Friday, March 09, 2007

Le Procès du Général: Dallaire Contreinterrogatoire (suivi) -- 22 novembre 2006

Le Procès du Général: Dallaire Contreinterrogatoire (suivi) -- 22 novembre 2006

[Voici le transcrit de contre-interrogatoire du général canadien Roméo Dallaire de 22 novembre 2006. Les avocats sur la défense sont les vrais stars ici. Comme d'hab Me Black est venu de corriger l'histoire fausse du témoin et procureur. Et Me Taku, un grand camerounais qui garde un bureau à Washington DC, se comporte comme chef de tribus qu'il est. Fort et très intelligent, c'est facile de l'imaginer devant un barreau ami-réquin ou sur la série télévisuelle LA Law. Il force Dallaire faire une danse de St Vitus pour se cacher arrière les mythes et histoires fausses de pensée dominante sur Rwanda: l'assassinat de deux président Hutus est toujours une surprise au général; les armes de FAR sont toujours en cachet et toujours les sujet d'enquêtes Onusiens, mais les armes de FPR écoulent de Mulundi à Kigali sans arrête, ce compris les SAM 16 dont les 'rebelles' utilisaient pour abattre l'avion présidentielle, et sont complètement ignorées par les casques bleues dans les camionnette de bois de chauffage ; la fameuse neutralité de Dallaire et Cie s'est torturé par tout les 'sleep-overs' et autres compromissions chez Kagame dont Dallaire faisait pendant les derniers jours avant la solution finale. Mais tout va encore bien à Dallaire et les procureurs/proxénètes lors que l'arrivée de Me Segatwa qui a servi le général exactement comme il avait servi Prof Des Forges, avec des questions de mousse parfumé, il va un peu. Mais ne quittez pas. Le français de transcrits est bien mieux que le mien. Et souvenons-nous: La vraie victime de cette 'Justice aux Victimes' est actuellement la vérité, mais la vérité a toujours l'art de se venger. --mc]

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TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

AFFAIRE N° ICTR-00-56-T LE PROCUREUR
CHAMBRE II C.
AUGUSTIN NDINDILIYIMANA
FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE
INNOCENT SAGAHUTU
AUGUSTIN BIZIMUNGU


PROCÈS

Mercredi 22 novembre 2006

(15h5)


Devant les Juges :
Joseph Asoka de Silva, Président
Taghrid Hikmet
Seon Ki Park

Pour le Greffe :
Roger Noël Kouambo
Issa Touré
Abraham Koshopa

Pour le Bureau du Procureur :
Ciré Aly Bâ
Moussa Sefon
Felistas Mushi
Segun Jegede
Abubacarr Tambadou

Pour la défense d’Augustin Ndindiliyimana :
Me Christopher Black
Me Patrick De Wolf (absent)

Pour la défense de François-Xavier Nzuwonemeye :
Me Charles Taku
Me Hamuli Rety

Pour la défense d’Innocent Sagahutu :
Me Fabien Segatwa
Me Seydou Doumbia

Pour la défense d’Augustin Bizimungu :
Me Gilles St-Laurent (absent)
Me Ronnie Mac Donald

Sténotypistes officielles :
Grâce Hortense Mboua ; Sophie Tison


PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE

TÉMOIN ROMÉO DALLAIRE

Suite du contre-interrogatoire de la Défense François-Xavier Nzuwonemeye,
par Me Taku p2

Contre-interrogatoire de la Défense d’Innocent Sagahutu,
par Me Segatwa p35


(Début de l'audience : 15h5)


M. LE PRÉSIDENT :
Bon après-midi, Mesdames et Messieurs.

L'audience est reprise (sic).

La composition des parties est la même.

Oui, Maître Taku, vous pouvez prendre la parole.


Me TAKU :
Oui, Honorables Juges...


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, Monsieur Kouambo ?


M. KOUAMBO :
Oui, Monsieur le Président, je... permettez-moi de revenir sur la pièce… (inaudible) du Procureur d'hier, juste pour dire que le général Dallaire a porté une autre correction, du fait qu'il s'agit d'une copie originale, et une copie similaire a été mise à notre disposition, portant les mêmes informations, avec les mêmes éléments.

Et nous souhaitons attirer l'attention de la Chambre sur le fait que, en coordination avec les représentants des parties, la Défense et le Procureur, nous vérifierons l'exactitude de la
Chambre (sic) et prendrons donc cette copie que je ramènerai à Arusha.

Donc, je porte cela à l'attention de la Chambre.


M. BÂ :
Roger ?

Monsieur le Président, avec votre permission, est-ce qu'on peut faxer ça également à toutes les parties présentes à Arusha, pour qu'« ils » puissent faire la comparaison ?


M. KOUAMBO :
Je suis en... C'est... C'est exactement ce que je suis en train de dire, que je vais m'assurer que le représentant du Procureur et celui de la Défense s'assurent que la copie qui me sera remise soit conforme à l'original.


M. LE PRÉSIDENT :
Très bien. Je pense que c'est la norme. Puisque les représentants des parties sont présents là-bas, ils peuvent comparer les copies et certifier que c'est une copie conforme de l'original.


M. BÂ :
Si la Défense dit qu'elle ne voit pas d'inconvénient à ce procédé, il n'y a pas de problème pour nous.


M. LE PRÉSIDENT :
Qui ne dit mot consent.

Maître Taku, vous avez la parole.


Me TAKU :
Bon après-midi, Honorables Juges.

Bon après-midi, Général Dallaire.

Je voudrais qu'il soit consigné au procès-verbal que Monsieur Colson... Maître Colson vient de rejoindre mon équipe. Je voudrais que cela soit consigné au procès-verbal.

Honorables Juges, je voudrais m'assurer que le général Dallaire... Eh bien, je le vois... Je peux le voir maintenant.


M. DALLAIRE :
Oui, je vais bien et je vous entends très bien.

CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)

PAR Me TAKU :
Comme vous la... vous le dites, bon après-midi pour Arusha, et bonjour pour Montréal… Ottawa, Général Dallaire.

Q. Général Dallaire, hier, avant la suspension d'audience pour la journée, vous avez dit que le bataillon de reconnaissance ne... n'avait pas collaboré dans la mise en place de la zone de consignation des armes de Kigali — KWSA ; est-ce exact ?

M. DALLAIRE :
R. Si je me rappelle clairement, ce que j'ai indiqué, c'est que le bataillon de reconnaissance, entre autres — il y en avait deux autres —, n'était pas des plus coopératifs dans l'application des règles de la zone de consignation des armes. Et nous avons eu un certain nombre d'événements dans le cadre desquels mon personnel subalterne devait intervenir et solliciter une attitude plus coopérative de sa part.

Q. Général Dallaire, est-ce de l'observateur militaire, qui était déployé au camp Kigali où était cantonné le bataillon de reconnaissance, que vous avez obtenu ce renseignement ?

R. Cette information a été transmise par le quartier de... le quartier général de Kigali et aussi par mes observateurs militaires, et m'a été envoyée au titre des informations quotidiennes. Je n'ai pas demandé, ni reçu de plus amples détails sur cet événement ; sauf s'il s'était agi d'un problème grave, auquel cas, « je l'aurais » discuté avec le chef d'état-major de l'armée ou le Ministre de la défense.

Q. Général Dallaire, connaissez-vous le capitaine Apedo ?

R. Le nom m'est familier, oui.

Q. Général Dallaire, ce capitaine — le capitaine Apedo — était observateur militaire de la MINUAR au camp Kigali, de décembre 1993 à avril 1994 ; le comprenez-vous ?

R. Oui.


Me TAKU :
Général Dallaire, le capitaine Apedo est venu ici et a déposé en l'affaire Militaires I, le 7 septembre 2006. Et il a déposé sur cette question particulière.

Et sur les comptes rendus d'audience de ce jour-là...

Honorables Juges, nous avons copie du compte rendu d'audience du 7 septembre 2006, pages 30 et 31, version anglaise.

Général Dallaire, écoutez attentivement ce qu'a dit cet officier.

Aux paragraphes 11 à 19, Honorables Juges, page 30, il lui a été posé la question suivante :

« Vous nous avez dit tantôt que, en avril 1994, vous étiez spécifiquement à Kigali. Du 25 décembre 1993 à avril 1994, étiez-vous basé en permanence à Kigali ou aviez-vous d'autres affectations à l'intérieur du Rwanda ? »

Réponse : « Je suis resté à Kigali tout au long de cette période. »

Question : « À partir du moment où vous y êtes arrivé jusqu'en avril 1994, avez-vous continué à vous acquitter de vos tâches "de l'observateur" militaire ? »

Réponse : « Oui. »

Question : « Dites-nous où vous étiez positionné particulièrement, pour remplir vos fonctions d'observateur militaire. »

Réponse : « Dans une équipe d'observateurs militaires qui s'occupait du secteur du camp Kigali. »

Paragraphes 34 à 39, Honorables Juges :

Question : « Étiez-vous présent à Camp Kigali, puisque vous nous avez dit que... Étiez-vous présent à Camp Kigali, puisque vous nous avez dit que votre mission consistait à surveiller les armes, les magasins d'armes... les entrepôts d'armes et aussi mener des patrol ? »

Réponse : « Oui. »

Question : « Vous rappelez-vous avec quelle fréquence vous contrôliez ces entrepôts d'armes ?

Page 31, Honorables Juges, paragraphes 1 à 13 :

Réponse : « Eh bien, chaque fois que nous étions de faction, notre tâche consistait à contrôler les entrepôts et les armes. »

Question : « Aviez-vous accès à tous les entrepôts d'armes de Camp Kigali ? »

Réponse : « Nous surveillions toutes les armes, à l'exception de celles qui appartenaient à l'escadron. »

Question : « Au titre de vos activités de la période de décembre 93 à avril 1994, avez-vous observé quelque violation que ce soit des Accords d'Arusha ou de la réglementation que vous deviez faire appliquer — des violations de la part des forces gouvernementales rwandaises, basées à Camp Kigali ? »

Réponse... Réponse : « Eh bien, commençons avec la surveillance des entrepôts d'armes. Je pense qu'à deux occasions, la personne chargée de garder l'entrepôt d'armes a ouvert... au siège de la compagnie, a ouvert cet entrepôt sans notre accord. Deuxièmement, l'unité basée à Camp Kigali a dû battre en retraite, mais jusqu'en avril, ils ne l'avaient pas fait, ils se trouvaient encore sur mont Kigali. »

Question : « Outre ces deux incidents dont vous venez de parler, y a-t-il eu d'autres problèmes posés par les forces gouvernementales rwandaises à l'équipe d'observateurs militaires dont vous faisiez partie ? »

Réponse : « Il n'y a jamais eu de problème. Tous les commandants d'unités et les responsables supérieurs ont coopéré avec notre mission. » Fin de citation.

Maintenant, question à vous, Général Dallaire :

Q. Vous venez d'entendre, Général Dallaire, ce que le capitaine Apedo a dit, sous serment, par-devant la Chambre de première instance I de ce Tribunal.

Je vous fais la proposition, Général Dallaire, que vous n'avez pas dit la vérité pendant votre déposition sur cette question, parce que, selon l'observateur militaire qui était basé à Camp Kigali, le bataillon de reconnaissance a coopéré pleinement avec les observateurs militaires et ainsi que les autres hauts responsables militaires qui se trouvaient à Camp Kigali. L'avez-vous entendu ?

Voilà la suggestion que je vous fais, Général Dallaire.

R. Oui.

Q. Maintenant, passons à un autre volet, Général Dallaire.

Quand avez-vous appris que l'avion présidentiel avait été abattu ?

R. Comme je l'ai déjà dit, je « l'ai » entendu à mon quartier général, après 20 heures, le 6, qu'il y avait eu une explosion dans la zone de Kanombe. Et j'ai entendu, plus tard — si je me souviens bien —,
du Premier Ministre qu'apparemment, l'avion présidentiel s'était écrasé ; information qui a été confirmée plus tard, lorsque je me suis rendu au quartier général de l'armée, et également par téléphone — si je me rappelle bien —, du colonel Rwabalinda, que l'avion présidentiel s'était écrasé.

Et à ce moment, il n'y avait pas de... d'arguments ou de commentaires au sujet du fait que l'avion s'était écrasé.

Q. Quel a été votre sentiment, Général Dallaire, après avoir appris cette nouvelle ?

R. Ma réaction a été une réaction de grave préoccupation.

Manifestement, cet événement allait créer des incidents d'une très grande proportion relativement à l'avancement des Accords de paix d'Arusha. Et nous espérions que la situation n'allait pas dégénérer en chaos ; nous... il y avait déjà une forte tension dans la capitale.

Q. N'est-il pas exact, Général Dallaire, que la zone de l'aéroport international de Kanombe était sous le contrôle de la MINUAR ?

R. Non, cela n'est pas vrai. J'avais tenté de mettre en place un protocole d'accord entre les FAR et mes forces, mais finalement, nous avons travaillé sur la base du fait que c'était une opération conjointe. J'avais des forces à cet endroit, qui surveillaient les opérations de... de la piste de l'aéroport. Le bataillon fonctionnait comme tout le monde et obéissait à la réglementation de la KWSA. L'aéroport demeurait toujours sous le contrôle du Gouvernement rwandais.

Et nous menions des patrouilles dans le périmètre de l'aéroport pour nous assurer qu'il n'y avait pas d'armes ou d'activités subversives, notamment des déplacements de système d'armement sur la piste.

Et j'avais également des observateurs là-bas, qui surveillaient les arrivées des avions, y compris les avions civils, pour s'assurer que, dans les bagages des avions, dans la cargaison des avions, des armes pouvaient (sic) être introduites dans le pays ou sorties du pays.

Q. Juste à titre de rappel, Général Dallaire, cette question était brève et nécessitait une réponse très brève, à savoir « oui » ou « non ».

L'aéroport international de Kanombe était-il sous le contrôle de la MINUAR ? Il ne fallait pas répondre par un long exposé. Nous vous rappelons que nous avons des contraintes de temps ; soyez bref, sauf si les Honorables Juges veulent que vous fournissiez des détails sur certains domaines.

R. Je voudrais répondre en disant que lorsque vous utilisez l'expression « contrôle », dans le langage militaire, vous parlez d'un instrument de commandement fondamental. Et la réponse à une telle question comprend toute une série d'instructions ; donc, on ne peut répondre par « oui » ou « non » à ce genre de question. J'en suis désolé.

Q. Avant de poursuivre, Général Dallaire, vous pouvez donner des détails, mais dans ce cas, demandez la permission à la Chambre ; n'allez pas simplement dans les détails.

La question suivante, maintenant : En votre capacité de commandant des forces des Nations Unies, quelles mesures avez-vous prises, suite à cet accident tragique... cet incident tragique — pardon, pas « accident » ?

R. Mes instructions consistaient à demander au quartier général de Kigali d'envoyer un groupe de soldats, en vue de sécuriser le site de... de l'accident, pour permettre les enquêtes. Et toutes mes forces, à l'époque, étaient mises sous alerte rouge et étaient donc en position défensive dans leur zone de stationnement.

Q. Général Dallaire… Convenez-vous avec moi, Général, que le fait que l'avion présidentiel ait été abattu, cette action a eu lieu à 20 h 30 — heure de Kigali ?

R. Oui.

Q. N'est-il pas vrai qu'il n'y avait pas de couvre-feu à cette période et que... et qu'à cette heure-là, la plupart des personnes n'étaient pas allées se coucher, et que la vie était très intense, surtout dans les points où les débits de boisson « qui » étaient fort nombreux, à Kigali et ses environs ?

R. Je n'ai pas circulé en ville. Je ne sais pas ce qui s'est passé subséquemment, relativement à la vie sociale. Il y avait beaucoup moins d'activités de manière générale, du fait de l’insécurité en ville et dans certains endroits.

Et à part cela, la seule connaissance que j'avais de ce qui aurait pu se passer dans la zone de l'aéroport est que les Belges étaient à cet endroit, car il y avait des troupes qui revenaient de la Belgique... ou qui venaient de la Belgique.

Q. N'est-il pas vrai, Général, que ce... que cet avion a été abattu, alors qu'il entamait sa dernière ligne pour pouvoir atterrir sur la piste de l'aéroport ?

R. Je n'ai pas mené des recherches en tant que telles. Les renseignements les meilleurs que j'ai pu recevoir « est » qu'il y avait deux coups qui ont été donnés à... sur l'avion ; l'avion a explosé dans l'air et il s'est écrasé.

Je n'ai pas d'autres informations.

Des roquettes ont été tirées en direction de l'avion.

Q. Êtes-vous d'accord, Général, que cette position d'atterrissage dudit avion était verticale, relativement à... au Palais présidentiel ou à la résidence présidentielle à Kanombe ?

R. Veillez répéter la question, je vous prie.

Q. Êtes-vous d'avis, Général, que la dernière position finale d'atterrissage de l'avion était une position verticale à la résidence présidentielle qui se trouvait à Kanombe ?

R. Oui, le lieu de... du crash a inclus une partie du Palais présidentiel.

Q. Êtes-vous d'accord, Général, que des témoins, et plus précisément des personnes qui se trouvaient au Palais présidentiel, à Kanombe... les soldats de la Garde présidentielle qui attendaient le Président à l'aéroport et des militaires se trouvant au camp Kanombe ont pu voir ce qui arrivait à l'avion présidentiel ?

R. Bien évidemment, cela est possible : Toute personne qui avait les yeux levés au ciel à ce moment-là pouvait voir ce qui se passait. La Garde présidentielle, normalement, est allée attendre l'avion présidentiel et est allée également de l'autre côté, du côté des hangars. Bien évidemment, les personnes pouvaient regarder le ciel à l'époque. Je ne vois pas une autre réponse à votre question.

Q. Je vous ai posé cette question, Général, c'est-à-dire : N'est-il pas vrai que la zone de l'aéroport était sous contrôle de la MINUAR ou, tout au moins, il y avait une présence militaire à l'aéroport de Kanombe ?

R. Vous avez tout à fait raison. L'aéroport était ce que j'appelle un point militaire... mon point vital. C'était le point central de ma mission, et c'est pour cela que j'y ai déployé un certain nombre de troupes. C'était un point névralgique pour que nous puissions travailler avec les forces rwandaises.

Mon mandat, souvenez-vous, était d'aider à amener la sécurité... assurer la sécurité des Rwandais dans le cadre des Accords de paix. J'avais donc des forces qui étaient déployées, j'avais des observateurs dans le principal terminal qui avaient un regard sur les flux des personnes et également les activités militaires.

Oui, c'est ce qui s'est passé à l'époque.

Q. Général, puis-je vous suggérer que, quel que soit le cas, des renseignements relatifs à l'attentat de l'avion présidentiel ont dû être communiqués au quartier général de l'armée par la Garde présidentielle et les éléments du camp Kanombe, et cela, bien avant que la RTLM ou Radio Rwanda ne relaient l'information ou la nouvelle ; que répondez-vous à cela, Général ?

R. Je n'ai aucune preuve documentaire, mais je suppose que dans tout ordre militaire bien organisé, il se passe un incident, les militaires vont communiquer cela à la chaîne de commandement, aux autorités et aux personnes responsables.

Q. Puis-je avancer sans risque de me tromper, Général, que… qu'il pourrait être avancé raisonnablement le fait que l'avion a été abattu dans une zone sous contrôle de la MINUAR, et cela étant un fait connu de la MINUAR ?

R. L'aéroport n'était pas sous mon contrôle, il s'agissait d'une supervision contrôle ; en matière de sécurité, il y avait les autorités rwandaises, les autorités militaires, la gendarmerie et la MINUAR.

Et oui, suite à cela… par rapport à cela, la présentation ou ce qui a été dit sur la RTLM — que les Belges avaient abattu… oui, cela a suscité un risque pour la mission. Et je me rappelle que je voulais rectifier cette information sur la RTLM, mais je n'avais pas accès aux ondes de la radio. L'information donc qui avait été relayée et communiquée était, en fait, ce qui était entendu par les populations et toute personne qui écoutait cette radio.

Q. Ma question, Général, est la suivante : Le fait que l'avion ait été abattu dans la zone ou une zone sous contrôle MINUAR minait la crédibilité de la MINUAR ; telle était ma question ; si vous répondez à côté, je reviens à ma question. Qu’y répondez-vous ?

R. Ma réponse est non, car l'aéroport n'était pas sous mon contrôle.


M. LE PRÉSIDENT :
Il a dit non.


Me TAKU :

Q. Général, avez-vous rencontré le général Kagame pendant le mois de février et le mois
de mars 1994 ?

R. Je suppose que oui. Je ne m'en souviens pas précisément ; je l'ai rencontré à plusieurs reprises et occasions, en janvier, février et même mars, oui.

Q. N'est-il pas vrai, Général, qu'à un moment donné, il vous a informé de manière explicite du fait qu'il se préparait à la faillite du processus politique en matière d'accord... des Accords d'Arusha et il voulait que... il voulait vous informer préalablement à son offensive, cela pour vous permettre de protéger vos hommes ?

R. Cela est tout à fait exact. Si je ne m'abuse, c'était au début du mois d'avril. J'étais sur mon retour, il a dit que cette impasse ne connaissait aucune solution, alors la situation se transformerait en crise, très possiblement. Je lui ai demandé la garantie, à savoir s'il devait mener des opérations offensives que je considère comme des... comme étant des éléments de planification de la part d'un commandant militaire, alors que je serais informé 24 heures à l'avance, pour m'assurer que mes troupes n'étaient pas ciblées ou qu'elles ne se retrouveraient pas au milieu d’un échange de feu entre les deux forces.

Q. En fait, Général, lorsque vous avez déposé le 22 janvier 2004, en l'affaire Militaires I…

Les transcriptions sont disponibles au Greffe. Si vous désirez vous rafraîchir la mémoire, veuillez en faire la demande auprès du Greffe. Mais je vais vous lire ce que dit ce procès-verbal.


M. KOUAMBO :
Monsieur le Président, le Greffe à Ottawa . Je ne dispose… Je ne dispose pas de...


Me TAKU :
J'en suis désolé, Honorables Juges. Nous n'avons pas le procès-verbal de la déposition. En tout état de cause, je vais donner lecture de ce qu'il a dit, il pourra le confirmer ou l'infirmer.

Q. Je vais vous poser ma question, Général : N'est-il pas vrai, Général, que le général Kagame vous a dit qu'il entrevoyait une solution finale dans laquelle l'un ou l'autre serait le vainqueur ? Et cela peut être retrouvé dans le procès-verbal de votre déposition, Général, du 22 janvier 2004, en
l'affaire Militaires I.

Version anglaise, page 46, lignes 23 à 26, Monsieur le Président, Honorables Juges.

Je vais donc en donner lecture pour rafraîchir la mémoire du témoin : « Ce que je voudrais vous dire… »

Il s'agit d'une question, c'est la question qui vous avait été posée :

« Ce que je vais vous dire est que, le 2 avril… le 4 avril, les personnes que vous décrivez comme étant modérées disaient qu'“ils” étaient prêts pour la guerre, mais cela n'est pas corroboré, c'est-à-dire qu'ils étaient des extrémistes. »

Je donne lecture du procès-verbal.

Réponse — Ligne 25, Honorables Juges : « Non. Kagame en personne m'a dit que, très rapidement, ils allaient trouver une solution, quelle qu'elle soit. »

Avez-vous entendu la lecture que j'ai faite, Général ?

R. Oui, et je ne le réfute pas, je ne réfute pas ce que vous avez lu.

Q. Général, n'est-il pas exact que vous avez rencontré le Ministre rwandais de la défense
le 2 avril 1994 ?

R. Je n'ai pas mes... mes documents. Je ne puis répondre par « oui » ou par « non ». J'ai rencontré ces personnes très souvent. Et il est tout à fait possible que ce soit vrai, mais je ne me rappelle pas précisément cette réunion.

Q. Général, n'est-il pas exact qu'il vous a dit que, suite à l'impasse dans la mise en place des institutions de transition, le Rwanda était au bord du conflit et de la guerre entre le FPR et les FAR ? Général, vous l'avez déclaré, le 22 janvier 2004, en l'affaire Militaires I.

Honorables Juges, page 46, version anglaise, lignes 5 à 10.

R. Tout à fait. Je n'ai aucun problème avec cette information. Comme je l'ai indiqué précédemment, la situation, à mon avis, était arrivée à une situation de tension incroyable et que… quelque chose allait se passer. Et les deux parties l'avaient indiqué. Et cela confirmait le fait que nous n'allions pas vers une solution facile, sauf si quelque chose arrivait au plan politique.

Q. N'est-il pas exact, Général, que votre analyse de la situation était la même dans votre rapport à
New York à vos supérieurs, et vous y avez indiqué qu'il suffisait d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres ?

R. Oui, je me rappelle cela. Je me rappelle l’avoir écrit.

Q. Convenez-vous donc, Général, que pendant les mois de février et de mars 1994, le FPR se préparait à lancer une offensive contre les Forces armées rwandaises ?

R. Non, je suis totalement en désaccord avec cette assertion.

Q. N'est-il pas exact, Général, que le Président Habyarimana était l'unique organe de transition qui avait été mis en place suite aux Accords d'Arusha ?

R. Oui, selon les Accords d'Arusha, le seul membre du Gouvernement de transition à base élargie était le Président de la République.

Q. Et son assassinat a donc signifié l’échec des Accords d'Arusha ?

R. Non, je n'ai pas analysé la situation comme étant un échec, je l'ai analysé comme une situation potentiellement catastrophique dont il fallait tenir compte et la… contre laquelle il fallait réagir. Des chefs politiques devaient le faire, pour voir comment continuer à maintenir les Accords d'Arusha, même si tout le reste était catastrophique.

Q. Convenez-vous, Général, que lorsque le Président d'un pays est assassiné, l'intention est de créer un... de créer les fondements des institutions et d'amener un coup d'État ?

R. Eh bien, vous faites certainement une série de déductions. Le Président, s'il est tué accidentellement, je trouve difficile de dire qu'il s'agit d'un coup d'État. Si c'est une tentative d’attentat délibérée contre sa vie, alors cette hypothèse peut être envisagée, à savoir, par exemple, les mobiles, qui en bénéficierait.

Q. Ma question, général Dallaire, est la suivante : Si un Président est assassiné… Je ne vous ai pas demandé l'option de l'accident. Si un Président est assassiné, n'est-ce pas là l'intention de créer la confusion dans les institutions et mener un coup d'État ? C'est là ma question, Général Dallaire.

R. Oui, s'agissant donc de cette confusion dans les institutions, oui.

Q. Général, dans ce contexte où le FPR était prêt à lancer des opérations offensives, l'avion présidentiel est abattu au nez et à la barbe de la MINUAR. Au regard de la situation créée par le décès subit et inattendu du Président dans ces circonstances, des témoins à charge ont déclaré que, vu les circonstances, le quartier général de l'armée rwandaise a mis l'armée en alerte, en vue de faire face à toute éventualité. Cette décision n'était-elle pas justifiée, Général Dallaire ?

R. Nous étions encore dans le processus d'un accord de paix. Mon mandat consistait à aider les deux parties pour parvenir à un accord de paix. Nous avons eu un incident majeur ; nous avions eu d'autres incidents entre les forces gouvernementales et le FPR ; nous avions encore les politiques qui négociaient. Et dans ces circonstances, mon mandat consistait à tenter de continuer de faire progresser les Accords de paix, selon ma mission, en aidant les Rwandais à avancer dans ces Accords. Dans ces circonstances, ma mission consistait à tenter de sauver ce qui pouvait l'être des Accords de paix.

Q. Ma question, Général Dallaire, que malheureusement vous n’avez pas… à laquelle, malheureusement, vous n'avez pas répondu est la suivante — je me répète : Dans ce contexte où le FPR était prêt à lancer des opérations offensives, l'avion présidentiel est abattu au nez et à la barbe de la MINUAR. Étant donné la situation créée par le décès soudain ou inattendu du Président dans ces circonstances, des témoins à charge ont déclaré que, dans ces circonstances, le quartier général de l'armée rwandaise a mis l'armée en alerte, en vue de faire face à toute éventualité ; cette décision n'était-il pas justifiée ? C'est là ma question.

R. Eh bien, je ne disposais d'aucune information à l'effet que le FPR avait l'intention de lancer une offensive. J'avais des informations sur des actions minées, actions que j'ai décrites précédemment, mais je ne pourrais pas vous dire qu'ils étaient prêts à se lancer dans une offensive.

À ce moment-là, nous n'étions pas informés que l'avion avait été abattu. Donc, lorsque je suis entré en contact avec les forces gouvernementales, aucune de ces informations n'a été confirmée. Donc, l'alerte donnée aux forces gouvernementales pouvait avoir été donnée, mais les autorités, ce soir-là, n'avaient donné aucune indication qu'elles avaient mis l'armée sous alerte.

Q. Général Dallaire, pour ne pas perdre davantage de temps, je considère que vous n'avez pas répondu à ma question, parce que vous parlez de vos actions, ce que vous avez fait ; vous ne répondez pas à ma question. Et je demande qu’il soit consigné au procès-verbal que vous n'avez pas répondu à ma question.

Je vais, maintenant, passer à autre chose.

R. Je suis désolé de répondre comme je l’ai fait. Je ne peux pas spéculer sur ce que les forces rwandaises ont fait ou devaient faire. Je suis ici pour témoigner sur les faits, des informations qui ont été portées à ma connaissance.

Q. Une fois de plus, Général Dallaire, je vous fais la suggestion qu’aucune question… réponse à ma question n'a été donnée.

Je vais maintenant passer à autre chose.


M. BÂ :
Objection, Maître Taku. Il a répondu à votre question, peut-être que ce n'est pas la réponse que vous souhaitiez. Vous prenez sa réponse comme elle est ; un point c'est tout.


Me TAKU :
Eh bien, ma réponse, à ceci est très simple. Il s'est contenté de dire ce qu'il a fait ou ce qu'il était censé faire, il n’a pas répondu à ma question. Et je voudrais que cela soit consigné au procès-verbal et passer à autre chose. Sinon, je poserai cette question cinq ou six fois, cela ne fera pas avancer les débats.

Honorables Juges, je voudrais, maintenant, passer à autre chose.

Q. Général Dallaire, vous avez participé à une réunion avec des officiers des Forces armées rwandaises pendant la nuit du 6 au 7 avril 1994 ; est-ce exact ?

R. Oui.

Q. Qui vous a convié à cette réunion ?

R. Mon officier de liaison auprès des FAR, le colonel Rwabalinda.

Q. Comment avez-vous été convié à cette réunion ?

R. J'ai reçu un appel téléphonique de lui à ma résidence vers 22 heures — je ne sais pas très… précisément à quelle heure ; il m'a dit qu'il y avait une réunion des hauts responsables militaires au quartier général et qu'il voulait que j'y sois présent.

Q. Une fois de plus, Général Dallaire, ma question est la suivante : Comment avez-vous été conduit à cette réunion ?

R. Je... Je comprends que c'est par mon téléphone.

Q. Ma question, Général Dallaire, est la suivante : Comment avez-vous été conduit à cette réunion ?


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Taku, lorsque vous parlez du terme anglais « convey », le témoin ne comprend pas. Peut-être voulez-vous dire : « Comment avez-vous été conduit à cette réunion ? »


Me TAKU :
Honorables Juges, je voudrais juste continuer pour ne pas perdre davantage de temps.

Q. Général Dallaire, à quelle heure êtes-vous arrivé au quartier général de l'armée ?

R. Cela devrait être avant 11 heures, entre 10 h 30 et 11 heures… entre 22 h 30 et 23 heures, pour être plus précis.

Q. À votre arrivée, quelle était l'atmosphère qui régnait parmi les participants ?

R. Dans la salle, à mon arrivée, il n'y avait pas de tension ; les participants étaient assis dans le calme, dans l'ordre ; il était évident qu'ils étaient là depuis quelque temps, car il y avait du papier et autre chose sur la table. J'ai salué le Président, et il s'est levé… — il s'agissait du colonel Bagosora — il s'est levé à mon arrivée.

Q. Qui présidait la réunion ?

R. Le chef de cabinet du Ministre de la défense, le colonel à la retraite, Bagosora.

Q. Général, le fait que l'on vous ait invité à cette réunion ne dénote-t-il pas de la volonté de l'armée de collaborer aux côtés des Nations Unies ou avec les Nations Unies pour résoudre tous les problèmes, tous azimuts, qui avaient été créés par l'assassinat du Président ?

R. Vraiment, oui, je suis d'accord avec le fait que... du fait de ma raison d'être sur les lieux. J'étais très heureux d'avoir été convié et d'être allé les aider à continuer à contrôler ta situation. Cependant, à cette date, le terme d'« assassinat » n'était pas très usité ; il n'était pas dans son contexte, à l'époque donc.

Q. Quelles étaient les questions à l'ordre du jour, les points à l'ordre du jour de la réunion ?

R. Nous avons examiné un certain nombre de points relatifs au risque ou l'impact… l'incidence du fait que le Président avait été tué, le chef d'état-major également, la crainte que nous avions que les Accords d'Arusha ne se poursuivent plus. Ils étaient préoccupés « à » s'assurer que la population ne réagisse pas de manière exagérée et que, de concert, nous devions essayer d'informer, de renseigner et, ensemble, encore, maintenir autant possible une atmosphère de sécurité.

À l'époque, l'on a soulevé la question de la continuité de la situation des Accords d'Arusha. Moi-même et eux, nous avons dit que nous voulions une structure militaire qui serait très rapidement mise en place, en attendant qu'ils puissent prendre en charge la structure politique.

J'ai dit, pour ma part, ce que j'avais à dire : La disponibilité de Madame Agathe, Premier Ministre du Gouvernement de coalition. Nous avons discuté à bâtons rompus les uns et les autres. Il y a eu… J'ai eu un bref échange avec le général Ndindiliyimana sur des opérations conjointes potentielles et mon désir de parler à mon responsable politique pour le briefer, l’informer et demander ses conseils. Le colonel Bagosora voulait le voir.

Et par la suite, nous sommes allés à la résidence du Représentant spécial. Merci.

Q. Général, avez-vous discuté… dans le cadre de cette réunion, avez-vous parlé... discuté de la sécurité des points sensibles, stratégiques de la capitale ? Cette question, Général…


L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Interruption.


R. Je me rappelle que, cette soirée-là et plus tard la nuit, l'on s'est dit qu'il fallait que nous nous assurions que les points névralgiques soient gardés — les radios, les structures de défense civile et d'autres structures de la sorte. Oui, il fallait que nous assurions leur sécurité.


Me TAKU :

Q. Avez-vous discuté de la manière dont vous deviez gérer cette crise politique résultante de... du décès du Président, et cela, conformément aux Accords d’Arusha ?

R. Je ne suis pas sûr d’avoir compris votre question. Mais de façon ramassée, nous avons discuté. Et ils ont même proposé que l’on poursuive les Accords d’Arusha, que la mission soit maintenue pour les aider.

Et du côté politique, mon intervention consistait à dire que, pour ma part, ils devaient se rapprocher du Premier Ministre, car c’était la plus haute autorité qui pouvait les aider et assurer cet état... et venir à bout de cet état de dépassement politique qui avait cours.

Q. N’est-il pas vrai, Général, que le président de la réunion vous a dit que la mise en exécution des Accords d’Arusha devait se poursuivre ?

R. Oui, il l’a dit.

Q. N’est-il pas vrai, Général, que vous avez soulevé la question de collaboration entre l’armée et le Gouvernement, et pas vraiment avec le Premier Ministre ?

R. Vous voudrez bien reformuler votre question, je vous prie.

Q. N’est-il pas vrai, Général, que vous avez soulevé la question de la collaboration entre l’armée et le Gouvernement et, plus précisément, avec le Premier Ministre ?

R. J’ai soulevé la question, à savoir que nous collaborions avec la Gendarmerie, les forces de sécurité, les forces militaires, cela pour poursuivre le rôle qui nous était assigné, c’est-à-dire maintenir la sécurité.

J’ai soulevé également la situation politique, relativement au Premier Ministre, pour répondre au président, le colonel Bagosora, qui disait qu’il voulait remettre le flambeau dès que possible à une organisation politique.

Q. Je fais noter, Général, que je n’ai posé aucune question sur la Gendarmerie. Ma question traitait de votre... de la collaboration. Vous avez soulevé la question de collaboration entre l’armée et le Gouvernement, précédemment, avec le Premier Ministre. Nonobstant, je vais passer à autre chose.

N’est-il pas vrai, Général, qu’il y a eu une diversion de vues quant au rôle du Premier Ministre… le rôle que le Premier Ministre Agathe devait jouer ? N’est-il pas vrai qu’il y a eu diversion de vues ?

R. Tout à fait, il y avait une grande divergence. Il y a eu une réaction très forte de la part du président de la réunion, à l’effet que le Premier Ministre de la coalition soit la... le leader politique plausible et suggéré. Dans son esprit, elle n’était pas efficace. Elle ne pouvait même pas mettre en place un gouvernement ; elle ne pourrait pas répondre aux attentes des populations ; elle ne pourrait pas répondre au respect des populations ; donc, elle n’avait aucun rôle, en d’autres termes, à jouer.

Q. Puis-je vous suggérer, Général, que dès le 4 avril 1994, il y a eu des informations relatives à des réunions tenues par le Premier Ministre, avec des autorités de sa région, en vue de fomenter un coup d’État, et la RTLM s’est fait l’écho de ces allégations ? Étiez-vous au courant de ces allégations ?

R. Pas du tout.

Q. N’est-il pas vrai, Général, que le fonctionnement effectif du Gouvernement de Madame Agathe a été freiné partiellement dès 1994 ?

R. En fait, nous en avons parlé en février, elle et moi-même, lorsque le MRND ou les ministres du MRND ont refusé de se présenter à ses conseils de ministres.

Q. Général, avez-vous parlé de l’attentat de l’avion présidentiel, plus précisément de ceux qui en seraient potentiellement responsables, au cours de cette réunion qui s’est tenue en avril 1994 ?

R. Non, seules... seules des recherches auraient dû être menées à cette fin.

Q. Avez-vous parlé... Avez-vous parlé de l’utilisation de la radio aux fins d’inviter… de s’adresser aux populations ?

R. Je ne me rappelle pas avec précision avoir parlé à l’assemblée du relais de la radio. Oui, c’était un élément, avais-je dit, qui devait être sécurisé dans la procédure normale en matière de sécurité.

Q. Général, nous allons passer à un autre point.

Général, quelle était la situation sécuritaire à Kigali la nuit qui a précédé cette nuit tragique
du 6 avril 1994 ?

R. Dois-je comprendre ou en déduire que vous voulez le sentiment que j’ai de la situation sécuritaire à la date du 5 avril ?

Q. Oui, c’est la nuit qui a précédé ; vous voudrez bien le faire, Général.

R. Au cours de cette soirée, il y avait des informations de plus en plus nombreuses sur des armes ;
il y avait des tirs d’armes légères, mitraillettes, grenades. Ma résidence a, également, essuyé quelques tirs. L’atmosphère générale se caractérisait par une tension considérable et une grave préoccupation. Au cours des semaines précédentes, cette tension n’avait fait qu’augmenter.

Q. Dans la nuit du 6 avril 94, quelle était la situation sécuritaire à Kigali ?

R. Le soleil venait juste de se coucher, il y avait quelques heures. Je ne me rappelle pas précisément autre chose que ce que je voyais avant. Donc, je ne peux pas dire quoi que ce soit de vraiment différent que ce que j’ai dit jusqu’ici.

Q. Quand, Général, avez-vous entendu dire, pour la première fois, que des excès étaient commis dans la ville ?

R. Je l’ai entendu — c’était très tôt dans la matinée — dans la matinée du 7.

Q. Général, dans l’application du mandat de la MINUAR au Rwanda, tant le représentant du Secrétaire général que le commandant des forces envoyaient des rapports à New-York sur la situation au Rwanda et à Kigali en particulier ; est-ce exact ?

R. Je suis désolé, je ne vous ai pas bien compris. Pouvez-vous répéter la question ?


M. LE PRÉSIDENT :
La question est de... était de savoir si vous envoyiez des rapports de situation à New-York, tous les jours.


Me TAKU :
Oui, Monsieur le Président.

R. Avant le déclenchement de la guerre civile et finalement du génocide, nous envoyions des rapports de situation chaque semaine. Et j’ai fait un appel téléphonique très tôt ce matin-là, à New York, et le premier rapport écrit a été envoyé au milieu de l’après-midi du 7.


Me TAKU :

Q. Général, dans votre déposition... dans votre déposition, par-devant la Chambre, lors de l’interrogatoire principal, vous avez déclaré que le général Kagame avait proposé d’envoyer deux bataillons à Kigali en vue d’aider les forces loyalistes à neutraliser la Garde présidentielle ; est-ce exact ?

R. Oui, il a fait cette proposition dans l’après-midi du 7.

Q. Savez-vous que dans l’un des rapports de situation envoyés à New York et qui couvrait la période du 9 au 10 avril 1994...

Monsieur le Représentant du Greffe, voulez-vous remettre le document n° 42... n° 1 plutôt, le document n° 1 au général Dallaire ?

(Le représentant du Greffe s’exécute)


M. KOUAMBO :
Juste, une seconde, Maître Taku, le Procureur examine le document.


Me TAKU :
Le Procureur est ici... Monsieur Bâ.


M. KOUAMBO :
Je voudrais dire le représentant du Procureur.

Le général Dallaire a, maintenant, le document sous les yeux.


Me TAKU :
Merci. Je vais maintenant poser ma question :

Q. Savez-vous, Général Dallaire, que le rapport de situation que vous avez sous les yeux, qui couvre la période du 9 au 10 avril 1994… il est dit au paragraphe premier que la situation générale, après l’assassinat, du Président est la suivante — je cite : « chaotique ». « Les forces du FPR ont proposé de se joindre aux FAR pour lutter contre la Garde présidentielle en vue de faire cesser des massacres dans la zone de Kigali » ; avez-vous connaissance de ce rapport de situation ?

R. Pardonnez-moi de le dire, mais le code câblé que j’ai sous les yeux couvre la période
du 11 — 600 — à 12 — 600 — avril 94, je n’ai pas le rapport du 9 — 0600 — au 10 — 0600.


M. LE PRÉSIDENT :
La première page donne la date.


Me TAKU :
Oui, je peux le voir. Je parle de la page K000706, si vous voulez vous reporter à cette page.

R. Très bien, je l’ai trouvée. Une minute.

(Le témoin Roméo Dallaire consulte le document)

Oui, très bien, j’y suis.


Me TAKU :

Q. Cette page décrit la situation générale après l’assassinat du Président, et il est dit — je cite : « Que la situation est chaotique. Les forces du FPR ont attaqué la Garde présidentielle, en vue d’aider les forces loyales... loyalistes à arrêter les assassinats et tueries perpétrés autour de Kigali et à l’intérieur de Kigali. » Vous rappelez-vous ce rapport de situation ?

R. Je suis désolé que je ne me rappelle pas spécifiquement, mais je note qu’il a été envoyé par mon quartier général et signé par Monsieur Booh-Booh, et que ce rapport reflète bien les informations que je recevais du comité de crise.

Q. Général, pouvez-vous expliquer à la Chambre de quelles forces on parle, lorsqu’on dit que les forces du FPR ont attaqué les gardes présidentiels en vue d’aider les forces loyalistes à faire cesser les assassinats et tueries ?

R. Un instant, s’il vous plaît.

Les forces loyalistes dont je parle ici sont celles qui ne sont pas encore allées au-delà des règles du KWSA et pour lesquelles je disais que le comité de crise disposait encore d’un certain contrôle.

Q. Pendant que vous avez encore ce SITREP sous les yeux... Gardez-le devant vous, Général : Pouvez-vous confirmer, Général, que... à compter du 9 avril 1994, que vous contrôliez directement le CND, Amahoro… « la » voisinage d’Amahoro, la route vers l’aéroport ? Je vous renvois au paragraphe 3 de ce document que vous avez sous les yeux. Pouvez-vous confirmer ces faits du SITREP que vous avez sous les yeux ?

R. Oui, je suis à ce paragraphe.

Q. Je vous le concede. N’est-il pas exact...

R. Oui, c’est écrit.

Q. Général, n’est-il pas exact de dire que le FPR a également érigé des barrages routiers dans la ville de Kigali ?

R. Oui, au titre de leurs actions de défense, leurs soldats ont monté des positions tactiques de défensive, y compris des barrages routiers qu’ils contrôlaient.

Q. N’est-il pas exact que le FPR a tué un nombre indéterminé des personnes qui ne participaient pas au conflit, notamment l’embuscade d’un véhicule civil devant le complexe du CND, tel que cela est mentionné dans le SITREP que vous avez sous les yeux, SITREP envoyé par Monsieur Booh-Booh à New-York et qui fait état de nombreux civils tués ?

R. Où puis-je trouver cette information dans le SITREP ?

Q. Examinez le paragraphe 1, et je vais vous le lire :

« Un premier incident est juste survenu devant le complexe du CND, un véhicule a été attaqué par le FPR au motif que c’était un minibus bleu sans inscription de la Croix-Rouge. Le FPR prétend... »

R. Oui, oui, j’y suis.

Q. N’est-il pas exact que le FPR a tué des civils ?

R. Il s’agit là d’un incident d’attaques ou d’événements collatéraux. Je ne peux le nier, ils menaient des opérations des deux… des deux parties dans la zone urbaine où des civils couraient des risques. Oui, cela a bien eu lieu.

Q. Général, je vais passer à autre chose.

À quelle heure, Général, avez-vous appris que les Belges des forces de la MINUAR étaient en danger au camp Kigali ?

R. À quelle heure ? Je sais que, quand je conduis à côté... Eh bien, je ne pense pas que j’avais des informations à ce moment-là. Non, je ne peux pas vous dire à quelle heure, je ne me le rappelle pas.

Q. N’est-il pas exact, Général, que vous avez vu les cadavres de deux Belges sur le sol — déjà donc morts à ce moment-là ?

R. Oui, lorsque je suis passé en véhicule à côté, alors que je me rendais à la réunion présidée par le colonel Bagosora — donc, quand nous passions en véhicule —, j’ai vu au deuxième portail des camps Kigali deux personnes en tenue... en uniforme belge qui étaient couchées par terre. Oui.

Q. Général, puisque vous ne savez pas à quelle heure vous y êtes arrivé, je vais faire une déclaration générale. Le moment où vous êtes arrivé à la réunion à l’ESM, c’était à quelle heure ? N’est-il pas exact qu’à cette heure-là, vous avez vu deux soldats belges sur le sol probablement déjà morts ?

R. J’ai vu ce qui semblait être deux soldats belges qui étaient couchés dans le complexe. Oui.

Q. N’est-il pas exact que vous ne vous êtes pas arrêté, mais avez poursuivi votre chemin vers l’académie militaire ?

R. Oui, c’est vrai, la voiture ne s’est pas arrêtée sur ma demande. Nous avons continué sur 100, 150 mètres — je ne sais plus exactement — pour arriver à l’ESM.

Q. Veuillez dire à notre Chambre, Général Dallaire, pourquoi vous n’avez pas essayé, séance tenante, de sauver ces militaires qui, en fait, étaient vos hommes ?

R. Tout d’abord, je voudrais m’adresser aux Honorables Juges, si je le puis.

Q. À quel propos ? J’aimerais savoir exactement sur quel sujet... Pourquoi voulez-vous parler aux Honorables Juges ? La question est simple : Veuillez dire à l’honorable Chambre pourquoi vous n’avez pas essayé, séance tenante, de porter secours à ces soldats qui étaient les vôtres. La question est simple, vous avez la réponse.

R. Je répondrai à cette question, lorsque j’aurai eu l’occasion de m’adresser au Président de la Chambre.

Q. Sur quel point ; sur quel sujet ?

M. LE PRÉSIDENT :
Q. Oui, Monsieur le Témoin, sur quel sujet voulez-vous entretenir la Chambre ?

R. Bien évidemment, je suis ici en qualité de témoin à charge, relativement à ces personnes qui sont détenues, et je voudrais participer à cet effort incommensurable pour faire éclater la justice. Et je voudrais dire qu’en fait, cette ligne de questionnement va au-delà... se démarque... — je ne sais pas comment le dire —, mais je ne comprends pas vraiment quel est l’objet de ce procédé juridique ou judiciaire. Je serais heureux de répondre aux questions qui ont trait directement aux incidents et à l’implication de ces personnes qui sont par-devant la Chambre.


M. LE PRÉSIDENT :
Il y a des accusations qui sont retenues contre ces soldats belges, c’est pour cette raison que le Conseil de la défense vous pose cette question.

Oui, vous pouvez poursuivre, Maître.


Me TAKU :
Monsieur le Président, Honorables Juges, j’en déduis qu’il ne veut pas répondre à cette question. Puis-je en tirer cette déduction et poursuivre ?


M. LE PRÉSIDENT :
Il voulait des précisons, les précisons ont été apportées. À présent, vous pouvez poursuivre.


Me TAKU :

Q. Général Dallaire, veuillez dire à la Chambre pourquoi vous ne vous êtes pas... vous n’avez pas immédiatement essayé de porter secours à ces militaires, en l’occurrence vos hommes ?

R. Je l’ai fait. J’ai demandé... J’ai demandé au conducteur du véhicule, sur un ton dur — c’était un officier de l’armée rwandaise —, de s’arrêter, car j’avais vu deux de mes hommes. Il a dit que non, il y avait beaucoup trop de chaos, beaucoup trop de risques dans le camp et que nous devions aller immédiatement à l’ESM. Et au moment où nous sommes arrivés là, nous étions déjà au portail de l’ESM. Et à ce moment-là, maintenant que mes forces étaient une cible potentielle, alors la situation s’aggravait davantage, relativement à la sécurité qui avait... dont on avait déjà fait état, suite aux informations que j’avais reçues de mon quartier général. Donc, j’étais responsable d’autres hommes, d’autres militaires. Ainsi donc, nous ne pouvions pas retrouver ceux qui étaient à l’aéroport, qui étaient sous tirs ou sous menaces des forces gouvernementales.

Ces deux ont confirmé que je me retrouvais donc dans une situation de précarité, relativement à l’état de sécurité qui prévalait à Kigali, à l’époque.

Q. N’est-il pas vrai, Général Dallaire, qu’au moment de votre arrivée à l’ESM, vous avez rencontré le capitaine Apedo, l’observateur direct de la MINUAR qui vous a informé de la situation au camp Kigali ?

R. Oui, il m'a dit que les... les militaires… En fait, il est venu vers moi, car je m'avançais vers la salle de réunion, il m'a dit que les militaires étaient tabassés et que la situation était chaotique dans le camp. Je leur ai dit d'y rester avec les militaires ghanéens qui s'y trouvaient déjà sous la supervision de plusieurs forces gouvernementales, que je pourrais donc aller directement à ma réunion.

Q. À votre réunion... À votre arrivée à l'ESM, la réunion avait-elle débuté ?

R. Oui, lorsque je suis entré dans la salle, la réunion avait déjà commencé.

Q. Vous voudrez bien dire aux Honorables Juges, Monsieur... au… Général Dallaire, l'heure à laquelle vous êtes entré à la réunion qui s'est déroulée à l'ESM.

R. Je ne peux vous dire avec exactitude, je pense qu'il devait être aux environs de 11 heures, mais je suis désolé, je ne saurais y répondre.

Q. Qu'avez-vous vu ou trouvé dans la salle ?

R. La salle n'était pas très bien éclairée, mais d'emblée, j'ai pu voir le colonel Bagosora à la tribune, le général Ndindiliyimana qui s'asseyait... qui était assis à la table à côté de l'estrade. Et autant que je pouvais en voir, les chaises de la salle étaient occupées par des officiers rwandais de la Gendarmerie, tout à la fois, et de l'armée.

Q. N'est-il pas vrai, Général Dallaire, que vous avez trouvé sur place tout le commandement de la Gendarmerie et de l'armée… des Forces armées rwandaises ?

R. L'estimation que je faisais de la situation lorsque je me suis assis, que j'ai regardé autour de moi, m'a donné l'impression que lorsque l'on regardait les quatre structures, elles n'étaient pas toutes présentes, mais vous aviez effectivement la plupart des éléments.

Q. N'est-il pas vrai que l'on vous a donné la parole pour vous adresser au commandant qui était présent, vous n'avez jamais soulevé la question… le problème des soldats belges qui avaient été massacrés au camp Kigali ?

R. Tout d'abord, je n'avais pas été informé de ce que mes hommes étaient massacrés au camp Kigali. Secundo, pour le reste de mes troupes, il était critique que je prenne une décision, à savoir si je voulais retirer ma mission, car nous faisions l'objet d'attaques ou s'il s'agissait tout simplement d'une situation qui était dans des mains locales, et ce faisant, quelle serait ma mission subséquente, quant au mandat que j'avais reçu, relativement aux Accords de paix d'Arusha.

Dans ce contexte, donc, j'ai décidé, de manière spontanée, sur la base de mon expérience professionnelle, que j'allais rester au Rwanda et aider autant que possible « de » sauver les Accords de paix… les Accords d'Arusha. Même si quelque part à l'esprit, j'avais présent le fait que nous avions reçu l'information selon laquelle le contingent belge de la MINUAR serait ciblé, mais j'étais déterminé à rester. Nous devions rester et aider les Rwandais à essayer de gagner… maintenir le contrôle de leurs forces, et ce, ne pas commencer les opérations qui, finalement, mettraient en danger toute la mission.

Q. Lorsque vous avez pris la parole, Général Dallaire, pour vous adresser à ces commandants qui étaient présents, avez-vous soulevé la question, c'est-à-dire le problème de ces troupes belges dont on… l'on… on vous avait parlé et qui auraient été massacrées au camp Kigali ? Telle est ma question, Général Dallaire ?

R. Je ne suis pas d'accord avec votre question, lorsque vous dites qu'ils étaient massacrés. Si vous me dites... Si vous me demandez si j'ai soulevé la question à dire que j'avais eu des cas à camp Kigali, là je peux vous répondre, et je dirais que non.

Q. D'une manière ou d'une autre, avez-vous essayé de les faire intervenir pour se porter au secours de ces militaires belges ?

R. J'ai décidé en ce laps de temps que si je lançais une quelconque opération contre les forces, soit des belligérants… particulier avec le représentant spécial, alors j'avais très peu de chance de réussir, que j'allais connaître beaucoup plus de décès, que j'allais mettre « sous » risque non seulement ceux qui menaient les opérations, mais également le reste de mes forces qui se trouvaient derrière les forces des FAR, que nous ne pouvions pas accepter ce risque, et que nous ne pouvons donc pas mener aucune mission de secours. Il fallait donc que nous essayions de négocier pour les sortir de cette impasse.

Q. Question : Général Dallaire, lorsque vous étiez à cette réunion à l'ESM, avez-vous essayé de les amener… — c'est-à-dire ceux qui s'y trouvaient — les amener à intervenir pour sauver ces malheureux militaires ou soldats belges ?


M. LE PRÉSIDENT :
Il a répondu, il a dit que non.


Me TAKU :
Je vous remercie, Honorable Juge.

Q. Combien de temps avez-vous passé où êtes-vous resté à la réunion ?

R. Ah ! Je ne sais pas. Peut-être une heure, plus ou moins… tout au plus à l'ESM. J'y étais pour la réunion du sous-comité, relativement à la déclaration qui devait être faite auprès des populations. Je pensais pouvoir y contribuer, afin d'indiquer notre volonté à aider pour continuer à stabiliser la situation.

Q. Et pendant tout ce temps, Général, vous n'avez pas essayé de... d'amener cette réunion et tous ces commandants à sauver ces vies humaines en danger, n'est-ce pas ?

R. Vous parlez de vies humaines, nous avions eu déjà beaucoup de massacres, et nous avions confirmation et rapport de ces actions. Mon intervention, c'était auprès du chef d'état-major de la Gendarmerie, et je lui ai parlé de ce qui se passait au camp Kigali, les actions que nous allions entreprendre. Il m'a répondu qu'ils allaient y réfléchir et que la situation était difficilement contrôlable, mais qu'ils allaient résoudre ce problème. C'était là les actions. Et le reste, il s'agissait de voir comment nous allions continuer à travailler de concert pour essayer de stabiliser la situation à Kigali.

Q. Général Dallaire, dans votre livre, J'ai serré la main du diable — à la page 239, version anglaise, Honorables Juges, « à la » page 310, 311, version française —, vous déclarez ce qui suit — je cite…


L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Les interprètes n'ont pas le livre.


Me TAKU :
Je cite, Honorables Juges.

Je suis désolé, Honorables Juges, je n'ai que la version anglaise, je n'ai pas une copie de la version française, je vais lire très lentement pour que les interprètes puissent nous aider dans la traduction.

Je cite, Honorables Juges, les paragraphes qui sont pertinents pour cette question.

« Je n'ai pas soulevé la question des soldats belges dans ce discours parce que je voulais en discuter avec Bagosora tout seul. C'est cette décision, en partie, qui a contribué au décès des 10 soldats placés sous mon commandement. Les commandants passent leur carrière à se préparer pour le moment où ils devront choisir entre des propositions vagues dans l'utilisation de leurs troupes ; indépendamment de la décision qu'ils prennent, certains de leurs hommes mourront certainement. Ma décision a arraché des fils à leurs parents, des maris à leurs femmes, des pères à leurs enfants. Je savais le coût de ma décision. Je risquais la vie des Belges au camp Kigali. »

Q. Question : Devons-nous comprendre par cela, Général Dallaire, qu'en effet, vous assumiez une certaine responsabilité dans la mort tragique des Casques bleus belges ?

R. Vous avez parfaitement raison, j'étais le commandant. Et en tant que commandant, j'étais responsable de tous mes soldats et de tout ce qui leur arrivait.

Q. Général Dallaire, n'est-il pas exact que les soldats belges ont reçu des ordres pour se rendre chez le Premier Ministre Agathe à 3 heures du matin, et ils sont arrivés à 5 heures du matin ?

R. Ils ont effectivement reçu les ordres. Donc, j’ai aussi transmis les informations au commandant de secteur de Kigali ; quant à l'heure précise, je ne l'ai pas.

Q. Avez-vous informé l'armée rwandaise pour une coordination de cette mission ?

R. Non, je ne l'ai pas fait.

Q. Général Dallaire, avez-vous connaissance du rapport des militaires belges appelé KIBAT ?

R. Je ne sais pas de quoi vous parlez au sujet de ce rapport.

Q. Avez-vous connaissance du rapport du contingent des Belges à la MINUAR, rapport appelé « rapport KIBAT » ?

R. KIBAT était le contingent belge, et le bataillon affecté au système de sécurité de Kigali.

Q. Je parle du rapport KIBAT, je suis désolé ; avez-vous connaissance du rapport KIBAT ?

R. Nous avions des rapports KIBAT depuis près de quatre mois ; quel rapport particulier avez-vous à l'esprit ?

Q. Je pense, le rapport publié par le colonel Dewez en 1995.


M. BÂ :
À quoi se rapporte-t-il ce rapport, dites-vous ?


Me TAKU :
Rapport KIBAT.


M. BÂ :
Quelle est sa date ? Il a été publié quand ?


Me TAKU :
Il a été versé en preuve ici. Vous avez posé des questions à ce sujet à un témoin. Ce document a été versé ici, et vous savez très bien de quoi on parle.


M. BÂ :
(Début de l’intervention inaudible)… de préciser la date. Mais je connais ce rapport, et je l'ai.


Me TAKU :
Et vous connaissez aussi bien la date donc ?


M. BÂ :
Est-ce que le témoin connaît, lui, la date ?


Me TAKU :
Dans tous les cas, je vais poser la question ; peut-être, à partir de la question, le témoin va comprendre.

Q. Dans ce rapport, Général Dallaire, il est déclaré...


M. BÂ :
Est-ce que vous pouvez préciser la date de ce rapport ? Quand est-ce qu'il a été publié ? Pour que ça soit clair dans l'esprit du témoin. Il ne faut pas le mener en bateau.


Me BLACK :
Si ma mémoire me sert bien, c'est septembre 1995.


M. LE PRÉSIDENT :
Est-ce le rapport, Maître Taku, qui figure dans votre dossier qui... qui a pour rapport (sic) K0002136 ?


Me TAKU :
Pendant que nous cherchons le rapport, je vais passer à autre chose. J'y reviendrai, Honorables Juges.

Q. Général, convenez-vous avec moi que, avant d'arriver à la résidence du Premier Ministre Agathe autour du 5 heures du matin, ces Casques bleus belges ont franchi plusieurs positions militaires tenues par les forces gouvernementales rwandaises ?

R. Le rapport que je me rappelle avoir reçu — ce rapport verbal — était qu'il leur a pris beaucoup de temps pour s'y rendre parce qu'ils devaient franchir des barrages routiers déjà érigés à cet endroit.

Q. Convenez-vous avec moi que si des ordres avaient été donnés pour les tuer, ils auraient été tués à l'une quelconque des positions de défense des Forces armées rwandaises ?

R. Je ne peux pas croire à une question. Posez-moi la question : Qui donnait les ordres ? Quelle unité devait effectuer cette tâche ? Donc, qui devait dire aux forces armées rwandaises d'être en alerte, si elles voyaient les Belges, de les tuer ? J'avais déjà des Belges à l'aéroport ; j'avais d'autres Belges qui se rendaient dans la zone de... où l'avion s'était écrasé ; j'avais aussi des Belges au quartier général à Kigali ; j’avais des Belges… Enfin, je ne peux pas répondre à une question comme celle-là.

Q. Général, n'est-il pas exact que... — eh bien, ce chiffre semble sujet à controverse, je vais poser la question — que ces Belges ont été amenés de la résidence d'Agathe par des militaires de l'armée rwandaise ?

R. Oui, c'est l'information qui a émané de l'enquête et que j'ai reçue.

Q. Convenez-vous avec moi... Convenez-vous avec moi que si des ordres avaient été donnés pour les tuer, ils auraient été tués dans la résidence du Premier Ministre ?

R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Pas du tout.

Q. Général, n'est-il pas exact qu'il y avait des soldats belges à l'aéroport de Kanombe ?

R. Tout à fait. C'est vrai.

Q. Et n'est-il pas exact qu'ils avaient des problèmes avec les militaires rwandais qui les ont retenus à l'aéroport pendant la nuit du 6 avril 1994 ?

R. J'ai reçu un rapport dans la matinée, selon lequel effectivement un groupe d'environ… un certain groupe avait été retenu par les forces gouvernementales rwandaises… un peloton.

Q. Convenez-vous avec moi que si des ordres avaient été donnés pour tuer des soldats belges de la MINUAR, l'armée rwandaise les aurait tués à l'aéroport ?

R. Non, pas nécessairement.

Q. Connaissez-vous Ngango Félicien ?

R. Je ne me rappelle pas le nom.

Q. Dans tous les cas, puisque vous ne vous rappelez pas ce nom, le capitaine Lemaire — je pense qu'il est maintenant major — est venu déposer ici à charge le 7 avril 1994… s'agissant du 7 avril 94, que cette personne, Ngango Félicien, était gardée par des soldats belges et que les soldats rwandais n'ont ni tué ni blessé ces soldats, mais, malheureusement, ont été attaqués par la famille de Ngango. Convenez-vous que s'il y avait eu des ordres de tuer les Casques bleus belges, les militaires rwandais qui étaient venus chez Ngango auraient tué ceux qui assuraient la protection de la famille de Ngango ?

R. Je n'ai jamais entendu parler de cet incident. Et je ne suis pas certain que j'aie vraiment compris en quoi consistait cet incident. Peut-être, voulez-vous le relater à nouveau ?

Q. Considérons que vous avez répondu, puisque vous dites que vous n'en avez jamais entendu parler. Je vais passer à autre chose.

Général, n'est-il pas exact que vous avez ordonné une enquête sur la mort des Belges, c'est-à-dire une commission d'enquête dirigée par le colonel Dunkov ?


Me TAKU :
Monsieur le Représentant du Greffe, veuillez présenter au général le document n° 13, « K0002136 ».

(Le représentant du Greffe s'exécute)

R. J'ai le document, et je l'ai examiné.

Q. Général, reportez-vous à la page K002141 (sic). Le document a été signé le 10 mai 1994, à Kigali, Rwanda. Et je voudrais vous reporter précisément, Général, au paragraphe 2 du même document, à la page K0002141, « Conclusions de la commission », tel est son intitulé au paragraphe 2.

Avec l'autorisation de la Chambre, je vais en donner lecture :

« Il n'y a aucune preuve jusqu'ici d'une participation directe... »


M. BÂ :
Maître, quel paragraphe vous lisez ?


Me TAKU :
Il s'agit du paragraphe 2. Paragraphe 2, Éminent confrère, page K002141 (sic). C'est la dernière page.


M. LE PRÉSIDENT :
Dernière page, paragraphe 2.


M. BÂ :
Merci bien.


Me TAKU :
Q. Qui dit, Général, ce qui suit — je vais en donner lecture, paragraphe 2 :

« Il n'y a aucune preuve, à ce stade, d'une participation directe des officiers des FAR dans les tueries. En outre, certains des officiers ont essayé de persuader les soldats agités, ils ont essayé de les persuader à se disperser et « de » mettre un terme aux massacres. Cependant, toutes les tentatives ont été vaines. »


M. LE PRÉSIDENT :
Maître, le témoin est dans l'attente de votre question.


Me TAKU :

Q. N'est-il pas vrai… N'est-il pas exact que ces rapports corroborent les conclusions ou plutôt que ce rapport corrobore les enquêtes selon lesquelles certains officiers, parmi lesquels le colonel Nubaha, ont essayé de persuader les officiers agités à se disperser et à arrêter les massacres et que toutes les tentatives ont été vaines ?

R. Oui, ce sont, là, les renseignements ou les informations que j'avais reçus verbalement d'autres sources, et la commission en est arrivée également à la même conclusion. Oui, vous avez raison.

Q. Convenez-vous, Général, que si l'on avait donné des ordres pour tuer les Belges, ces officiers n'auraient jamais intervenu... ne seraient jamais intervenus pour essayer de leur… de les sauver ?


M. LE PRÉSIDENT :
Vous venez de nous citer le nom du colonel Nubaha, Maître, je ne retrouve pas ce nom.


Me TAKU :
Un moment, Monsieur le Président.

(Concertation au sein de l’équipe de la Défense)

Monsieur le Président, Honorables Juges, en fait, c'est un autre rapport qui est arrivé à la même conclusion, un autre rapport (sic) qui a mené des enquêtes et qui est arrivé à la même conclusion.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, mais le témoin examine le présent document, au stade où nous en sommes.


Me TAKU :
Oui, nous y reviendrons, si possible.

La question était la suivante… Oui, il a déjà répondu.

Un petit moment, Honorables Juges.

Q. Convenez-vous, Général, que des rumeurs ont circulé dans lesquelles était allégué que c'étaient les Belges qui avaient abattu l'avion présidentiel, tuant le Président rwandais et son homologue, le Président burundais ?

R. Oui, j'ai eu vent de ces rumeurs, lorsque je m'entretenais avec le colonel Bagosora et que ces rumeurs étaient relayées par la RTLM. À mon quartier général, par la suite, j'ai été informé de ce qu'ils avaient reçu les mêmes rumeurs, les mêmes informations qui étaient propagées. Il s'agissait des mêmes rumeurs.

Q. Général, à la lumière de ces éléments... Général, à la lumière de ces éléments, puis-je vous suggérer que ce qui s'est passé au camp Kigali et au cours de quoi... ten... 10 soldats belges de la MINUAR ont été tués était une réunion, il ne s'agit pas de l'exécution d'un ordre quelconque ?

J'ai en face de moi, Général, le procès-verbal de votre déposition en l'affaire Militaires I, à la date
du 23 janvier 2004, en sa page 4, ligne 7 à 10. L'on vous posait les questions suivantes, relativement à ces éléments :

« Et subséquemment à ce qui s'est passé à la nuit ou en la nuit du 6 et en la nuit du 7, ne pourrions-nous pas faire nôtre la théorie selon laquelle lesdits Casques bleus qui ont été massacrés au camp Kigali auraient pu refléter une mutinerie de militaires sans pour autant que d'autres aient pu être exécutés et sans leur exécution ? »
Vous avez répondu à cela, Général, « Oui, sans aucun ordre à être exécuté ». Précision de la question.

R. Oui, tout à fait. Imaginez que j'aie attaqué le camp pour me rendre compte que ce sont des groupes isolés de militaires qui avaient mené cette opération, que s'en serait-il suivi ?

Q. Général, je voudrais savoir si votre réponse à ma question est la même que celle que vous avez apportée lors du procès en l'affaire Bagosora, c'est-à-dire oui.

R. Oui, je suis d’accord, c’est la même réponse, c'est une possibilité.

Q. Je vous remercie infiniment. Général Dallaire...


M. BÂ :
(Début de l'intervention inaudible)... la requête que je vous fais simplement, Maître Taku, c'est de rendre vos questions plus simples, parce qu'elles sont souvent trop longues ; ce qui fait que vous avez, parfois, des réponses qui ne correspondent pas à vos questions.


Me TAKU :
Je vous remercie, Monsieur Bâ ; je vous remercie infiniment pour cette intervention.

Q. Général Dallaire, le 7 avril 1994, vous avez envoyé un rapport à Monsieur Baril aux Nations Unies, à New York, relatant les événements graves qui ont mis sous choc la ville de Kigali, n'est-ce pas ?

R. Je ne sais plus si je l'ai envoyé au général Baril, je l'ai envoyé au DPKO ; je ne l'ai pas signé, j'étais présent, mais j'ai demandé à mon collaborateur de le faire ; oui, c'est exact.


Me TAKU :
Honorables Juges, devons-nous poursuivre ou pouvons-nous observer une courte pause ?


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


Me TAKU :
Pardon ?


M. LE PRÉSIDENT:
Je pense que nous allons observer une pause.


Me TAKU :
Combien de temps ?


M. LE PRÉSIDENT :
Nous allons observer une pause de 15 minutes ; reprise à 17 h 30.


Me TAKU :
Dois-je poursuivre ? Je demandais une petite pause maintenant.


M. LE PRÉSIDENT :
Nous allons observer une pause maintenant et reprendre à 17 h 45.

L'audience est suspendue pour une demi-heure.

(Suspension de l'audience : 17 h 15)


(Reprise de l’audience : 17 h 50)


M. LE PRÉSIDENT :
L’audience est reprise.

Maître Taku, vous pouvez continuer.


Me TAKU :
Je voulais voir le témoin apparaître à l’écran.


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


Me TAKU :
Très bien. Merci, Monsieur le Président.

Q. Général Dallaire, vous avez dit que, pendant la réunion tenue au quartier général de l’armée dans la nuit du 6 avril 1994, vous avez demandé à entrer en contact avec le Premier Ministre Agathe, mais le Président de la réunion s’est opposé à cette requête ; est-ce exact ?

M. DALLAIRE :
R. C’est exact.

Q. Êtes-vous entré en contact avec le Premier Ministre, pour l’informer de la situation ?

Dans l’affirmative, à quel moment ?

R. Je suis un peu perdu. Lui ai-je parlé avant d’aller chez Monsieur Booh-Booh ? Je crois que je l’ai fait, parce que j’ai discuté « du » sujet de Madame Agathe qui devait se rendre à la radio avec Monsieur Booh-Booh... j’en ai discuté avec Monsieur Booh-Booh ; et le contenu de la discussion concernait le fait qu’elle devait parler même si le comité de crise n’était pas présent.

Q. Général Dallaire, qui a pris la décision selon laquelle le Premier Ministre devait s’adresser à la nation rwandaise ?

R. Une fois de plus, de mémoire, c’est une décision qui a été prise mutuellement. Nous en avons discuté. Cela s’était déjà passé en février et nous pensions, donc, que c’était le processus normal. Donc, je dois... dois dire... Je ne sais pas qui a soulevé la question, moi ou elle, mais cette question a été soulevée.

Q. Connaissant l’opposition manifestée à la collaboration avec elle, Général Dallaire, vous avez quand même décidé d’amener le Premier Ministre à prononcer un discours sur les ondes de Radio Rwanda ; est-ce exact ?

R. C’est exact.

Q. Pouvez-vous dire à la Chambre pourquoi ?

R. Dans le cadre de mes… de mes activités, dans le cadre de la mission en vue d’aider le Rwanda, mon analyse de la situation, s’agissant de la situation politique du moment, était qu’il semblait complètement illogique que nous n’allions pas voir une personne jouissant d’une autorité politique. En tout cas, c’était là mon évaluation en tant que militaire, vu les événements.

C’est la raison pour laquelle je suis allé, avec le colonel Bagosora, chez le Représentant spécial et j’en ai discuté avec lui.

Q. Général, avez-vous... avez-vous informé les autorités militaires de votre décision d’amener le Premier Ministre...


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Interruption.


Me TAKU :

Q. Le 22 janvier 2004, le compte rendu d’audience en l’affaire Militaires I, page 27, lignes 11... 10 à 11. On vous a posé cette question, lignes 10 à 11. Et votre réponse était « non ».

R. Ma réponse demeure la même.

Q. Général Dallaire, est-ce vous qui avez donné les ordres nécessaires pour que le contingent belge fournisse l’escorte ?

R. J’ai donné les instructions au commandant de secteur Kigali, le colonel Marchal, de le faire.

Q. Avez-vous informé les autorités militaires rwandaises qu’un détachement armé du contingent belge allait se déployer au centre de la ville, en vue de protéger l’allocution du Premier Ministre ?

R. Cela ne rentrait pas dans le cadre de la procédure de la KWSA. Il n’était donc pas nécessaire de le faire.

Q. N’est-il pas exact, Général, que lorsque vous vous rendiez à la réunion à l’ESM, dans la matinée
du 7 avril 1994, vous saviez déjà que le Premier Ministre était en danger et s’était réfugié dans le complexe du PNUD ?

R. J’ai... J’avais été informé par le personnel de sécurité du PNUD qu’une VIP se trouvait dans le complexe du PNUD, et lorsque je me suis rendu au centre de la ville, après m’être frayé le chemin devant les gardes, à l’hôtel Mille Collines, ma première... mon premier arrêt a été donc au complexe du PNUD.

J’ai sauté par-dessus la barrière, j’y suis entré, j’ai regardé partout, j’ai frappé, il n’y avait absolument aucune réponse. Cela n’était pas inhabituel, parce que les gens avaient peur de ceux qui venaient frapper aux portes et qui les ouvraient.

Donc, à ce moment-là, sans autre information, j’ai poursuivi ma fonction première, à savoir me rendre au Ministère de la défense.

Q. Avez-vous informé les commandants militaires, que vous avez trouvés à la réunion, de la situation du Premier Ministre au complexe du PNUD ?

R. À ce moment, les VIP... les personnes les plus importantes pour moi n’étaient pas le Premier Ministre. Donc, je ne l’ai pas fait.

Q. Général Dallaire, étant donné les circonstances, c’est-à-dire l’assassinat du Président Habyarimana, ne pensez-vous pas que ces arrangements clandestins auraient pu donner l’impression que c’est plutôt vous qui avez fomenté un coup d’état en faveur du Premier Ministre Agathe ?

R. Cela ne m’a jamais traversé l’esprit.

Q. Passons à autre chose.

Général, n’est-il pas exact que vous étiez commandant d’une base militaire composée de plus de 600 personnes, y compris des civils ?


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Taku, avez-vous posé une question au témoin ?


Me TAKU :
Oui, Monsieur le Président, je lui ai demandé s’il était vrai qu’il était commandant d’une base militaire composée de plus de 600 personnes, y compris des civils.


R. J’« ai » des responsabilités de commandement de plus de 30 ans, et j’ai eu sous ma responsabilité plus de personnes que ce chiffre que vous avez donné. Pouvez-vous être plus précis sur votre question ?


Me TAKU :

Q. Vous avez déposé en l’affaire Militaires I, le 26 janvier 2004… — page 80, Honorables Juges, lignes 33 à 37 — je vais lire cet extrait, ce qui pourrait vous aider...


M. BÂ :
Quelle page, Maître Taku ?


Me TAKU :
Page 80.


M. BÂ :
Merci.


Me TAKU :

Q. Question... Paragraphe 33, question : « L’élément que je voudrais établir avec vous est que, lorsque vous êtes en faction ou bien sur une base, vous êtes le commandant de la base. »

Réponse : « Oui. »

« Bien évidemment, vous êtes responsable de tout ce qui se passe dans cette base ? »

Réponse : « Vous êtes comptable et responsable de ce qui se passe. »

« Donc, vous dites que, sur plus de 30 années de carrière militaire, vous avez été commandant de bases militaires ou de camps militaires ? Et cela fait en tout 30 ans ? »

« Oui, à plusieurs époques ou à plusieurs moments de ma carrière. Oui. »

Et je vous posais la même question que celle qui vous a été posée en l’affaire Militaires I :

N’est-il pas exact que lorsqu’on est commandant d’une base militaire ou d’un camp militaire, alors cette personne est responsable de tout ce qui se passe dans l’enceinte dudit camp ?

En Militaires I, vous avez répondu : « Bien évidemment, oui, la personne est comptable et responsable. »

Maintenez-vous la même réponse, Général Dallaire ?

R. Oui, si je suis commandant d’une base donnée, alors je suis comptable et responsable de toutes les décisions et les actions sur cette base.


Me TAKU :
Honorables Juges, nous allons passer au point suivant, et je demanderais aux techniciens de bien vouloir nous aider.

Mais avant de ce faire, je voudrais poser la question suivante au général Dallaire :

Q. Général, puis-je dire que vous avez accordé un entretien, une interview à des radios… à une radio canadienne — entrevue... entretien au cours duquel l’on vous a posé des questions sur les événements au Rwanda alors que vous étiez commandant de la force, la MINUAR ?

Il s’agit d’une liste de documents que nous avons communiqués au représentant du Greffe, Honorables Juges.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Taku, pourquoi ne pas préciser la question ? Quand cet entretien a-t-il eu lieu ?


Me TAKU :
Nous allons lui donner ces documents, et il va nous préciser tous ces éléments.

Un moment, Honorables Juges.

C’est le « numéro » C. Nous avons communiqué les pièces C et D au représentant du Greffe à La Haye (sic).

Nous aimerions que les techniciens nous aident à projeter ce document à l’écran et je leur dirai alors les passages pertinents en l’espèce.

Honorables Juges, les techniciens disent... ou voudraient qu’on puisse leur accorder cinq minutes pour que ce CD puisse être projeté à l’écran.


M. LE PRÉSIDENT :
Ce faisant, pourquoi ne pas passer à autre chose et revenir sur le CD plus tard ?


Me TAKU :
Honorables Juges, je pense… comme vous le verrez après ce CD, alors j’en aurai terminé. Il s’agira là de la fin de mon contre-interrogatoire.

(Les techniciens s’exécutent)


M. LE PRÉSIDENT :
Ce faisant, Maître Taku, pourquoi ne pas verser en preuve ce document, si vous avez l’intention de le verser aux débats ?


Me TAKU :
Il ne s’agit pas d’un document, mais d’un CD.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, mais les autres documents que vous avez exploités...


Me TAKU :
Je ne vais pas vous embêter avec cela.

(Les techniciens s’exécutent)


M. KOUAMBO :
Monsieur le Président, Roger Kouambo, depuis Ottawa ?


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, nous vous entendons.


M. KOUAMBO :
Je voudrais tout simplement dire à la Chambre que notre technicien ici nous fait savoir que, dans le cadre des difficultés (inaudible) d’Arusha, on pourrait projeter le film d’ici. Donc, c’est une… c’est une option que je voudrais porter à l’attention de la Chambre.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, nous attendons que vous nous le... vous le projetiez pour la Chambre.

Maître Taku, ils sont prêts.


Me TAKU :
Oui, veuillez le projeter. C’est Maître Taku.

Honorables Juges, ce sont les 15 premières secondes... les 50 premières secondes de l’interview, à partir de 13 minutes 00 SS, jusqu’à 15 minutes 42. Et ensuite, de 17 00 SS jusqu’à 20 minutes 00 SS. Ce sont là les deux passages qui nous intéressent.


M. KOUAMBO :
Maître Taku, veuillez bien répéter, s’il vous plaît.


Me TAKU :
13 00 SS, les 15 ou les 50 premières secondes de l’interview. Les 50 premières secondes de l’interview.

Ensuite, les techniciens se concentreront sur le passage 15 MN... 13 MN 00 SS — 15 MN 00 SS et, ensuite, 17 MN 00 SS — 20 MN 00 SS.

Les 50 premières secondes, nous allons commencer par là.

(Diffusion de la vidéo)

Nous voulons le son. Il n’y a pas de son. Nous n’avons pas de son, Monsieur Kouambo.


M. KOUAMBO :
Nous n’arrivons pas à avoir le son au niveau d’Ottawa. Si vous pouvez nous donner un peu plus de temps, pour que les techniciens essaient de trouver la solution.


Me TAKU :
Nous sollicitons l’indulgence de la Chambre pour qu’elle accorde aux techniciens un peu de temps pour faire passer la bande son.

(Les techniciens s’exécutent)


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


M. KOUAMBO :
Monsieur le Président ?


M. LE PRÉSIDENT :
Oui.


M. KOUAMBO :
Oui, les techniciens nous font savoir qu’il y a des incompatibilités qui font que nous ne pouvons pas avoir le son, malheureusement.


Me TAKU :
Honorables Juges, nous aimerions savoir, maintenant, quel est le problème s’agissant des techniciens à Arusha.

Pourquoi les techniciens, à Arusha, ne sont-ils pas en mesure...


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


Me TAKU :
Nous avons transmis le document au Greffe longtemps à l’avance. Moi, je n’ai aucune connaissance de cette technologie. Le Greffe est censé maîtriser cette technologie.


M. KOUAMBO :
Monsieur Taku, le CD que vous m’avez donné était à remettre au général Dallaire, pour qu’il puisse le visionner avant sa déposition, ce que le Greffe a fait.


Me TAKU :
Eh bien, si le Greffe l’a fait, alors, tant mieux. Alors, il n’y a pas de problèmes. S’il y a eu une pré-visualisation par le général Dallaire, alors, dans ce cas, il n’y aurait pas de problème.

Mais j’ai bel et bien déposé le CD comme étant le CD que j’allais exploiter pendant ce contre-interrogatoire, conformément à votre ordonnance. Et s’il y avait un problème, on m’aurait... on aurait attiré mon attention dessus.

Malheureusement, même le technicien que nous avons rencontré ici est venu, puis il a disparu. On ne l’a plus jamais revu.


M. LE PRÉSIDENT :
Très bien.

Maître, nous allons procéder ainsi : Je vais vous donner 10 minutes, plus tard, juste pour couvrir ce point particulier. Et, pour l’instant, nous allons demander au Conseil suivant de continuer avec le témoin. Lorsque le problème sera résolu, peut-être demain ou plus tard, on reviendra sur vous.


Me TAKU :
Très bien.


M. LE PRÉSIDENT :
Sinon, nous serons dans l’impasse.


Me TAKU :
Honorables Juges, nous allons demander une ordonnance spéciale pour que les techniciens résolvent ce problème le plus rapidement possible.


M. LE PRÉSIDENT :
En tout cas, donnez leur le temps de trouver une solution.

Entre-temps, donc, Monsieur Segatwa, pouvez-vous commencer votre contre-interrogatoire ?


Me SEGATWA :
Merci, Monsieur le Président.


CONTRE-INTERROGATOIRE

PAR Me SEGATWA :
Bonjour, général Dallaire.

M. DALLAIRE :
Bonjour, Maître.

Me SEGATWA :
Général, comme vous l’avez constaté, vous êtes un témoin privilégié. On vous a donné un Conseil et, en plus, même un Coconseil pour déposer devant ce Tribunal. C’est que, de toute évidence…


M. BÂ :
Objection, Monsieur le Président. Il est en train de travestir les faits, parce que ce Conseil et ce Coconseil ne sont pas affectés simplement à cette cause ; il les a depuis longtemps. Et je ne vois pas en quoi cette digression peut faire avancer les débats de la Chambre.


Me SEGATWA :
Monsieur le Procureur, je pense que ce n’est pas une digression, c’est plutôt une introduction.

C’était plutôt pour lui jeter des fleurs. Je voulais lui dire — et je suis d’accord et je pense que vous êtes d’accord avec moi — qu’il est un témoin important si, à chaque fois, il doit être assisté de deux personnes.

Et c’est pourquoi, justement, je lui demandais, pour la manifestation de la vérité...


M. YAROVSKI :
Monsieur le Président... Monsieur le Président... Monsieur le Président, je voudrais revenir et corriger certains points. Le général Dallaire avait un Conseil, et c’est moi-même.


M. LE PRÉSIDENT :
Je vous remercie.

Maître Segatwa, pourquoi ne pas entrer dans le sujet qui nous intéresse et poser des questions au témoin ?


Me SEGATWA :
Merci, Monsieur le Président.
Mon général, je m’excuse que l’introduction a été mal faite. Je m’appelle Segatwa Fabien. J’assiste l’Accusé Innocent Sagahutu qui n’est pas, malheureusement, dans la salle ; et je vous remercie de vous prêter à la disposition de la Chambre pour la manifestation de la vérité.


M. DALLAIRE :
Très bien.


Me SEGATWA :
Monsieur le Président, juste pour la bonne procédure du contre-interrogatoire, je demanderais à l’interprète en anglais, s’il termine, de pouvoir éteindre sa lumière, pour que je sache à quel moment je dois commencer.

Q. Général Dallaire, vous étiez envoyé par les Nations Unies pour le maintien de la paix au Rwanda, n’est-ce pas ?

M. DALLAIRE :
R. Le mandat n’était pas de maintenir la paix. Non, j’étais censé aider les ex-belligérants rwandais dans la création d’une ambiance de sécurité pour la mise en application des Accords de paix. Et cela, conformément au mandat des Nations Unies qui m’avait été assigné.

Q. Merci, Général, pour la précision. Aviez-vous « l’idée » des circonstances dans lesquelles vous aviez été nommé à la tête de la force des Nations Unies ?

R. Ce que je sais, ce sont les procédures normales dans le cadre desquelles une nation est approchée, et cela sur approbation des deux ex-belligérants pour fournir des officiers, des troupes, du personnel civil. Ces pays-là, alors, décident s’ils veulent participer. Ils envoient des noms aux Nations Unies et, ensuite, les Nations Unies les transmettent au... les renvoient aux ex-belligérants pour leur approbation ou commentaires et, finalement, la décision est prise par le Secrétaire général de communiquer les noms au Conseil de sécurité, qui prendra la décision finale.

Q. Général, je voudrais savoir, à titre d’éclaircissement, si ce sont les belligérants qui ont proposé votre nom ou si c’est un autre pays qui a proposé votre candidature.

R. Je n’ai pas d’informations techniques ni de documents, à l’exception de discussions ; et ces discussions reflétaient que le DPKO a établi, comme il le fait d’habitude, une liste de pays qui pourraient fournir quelqu’un pour cette mission en qualité de commandant.

Et la qualité première... le critère premier était que cette personne devait être parfaitement bilingue, ayant une parfaite maîtrise de l’anglais et du français.

Et le DPKO a contacté d’autres pays, également le Canada. Le Canada a répondu par l’affirmative. Ensuite, ils se sont tournés vers les ex-belligérants qui sembleraient... qui semblaient être d’accord, selon ce que je sais. Et le Canada était d’accord pour fournir cette personne. Mon nom a été proposé. Et à partir de là, je ne sais plus quelle procédure a été usitée.

Q. Merci, encore une fois, Général, parce que j’avais toujours cru que ce sont les États-Unis qui vous avaient proposé à ce poste.

Général, à quand remonte votre expérience sur le champ de bataille ?

R. Le Canada a été un pays en paix depuis 1945. Il avait des troupes en Corée depuis plus de 40 ans. Il avait des troupes de maintien de la paix dépêchées auprès de 17 ou 18 missions des Nations Unies depuis 1956, était impliqué dans le règlement de conflits, au début des années 60, au Congo ; à Chypre, en 1974.

Et outre cela... Ou à l’exception de cela, il n’y a pas eu d’opérations. Déjà, en 1993, il n’y a pas eu d’autres opérations dans lesquelles les troupes canadiennes ont été impliquées.

Q. Donc, si j’ai bien compris, vous n’avez pas... vous n’aviez pas encore été aux prises avec le feu ?

R. Jusqu’au moment où j’ai servi au Rwanda, non.

Q. Général, est-ce que, avant de venir au Rwanda, si même, à vos dires, vous ne saviez pas où situer ce pays, est-ce que vous vous êtes intéressé à ce que les médias disaient sur le Rwanda ?

R. Lorsqu’on m’a proposé la mission pour l’Ouganda en fin juin, j’ai commencé à me renseigner. J’ai demandé aux organisations de renseignement de me communiquer des renseignements et des informations, et lorsque l’on m’a dit que, s’il fallait signer un accord de paix pour la guerre civile rwandaise, alors je serai la personne... le commandant ou le commandant adjoint... je serai la personne indiquée.

À partir de ce moment-là, j’ai commencé à me documenter sur la base d’informations qui étaient disponibles, à lire ; et la seule information relayée par les médias dont je me souvienne, c’était un intermède dans les médias canadiens qui parlait des négociations de paix au mois de juillet, et cela sur la base de l’argumentaire développé par le Premier Ministre, ou plutôt la controverse autour du Premier Ministre, c’est-à-dire qui serait le Premier Ministre du Gouvernement de coalition.

En toute franchise, c’est là tout ce dont je me souvienne.

Q. Général, est-ce qu’à part les médias ou quelques bribes que vous avez eues sur le Rwanda, est-ce qu’il y a quelques autorités qui soient onusiennes, canadiennes ou autres, qui vous ont briffé sur la situation du Rwanda, sur la composition de sa population, l’origine de la guerre et les parties en conflit ?

R. Relativement à l’information d’ordre général portant sur le Rwanda, le quartier général national à Ottawa m’a fourni un résumé des renseignements non caviardés qui n’était pas vraiment complet, car le Rwanda n’était pas l’une des principales cibles des forces canadiennes.

J’ai passé une après-midi avec un professeur de l’Université d’Ottawa qui était un résident, expert de la question de la région des Grands Lacs, qui m’a donné un sous-bassement sur la question.

Et également, j’ai pu lire ci et là, sur la question ; et également des briefings par le colonel Tikoka, qui était un membre de l’équipe onusienne qui avait pris part aux pourparlers de paix d’Arusha.

Q. Général, un des officiers de votre force — je veux parler de Luc Marchal — disait qu’avant de venir au Rwanda, il avait été conditionné par cet environnement médiatique, c’est-à-dire la vision qui prévalait à cette époque, à savoir que le FPR, mouvement représentant la minorité, se trouvait par définition du côté des bons, tandis que les autres se trouvaient forcément du côté des mauvais.

Est-ce également le conditionnement que vous aviez avant d’atterrir au Rwanda ?

R. Non. Je n’avais pas cette information aussi détaillée. La Belgique était un... l’ex-pouvoir colonial. Ils disposaient de troupes sur le terrain, auprès des forces gouvernementales. Je ne suis pas surpris de ce que vous me dites, mais cette information, aussi nuancée, comme vous la décrivez, je ne l’avais pas. Elle n’était pas disponible pour moi.

Q. Et lorsque vous êtes arrivé au Rwanda, quel a été votre aperçu des deux belligérants ? Est-ce que l’un était bon et l’autre était mauvais ?

R. Je ne peux pas le dire d’une façon ou d’une autre, mais à un moment donné, avec ma mission de reconnaissance — et nous en avons parlé ici —, à un moment donné, donc, j’ai pu détenir l’information suivante :

Primo, j’avais la collaboration, l’appui du FPR. Cependant en qualité de force rebelle, le FPR était très secret. Ils avaient l’esprit très fermé, en tant que groupe rebelle. Du point de vue gouvernemental, il y avait des éléments coopératifs qui appuyaient plutôt le mouvement, fussent-ils militaires ou gouvernementaux, en particulier... en l’occurrence le général Ndindiliyimana, la Gendarmerie, également, était partie prenante.

Il y avait également des réticences. Cela était le cas du chef d’état-major de l’armée, le Ministre de la défense. Le colonel Bagosora était, de part et d’autre, sujet ou très porté sur la controverse. Et le fait que je faisais montre d’autorité était dû au fait que je devais insister au cours des réunions avec le Président pour pouvoir me présenter et pouvoir lui donner les grandes lignes de mon rapport.

Et voilà le souvenir que j’ai gardé du Rwanda.

Q. Général Dallaire, est-ce que cette vision des choses a évolué suivant le temps ?

R. À mesure que la situation évoluait sur les mois suivants, après mon retour au Rwanda comme chef de mission, ensuite comme commandant de la force, cette situation a évolué pour devenir une situation dans laquelle on avait, d’un côté, le FPR, une organisation à la ligne dure, inflexible, qui était très secrète, et qui ne livrait pas facilement ses informations ; tandis que de l’autre côté, il y avait une démarcation nette entre ceux qui démontraient une volonté à faire avancer l’Accord de paix et qui coopéraient avec la mission ; et les autres qui faisaient montre, quelquefois, d’hostilité vis-à-vis de la mission et de ce qu’elle voulait faire et qui n’étaient nullement coopératifs et qui étaient peu désireux de montrer la moindre souplesse à parvenir à une solution.

Cela a évolué avec le temps pour aboutir à un sentiment que, comme le Secrétaire général lui-même, dans son intervention, a indiqué, qu’il y avait une mauvaise volonté de part et d’autre de parvenir à une solution permettant de faire avancer l’Accord de paix.

Q. Général, est-ce que... vous êtes arrivé le 19 octobre 1993, n’est-ce pas ?

R. Non, je suis arrivé le 22 octobre. J’ai quitté mon quartier général à Kabale, en Ouganda, le 19.

Q. Merci pour la précision. Mais, apparemment, Général, lorsque vous êtes arrivé au Rwanda, les signes n’étaient pas de votre côté. Vous arrivez au Burundi, à côté. Les militaires tutsis tuent le Président qui venait d’être démocratiquement élu, alors que ce pays était présenté en exemple de la transition sereine entre le système dictatorial et la démocratie.

Est-ce que vous n’avez pas eu le sentiment, le lendemain de votre arrivée, que la démocratie, dans ces pays des Grands Lacs, ne tournait pas très long... très rond ?

R. Ma réaction, le matin même de mon atterrissage, était celle d’une grave préoccupation. Comme vous l’avez indiqué, j’avais basé une bonne partie de mes concepts d’opération sur le fait que nous avions le flanc sud, très stable, le flanc du Burundi. Et je pensais donc que j’aurais besoin de très peu de surveillance de cette région, puisque les frictions se manifestaient beaucoup plus vers le milieu et le nord du pays.

Donc, ce coup d’état a immédiatement créé un sentiment de... de préoccupation en moi, et nous nous sommes retrouvés, par la suite, avec plus de 300 000 réfugiés, des corps qui descendaient le fleuve.

Et finalement, la conclusion a été que l’hégémonie tutsie entrait en jeu et, tout au long des mois, la situation est restée ainsi. Et tandis que du côté tutsi, il y avait également cette idée de l’hégémonie hutue dans la région des Grands Lacs.

Q. Oui, justement, Général, est-ce que vous n’avez pas eu le sentiment que cet événement du Burundi allait jouer un rôle néfaste à l’égard des uns et des autres, puisque... le FPR étant perçu comme une entité tutsie, et les FAR étant perçues — à tort ou a raison, bien sûr — comme une entité hutue ?

R. Je répondrais par l’affirmative jusque… même au point que les Nations Unies, en février, m’ont demandé d’envoyer une partie avancée au Burundi pour envisager la possibilité d’établir une autre force de maintien de la paix dans ce pays-là, ce qui signifie que j’avais des forces dans le sud de l’Ouganda, au Burundi et au Rwanda.

Q. Au regard de tous ces éléments, quelle était votre évaluation des risques d’échec ou des chances de réussite de votre mission ?

R. À plusieurs reprises, j’ai rendu compte directement à New York et à mes supérieurs... à mon supérieur, le Représentant spécial du secteur général, Monsieur Booh-Booh, qu’au plan militaire, nous n’avions pas les ressources requises pour relever le défi consistant à aider les belligérants pour que l’Accord de paix soit appliqué, que l’insécurité qui avait été créée, en particulier dans la capitale, nuisait aux efforts de progression de l’Accord de paix et que cette insécurité était directement liée à l’impasse politique concernant le pourvoi de certains postes ministériels dans les partis et aussi l’intransigeance des... de la ligne dure, à gauche et à droite, et de l’impossibilité de parvenir à un compromis.

Q. Général, avez-vous eu conscience que la guerre du Rwanda n’était pas seulement une guerre entre Rwandais, mais avait des fortes implications régionales et internationales ?

R. Eh bien, le coup d’état au Burundi a ouvert la voie à cette dimension, mais puisque j’avais déjà été en Ouganda et que j’avais rencontré le Président Museveni, qui avait déployé des troupes dans la partie méridionale de son pays, nous pouvions constater que nous nous trouvions, déjà, dans l’arène régionale ou sous-régionale.

Le fait que le Président de la Tanzanie avait été le médiateur et qu’une organisation régionale s’était impliquée dans les négociations pour l’Accord de paix, tout cela indiquait que nous étions dans une dimension régionale bien que le nœud du problème, à l’époque, était concentré au Rwanda et dans la partie méridionale de l’Ouganda.

Q. Est-ce que, en dehors de cette implication sous-régionale, n’aviez-vous pas une impression nette qu’il y avait également, au-delà de l’Afrique, des pays qui étaient intéressés dans la guerre du Rwanda ?

R. Dans le cadre de ma reconnaissance pendant laquelle j’ai rencontré beaucoup de hauts commissaires et d’ambassadeurs des pays comme les États-Unis, la France, la Belgique, l’Allemagne et même, à l’époque, l’ambassadeur du Burundi, le seul pays qui a manifesté un intérêt particulier — intérêt qui était renforcé pendant les trois semaines de mon séjour à New York avec mon rapport — était la France, qui avait un demi bataillon sur le terrain et qui démontrait le désir de les faire sortir.

Il y avait aussi le personnel du DPKO qui m’avait dit que personne ne s’intéressait vraiment au Rwanda, qu’il y avait beaucoup d’autres régions et missions et préoccupations, à l’exception de la France qui avait recommandé que tout ce qu’il me fallait, c’était environ 500 observateurs non armés pour parvenir à la solution de la mission.

Et personne d’autre n’a demandé à être informé par mon concept d’opération de reconnaissance, à l’exception de la France, ce que j’étais prêt à faire avant de quitter le Rwanda, la première fois.

Pendant mes activités à New York, j’ai informé un certain nombre de pays sur le contexte consistant à convaincre, à supplier, même, des pays à fournir des troupes pour la mission. Et c’est à ce moment que la Belgique a promis un bataillon entier, mais a fourni finalement un demi-bataillon. L’Amérique... Les Américains ont pris note du concept, mais il y a eu très peu de mouvements de leur part.

Q. Vous venez de prononcer justement les États-Unis, Général. Est-ce que vous avez l’impression que les États-Unis, à leur... en leur qualité de gendarmes du monde, ne suivaient pas d’assez près l’évolution qui se passait au Rwanda ?

R. Pour être honnête, je n’ai aucune opinion sur... je n’avais aucune opinion sur les Américains, surtout à l’étape de reconnaissance à l’époque. Et à l’étape initiale, le Canada n’était pas intéressé. Les autres pays n’étaient pas intéressés. Ce qui les intéressait à l’époque, c’était la Yougoslavie et le Cambodge.


Me SEGATWA :
Merci, Général.

Alors, juste pour l’information de la Chambre, j’avais quelques éléments vidéo à... à faire projeter, mais comme nous avons des difficultés pour ce soir, je pense que cela pourra se résoudre demain et que la ligne de questionnement s’y rapportant, je pourrai y revenir demain.

Q. Mon général, vous avez parlé hier d’une possible cache d’armes lourdes dans la région natale du Président Juvénal Habyarimana ; est-ce que j’ai bien compris cela ?

R. Oui, l’information dont je disposais était que ces armes se trouvaient dans les plantations de thé, dans son village d’origine et de naissance.

Q. Est-ce que vous pouvez dire, à l’intention de la Chambre, « de » quelle sorte d’armes avez-vous vues dans ces plantations de thé ou de café ?

R. Malheureusement, je n’ai pas à l’esprit la description des systèmes et des armes qui étaient dans ces plantations de thé et dans cette zone. L’on m’a dit qu’il s’agissait d’armes lourdes dans l’armée rwandaise. C’étaient les calibres 105, les véhicules de reconnaissance, les armes 120 millimètres et potentiellement des mortiers.


Me SEGATWA :
Est-ce que je peux demander au Greffier Kouambo de regarder dans la… l’affaire Akayesu, et tirer « la » cote du Greffier 18 467 et 18 468 et les remettre au général Dallaire ?


M. BÂ :
Maître Segatwa, vos pièces, est-ce que vous les avez communiquées au Procureur ?


Me SEGATWA :
(Intervention inaudible : Microphone fermé)


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro, s’il vous plaît, Maître.


Me SEGATWA :
Je pense que, si le Procureur ne les a pas eues par e-mail, puisque c’était le moyen adéquat du Greffe, le greffier peut bien... peut bien vous donner...


M. KOUAMBO :
Monsieur...


M. BÂ :
Ça, c’est quoi ? Le transcript Akayesu ?


Me SEGATWA :
Non, non, pas le transcript Akayesu.

Je pensais bien que le transcript Akayesu était bien connu du Procureur et que...


M. BÂ :
J’ai le transcript Akayesu...


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro.


M. BÂ :
Les pièces dont vous avez l’intention de faire usage, est-ce que vous nous les avez communiquées, comme c’est la règle devant cette Chambre ?

Maître Taku l’a fait. Avant-hier, vous nous avez fait toute une histoire pour non réception de pièces. Mais si vous décidez aussi de ne pas communiquer, ça ne nous dérange pas. Je vous demande tout simplement si vous avez l’intention de le faire.


Me SEGATWA :
Je pense que le greffier, avant de partir à Ottawa, il a exigé que les parties remettent toutes les pièces, et le dossier Akayesu était parmi les pièces qui ont été communiquées et prises par le greffier Kouambo.

Et je ne savais pas, évidemment, que vous alliez également en avoir besoin ici, mais de toute façon, les documents dont je vais me servir, je peux bien vous en donner une copie.


M. BÂ :
C’est ça ?


Me SEGATWA :
Non, ça, c’est le document qui sont cotés...


M. KOUAMBO :
Monsieur le Président, Roger Kouambo.

Je souhaiterais quand même, ne fût-ce que pour le procès-verbal, dire que Monsieur Segatwa ne m’a pas demandé de (inaudible) ces documents à qui que ce soit. Il m’a demandé de les emmener à Ottawa, pour la cause (inaudible) déposition du général Dallaire.


Me SEGATWA :
Mais, Monsieur le Greffier, je pense qu’il y a un représentant du Procureur, et qu’une fois que le... un des procureurs a les pièces, cela veut dire, effectivement, que j’ai obéi à la communication des pièces.

Nonobstant cela, je crois que je vous ai remis un document d’à peu près... Combien de pièces ? De 66 pièces. Peut-être qu’ils ne comprennent pas, effectivement, juste le dossier de transcript d’Akeyesu. Étant donné, de toute façon, que c’est un dossier connu.


M. BÂ :
Non, non, je n’ai pas besoin du dossier Akayesu.

Ce sont là les pièces dont vous entendez faire usage ?


Me SEGATWA :
Exactement.


M. BÂ :
Merci, cher Confrère.


Me SEGATWA :
Alors, je demanderais au Greffier Kouambo de tirer, dans le dossier Akayesu, les cotes du greffier 18 467 et 18 468 et les remettre au général Dallaire.

(Le représentant du Greffe à Ottawa s’exécute)

R. J’ai le document 18 467. J’ai un autre document qui porte la même date, mais qui ne porte aucune cote.


Me SEGATWA :
De toute façon, ce qui m’intéressait, je pense, se trouve à la cote 18 467.

Q. Général, à une question qui avait été posée par le Président de la Chambre dans l’affaire Akayesu, en date du 25 février 2006 (sic), vous avez précisé ce que vous entendiez par « cache d’armes ». Et voici ce que vous dites...


M. BÂ :
Maître, juste une petite rectification : 25 février 1980... Vous avez dit « 2006 ».


Me SEGATWA :
Non, non, excusez-moi, c’est 1898... Excusez-moi, c’est 1998.

Q. Alors, vous dites ceci, Général :

« J’utilise le terme "cache d’armes", comme armes qui ne sont pas sous le contrôle de militaires ou de contrôle de structures militaires. »

Est-ce que vous confirmez ces dépositions, Général ?

R. Oui, j’ai lu ladite page, et je n’ai aucun problème avec son contenu.

Q. Si je ne me trompe pas, Général, suivant le mandat de votre mission, vous aviez divisé le Rwanda en plusieurs secteurs. Il y avait des zones démilitarisées, il y avait des zones de consignation d’armes et il y avait des zones occupées par les belligérants.

Êtes-vous d’accord avec la division que j’en donne ?

R. Il y avait un KWSA, une zone démilitarisée et, oui, la zone du FPR et également la zone des FAR ou gouvernementale.

Q. Est-ce que je peux donc, suivant votre définition, croire que, lorsqu’il y a cache d’armes, il ne s’agit nullement des armes sous contrôle militaire ?

R. Oui, je pense que c’est cela le terme ou la terminologie que l’on utiliserait normalement et généralement.

Mais je vais préciser cela : Une cache d’armes est un endroit où des armes, des munitions ou même des véhicules qui sont dans une situation où ils sont cachés et ne... plus être retrouvés. Ils appartiennent toujours au gouvernement ou aux forces gouvernementales ou aux forces des FAR, mais ces armes n’ont pas été comptabilisées, et « ils » pourraient également appartenir à tout élément subversif qui pourrait se livrer à ce qu’il entend faire.

Q. Merci, encore une fois, pour cette précision. Mais je voudrais vous demander si vous aviez comptabilisé les armes en possession du FPR dans la zone qu’il occupait.

R. Comme je l’ai dit, nous n’avions pas un... une liste finale, définitive de toutes les armes sur tous les sites.

De part et d’autre, si nous pouvions nous le rappeler à l’époque… devait se conformer à un accord de paix, ce qui veut dire que les deux parties voulaient la paix, les deux parties avaient signé un accord de paix. Les deux parties étaient tenues « à » fournir toute information dont elles disposaient pour s’assurer qu’un accord de paix de transition soit fonctionnel.

Il ne s’agissait pas de mener des recherches de par le pays pour s’assurer que les deux parties disaient une vérité absolue. Nous appuyions des projets, nous avions des listes qui devaient corroborer l’information, c’est-à-dire tout ce que nous notions sur le terrain.


Me SEGATWA :
Est-ce que je peux demander encore une fois le service du greffier Kouambo, de vous donner la cote 18 465 — 18 465 — du dossier affaire Akayesu ?


M. BÂ :
Mais, Maître Segatwa, dans l’affaire Akayesu...


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro, s’il vous plaît.


M. BÂ :
Dans l’affaire Akayesu, c’était seulement une journée de procès. Lorsque vous dites « cote 18… quelque chose », est-ce que vous pouvez nous donner la page à laquelle ça correspond... cela correspond, dans le transcript ?


Me SEGATWA :
(Début de l’intervention inaudible)... Désolé, Monsieur le Procureur. J’emploie des documents qui ont été communiqués par le greffier, et il nous a donné des copies qui ne portent pas de pages, mais qu’il a lui-même cotées. Donc, je n’ai que la cote du greffier.

Si vous voulez cet exercice, je pourrai le faire, mais pas maintenant, puisque je ne m’y attendais pas.


M. BÂ :
Ce n’est pas grave.


Me SEGATWA :
Merci de votre compréhension.

Est-ce que le greffier a donné la copie « 18 465 » au témoin ?


M. KOUAMBO :
Done, Mister Segatwa.


Me SEGATWA :
Je n’ai pas compris.


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Il veut dire : C’est fait — « done ».


M. KOUAMBO :
Je dis : Le document a été remis au général Dallaire.


Me SEGATWA :
Merci.

Q. Général Dallaire, si vous examinez cette pièce, vous remarquerez que le Président de la Chambre, dans l’affaire Akayesu, toujours en date du 25 février 98, « il » vous a demandé : « Pourquoi vous ne parlez de caches d’armes que d’un seul côté, c’est-à-dire des FAR, et pas suffisamment du FPR ? »

Et vous avez répondu que : « Du côté FPR, c’était seulement des troupes qui étaient en fonction et déployées selon le cessez-le-feu. »

Est-ce que vous confirmez vos dépositions sur ce point ?

R. Je dois dire... Je ne sais pas quel est le contexte complet de ce que je lis, toutefois, si j’interprète ce que vous dites, la zone du FPR, elle n’avait pas de population civile. Les seules personnes qui s’y trouvaient étaient des militaires déployés dans des structures militaires. Et, à ce titre, nous contrôlions ces structures militaires dont nous avions connaissance.

J’avais une situation différente au sud, où nous avions d’importantes populations. Nous avions des camps de réfugiés où des armes étaient distribuées. Nous avions un Gouvernement qui avait distribué des armes à la population civile, et ces armes n’avaient pas eu le moindre rapport. Nous avions des armes qui étaient introduites dans le pays.

Et ayant reçu cette information, j’ai déployé des forces sur la frontière, poussant l’autorité de mon mandat pour effectuer des perquisitions dans certains véhicules jugés suspects, ce qui n’avait pas été autorisé par mes supérieurs à l’époque.

Mais, ensuite, cette autorisation est devenue... est entrée en vigueur avec l’embargo qui a été proclamé par la suite.


M. BÂ :
Maître Segatwa, vous êtes sûr que c’était une question du Président et non de Maître Tiangaye ?


Me SEGATWA :
Je suis sûr que c’était une question qui a été « demandée » par le Président.


M. BÂ :
Vous êtes sûr que c’était pas Maître Tyangaye ?


Me SEGATWA :
On peut vérifier, ce n’est pas difficile.

C’est plutôt la cote 66. C’est la cote précédente, la cote 18 466. Et voici ce qui est dit — Monsieur le Président qui parle :

« Mon général, vous confirmez qu’il y avait des caches d’armes que d’un seul côté, pas de l’autre ? ».

La réponse...


M. BÂ :
(Intervention inaudible : Microphone fermé)


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro !


M. BÂ :
Oui, c’est différent de la question que vous lui avez posée tout à l’heure. Vous aviez dit que le Président aurait dit : « Pourquoi vous ne parlez « que » des caches d’armes que d’un côté et pas de l’autre ? » Là, le Président lui demande simplement une confirmation. C’est différent, la manière dont vous l’aviez posé précédemment.


Me SEGATWA :
Je pense que je n’ai pas fait la lecture de ce document. J’ai fait une suggestion et je n’ai repris que l’idée du Président, mais si cela peut vous agréer, je pose la question en citant exactement les paroles du Président.


M. BÂ :
Vous aviez mal résumé le Président.


Me SEGATWA :

Q. Monsieur le Témoin, il paraît que le Procureur dit que j’ai mal résumé l’idée du Président.

Je vais vous lire exactement ce que le Président de la Chambre a dit. Je cite :

« Mon général, vous confirmez qu’il y avait des caches d’armes d’un seul côté, et pas de l’autre ? »

Réponse : « Oui, parce que de l’autre côté, Monsieur le Président, c’étaient seulement des troupes qui étaient en fonction et déployées selon le cessez-le-feu. »

Est-ce que vous pouvez encore reconfirmer votre réponse ?

R. Oui, cela est parfaitement censé.

Q. Cela étant dit, je ne veux pas parler des armes qui se trouvaient peut-être distribuées dans la population, mais je veux parler des armes qui se trouvent dans des structures militaires.

Est-ce que, Général, ne peut-on pas dire que la résidence du Président de la République peut être considérée comme une zone sous contrôle militaire ?

R. Nous pouvons considérer tout un ensemble de scenarii tactiques. La question était que j’avais reçu les informations, à savoir que des systèmes d’armement importants avaient quitté le KWSA avant son déploiement en décembre.

Ensuite, j’ai reçu des informations selon lesquelles un certain nombre d’armements lourds avaient été vu dans les plantations de thé, dans la région d’origine du Président. Et tout à coup, la situation tactique a changé, qui nécessitait que nous nous déployions de manière contraire à l’Accord de paix. Non, la situation n’avait pas changé avant cela.

Q. Général, sur quoi vous pouvez vous baser pour dire que les armes qui se trouvaient dans la préfecture de Ruhengeri ou de Gisenyi, dans la zone de la résidence du Président, étaient sorties de la zone KWSA lorsqu’il y avait déjà eu accord de consignation d’armes ?

R. Je n’ai pas le rapport sous les yeux, je réponds de mémoire, mais les souvenirs que j’ai sont que, lorsque les négociations sur la KWSA ont été faites, dans la dernière moitié du mois de décembre, des systèmes d’armement qui avaient été inventoriés dans la KWSA étaient les systèmes d’armement qui n’avaient pas été vus précédemment en août.

Et j’ai donc dit que... Enfin, on m’a dit que les armes avaient été évacuées par la route, et je ne me rappelle plus... peut-être était-ce en janvier, mais certainement pas en février. Ça ne pouvait pas être en février. J’ai reçu des informations selon lesquelles des armements lourds avaient été vus dans la région d’origine du Président.

La déduction que j’ai faite alors était que les FAR ne voulaient pas que ces systèmes d’armement tombent sous le contrôle de la KWSA et qu’ils avaient décidé, donc, de les évacuer. Quel système ? Je ne sais pas ; mais au moins, nous avions ces informations.

Pourquoi l’ont-ils fait ? Avaient-ils des préoccupations ? Nous étions encore au début du processus d’application des Accords de paix et ils n’avaient pas soulevé de préoccupations avec moi pour justifier le fait qu’ils commençaient à déplacer des systèmes d’armement lourds dans tout le pays, contrairement à l’Accord de paix, selon lequel les troupes devaient demeurer où elles se trouvaient.

Q. Mais, Mon général, ce que je voulais dire est ceci : Est-ce que les armes qui se trouvaient dans les zones contrôlées par le Gouvernement et qui s’y trouvaient avant la signature du KWSA, lequel KWSA ne concernait que Kigali, est-ce que ces armes-là peuvent être considérées comme des armes cachées ?

Si je vous l’ai dit, Mon général, c’est qu’il y a un problème d’interprétation de la notion « d’armes cachées ». En tant que général, qu’est-ce que vous dites ?


Me BLACK :
Je suis désolé, j’ai une objection à cette ligne de questionnement.

Désolé, Général.

J’ai une forte objection à cette ligne de questionnement parce que la question est basée sur de fausses prémisses. Le général a dit qu’il n’avait aucune information... aucune confirmation que de telles caches d’armes existaient dans la zone d’origine du Président. Et la ligne de questionnement tout entière est destinée à faire dire au général des choses qui ne sont pas vraies.

Je ne voudrais pas, donc, faire face au Procureur et aussi à ceux de ma gauche (sic). La ligne de questionnement tout entière est destinée à faire exactement cela, comme cela a été le cas avec la déposition de Des Forges.
Cette question n’est pas appropriée parce qu’elle est basée sur de fausses prémisses. Le général a dit qu’il n’avait pas des informations que les armes se trouvaient dans la zone d’origine du Président. Par conséquent, cette question ne peut être posée.

J’ai de longues préoccupations par rapport à la ligne de questionnement adoptée par mon confrère, comme je l’ai fait lors de la déposition de Des Forges et avec la ligne de questionnement qui a été faite avec ce témoin-là.

Et si cela continue, je vais demander que mon affaire soit disjointe de celle de Monsieur Sagahutu. Je ne voudrais pas que les questions posées pour Monsieur Sagahutu mettent en péril les intérêts de Monsieur Ndindiliyimana.


M. LE PRÉSIDENT :
Quelquefois, le silence est d’or. Vous devez défendre votre client et poser les questions appropriées plutôt que d’entrer dans ce type de déclaration.


Me BLACK:
(Intervention non interprétée)


M. LE PRÉSIDENT :
Maître, je parle à Maître Segatwa.


Me BLACK :
Je dis que si cette ligne de questionnement continue, je vais demander une disjonction d’instances pour séparer mon client des autres.


M. LE PRÉSIDENT:
Et maintenant que ceci a été dit, vous voyez donc que vous devez poser des questions pertinentes, plus (inaudible).

Voilà une intervention non pas de moi, mais d’un de vos confrères. Donc recommencez et essayez de contenir votre affaire sur les charges qui sont retenues contre votre client.


Me SEGATWA :
Monsieur le Président, je ne sais pas, évidemment, l’appréhension des uns et des autres. C’est possible, mais ce qui est sûr, c’est que contre mon client, on disait qu’il y avait des armes cachées, alors qu’il n’y en avait pas. Et je pense que j’ai le droit, quand même, de faire cette ligne de questionnement.

Et si, effectivement, il est apparu à la Chambre que le général Dallaire n’a... a dit qu’il n’a aucune information, Monsieur le Président, je suis d’accord avec vous que je laisse cette ligne de questionnement. Si tel est votre avis, Monsieur le Président.

Mais, Monsieur le Président, je voudrais quand même suggérer que si... eh bien, mon Coconseil me dit qu’il faut que je laisse cette question.

Monsieur le Président, je passe à autre chose et je passe sur l’énigme de Turatsinze. Évidemment, j’aurais bien voulu projeter un film d’un documentaire qui a été tourné sur l’affaire Turatsinze, mais peut-être que vous me permettrez d’y revenir au moment opportun.

Q. Connaissez-vous, Mon général, l’informateur Jean Turatsinze ?

R. Non, je ne me souviens pas du nom.


M. LE PRÉSIDENT :
Quel est le nom exact ? Vous avez bien dit, Maître, Jean Turatsinze ?


Me SEGATWA :
Jean (sic) Turatsinze, oui.

Q. Donc, vous dites que vous ne le connaissez pas, Mon général ?

R. Je ne connais pas le nom, mais si vous me décrivez la personne, qui il était et ce qu’il a fait, alors, peut-être que cela me rafraîchirait la mémoire.

Q. Général, il s’agit de l’informateur Jean (sic) Abubacar Turatsinze, à base duquel vous avez envoyé un télégramme aux Nations Unies. Est-ce que ça vous dit quelque chose ?

R. Le seul câble dont j’ai souvenance et que j’aurais envoyé est celui de l’informateur Jean-Pierre. Nous l’appelions Jean-Pierre. Je n’ai pas son nom complet.

Q. Oui, effectivement, c’est Jean-Pierre Abubacar Turatsinze.

Est-ce que vous l’aviez personnellement rencontré ?

R. Non, je ne l’ai pas rencontré.

Q. Est-ce que vous aviez fait une enquête sur lui, pour avoir une certitude de ses informations, avant d’envoyer le télégramme à New York ? Encore qu’il paraîtrait que ce télégramme ne s’est jamais retrouvé à New York.

R. Ma décision d’envoyer le télégramme pour prendre... entreprendre des actions était basée sur l’information que nous avions reçue sur l’information d’ordre général dont nous disposions déjà à l’époque, de sources différentes. Et très souvent, je suis d’accord, ces sources n’étaient pas validées.

J’ai décidé, donc, de mettre en application ce plan avec cette... ce petit guillemet disant qu’il faudrait peut-être valider l’information et que l’on pourrait peut-être entreprendre des actions négatives sur la mission et mener à des pertes.

Mais l’enjeu était de taille. Et du fait de l’importance de l’information... m’a amené à dire qu’il fallait six (sic) heures pour la planification, la préparation, la vérification de ce qui serait la validation —validation suffisante ; ce qui a été fait dans les 24 heures suivantes, lorsque mon équipe et mon personnel a pu confirmer ou donner confirmation de certaines des caches qui ont été détruites... décrites tantôt.


M. BÂ :
Je souhaite simplement une précision. J’ai entendu, dans la traduction française, qu’il fallait « 6 heures ». Est-ce que c’est bien ce qui a été dit en anglais ?

C’est 36 heures ?


M. LE PRÉSIDENT :
36.


M. BÂ :
En français, j’ai entendu « 6 heures ». Je ne sais pas si j’ai mal entendu ou si c’est ce qui a réellement été dit.


Me SEGATWA :

Q. Est-ce que, Général, vous étiez au courant que ce Jean-Pierre Turatsinze était un agent du FPR ?

R. J’ai été informé de ce qu’il était une autorité dans les rangs des Interahamwe. Cette information m’a été communiquée par Faustin Twagiramungu, et c’est pour cette raison que nous avons lancé cet exercice.

Q. Le Procureur, Général, vous a demandé, avant de terminer son interrogatoire en chef, si vous maintenez encore le fait que les informations de Turatsinze sont encore fiables ; et qu’est-ce que vous lui avez répondu, Général ?

R. J’ai dit que presque tout ce qu’il nous avait dit c’est avéré, finalement.


Me SEGATWA :
Est-ce que je peux demander au greffier de vous présenter la pièce cotée 66 de mon dossier.

(Le représentant du Greffe à Ottawa s’exécute)

R. J’ai le document.


Me SEGATWA :

Q. O.K. Si vous parlez français, ça m’arrange encore.

Il s’agit en réalité de la déclaration de l’épouse de Jean-Pierre Abubacar Turatsinze, cote K0272529 à K0272533.

Et son épouse dit que son mari, Jean-Pierre Abubacar Turatsinze, travaillait comme chauffeur à la préfecture de Kibuye et il conduisait le préfet de Kibuye qui s’appelait Donat Hakizimana, qui venait juste d’être transféré au bureau du Président à Kigali, comme agent de renseignement.

Avez-vous des commentaires à ce sujet, Mon général ?

R. Non, je n’ai rien à dire.

Q. Son épouse continue en disant qu’en janvier 1994...


M. BÂ :
Mais, Maître, au lieu de résumer, il vaut mieux peut-être lire les passages tels qu’ils sont écrits, au lieu de lire… de résumer à votre façon.


Me SEGATWA :
Je pense, Procureur, si jamais le général ne voit pas d’inconvénients, je ne vois pas « comment » je dois lire tout le texte.


M. BÂ :
(Intervention inaudible : Micro fermé)


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro, s’il vous plaît.


M. BÂ :
Vous lui avez soumis un texte. Au lieu de dire des choses de votre cru, lisez les passages qui sont dans le texte. C’est tout.


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, s’il vous plaît, Maître Segatwa, veuillez en donner lecture, pour que la Chambre puisse également comprendre.


Me SEGATWA :

Q. Alors, la femme... son épouse continue à en disant :

« Au début... Au début de 1994, mon mari est parti en Tanzanie préparer l’endroit où nous irions rester, et il a commencé une affaire. Nous étions quand même en contact. En février 1994, il a envoyé un message selon lequel je devais le rejoindre avec les enfants. »

Je ne vais pas quand même lire tout, parce que ça ne m’intéresse pas.

La dame continue : « Mon mari avait de la famille en Tanzanie, et certains d’entre eux étaient des membres du FPR. Ce sont eux qui ont convaincu mon mari d’entrer au FPR. »

Qu’est-ce que vous en dites, Général ?

R. Ma première question, avant que je ne réponde à la vôtre : Comment puis-je savoir si cette personne est la même que l’informateur ? Avez-vous des éléments qui pourraient m’aider à comprendre qu’il s’agit d’une seule et même personne ?

Q. En principe, Général, vous êtes témoin pour répondre aux questions. Je suis ici pour vous poser des questions au nom du Tribunal. Et si vous avez des questions, vous pouvez les adresser à la Chambre.

Mais, ici, si vous lisez au deuxième...


M. LE PRÉSIDENT :
Maître, il dit qu’il ne sait pas s’il s’agit de la même personne. Par conséquent, il ne peut rien dire. Il ne peut faire aucun commentaire.


Me SEGATWA :
Je pense, Monsieur le Président, que s’il a fait des enquêtes sur Jean-Pierre Abubacar Turatsinze, il sait qu’il est né en 1986 (sic) à Shyorongi... plutôt en 1990 (sic), à Shyorongi...


M. LE PRÉSIDENT :
Maître, vous dites qu’il a mené des enquêtes et, en fait, il n’a même pas vu l’homme en question.

Maître Segatwa, le témoin n’a même jamais vu cette personne. C’est ce qu’il dit : « Je ne l’ai pas vue ».


Me SEGATWA :
C’est encore plus grave, Monsieur le Président, si quelqu’un prend comme argent comptant des informations émanant d’une personne dont on ne connaît aucune identité. Alors ça, c’est très grave, encore.

Mais je pense que je lui ai donné l’opportunité de savoir ce que c’est ce Jean-Pierre Abubacar Turatsinze dont il a fait un informateur très, très, très important.

Q. Ce que je dis, en terminant là-dessus, Mon général, c’est que la dame est entrée... est rentrée au Rwanda en 1994, et un certain Ministre Abdul Karim lui a dit que son mari avait été tué au cours d’une bataille. Et je suppose que c’est la bataille entre le FPR et le Gouvernement.

Ensuite de cela, Général, je voudrais vous poser... ou plutôt, vous suggérer quelques questions.

D’après ce document qui nous a été présenté par le Procureur, est-ce que vous pouvez soutenir encore qu’il était membre de la Garde présidentielle ?

R. De qui parlons-nous ?

Q. Nous parlons toujours de l’informateur Jean-Pierre Abubacar Turatsinze, puisque vous avez dit dans votre...


M. LE PRÉSIDENT :
Eh bien, Maître, vous avez donné le nom complet, mais il ne connaît qu’un Jean-Pierre. Vous parlez tout le temps d’Abubacar Turatsinze et si vous lui... Posez-lui les questions sur l’informateur qui avait pour nom Jean-Pierre.


M. BÂ :
Maître Segatwa, si vous voulez le référer à ce qu’il a dit, je crois qu’il vaut mieux lui présenter aussi le code câblé du 11 janvier. Il faut demander à Roger de lui présenter le code câblé du 11 janvier.


Me SEGATWA :
Exactement, Monsieur le Président.

Monsieur Roger, est-ce que vous pouvez lui présenter le code câblé… câblé du 11 janvier ?


M. BÂ :
(Intervention inaudible : Microphone fermé)


L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Micro !


M. BÂ :
Mais à supposer que vous l’avez sous les yeux, vous aussi.


Me SEGATWA :
Vous avez communiqué ça, même si c’est un peu tard, Monsieur le Procureur !

(Rires dans le prétoire)


Me BLACK :
Une fois de plus, je dois faire objection à la question posée sur de fausses prémisses. Le témoin n’a pas dit qu’il se rappelait ce câble présidentiel. Cela n’apparaît pas non plus sur le code câblé. Je ne comprends pas pourquoi mon confrère essaie de lier l’armée à cet homme.

Peut-être le Procureur peut expliquer pourquoi ?


M. BÂ :
Quoi ?


Me BLACK :
Je ne comprends pas cette ligne de questions.


M. BÂ :
Vous pensez que c’est... Vous pensez que Maître Segatwa travaille pour moi ?

(Rires dans le prétoire)

Je serais ravi de l’enrôler, s’il est d’accord.


M. LE PRÉSIDENT :
Vous ne devez pas avoir ces échanges en même temps. Rien ne peut sortir. Les interprètes ne sauront qui interpréter.


Me BLACK :
Je répète mon objection. Cette ligne de questionnement est basée sur une fausse prémisse parce que, dans le code câblé que le général Dallaire dit qu’il a envoyé, il n’est nullement fait mention de ce garde présidentiel.

J’ai bien peur que ces questions ont été posées pour amener le général Dallaire à répondre d’une certaine manière, et mon confrère ne travaille pas dans l’intérêt de la Défense. Et je ne voudrais pas être assis ici, voir mon client être attaqué par quelqu’un qui est censé travailler pour la Défense, mais qui ne le fait pas. Et c’est très clair ce qui se passe.


M. LE PRÉSIDENT :
Votre client n’est pas un garde présidentiel.


Me BLACK :
Son client en est un et, par association, il est militaire. Et je suis devenu préoccupé par la ligne de questionnement de mon confrère avec Des Forges, qui était rien de moins qu’une réhabilitation de l’attaque et… faite contre elle.

Et maintenant, cette réhabilitation pour amener le général Dallaire à dire quelque chose pour attaquer d’avance notre position. Et si cela continue, je vais demander, sous forme de requête, une disjonction d’instances parce que je suis attaqué non seulement de la part du Procureur, mais aussi de la part de mes confrères de la Défense.


Me MAC DONALD :
Honorables Juges, je continue d’écouter le contre-interrogatoire mené par mon confrère, Maître Segatwa, et je dois, d’une certaine manière, être d’accord avec Maître Black. Je suis fortement préoccupé par un certain nombre de questions posées par Maître Segatwa. Je vais attendre de voir quelle sera ma position définitive sur cette question, mais j’exprime également ma préoccupation, qui est conforme à Maître Black.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Segatwa, c’est ce que je vous ai dit. Si tous les Conseils trouvent que votre ligne de questionnement menace leur client, alors il y a un problème. Et quand vous essayez d’être Conseil principal, les problèmes arrivent. Travaillez dans le cadre de votre affaire, et rien ne se passera.


Me BLACK :
Mon objection est beaucoup plus grave. Elle a trait à l’objectif même de toute cette ligne de questionnement. Il n’aide absolument pas son client. Ses questions n’ont rien à voir avec son client. Elles veulent seulement démontrer les intérêts de l’armée et des militaires en général. Ces questions ne sont rien d’autre qu’un ensemble de questions destinées à obtenir des réponses en faveur du Procureur ; et pour moi, c’est cela.

Et si cela continue, je vais demander que le général Ndindiliyimana soit disjoint de ce procès et qu’il ait un procès individuel, parce que nous sommes attaqués non seulement par le Procureur, mais aussi par un Conseil de la défense qui, en fait, travaille pour le Procureur.


Me MAC DONALD :
Honorables Juges, il faut qu’on soit d’accord. L’exemple donné par mon confrère Black concernant Des Forges, eh bien, il semble que l’équipe Segatwa, d’habitude, contre-interroge le dernier ; et il semble que Madame Des Forges anticipe les questions et tout semble aller très harmonieusement, si bien que cela détruit une bonne partie du travail de Monsieur Segatwa et aussi une partie du travail de Maître Black.

Nous devons soulever cette objection, nous ne pouvons pas être d’accord avec cette ligne de questionnement.


M. LE PRÉSIDENT :
Maître Segatwa, je pense que la Chambre a aussi un intérêt concernant les Accusés. Donc, vos questions doivent concerner les charges qui sont retenues contre votre client. Voulez-vous sortir des charges qui sont retenues contre vous ? Vous avez pour devoir de défendre votre client.


Me SEGATWA :
Monsieur le Président, je pense que...


M. LE PRÉSIDENT :
Dans tous les cas, nous allons suspendre, vous reviendrez demain et vous vous serez réorganisé entre-temps.

Nous allons commencer demain à 13 heures.


Me SEGATWA :
Monsieur le Président, je pense qu’avant de terminer, il faut qu’on mette les choses au point. S’ils veulent contre-interroger les premiers, nous, on n’a rien à avoir avec cela. Et nous sommes prêts à passer toujours les derniers, d’autant plus que l’Acte d’accusation est très clair, ils commencent toujours les premiers.

S’ils veulent que nous passions les premières, qu’ils supportent maintenant que nous puissions poser les questions que nous avons à poser. Et s’ils veulent la disjonction, nous sommes les premiers à demander la disjonction.

Ils ne peuvent pas demander qu’on renverse l’ordre de présentation des contre-interrogatoires et se plaindre, maintenant, qu’on est en train de léser leur intérêt.


M. BÂ :
Monsieur le Président, je vais me mêler au discours de la Défense. Je crois que Maître Black est en train de nous préparer une requête aux fins de disjonction en sourdine, mais le procès qu’il fait à Maître Segatwa est tout à fait injuste et prétentieux. Il n’a qu’à le laisser mener à sa guise son interrogatoire... son contre-interrogatoire.

(Rires dans le prétoire)


M. LE PRÉSIDENT :
Très bien.

Maître Segatwa, tenez compte de toutes ces objections et lorsque nous reprendrons demain, à 13 heures, heure d’Arusha, les choses seront meilleures. Reposez-vous aujourd’hui pour demain.


Me MAC DONALD :
Allons-nous siéger jusqu’à 20 heures demain ?


M. LE PRÉSIDENT :
Ne vous inquiétez pas nous vous donnerons suffisamment de temps.


Me MAC DONALD :
Très bien.


M. LE PRÉSIDENT :
Avec de brèves pauses.

Oui, Maître Taku.


Me TAKU :
Non, je n’ai…. je n’ai absolument rien à dire.


M. BÂ :
Est-ce qu’on a bien entendu l’heure pour demain. Je voudrais simplement… Deux précautions valent mieux qu’une ? Qu’on soit sûr qu’ils ont entendu.


M. LE PRÉSIDENT :
(Intervention non interprétée)


M. KOUAMBO :
(Début de l’intervention inaudible)... heure d’Arusha.


M. LE PRÉSIDENT :
Merci. 13 heures, heure d’Arusha.

L’audience est suspendue jusqu’à demain.


M. DALLAIRE :
Monsieur le Président, avec votre permission... avec votre permission.

M. LE PRÉSIDENT :
Oui. Oui.


M. DALLAIRE :
Avec votre permission, il y a eu une observation qui a été faite au sujet de la… de la disponibilité du temps. On nous a dit que les audiences étaient des demi-journées. Si, maintenant, nous passons à la possibilité de 7 heures d’audience avec quelques pauses, alors en fait, nous avons une déposition de journée complète ; est-ce exact ?


M. LE PRÉSIDENT :
Oui, c’est exact.


M. DALLAIRE :
Je vous remercie.

L’audience est suspendue jusqu’à 13 heures, demain matin... demain dans l’après-midi.

(Levée de l’audience : 19 h 55)



SERMENT D’OFFICE

Nous, sténotypistes officielles, en service au Tribunal pénal international pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes recueillies au mieux de notre compréhension.



ET NOUS AVONS SIGNÉ :


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Grâce Hortense Mboua Sophie Tison

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