général, que vous aviez toujours entretenu des relations saines, des bonnes relations avec le général Bizimungu plus ou moins jusqu’au moment où cette lettre-là a été envoyée ?

R. Le général Bizimungu et moi-même, nous nous sommes rencontrés à plusieurs occasions et nous avons eu des discussions… des discussions parfois informelles sur des questions sur certains sujets. Et à mon avis, il me passait des informations qu'il détenait, je lui transmettais également mes doléances même si la réponse… que la réponse soit satisfaisante ou non, tout cela dépendait du sujet traité.

Q. (Début de l’intervention inaudible)… une lettre au général Bizimungu expliquant un peu vos… votre amertume en rapport avec la lettre du Ministère des affaires étrangères ; vous souvenez-vous de ça, Général ?

R. Non.

Q. Nous avons un document qui est côté ID. 38… 1D. 38, si on pouvait vous montrer ce document-là.

(Le greffier d’audience à Ottawa s’exécute)

Est-ce que vous l’avez devant vous, Général ?


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


Me MAC DONALD :
Oui.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, s'il vous plaît.


Me MAC DONALD :

Q. (Début de l’intervention inaudible) Dallaire, c'est un document du… daté du… je ne suis pas sûr si c’est un « 1 » ou un « 7 », je pense que c’est un « 1 », 21 juin 94, reconnaissez-vous votre signature à cette lettre-là ?

R. Je crois qu'il s’agit du 27, 27 juin.

Q. C'est une lettre qui est adressée au général Augustin Bizimungu, et j'attire votre attention sur le troisième avant-dernier paragraphe. Et vous dites : « Ou si j'espère… » — et c'est en rapport toujours avec cette lettre-là du Ministère des affaires étrangères — où vous dites : « Ou si j'espère que ces relations et cette coopération que nous avons tissées ensemble ne soient pas ternies par des communications telles que celles du Ministère des affaires étrangères et de la coopération. »

Je dois comprendre, Général, qu'effectivement, vous aviez en tout cas jusqu’à ce moment-là, vous aviez tissé des relations… de bonnes relations, relations solides, vous aviez obtenu une bonne coopération de la part d’Augustin Bizimungu. Et, si on s’en fie au contenu de cette lettre-là, vous manifestez le désir que cette coopération-là et ces relations-là se poursuivent ; c'est exact ?

R. Nous avons maintenu des échanges d'information. Ce n'est pas que nous étions toujours d'accord sur tous les points, mais je pense que nous avions la possibilité de lui communiquer des informations sur son Gouvernement et, lui, il avait la possibilité de m'aider à installer mes forces sur le terrain et à accomplir notre mission.

Nous étions tous deux animés de la volonté de mener à bien nos fonctions respectives. Qu'il ne soit pas quelque fois en mesure de nous donner ce que nous attendions de lui, notamment, dans le domaine de la sécurité, ne nous empêchait pas de collaborer.


Me MAC DONALD :
Ce document, je voudrais le verser en preuve.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous avez, ce serait le document ID, quoi ?


Me MAC DONALD :
Non, je voudrais le verser en preuve sous la cote D.


M. LE PRÉSIDENT :
Non, vous avez dit que cette pièce a déjà été versée en preuve.


Me MAC DONALD :
Je crois que c’est la pièce D. 35.


M. LE PRÉSIDENT :
Non, ça doit être la pièce D. 68 (sic).


Me MAC DONALD :
La lettre du 27 juin selon le général Dallaire.

(Admission de la pièce à conviction D.158)

Q. Le prochain document, Général, 1B10, c'est une… un câble, un câble codé daté du 15 avril 94 de… du colonel Asrar — A-S-R-A-R — qui vous est adressé, Asrar étant de l'UNOMUR… (passage en anglais). Est-ce que vous l’avez devant vous, Général ?

R. Oui, j'ai la copie du câble. Permettez-moi d'en prendre connaissance, s’il vous plaît. Je l'ai lu, mais je ne me rappelle pas la date.

Q. (Début de l’intervention inaudible)… là, manifestement, révèle une observation effectuée par les observateurs où on aurait vu ou on suspectait finalement que le… du matériel vraisemblablement ou possiblement militaire aurait été constaté… une livraison de matériel militaire aurait été constatée par les observateurs, matériel donné par le NRA (passage en anglais) au FPR. Et ça, encore une fois, c'est en date du 15 avril 94.

Et au paragraphe 2, à la page 2, pour résumer un peu la situation, on peut lire ce qui suit, en anglais : « Les autorités de l'armée rwandaise ont été informées de certaines activités suspectes. Ces incidents renforcent notre suspicion d'opérations… d’opérations secrètes menées par… par l'armée de résistance ougandaise. »


M. LE PRÉSIDENT :
Pourriez-vous reposer votre question, Maître Mac Donald ? Il n'y avait pas eu d'interprétation.


Me MAC DONALD :

Q. Général, comment — surtout eu égard au paragraphe 2 de cette lettre-là — comment cette information-là fut-elle traitée si elle l’a été de quelque façon que ce soit ?

R. Comme je l'ai indiqué, le commandant adjoint des forces disposait d'une masse assez importante d'informations qui semblaient aller dans le sens de la confirmation de certaines inquiétudes que nous avions sur des armements qui étaient livrés au FPR à partir de l'Ouganda, qui… il leur apportait son soutien. Nous n'avons jamais eu d'information chiffrée sur ces armes tout comme nous n'avons jamais pu les intercepter, essentiellement parce que nos moyens étaient limités.

Je ne sais pas si… Je ne sais pas si New York en était informé directement, mais lors de ma dernière réunion avec Kagame autour du 27 mai, j'ai pu effectivement soulever ces problème, mais je ne me rappelle pas très bien ce qui avait été discuté à cette date. Le Président Museveni n'avait pas fait mystère de l’appui que l’Ouganda apportait au FRP. Donc, ma mission n'avait pas à rechercher d’information secrète.


Me MAC DONALD :
Monsieur le Président, puis-je verser cette pièce aux débats ?


M. LE PRÉSIDENT :
Quel en serait le numéro ?


Me MAC DONALD :
Il s'agit du télégramme codé en date du 15 avril 1994, adressé par le colonel Asrar au général Dallaire.


M. LE PRÉSIDENT :
La pièce est versée comme numéro D. 159… DI. 59… D. 159.

(Admission de la pièce à conviction D. 159)

R. Est-ce que je peux bénéficier de cinq minutes de pause pour satisfaire certains besoins avant qu'on ne continue ?


M. LE PRÉSIDENT :
L'audience est suspendue pour cinq minutes

(Suspension de l'audience : 19 h 5)

(Reprise de l'audience : 19 h 20)


M. LE PRÉSIDENT :
Veuillez poursuivre, Maître.


Me MAC DONALD :

Q. Dallaire, le fameux câble du colonel Asrar, qu’on vient de déposer, est-ce que vous en avez fait part à Monsieur Booh-Booh, de cette information-là d’Asrar, vous souvenez-vous ?

R. Il y avait tellement de communications que je ne me rappelle pas tout particulièrement ce message, mais régulièrement, j'essayais… j’allais informer Monsieur Booh-Booh de ce qui se passait au quartier général.

Ce document fait certainement partie des multiples correspondances dont j'entretenais Monsieur Booh-Booh, mais je n'en ai pas un souvenir particulier. Mais il ne s'agit pas de… d'informations nouvelles. Nos suspicions existaient déjà et nous avions des difficultés depuis un certain temps avec le FPR comme je l'ai déjà indiqué.

Q. Dans son livre, encore une fois, à la page 126, ce qu'il mentionne c'est que… on dit : « Dallaire est l'observateur de la MINUAR, la MUNUR, je m'excuse… « m’ont caché la vérité sur le degré d'armement du FPR ». Est-ce que c'est possible que ces infiltrations d'armes-là ou infiltration suspecte d’armes-là a été cachée de façon systématique à Monsieur Booh-Booh, selon ce qu'il prétend, lui.

R. Je ne vois pas le fondement de cette question. C'est vrai, il ne recevait pas suffisamment d'information, mais ces informations nous les fournissions hebdomadairement avant la guerre et il les signait pour les communiquer. Il est vrai qu'il ne tenait pas de réunions régulières avec ses subordonnés, ils ne l’aimaient pas et donc ces réunions ne se tenaient pas. J'essayais toujours, je cherchais toujours à le rencontrer, et nous nous rencontrions régulièrement, à l'occasion des négociations politiques en cours. Et j'étais en communication constante avec lui sur mon personnel et mes activités des communications avec la personne qui était le chef d'état-major.

Q. (Début de l’intervention inaudible)… le premier passage que je considère important. La page 125 toujours de l'ouvrage de Monsieur Booh-Booh, il nous dit ceci : « Le 3 mars et le 4 avril 94, Habyarimana m'a dit avoir chargé le chef d'état-major des FAR d'attirer l'attention de Dallaire sur l’entrée massive par la frontière avec l'Ouganda des armes destinées au FPR et qu’aucune explication satisfaisante ne lui avait été donnée. Il insinuait que grâce à des réseaux sûrs, ce qu'il disait était vrai. »

Il me semble que la MINUAR n'a pas été impartiale sur ce dossier du FPR. Et il dit ceci : « Je peux attester ici qu'en tant que chef de la MINUAR, Dallaire ne m'a jamais fourni le moindre rapport précis sur l'aide militaire ougandaise au FPR. »

Encore là, Général, ce sont des affirmations sérieuses de la part de Booh-Booh, est-ce qu'ils… est-ce qu'elles sont fondées, selon vous ?

R. Fondées, je suis désolé de dire que ces informations… cette affirmation est inexacte ; à au moins deux occasions, j'ai rencontré le chef d'état-major de l’armée ou le Ministre de la défense, quelque fois même j’ai rencontré le Président quand il me convoquait dans sa suite pour discuter des informations qu'il recevait, selon lesquelles des bataillons de la NRA, c’est-à-dire l'armée nationale ougandaise traversaient la frontière pour entrer dans la zone contrôlée par le FPR. J’ai été en observation jusqu’à 20 km à l'intérieur de leur zone et nous avions une idée assez précise du nombre de camps et des bataillons qui occupaient ces camps.

Et je me rappelle un incident pendant lequel il y avait un camp, mais que les troupes étaient parties à travers Kabale jusqu'à Marara pour des séances de formation, mais nous n'avions pas de preuve concrète. Et quand j’en ai posé la question au Président, au chef d'état-major et au Ministre de la défense pour les preuves de ce qu'ils affirmaient, ils m'ont dit que c'étaient des troupes qui venaient de l'Ouganda.

La question a été suivie par le commandant de la zone et nous n'avions rien obtenu de concret. À aucun moment, nous n'avions reçu une source incontestable de cette information. Il parlait de mille et une chose et, par hasard, il disait. Il y a un bataillon qui est entré dans la zone occupée par le FPR.

Alors, nous leur demandions : Quelle est votre source, qui vous l'a dit, avez-vous d’autres données, puis-je aller et contrôler sur le terrain ? Et ils nous disaient… Et nous nous sommes rendus à deux reprises dans la zone de Marara, et nous n'avons rien trouvé de probant. Nous recevions des informations qui… que nous communiquions évidemment à nos supérieurs à New York.

Q. (Début de l’intervention inaudible) justement dont vous faites état, mais vous mentionnez deux choses. Premièrement, vous dites que le NRA a été confronté : Pouvez-vous nous dire quand, qui était présent et quelles étaient les circonstances et où le NRA a-t-il été confronté ?

R. Ce travail relevait des responsabilités du commandant du secteur (inaudible) ou par l’UNOMUR d'abord par le colonel Mazuwa et ensuite par le colonel Asrar. Les sessions se terminaient toujours par des futilités de réponse en ceci qu'il n'y avait pas d'informations précises sur les coordonnées de ces troupes.

Finalement, nous ne pouvions pas agir. Malgré nos ressources limitées, nous avons augmenté les nombres des patrouilles y compris des patrouilles aériennes, mais nous avions des capacités d'observation très limitées le long de pratiquement une centaine de kilomètres de zone.

Q. Les circonstances dans lesquelles le NRA a été confronté. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de faire preuve de fair-play et d'essayer de répondre aux questions qui vous sont posées de façon succincte. Vous parlez de… Je comprends que lors de ce… Je comprends d'une part qu’il y a une séance de confrontation avec le NRA et si oui, étiez-vous a… étiez-vous présent, avez-vous, vous personnellement déjà confronté le NRA (passage en anglais), vous personnellement en tant que commandant de la force ?

R. J'ai eu deux réunions avec le NRA à Marara, j'ai oublié l'autre cantonnement, je ne me rappelle pas non plus sur quoi exactement les discussions ont porté. En tout cas, ces questions ont été nombreuses. Ce « dont » je retiens de ces discussions n'a connu aucun aboutissement, soit mon commandant de secteur n'avait rien d’exploitable ; il ne me souvient pas avoir reçu une réponse positive ou négative de la part de la NRA. Nous avons eu… examiné toute une série de problèmes, de missions d’observations, le transport d'armes, etc. Ma réponse est donc que je ne souviens pas avoir obtenu un résultat positif des rencontres que nous avons pu avoir avec la NRA.

Q. Notamment d’observateur qui voit des choses, vous traitez cette information-là suffisamment… de façon suffisamment importante pour confronter le NRA, vous rencontrez le NRA et vous dites qu'il n'y a absolument rien qui ressort de ces rencontres-là. Je suppose que le NRA vous a simplement… a simplement nié l'évidence. Mais la question, Général Dallaire, c'est malgré ça, avez-vous pris des mesures additionnelles pour accroître le niveau (fin de l’intervention inaudible).

R. C'est une conclusion intéressante que vous venez de faire. Je considère qu'il s'agit d'une conclusion intéressante parce que d'abord les informations que je recevais étaient en fait des ouï-dire, il n'y avait pas de détails, on ne me donnait pas des détails. Des gens pouvaient me dire 15 bataillons viennent de la NRA et à moins de me dire d’où ces bataillons venaient, où est-ce qu’on a fait l'observation et qui, du côté de l'Ouganda, observait ces faits, de manière à me permettre de mener des enquêtes.

Je ne pouvais rien faire et vous ne pouviez pas dire : « Voilà vous envoyez des bataillons sur les lignes de front » et lorsqu’on vous posait la question de savoir quand et où est-ce que nous l'avons fait, je n'aurais pas eu de réponse à donner.

Q. Alors, Général, je vous soumets ou suggère que non seulement vous avez fermé les yeux sur ces différentes infiltrations d'armes, mais vous avez également menti à la communauté internationale. J'attire votre attention sur le câble 1A 30, et c'est un câble du 2 mars 1994 adressé à Annan de Booh-Booh. Et Annan fait état de…


M. BÂ :
Maître, ce sont les documents d'aujourd'hui ?


Me MAC DONALD :
Non. « A. 30. »


M. BÂ :
Vous n'avez pas une copie qui chôme là-bas ?


Me MAC DONALD :
On en avait 11, elles ont toutes été distribuées.


M. BÂ :
Continuez votre lecture, allez-y.


Me MAC DONALD :

Q. L'avez-vous ? C'est « A 30 », Maître Bâ. C'est ça, « A 30 ». Il s’agit de…

R. J'ai le document.

Q. Où Monsieur Annan mentionne avoir rencontré les ambassadeurs du Rwanda, Belgique, France, Allemagne et États-Unis. Et j’attire votre attention à la page 5, Général… excusez-moi paragraphe 5, page 2, qui dit ceci : « En réponse à la question posée par l’ambassadeur des États-Unis, le général Dallaire a réfuté les observations, les remarques selon lesquelles les tueries avaient été motivées par des raisons ethniques, est-ce que vous…

R. (Intervention non interprétée)

Q. Compte tenu de la réponse du général Dallaire, l’ambassadeur de France a dit qu'il était important que cette information soit rendue disponible… enfin, soit publiée… largement publiée afin d'empêcher le FPR d'utiliser les rapports ou les prétentions selon lesquelles c'étaient des massacres anti-Tutsi pour poursuivre la guerre.

Paragraphe 6 dit ceci : « Le général Dallaire a exprimé ses préoccupations sur la prolifération d’informations fausses sur… communiquée par les deux parties sur les activités militaires. Il a insisté par exemple, sur le fait que des rapports récents du Gouvernement, des mouvements à grande échelle, du matériel et du personnel militaire du FPR au sein du territoire rwandais étaient infondés » ; avez-vous tenu ce discours-là auprès des ambassadeurs présents ?

R. Non. Nous avons eu plusieurs rencontres. Il s'agit ici des notes issues d'une réunion, et ce que dit cette dernière phrase confirme ce que je vous ai dit avant, c'est-à-dire que j'ai reçu des informations verbales que je ne pouvais pas vérifier sur les mouvements des bataillons de… du FPR ou de la NRA dans cette zone, c'est bien ce que je vous avais dit avant.

Q. Encore une fois, cette… c’est une information qui est datée du 2 mars 1994 ; et pourtant, Général, le 1er mars, jour précédant, vous recevez un câble encore une fois d’Asrar qui vous est adressé personnellement, et qui dit ceci : « La branche du (inaudible) de la MINUAR, a recueilli des informations sensibles selon lesquelles la NRA apporte son appui au FPR en lui fournissant des armements. Et l'inventaire des armes et des munitions montre spécifiquement…

Et on nous dit : « Il semble donc que la livraison prochaine a déjà été réunie et est prête pour être livrée, mais nous ne savons pas exactement à quelle date et à quelle période. Ce n’est pas du ouï-dire, vous avez un câble d’Asrar qui vous confirme qu’effectivement… il vous donne le type d’armement, le type de munitions, il vous informe qu'il a de l'information qu'il considère comme (passage en anglais) et le lendemain vous dites aux ambassadeurs que des rapports récents du Gouvernement des mouvements de matériel et du personnel militaire sont infondés.

R. Si vous tenez compte des rapports… du rapport que j'ai établi et qui date du 2 mars lorsque… est-ce que je l'ai fait le 2 mars, est-ce que j'ai fait ce rapport après la réunion ou au cours de la réunion ? J'aimerais savoir quelle action a été prise, parce que je ne me rappelle pas réellement ce qui s'est passé. Lorsque j'examine ce rapport, je ne sais pas quelles mesures ont été prises.

Q. J'aimerais rafraîchir vos souvenirs, Général. « J'ai rencontré aujourd'hui les ambassadeurs de la Belgique, de la France, de l’Allemagne au Rwanda. » Ce que vous donnez à ce moment-là aux différents ambassadeurs est « transmise » le 2, et c'est le 2 que vous dites, c'est le 2 donc que vous affirmez que des rapports récents du Gouvernement sur les mouvements du matériel et du personnel militaire sont infondés alors que vous avez reçu ces informations dans le câble du premier.

R. Je ne sais pas si vous avez suivi ma réponse.


M. LE PRÉSIDENT :
C'étaient les interprètes qui se plaignaient de ce que le Conseil de la défense passait d'une langue à l’autre.


Me MAC DONALD :

Q. Général, pouvez-vous répéter votre réponse ?

R. Ma réponse est que la réunion que j'ai eue avec les ambassadeurs, c'était le 2 mars, c'est du moins ce que je crois. Quant à l'information que j'ai reçue par câble… a été envoyée le 1er mars, j’en ai pris connaissance et je l’ai envoyée au… à mon adjoint, au responsable de l'information et à Monsieur Kabiye (phon.) qui était le chef-d'état major, qui devait le transmettre aux autorités compétentes et tout cela s'est passé le 2 mars.

En toute honnêteté, j'ignore de quel moment nous parlons. J'ai certainement lu ce document avant la réunion et, ensuite, l'information a été communiquée ce jour-là même au chef des renseignements. C'est ce qui explique qu'il ait été inclus dans le rapport. Je ne sais pas si le chef des renseignements a envoyé son rapport avant de recevoir cette information ou s'il l'a inclus dans son rapport.

Vous avez parfaitement raison de dire ce que vous avez dit, cette information est tout à fait pertinente et je n’en ai pas le moindre souvenir. Je peux tout simplement dire que ce câble a pu être envoyé sans que cette information y ait été incluse, alors je ne sais pas ce qui s'est passé le lendemain ou les jours d'après.

Me MAC DONALD :

Q. (Passage en anglais) Général que si le câble est daté du 1er mars, on doit supposer que vous avez lu ce câble-là le 1er mars, n’est-ce pas ?

R. Combien de fois dois-je vous répéter que vous verrez en bas que c'est marqué « DFC » ; et puis plus bas vous trouverez « MRO », le docteur Kabiya (phon.) qui a reçu ce document. ; et plus bas apparaît ma signature « brigadier général, « FC » pour commandant des forces et la date, c'est le 2 ou le 3. Kabiya l’a vu le 2, il est le chef d'état-major auprès du Représentant spécial. Tous les messages passent par Kabiya et ces câbles sont répercutés plus haut.

Je peux simplement supposer que nous avons tous eu connaissance de ce câble et, ensuite, le câble est parti, on s’est certainement demandé : Que faisons-nous avec cette information le lendemain ou les jour d'après, mais cela je ne m'en souviens pas. Mais c’est sûr que cette information rappelle un peu mes souvenirs.


Me MAC DONALD :
Peut-on verser cette pièce en preuve ? Ce serait le document R. 60, non 160 plutôt… R. 160. Et le câble du 3 mars serait la pièce du 2 mars plutôt.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, ce jeu de documents comporte d'autres. C'est celui du 2 que vous… c’est de celui du 2 « que » vous parlez ? En haut, je lis le 2 mars.


Me MAC DONALD :
J'en ai un autre, je ne sais pas exactement quelle en est la nature.


M. LE PRÉSIDENT :
Nous avons le document du 1er mars, nous avons celui du 2 mars et il y a un troisième document.


Me MAC DONALD :
Celui-là, je ne sais pas pourquoi il est dans le lot.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous ne voulez pas celui du 2 mars ?


Me MAC DONALD :
Ce que je vais faire c'est relire ce document et voir dans quelle mesure il est lié aux autres.

Pour l'instant, je voudrais verser les deux premiers documents.

M. LE PRÉSIDENT :
Oui, donc, pour l’instant vous versez les documents du 1er et du 2 mars uniquement.

Celui de 2 mars sera la pièce 160 A.

(Admission de la pièce à conviction D.160 et 160 A)


Me MAC DONALD :

Q. Aviez-vous également, Général Dallaire… avez-vous reçu une information à l'effet que le FPR distribuait des armes à Kigali ? Je ne vais pas vous prendre par surprise, mais j’ai un document… en fait une transcription du 22 janvier 2004 qui est le document 30, où vous dites… vous dites : « Ce que je recevais, mais que je n'avais de données spécifiques, mais qui était amené à mon attention pour la mouvance MRND du Président, c'est que le FPR, oui, distribuait des armes à Kigali principalement. » Est-ce que… Premièrement, si vous vous souvenez avoir mentionné ça, est-ce que vous maintenez toujours cette position-là et si oui, comment cette information-là a-t-elle été traitée par vous, Général ?

R. Je me souviens avoir reçu des informations selon lesquelles le FPR était accusé de distribuer des armes à ses partisans dans Kigali, que les gens se rendaient au CND et en repartaient avec des armes.

Aucune de ces armes n'ont été vues par mes forces autant que je me souvienne, et je me demandais quelle action entreprendre avec le Ministre de la défense, le chef d'état-major de la Gendarmerie ou le chef de cabinet, mais il fallait que je m'assure de la véracité de ces allégations.

Q. Document 33, je ne suis pas sûr de ce que vous l’ayez, Mon général. Vous ne l'avez pas ce document, je suis désolé. Il s'agit d'un des derniers documents à avoir été versé au débat, mais mon ami Bâ l’a certainement, le document n° 33 qui dit ceci… je ne suis pas sûr de ce que je vois, je ne sais pas si c'est un fax ou un télégramme, il porte le numéro… il est du lieutenant Nees : N-E-E-S ; savez-vous qui est ce Monsieur, mon général ?

R. Si je devine bien, il s'agit d'un officier du bataillon belge, mais je n'en suis pas certain.

Q. C'est daté du 19 janvier 94, s'est adressé au commandant de KIBAT. Et est-ce que… Vous êtes le commandant de la force, qui serait le commandant du KIBAT ? S'est adressé commandant de KIBAT, je ne suis pas sûr qu’on… c'est un document qui vous est adressé, vous êtes le commandant de la force…

R. O.K.

Q. O.K. Ce que Nees dit et c'est au paragraphe 1, c’est un court paragraphe — je vais vous le lire — encore une fois daté du 19 janvier 94 : « Le FPR serait en train de faire augmenter ces troupes cantonnées au CND. Il procède de la manière suivante : Il laisse entrer des personnes en tenue civile après les avoir fouillées, mais ces civils ne quittent pas tous le CND, et il semblerait qu'ils sont armés.

Alors, encore une fois, c'est pas une information qui vous est adressée, mais je me… m'interroge, est-ce que vous avez eu vent de ce… de cette information-là, encore une fois, du 19 janvier 94 ?

R. Oui, j'ai reçu cette information. Je ne me rappelle pas spécifiquement cet événement, mais j'ai déposé une lettre de protestation au FPR, ils m’ont répondu que certaines personnes venaient chez eux, parce qu'ils se sentaient en insécurité et qu'ils étaient ciblés, qu'il n'y avait pas que des hommes mais il y avait également des familles qu’il voulait séjourner au CND.

Nous avons évidemment répondu que cela n'était pas possible parce que cela allait à l'encontre des dispositions… des décisions prises quant à la structure des armées. Nous nous souvenons que certaines de ces personnes ont dû être convoyées vers le nord, vers Mulindi pour leur même protection et c'était d’ailleurs à la demande du FPR. Et nous avons fermement formulé notre objection à ce que des civils habitent l'intérieur du CND quand ils viennent en visite.

Q. Il semblerait selon l'information, et c'est à la première phrase qui dit que le FPR serait en train de faire augmenter ses troupes cantonnées au CND. Alors, je comprends que ces gens-là qui étaient amenés de façon clandestine au CND, finalement, constituaient des troupes et non seulement des visiteurs ; est-ce que ça s'est… ça ne serait pas plutôt la situation réelle ?

R. Lorsque la direction politique du FPR est venue à Kigali, on leur a permis de mener des consultations et d’organiser des réunions au même titre que les autres partis politiques de l'époque. Il s'agissait de discuter de l’avenir du pays, de l’avenir de partis, etc.

Et après discussion avec le Représentant spécial du Secrétaire général, il a été décidé qu'ils pouvaient être autorisés à tenir certaines réunions sous notre supervision. Il s’en est tenu quelques-unes, et nous ne pouvions pas non plus empêcher certains Rwandais de venir rencontrer et consulter certains dirigeants du FPR sur les questions politiques, les revendications, etc.

Donc, ils ont été autorisés à venir y rester quelque temps et ensuite, ils repartaient. Et nous nous sommes aperçus que certains restaient à l'intérieur, quelquefois nous avons vérifié et la différence en nombre était quelquefois d'une petite douzaine. C'est alors que nous sommes allés avoir cette discussion avec le FPR en leur rappelant qu’en aucune circonstance ces personnes devaient être autorisées à rester au CND. Il ne s’agit pas… Il ne s’agissait pas en fait d’opérations d’envergure visant à renforcer les troupes du FPR comme on nous l’a rapporté.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Mac Donald, il nous faudrait arrêter ici, maintenant.


Me MAC DONALD :
Oui, Monsieur le Président, c'est le moment d'arrêter. Puisque nos journées avec le général Dallaire ont été substantiellement raccourcies, puis-je formellement demander pourquoi nous ne siègerions pas le vendredi également ?


M. LE PRÉSIDENT :
Initialement, nous avions prévu de siéger une demi-journée, même à présent, nous avons plus qu'une pleine journée avec le général Dallaire. J'ai pensé donc que ce temps suffirait largement. Vous aurez jusqu'à 3 heures demain pour conclure.


Me MAC DONALD :
Comme je l'ai déjà dit, une bonne partie de la défense de mon client est fondée sur la déposition du général Dallaire et nous n'avons pas encore abordé certains aspects capitaux. Faut-il exclure toute possibilité de rappeler le général Dallaire à un moment donné, en janvier, car mon collègue Maître Black a dit qu'il pourrait avoir besoin de 4 à 5 jours pour contre-interroger le général Dallaire ?


M. LE PRÉSIDENT :
Cette possibilité nous est pas donnée. Le Procureur a indiqué que… qu'il finissait la présentation de ses moyens avec ce témoin. Il faudra donc faire bon usage du temps qui nous reste.


Me BLACK :
Je ne suis pas tout à fait d'accord, cette réponse ne me donne pas satisfaction, nous ne comprenons pas pourquoi le général Dallaire ne reviendrait pas en janvier pour quelques jours. Nous l'avons dit dans une… un certain nombre de requêtes et nous réitérons cette demande.


M. LE PRÉSIDENT :
Pour les besoins du procès-verbal, nous voulons dire que nous vous avons accordé plus de temps que dans d’autres affaires, d'autres affaires où le général Dallaire a comparu comme témoin.

Donc, je ne pense pas cette demande soit raisonnable. Dans tous les cas, nous levons l'audience et nous nous retrouvons demain à 13 heures.

(Levée de l'audience : 20 h 5)



SERMENT D’OFFICE


Nous, sténotypistes officielles, en service au Tribunal pénal international pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes recueillies au mieux de notre compréhension.



ET NOUS AVONS SIGNÉ :





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Lydienne Priso Françoise Quentin




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Vivianne Mayele

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