Sunday, November 16, 2008

Dites au Président Obama : Rwanda : Que cherche-t-on à nous cacher ? - par Colonel Luc Marchal

Dites au Président Obama : Rwanda : Que cherche-t-on à nous cacher ? - par Colonel Luc Marchal

[Après l'interpellation en Allemagne de Col. Rose Kabuye, chef de protocole à Président Paul Kagamé et une ancienne chef des unités FPR stationnés sur le CND à Kigali en 1994, après un mandat de juge français Jean-Louis Bruguière et chargé de complicité dans l'attentat contre l'avion du Président Juvénal Habyarimana du Rwanda dont il est notoire d'avoir déclenché le génocide de l'été 1994, il est plus important que jamais de rechercher les vrais rôles et responsabilités de tous les acteurs dans ce drame. Et surtout avec le nouveau Président des États-Unis qui a des origines africaines, c'est difficile d'imaginer que l'histoire récente d'Afrique Central va continuer dans un telle nuage de mensonges. Voici encore le témoignage significatif de mon Colonel Luc Marchal pour éclairer les choses presque 15 ans après le fait. –mc]

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http://www.musabyimana.be/index.php?option=com_content&task=view&id=261&Itemid=1

Rwanda : Que cherche-t-on à nous cacher ?
par Colonel Luc Marchal

Le 22 septembre dernier, la chambre du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) devant laquelle sont jugés, entre autres, les anciens chefs d'état-major des Forces armées et de la Gendarmerie rwandaises, a rendu un arrêt pour le moins critique à l'égard de l'actuel procureur du TPIR, le Gambien Hassan Bubacar Jallow. Des termes aussi peu équivoques que "niveau d'intégrité" et "défaut de diligence" rappellent au procureur son devoir d'aider la chambre à découvrir la vérité concernant les allégations contenues dans l'acte d'accusation et à rendre justice à la communauté internationale, aux victimes et aux accusés.

De quoi s'agit-il ? Le règlement du TPIR impose au procureur l'obligation de communiquer aux avocats des inculpés tout élément pouvant être utile à leur défense. Or, dans le procès dit "Militaires II", il s'avère que, depuis 1997 déjà, des témoignages en faveur des inculpés ont été retenus à dessein par le procureur. Implicitement, l'arrêt de cette chambre du TPIR ne met pas uniquement en cause l'actuel procureur, mais l'ensemble du personnel de son administration ainsi que les trois procureurs précédents. Soyons très clair, il n'est pas seulement question de négligence ou de lenteur dans la transmission de certains témoignages utiles à la défense des inculpés, mais bien d'une volonté délibérée de les escamoter ni plus ni moins. En effet, ces témoignages, qui aujourd'hui sont en possession des équipes de défense, ont tout simplement été retirés de la circulation, comme s'ils n'avaient jamais existés.

Voilà pas mal d'années que, de façon répétitive, des reproches de partialité sont formulés à l'égard du TPIR, accusé de n'être rien moins qu'un tribunal des vaincus. Dans le cas présent, l'arrêt concerné officialise bel et bien ce genre d'accusation. Mais au-delà de cette constatation au premier degré, une question fondamentale se pose : dans combien de procès, à présent terminés, pareil déni de justice s'est-il déjà produit ? Combien d'inculpés ont-ils été condamnés suite à de faux témoignages qui n'ont pu être neutralisés faute d'avoir pu disposer des éléments à décharge existant ? Espérons que ceux qui ont la responsabilité de se pencher sur ce genre de question auront la volonté d'y apporter une réponse dans un délai raisonnable. Dans le cas qui nous occupe, il n'est, heureusement, pas trop tard. Il s'en est fallu, cependant, d'un fifrelin, puisque la présentation des témoins de la défense devait être terminée fin novembre 2008. De facto le procès est relancé et, pour ne citer que le seul dossier du général Augustin Ndindiliyimana, l'ancien chef d'état-major de la Gendarmerie rwandaise, l'équipe de défense est autorisée d'appeler pas moins de 18 nouveaux témoins à la barre. En outre, elle peut également rappeler six témoins du procureur dont les affirmations sont contredites par les documents non communiqués.

Il s'avère aussi que parmi les témoignages manquants, la responsabilité directe du Front patriotique rwandais (FPR) est mise en cause, entre autres dans l'assassinat de la Première ministre, Agathe Uwilingiyimana, dans celui des dix casques bleus belges, ainsi que dans des massacres de civils perpétrés dès le 7 avril 1994. Tout ceci n'est pas neuf mais souligne, si besoin en est, l'impérieuse nécessité que tout soit mis en œuvre pour que Justice et Vérité triomphent enfin de ceux qui n'ont d'autre objectif que de les maintenir dans l'obscurité la plus opaque. En vue de permettre une vision plus globale des choses, un rappel des événements qui ont suivi l'attentat sur l'avion du président Habyarimana, le 6 avril 1994, me paraît utile. Cette mise en perspective devrait faciliter un meilleur cadrage des réalités d'aujourd'hui.

Tout d’abord, quand je me suis retrouvé à la réunion du comité de crise qui s’est tenue à l’état-major des Forces armées rwandaises (FAR), de suite après l’attentat, j’ai pu constater qu’aucun des officiers présents autour de la table n’avait quelque chose à voir avec ce qui venait de se passer. Pourtant, parmi eux se trouvaient certains officiers réputés ne pas être des plus fanatiques à l'égard des accords d’Arusha. Le souvenir que je garde de ce moment historique est toujours très précis dans ma mémoire. Je sais que je me suis retrouvé en compagnie d’hommes profondément bouleversés et désemparés par ce qui venait de se passer et non face à des conspirateurs. Leur démarche n'avait d'autre but que d’évaluer les conséquences de la disparition du chef de l’État et du chef d’état-major de l’armée afin d’éviter que ce vide du pouvoir ne débouche sur l’anarchie. Sans la moindre ambiguïté possible ils ont fait appel à la MINUAR pour les aider à gérer cette crise issue de l’attentat et aussi pour répercuter vers le Conseil de Sécurité l’expression de leur volonté de voir les institutions de transition se mettre en place le plus rapidement possible, conformément au processus de paix en cours. Si des organisateurs de l’attentat s’étaient trouvés à ce moment-là autour de la table, cette réunion se serait déroulée de manière bien différente et qui plus est, dans pareille éventualité, j’ai de sérieux doutes que le Général Dallaire et moi-même aurions été conviés à y participer. D’autre part, au plan technique, un coup d’État est quelque chose qui répond à des critères universels. Si l’on veut garantir le succès de l’opération on ne prend aucun risque. Tous les éléments militaires et paramilitaires sur lesquels les organisateurs peuvent s’appuyer sont d’emblée injectés dans le scénario, de façon à exclure tout risque de surprise et mettre le pays devant un fait accompli. Ce n’est, mais alors pas du tout, la situation qui prévalait à Kigali dans les heures qui ont suivi l’attentat. Nombre de témoins directs ont déclaré que la nuit du 6 au 7 avril 1994 avait été particulièrement calme. Moi-même j’ai traversé, sans la moindre escorte armée, une partie de la ville vers 2 heures du matin et j’ai pu constater de visu l’absence de tout dispositif militaire ressemblant de près ou de loin à un état de siège. Non, décidément, ce contexte ne correspondait en rien à un coup d’État que les durs du régime auraient organisé.

À ce manque de prise en main immédiate du pouvoir, par l’une ou l’autre faction connue pour son opposition au processus de paix, correspond par contre le démarrage immédiat d’une offensive militaire d’envergure du FPR. Cette offensive se terminera trois mois plus tard par une conquête sans partage du pouvoir. En tant que militaire, la simultanéité entre l’attentat et le déclenchement de cette offensive militaire m’amène à formuler les considérations suivantes.

Primo, il est impossible de profiter d’une opportunité, telle que la disparition du président Habyarimana et du général Nsabimana (chef d'état-major des FAR), pour improviser une offensive générale mettant en œuvre de nombreuses unités aux missions totalement différentes. Bien au contraire, pareil engagement ne peut qu’être le résultat d’un processus majeur de préparation comportant la conception de la manœuvre sur le plan stratégique, la diffusion des ordres jusqu’aux plus petits échelons et la mise en place de milliers d’hommes, dans les positions de départ, prêts à réagir à l’ordre d’exécution. Tout cela ne s’organise pas au claquement de doigts, mais exige au contraire des délais importants et incompressibles. Il ne faut pas être un grand stratège pour le comprendre, c’est une question de bon sens élémentaire.

Deuxième considération. Le FPR n’aurait pas été en mesure d’assurer le punch et la continuité de son offensive sans la constitution préalable de stocks importants de munitions, d’armements, d’équipements et de matériels divers. Bref, une logistique à l’échelle des moyens humains mis en œuvre durant plus de trois mois d’opérations. Il n’y a aucun miracle en la matière, pas d’opérations militaires sans logistique adaptée. Or, c’est exactement la crainte que le général Nsabimana m’avait exprimée quelques jours plus tôt. Au cours d’une entrevue, le 30 mars exactement, soit sept jours à peine avant l’attentat, il me confiait son intime conviction que le FPR allait reprendre la guerre dans les jours suivants. Il fondait, précisément, cette conviction sur les stocks logistiques importants constitués depuis des semaines par le FPR le long de la frontière en Ouganda. À ma réplique que le FPR ne pouvait se permettre pareille aventure sous le regard direct de la communauté internationale, il me répondit mot pour mot ceci : le FPR n’a que faire de telles considérations ; l’erreur que vous, Minuar, commettez est de lui prêter le même raisonnement que le vôtre, mais la réalité est bien différente ; le FPR est un mouvement révolutionnaire et c’est en tant que tel qu’il raisonne et définit ses propres objectifs ; contre des révolutionnaires, conclut-il, si vous n’adoptez pas les mêmes méthodes vous serez toujours perdants. Point n’est besoin, je crois, d’expliquer que cette conversation m’interpella au plus au point, non seulement au moment même, mais surtout des semaines plus tard quand je me suis remémoré ces paroles et que je les ai confrontées à la réalité des événements.

Troisième considération sur les conditions de cette offensive militaire et plus particulièrement sur ses objectifs avoués ou inavoués. Lorsque le FPR reprit les hostilités à Kigali, le 7 avril 1994 vers 16h30, il justifia sa décision unilatérale par la nécessité de mettre un terme aux massacres des Tutsis. Or, le 12 avril, soit au 5e jour de son offensive générale, il a déjà infiltré, à ma connaissance, trois bataillons supplémentaires à Kigali. Je dis « à ma connaissance » car il s’agit d’une constatation personnelle. Cela n’exclut nullement, comme d’aucuns l’affirment, que le FPR disposait de beaucoup plus de moyens à Kigali. Quoi qu’il en soit, avec ces trois bataillons infiltrés et celui qui se trouvait déjà sur place, le Front possède une force capable d’agir contre les massacres qui prennent de plus en plus d’ampleur dans la capitale. Qui plus est, ce même 12 avril, dix officiers supérieurs des FAR signent un manifeste que l’on peut qualifier, dans les circonstances du moment, de très courageux. Dans ce document ils font directement appel au FPR en vue de conclure un cessez-le-feu et de conjuguer leurs efforts pour « éviter de continuer à verser inutilement le sang des innocents ». Cet appel solennel ne suscita de sa part aucun écho, avec pour conséquence directe l’amplification des tueries. À aucun moment je n’ai pu constater que d’une manière ou d’une autre le FPR tentait de s’opposer aux massacres des Tutsis à Kigali. Pourtant les forces dont il disposait sur place étaient parfaitement en mesure de sécuriser certains quartiers situés à proximité des zones qu’il contrôlait militairement et créer ainsi des zones refuge. De toute évidence le sort réservé à ces lointains parents de l’intérieur ne faisait pas partie de leurs priorités. Qui plus est, la pugnacité avec laquelle ces mêmes autorités du FPR ont exigé le départ des troupes étrangères venues évacuer les expatriés, plutôt que de requérir leur collaboration pour stopper net le carnage, est éminemment suspecte ; comme si le FPR craignait de se voir contrer, par la communauté internationale, dans ses plans de conquête du pouvoir. C’est ce qui fait dire au général Dallaire dans les conclusions de son livre « J’ai serré la main du diable » : Mais les morts rwandais peuvent aussi être attribués à Paul Kagame, ce génie militaire qui n’a pas accéléré sa campagne quand l’envergure du génocide fut manifeste et qui, en quelques occasions, m’a même entretenu avec candeur du prix que ses camarades tutsis auraient peut-être à payer pour la cause.

Non seulement à aucun moment le FPR n'a sollicité l'appui de la MINUAR pour juguler le chaos qui s'installait, mais au contraire il l'alimenta. Le 9 avril, il lança un ultimatum à la MINUAR, lui signifiant que si le bataillon ghanéen déployé dans la zone démilitarisée n'avait pas quitté ses positions dans le 24 heures, il serait pris sous ses tirs d'artillerie. Dieu sait si un cessez-le-feu aurait permis de mettre un terme au martyre de la population. Je ne peux que témoigner que toutes les demandes de cessez-le-feu exprimées par le général Dallaire ou par les FAR essuyèrent une fin de non recevoir du FPR. Ceci n'est pas une interprétation tendancieuse de la réalité, c'est un fait. Le général Nsabimana ne s'était pas trompé : le FPR menait sa guerre conformément à ses seuls objectifs, sans se soucier le moins du monde du sort des populations locales ou de l'opinion de la communauté internationale.

J’aurais encore bien d’autres considérations à formuler sur l’aspect militaire de ces événements. Je pense cependant que la relation de ce qui précède est suffisamment explicite pour réaliser que la version des faits que certains voudraient faire admettre comme vérité historique est pour le moins sujette à caution. La communauté internationale qui, il est vrai, a fait preuve d'une immense lâcheté au moment du génocide n'a aucune raison de continuer à se laisser intoxiquer par le discours de celui qui prétend, urbi et orbi, avoir mis un terme au génocide, alors que tout laisse penser qu'il en est le principal artisan. Il est inadmissible que la justice internationale refuse de s'investir dans la poursuite de tous ceux qui sont responsables de l'holocauste (6 à 8 millions de personnes) perpétré, depuis 1994, dans la région des Grands Lacs. Ce faisant, cette justice internationale renonce sans grandeur au défi historique qui était le sien.

La révélation des témoignages cachés du TPIR amène à la conclusion que, de toute évidence, le camp de ceux qui n'ont aucun intérêt à la manifestation de la vérité est toujours en position de force. Qui est derrière tout cela ? Qui tire les ficelles ? Qui sont, in fine, les véritables responsables de cet abominable gâchis ? La réponse n'est pas bien compliquée à trouver. Il suffit de se poser simplement la question suivante : Qui, dans notre monde dit "civilisé", est suffisamment puissant pour empêcher, depuis plus de quatorze années, que toute la clarté soit faite sur l'attentat du 6 avril 1994 ? QUI ? Poser la question, c'est en quelque sorte y répondre.

Luc Marchal
ancien commandant
Secteur Kigali-MINUAR
novembre 2008

Sunday, November 09, 2008

PIERRE PÉAN ACQUITTÉ par Tribunal parisien! -- de La Presse Canadienne

PIERRE PÉAN ACQUITTÉ par Tribunal parisien! -- de La Presse Canadienne

[7 Novembre 2008 devant le Tribunal Pénal de Paris, l'écrivain Pierre Péan dont le livre sur Rwanda est un sort de vaccin contre l'intoxication d'histoire de région de l'Afrique Centrale, qui a subi depuis 1er octobre 1990 et l'invasion de Rwanda par les forces ougandaises sous tutelle des EU et GB, des millions de victimes d'un vrai génocide, mais d'une magnitude et origine complètement différent de celui qu'est décrit par la plupart des medias, était acquitté des accusations de racisme et provocations de la haine. C'est un petit morceau de justice et ce s’avance la promesse de Péan de mettre au point les vraies génocidaires britanniques et amis requins dans son prochain livre. CM/P félicite cet ami de la vérité et la justice, et le souhaite un bon courage et un bon travail. mc]


de LA PRESSE CANADIENNE de 7 novembre 2008

Pierre Péan relaxé des poursuites pour "complicité de diffamation raciale"

PARIS "Une victoire pour la liberté d'expression." La défense de Pierre Péan a salué vendredi la décision du tribunal correctionnel de Paris, relaxant l'écrivain des poursuites engagées par SOS-Racisme. L'association avait porté plainte pour "complicité de diffamation raciale" et "complicité de provocation à la discrimination raciale" à la suite de la publication en 2005 du livre "Noires Fureurs, Blancs Menteurs" sur le génocide rwandais. L'éditeur Fayard a également été relaxé.

L'avocat de l'association, Me Lef Forster, a immédiatement fait savoir qu'il allait faire appel de ce jugement. "Le tribunal avec une certaine honnêteté a jugé que les propos étaient déplacés, mais a eu une lecture modérée de ces propos, une lecture que SOS-Racisme ne partage pas", a souligné Me Forster, faisant part de sa "grande tristesse".

SOS Racisme avait déposé une plainte en octobre 2006, reprochant à Pierre Péan d'avoir écrit que les Tutsis avaient recours au mensonge et à la dissimulation ou étaient des professionnels de la manipulation, l'écrivain citant parfois d'autres auteurs dans les pages poursuivies.

Le tribunal a rappelé que Pierre Péan avait fait référence au mot rwandais "ubwenge" que l'écrivain a sommairement traduit par "culture du mensonge et de la dissimulation" alors qu'il s'agit selon plusieurs témoins entendus au procès d'un concept "perçu dans cette culture comme valorisant une qualité intellectuelle et un mode de comportement".

"Replacée dans son contexte, la formulation (...) aussi brutale qu'elle puisse apparaître, spécialement pour les victimes d'un génocide, ne peut être considérée comme l'imputation d'un fait précis visant à jeter le discrédit sur l'ensemble des Tutsis", a souligné le tribunal notant que l'auteur prête aussi "ce particularisme culturel aux Hutus et plus généralement aux Rwandais".

Le tribunal retient également le caractère engagé de l'écrivain de 70 ans qui, "sans jamais nier ni banaliser l'existence du génocide dont ont été victimes les Tutsis, entend contrer une vérité officielle sur le drame rwandais et dénoncer les stratégies de désinformation, de manipulation et d'instrumentalisation de l'opinion publique par le régime de Paul Kagamé et ses partisans".

Quant à la "provocation à la discrimination raciale", les juges ont souligné que la formulation employée par Pierre Péan, une fois replacée dans le contexte, ne contient "aucun appel ni aucune exhortation à la discrimination, à la haine ou à la violence susceptible de provoquer chez le lecteur un rejet ou une réaction à l'encontre des Tutsis".

"L'objet de ce livre est un véritable combat politique qui consiste à dénoncer un régime dictatorial", a insisté Me Florence Bourg, l'avocate de Pierre Péan. "Pour nous, c'est une vraie victoire, la victoire de la liberté d'expression et du débat d'idées sur un sujet très sensible", a ajouté l'avocate, dénonçant le "terrorisme intellectuel" autour de ce "livre politique de 600 pages".

Le tribunal a en revanche débouté Pierre Péan et son éditeur qui réclamaient la condamnation de SOS-Racisme pour "poursuites abusives". Il a également estimé que les propos tenus par un témoin au procès, comparant le livre à "Mein Kampf" et M. Péan au négationniste Robert Faurisson, "ne sauraient être regardé(s) comme étranger(s) à un procès pour diffamation raciale", excluant des poursuites.

LA PRESSE CANADIENNE 7 novembre 2008

Organized Crime in Central Africa! - Pierre Péan's statement before the Court of Paris - 23 September 2008

Organized Crime in Central Africa! - Pierre Péan's statement before the Court of Paris - 23 September 2008

[Here is the CM/P translation of French journalist Pierre Péan’s statement to the Court of Paris in his trial for incitation to racial hatred (Hate Speech?) and racial defamation.

I devoured Péan’s book on Rwanda, ‘Noires fureurs, blancs menteurs’ [Black Fury, White Liars], and wish I could have translated and posted the whole thing here. It describes in the most vivid detail not just who killed how many of whom, by what means, where and why, but how world opinion was shaped so as to make those foreigners who aggressed Rwanda on 1 October 1990, the bloodthirsty Ugandan NRA personnel who still make up the Rwandan Patriotic Front (the putatively Tutsi-RPF), which in four terror-filled years thoroughly decimated the population of that small, tightly-packed nation—and are currently continuing a similar ten-year+ plan of ‘population control for resource rip-off’ in eastern Congo—to turn this Western proxy liquifactionist force into the VICTIMS of the most publicized genocide since WWII; while the Rwandan nation, with its socialist revolution, was brutally penetrated, terrorized and slaughtered—with those whom the RPF couldn’t kill sent fleeing into neighboring states—and these refugees, men, women and children from every ethnic and tribal background are still being decried as ‘genocidaire’, as risks to Rwanda’s vaunted national security, and are today being hunted down in the millions—like Alaskan game caught in the floods of Sarah Palin’s helicopters, but by a factor of 100K.

So much of the information that is essential to an understanding of the geopolitics and history of Central Africa is written in French, that, since I’ve started translating some of these texts, I’ve been overcome with anxiety over just how best to let my friends back in Babble-ON know what’s up. If you watched the last presidential debate, even at 3 am—when it tipped off here in Paris—it was impossible not to get the screaming mimis over how poorly informed the two candidates were—and what that says about the level of politico-historical awareness of the general public in the US.

Not surprisingly, Africa was not discussed Tuesday evening. But to hear both McCain and Obama talk about the Russian (‘imperialist’?) ‘invasion and illegal occupation’ a plucky wannabe democracy like Georgia on the same day that the NYTimes posted an article describing Georgia’s continuing deadly attacks on the 'break-away region' of South Ossetia and the further killing of Russian peacekeepers in the UN sanctioned mission to that autonomous republic, just sorta tightened the unReality bolt in my neck, like dropping a couple extra tabs of Owsley’s right in the middle of an already very creepily bad trip.

And Péan’s trial, which will hear the Court’s judgment on 7 November (so, you know, it won’t influence the American vote, uh-huh.), is a similar shaky gondola ride down the canals of Uranus: a writer whose whole life has been spent in searching out truth and seeking justice for Africa, in opposing French colonialism and the corruption of his nation’s information system, is dragged before the national bar by some of his own putatively anti-racist and anti-imperialist sponsees. His crime, it seems, is that, once again, he has disagreed with the dominant opinion. But what is most chilling about his statement here below--at least for those of us who work the genocide beat—is that this time—because when these charges of racism were first brought against him, the nearly 70 year old Péan threw a serious heart lock—this time the promiscuous purveyors of false history, that MTD (Media-Transmitted Disease), as they did with Slobodan Milosevic's hypertension and appear to be on the verge of doing with a hunger-striking Dr. Vojslav Seselj at The Hague Tribunal for Yugoslavia, seem to be prepared to neutralize those who question their orthodoxy with the extremest of extreme prejudice. –mc]


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Organized Crime in Central Africa!
Statement by Pierre Péan before the Court of Paris
23 September 2008

Your Honor,

I have experienced being charged with incitation of racial hatred and racial defamation as a marking. A branding more profound than that of my ancestor who was condemned for dealing in contraband salt and died two years later in prison in Brest. He had only sold some salt in Mayenne that he’d bought in Bretagne, for the sole purpose of feeding his family. What I’m charged with is much more serious than to have tried to avoid customs officers collecting unjust taxes. If criminal law considers the incitation to racial hatred to be a violation, then, as far as I’m concerned, it is a crime. It always leads to the spilling of blood.

For almost three years, I have been dragged through the mud by the various media—I’m thinking here especially of Charlie-Hebdo, which hews the contours of freedom of expression with its very own hands; in the best stories, I am depicted as a racist, but also as an anti-Semite, a revisionist, even a negationist, as was the case in Le Point under the byline of Mr. Bernard-Henri Lévy.

This is just simply unbearable. Besides which, my heart cannot stand any more of these monstrous and unjustified attacks. If you went along with the charges made by SOS Racisme, which is carrying water for Ibuka, itself an agent of the government in Kigali, you would nullify my whole life, all my struggles, all my commitments in this one fell swoop.

This affair has caused me to look back and ask myself many questions. I am not going to burden the court with all the details of a half-century of my very full life, but I think it is imperative that you know the important role played by all my commitments against colonialism, against racism and for the development of what we have come to call the Third World. After having militated against France in Algeria, taken part in the large demonstrations in Paris, especially the one in Charonne in 1962, I left for Africa at the end of that year, with a contract from Gabon—not France—to serve as an attaché to the cabinet of the Minsiter of Finance in Gabon. I was, and have remained for a long time, what is called a Third Worldist. I lived in Gabon until the end of 1964, where I worked diligently against French neo-colonialism. Such diligence forced me to leave Gabon more quickly than I had planned.

Since that time, I have maintained constant contact with Africa and Africans. I have had to travel nearly a hundred times to the continent; I wrote several books on French-African relations, including one which brought me a great deal of public attention, ‘Affaires africaines’ [African Affairs], in 1983, but also, ‘L’Argent noir’ [Black Money], ‘L’Homme de l’ombre’ [The Shadow Man], ‘Manipulations africaines’ [African Manipulations], and ‘Main basse sur Alger’ [Ripping Off Algeria].

I have struck up and maintained close relations with many Africans. I was a patron of SOS Racisme, took part with Christophe Nick in the creation of Stop La Violence. Africa was such a presence in my home that, as soon as she had finished her studies, my daughter moved to Africa. She still lives there with her three children. My wife, whom I got to know in Africa, is the godmother to a Congolese girl. My sister is married to a Cameroonian, is also godmother to a little Congolese girl, and, in the African community of Sablé, she is affectionately known as ‘the Blacks’ Mama’.

Despite this history, in 2005, at the age of 67, I suddenly and brutally threw all my convictions overboard, and was seized by an irrational hatred of Tutsis, I suddenly put all my energies into harming them? This, obviously, makes no sense. I respect the Tutsis as I respect all the citizens of the world, whatever their origins, their color or their religion, and I even feel a very great compassion for them, when bearing in mind the genocide that was directed against them in 1994.

At the beginning of this trial, and in order to appreciate the words being held against me from pages 41 to 44 of my book, Noires fureurs, blancs menteurs [Black Fury, White Liars], it is important that the court understand what brought me to write this book.

Like everybody else, I was totally shocked by the images of slaughter-by-machete aired on every TV channel in April and May of 1994, massacres that later came to be described as the ‘genocide of the Tutsis and moderate Hutus’. I was later confronted on a very personal level by the consequences of one of first murders that followed the attack on the plane carrying the two [Hutu] presidents of Rwanda and Burundi, and in which, on 6 April 1994, President [Juvénal] Habyarimana had his life taken: it was the killing of Agathe Uwilingiyimana, the sitting Hutu Prime Minsiter [of Rwanda]. I, in fact, played a part in saving her five children. I followed with astonishment the violent attacks against France when Operation Turquoise was put together. At the time, I was finishing my book, Une jeunesse française [A French Childhood], I was privileged to be taken into François Mitterand’s confidence on the Rwandan drama. On 1 July 1994, just before he was to meet with Ugandan President Yoweri Museveni, I saw important French policy-makers on Africa weeping openly in the halls of the Élysée Palace because they couldn’t understand why France was being so violently attacked. But in 1996 I was confided in by a former pan-African militant close to one of the members of the RPF’s ‘Commando Network’, which mounted the attack on the presidential plane 6 April 1994. An attack intended to seize power for the rebels of the RPF, a large majority of whom were Tutsis. An attack, the world now concurs, that triggered the genocide of Tutsis and moderate Hutus.

After that, I attracted much general attention with all that I said and wrote about the Rwandan drama. With Jean-François Bizot, I wrote my first article on the subject in L’Almanach d’Actuel in 1997. An article in which the essential was already stated: that Paul Kagame, head of Ugandan Military Intelligence, left Uganda in 1994 at the head of a band of Tutsi exiles armed by that country to seize power in Kigali by military force. We were also saying that Paul Kagame had finished his conquest by shooting down the plane carrying the Rwandan president, and that he knew very well that by acting thus he would unleash the anger of the Hutus against the Tutsis of Rwanda, considered the allies of the RPF rebels. This is not very elegant to say, but I believe, in this situation, it is important. In Actuel we specifically wrote these sentences: ‘Put yourself into the head of Paul Kagame at the moment he decided to ‘neutralize’ the two Hutu presidents of Rwanda and Burundi. He knew he was going to bring on chaos, to set off the genocide of his own people, the Tutsis. At the age of 2, he had to flee the first genocide [and allusion to the exactions of 1959, the moment of independence, that sent thousands of Tutsis into exile]. He saw no other way to bring the Tutsis to insurrection. And being a good revolutionary, he figured the ends justified the means. History is not made by the faint hearted. . . .’ I have to say that this very long article remains without a response from that period. No one took it up, not even to contest it, not then and not later.

The following year, 1998, after the media attacks launched against France, carried by various groups—Survie out in front of them—and by fierce supporters of the new power in Kigali, a parliamentary commission of inquiry sought to find out if French politicians and military officers had behaved badly in Rwanda. The Quilès report, which concluded that France had perhaps committed some errors in Rwanda, but, in no way, was complicit in the genocide, did not satisfy Kigali, or its French supporters, who, on the contrary, did not thereafter cease to ratchet up the intensity of their attacks. Omitting, of course, any mention of the responsibility of the ‘Commando Network’ in the 6 April 1994 attack.

After that, Kigali’s version of things was imposed as the official version of the Rwandan drama. A version that had the advantage of being simple—I would say even simplistic. It reduced the effect of the Rwandan story to a confrontation between Good and Evil, the Bad Guys and the Good Guys, the evil Hutus and the righteous Tutsis. If one is to believe the popular media notion of how things happened, for good measure, the Hutus were led by a ‘Tropical Nazi’, and aided by a ‘Hitleresque’ Mitterand and his Waffen-SS.

In 2000, more and more exasperated by the spread of these manifest falsehoods, I tried to unmask them by starting a new investigation into those who ordered the 6 April attack, convinced that the revelation of Paul Kagame’s personal involvement in this attack, and then of his personal responsibility in the genocide, would, at least, cause those of good faith to reflect on these events. I published the results of this inquiry in the journal Le Nouveau Papier. The essence of the conclusions drawn by Judge [Jean-Louis] Bruguière, on which he based the international arrest warrants he ordered in December 2006, is found in this piece. But this was another futile gesture. No one dared to discuss the results of my inquiry. TV, like the rest of the main media, continued to gobble up the lies of the Rwandan Head of State, who, some, like the Belgian professor [Filip] Reyntjens, consider to be ‘the greatest living war criminal’. As we saw in the past with the Soviet Union, the media continued to give air time to the ‘useful idiots’, as we used to call them at that time, the ‘fellow travelers’, and the militants passing themselves off as independent witnesses. I’m not talking here about the sincere stories of survivors who lost their entire families in the massacres—I respect their suffering and their desire to testify. As with all witnesses, they have a part of the story. But history, if it includes them, goes well beyond them, especially when it is still in the making. And there are those who would exploit their suffering.

Watching this spectacle, my irritation grew into anger: because the violent installation of Paul Kagame in Kigali did not slake his thirst for power. He continued his war beyond the frontiers of Rwanda, spilling largely (and that is an understatement) into the east of the Democratic Republic of Congo. RPF troops, aided by Ugandans and protected by American Special Forces, under the pretext of tracking down the genocidaires, went on to kill hundreds of thousands of Rwandans and Congolese; they destabilized Zaire, going all the way to Kinshasa in 1997 to install as president their puppet, Laurent-Désiré Kabila. The mass crimes of the Rwandan invaders were coupled with a pillaging of the country’s vast riches. The following year, under the pretext that their puppet was not executing their decisions with sufficient enthusiasm, the RPF troops renewed their military adventures in the ex-Zaire. Because Paul Kagame succeeded in making himself the principal representative of the victims of the Rwandan genocide, the International Community did not react to the mass crimes he ordered and was fully responsible for, and which were declared to be genocide by a Spanish Judge.

The heart of Africa has bled for 18 years now! I have, first off, tried to convince politicians and journalists to act, to examine the whole situation, and to denounce the lies of Paul Kagame.

The publication in 2004 by Le Monde of a part of the investigation by Judge [Jean-Louis] Bruguière, ironically, inspired a new combative spirit in Kigali and its sycophants to promote its lying version of the history of the Rwandan drama, and to accuse and insult France, through its political and military leaders. So I decided once again to do battle against this disinformation—with the only weapon I know: investigative reporting. A deep investigation, reported in a 544-page book, which opened a route to the truth. An investigation aimed at exposing just how such a rewriting of history was achieved, and how Paul Kagame was relieved of any responsibilities in the attack of 6 April 1994. Because the event that triggered the genocide, I repeat, was most certainly this attack, and many knowledgeable writers on the Rwandan case now share this view.

I have been an investigative journalist for almost 40 years, and specialized in sensitive investigations for 30 years. To approach the Rwanda drama, I used my usual methods, questioning a great many people, but paying special attention to written materials. However, I decided not to go to Rwanda, because I figured that questioning witnesses under a bloody dictatorship that allows thousands to rot in prisons, that has everywhere set up people’s courts, and eliminated whomever it saw fit, made little sense. Calling it a ‘bloody dictatorship’ is not meant as a provocation: this term has been used by many observers and NGOs, but also and especially by the Spanish judiciary acting on a complaint from the International Forum for Truth and Justice in the Great Lakes Region of Africa, headed by Juan Carreero, over the assassination of 9 Spanish nationals (2 missionaries, 4 Marist monks and 3 members of Spanish Doctors of the World) in Rwanda and in the Democratic Republic of Congo (DRC).

I believe that it is very important for the clarity of the discussion that will follow here to bear in mind the true nature of the regime led by Paul Kagame. And I will limit myself for now to reading you the beginning of the Spanish court order that came out last February calling for 40 arrest warrants against the political/military power structure in Kigali:

“Today reasonable and well-founded evidence is presented according to which, beginning in the month of October 1990, a politico-military group, well armed and organized, initiated from Uganda a series of actions of a criminal nature on the territory of Rwanda.

“Over the next four years, there took place different organized and systematic activities the purpose of which was to eliminate the civilian population, as much by instigating military hostilities against the Rwandan army as by the perpetration of terrorist acts of varying intensity and range, executed on the territory of Rwanda, principally in the northern and central regions, all of which actions were carried out under a stable and structured command, based on strategic as well as organizational plans.

“Once this group had seized power through military violence, it used the same methods to install a reign of terror and a criminal structure parallel to the legal state, through the use of planned and premeditated imprisonment, the rape of women and young girls, the perpetration of terrorist acts (sometimes carried out in such a way as to make them appear to have been committed by their enemies), the jailing of thousands of citizens without the least judicial authorization, the carrying out of targeted assassinations, the systematic destruction and elimination of dead bodies by burying them without any identification in mass graves, incineration on a massive scale or throwing the bodies into lakes and rivers, as well as indiscriminate attacks on the civilian population based on a predetermined ethnicity, with the purpose of eliminating the ethnic majority, and also the commission of violent acts in Rwanda and in its neighbor, Zaire (today the DRC), perpetrating indiscriminate and systematic massacres of the refugee population, as well as acts of large-scale looting in order to finance these criminal activities and enrich the leaders.”

The regime in Kigali has for some time understood the importance of ‘communication’ to its survival, and knows how to push the right buttons. Were they approaching a Soviet-era reality with their USSR-style interrogations of this or that person well-known to the authorities? Obviously not. It was the defectors and dissidents who had succeeded in revealing the true nature of the Stalinist regime. But there were enough people driven out of Rwanda, including some close to Kagame, to avoid this problem.

After having deepened my knowledge about the attack of 6 April 1994, I dove into an imposing mass of material that I was able to pull together on the Rwandan drama: notably the Quilès report, documents from the Élysée Palace, newspaper articles, and, most surprising, a great number of documents put out by the Hutus but that had, since 1994, simply been censored for no other reason than that they were from the Hutus, all of whom were considered categorically to be genocidaires.

Just as quickly, I experienced a weird feeling that I had never encountered in any of my previous investigations. And God knows I had often met people of questionable repute, gotten inside some seamy worlds, and had, on many occasions, been confronted with disinformation and lies. Here, I was struck by the systematic quality of what I would call an almost industrial treachery, with false witnesses who served to create from whole cloth what would come appear to almost everyone as the truth. Struck by the manipulations of history used by the victors and by the hijacking of certain terms, like ‘victims’, which could refer only to Tutsis. Even the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR) didn’t seem to me to be above suspicion, as it refused to prosecute those who took part in massacres committed by the RPF. As Montaigne wrote, unlike the truth, the lie has more than just one face. ‘Because we take as certain the opposite of what the liar says. But the opposite of the truth has a hundred thousand faces, and an indefinite field,’ is how he put it.

My book had to examine Rwandan lies and to unmask the liars who are intent on imposing a falsified version of History on the world. ‘Noires fureurs, blancs menteurs’ is first of all a book about the lies of the power in place in Kigali.

As I wrote on page 44 of my book, ‘the army often used tricks—planes, tanks, and trucks made out of cardboard or wood—to make the enemy think an attack was imminent, or make them waste their ammunition on these false targets. The Tutsi rebels have done much better. They have succeeded until the present day to completely falsify the reality of Rwanda by imputing their own crimes and terrorist acts to others, and demonizing their enemies. To investigate Rwanda proved to be an impossible task, with the victors raising lies and secrecy to the level of high art. (This sentence, which figures in SOS Racisme’s complaint, like all the others, I take full responsibility for.) What one sees here has nothing in common with reality, but instead reflects the sham created by Paul Kagame and his strategists. The masks are everywhere. Kagame and his Tutsi collaborators have until now succeeded in convincing international public opinion that they can stand outside in the rain and not get wet.’

Considering such an observation drawn from many months of investigation, I felt the need to go beyond the factual parameters that described the war set off on 1 October 1990, the date on which the Tutsi rebels most recently penetrated Rwanda. The sophistication of the war of disinformation conducted by the RPF forced me to better understand the culture of Rwandan. After reading a few of his books, I actually met Antoine Nyetera. A Tutsi descendant of King Kigeri III, he has an excellent knowledge of Rwandan history and of its principal actors. He is considered an ‘impartial observer of events, better placed than any other witness to clarify the problems that a foreign expert would not be able to grasp,’ as I stated in a document submitted to the ICTR. He has testified several times before prestigious gatherings like, most notably, the European Parliament. The ICTR called him, and he came to Arusha in February and July 2002, and September 2006. His testimony was entitled ‘The Tutsi Myth and its Influence on the Culture of the Lie and Violence in Rwanda.’

In approaching this chapter, I wanted to contextualize the disinformation that the RPF used, between 1990 and 1994, as a weapon of war to cover their strategy for the military conquest of political power within Rwanda’s long history, a history marked by the use of what I called ‘the lie’, in Kinyarwandan specifically called the ‘Ubengwe’. . . .

The passages that are being used against me are in this first chapter, which merely lays out the ‘rudiments of Rwandan history and geography’, and which I wrote to make clear that, while I do not pretend to be a historian, the French reader should have some idea of the history of the country. And it was essential to add ‘a brief’ description of the characteristics of Rwandan society, especially the ‘culture of the lie’ that is a particular form of civility, and that is not at all extraordinary and has been well-known for a long time. I don’t believe I worked any differently from specialists in Near- or Middle-Eastern terrorism, who, in presenting their analyses, call on the ‘takya’ which is practiced in those regions: the right to lie to defend one’s convictions.

The existence of a ‘culture of the lie’ in Rwanda, which so shocks the president of SOS Racisme, is an obvious fact not only to Antoine Nyetera, but to all Rwandans, an undeniable cultural fact on which several scientists have made studies. I said it’s all about ‘ubgenge’ or ‘ubwenge’, because the Rwandan language uses specifically these terms to name it. In French [or English] there is no word that perfectly expresses it: it could be translated as ‘mensonge’ [lie], ‘ruse’ [cunning], ‘dissimulation’ [duplicity], ‘réserve’ [secrecy], etc. Some witnesses at this hearing will explain ‘ubwenge’ better than I can. I will limit myself here to citing professor Pierre Erny, who, in a study published in No. 40 of the Cahiers de sociologie économique and culturelle (INIST/CNRS), in 2003, entitled ‘Ubgenge: intélligence and ruse à la manière Rwanda et Rundi. He writes: ‘In a society where “the truth is not a dominant element on the scale of values”, where not only is everyone likely to hide the truth, but where the ‘lie’ is considered one of the beaux-arts and mind games are considered among the most exciting, no one is fooled, everyone knows where he stands and how he should react. To put it another way, only outsiders are victimized.’

This is all I’m saying. But, in the case of Rwanda, woe is he who has even the slightest question about the official story. And, furthermore, it does no good these days to cast doubt on the official version of things. And since we’re talking about genocide here, even a double genocide, we should seek to bring all these various massacres together into one great crime, like the destruction of the European Jews during WWII. I was well aware of this trap. I wrote on page 22 of my book: ‘In order to make their narrative indelible, Kagame’s unconditional defenders set up a fearsome ‘communications strategy’: make out all those who question their thesis to be historical revisionists of the sort that deny the reality of the gaz chambers or the number of victims of the Shoah. To disqualify all those who questioned the morality of the current Rwandan president, the head of the association Survie did not hesitate to talk of ‘negrophobia’.

‘So little by little there was developed a fierce rhetoric using the vocabulary and the body of criticism engendered by the Shoah. Overall, since there was a genocide in Rwanda, there had to have been Nazis and torturers—and, as a consequence, a bunch of historical revisionists. Whoever put out doubts about the ‘Kagamean vision’ of events, exposed himself to being, in his turn, ranked among the neo-Faurissonien campers.’

This is what happened to me, but I have to say that I am not alone in this case. I am joined by some eminently respectable people. I’m think particularly of the journalist Stephen Smith, who testified before you on Thursday, but also of Judge [Jean-Louis] Bruguière, who, after having ordered arrest warrants against Paul Kagame’s entourage, was called a revisionist, and even a negationist, by Kigali; and also Spanish Judge [Fernando Andreu] Merelles, who, after having ordered 40 arrest warrants against Kagame’s principal collaborators, suffered the same accusations and calumnies. The two judges, moreover, were made the subjects of judicial attacks from the powers in Kigali.

I have for some time now been asking myself why the president of SOS Racisme got involved in this debate on the side of François-Xavier Ngarambe, who, as president of Ibuka, was ordered by the government in Kigali in the beginning of 2006 to file law suits against me. Why, when, in October 2006, at the press conference to announce the complaint filed against my publisher and me, he would speak of my book as ‘a blatant swindle’ and let the lawyer Bernard Maingain speak of my intention as being ‘a return to a fascination with a certain Pétainism’.

Last spring, while reading a book entitled Rwanda: Pour un dialogue des mémoires [For a dialogue of memories], published in April 2007 by Les Éditions Albin Michel and the French Union of Jewish Students, with a preface by Bernard Kouchner, I finally got it. In this book, written by ‘the children of deported Jews and the descendants of Black slaves’, to borrow from Bernard Kouchner’s description, after a one-week trip to Rwanda in February 2006, that allowed them to meet the survivors of the genocide, Dominique Sopo, as a ‘descendant of a Black slave’, developed his own vision of the Rwandan drama. His contribution seemed to me to fold his un-nuanced repetition of the Kigali dictatorship’s official version of things into his own vision of world history, and that he did not hesitate to compare the genocide of the Tutsis and moderate Hutus with the Shoah.

For Doninique Sopo, what happened in Rwanda is merely the product of racism and Western colonialism. According to him, the Rwandan genocide is the ‘last link in a long chain’ (page 58) which he describes as having its source in Greek philosophy, where he sees the genesis of racism: ‘By identifying the Beautiful with the Good, does it not encourage searching for signs of Evil in the physical as well?’ (page 58). Sopo can’t help using the same Manichean criteria to analyze the world and its history: on one side are the good guys, on the other the bad guys. Subscribing to this basic dialectic, he presents Africa as a paradise lost since the arrival of the Whites. And under his pen, the Rwandan drama does not escape this rudimentary analysis.

From there, Dominique Sopo cobbles together an entire history in which the Hutus are the Nazis who carry within themselves the ideology of the genocidaire that inevitably leads to the tragedy of 1994. He describes the Manifeste des Bahutu [the Bahutu Manifesto], published in 1957 by Hutu intellectuals demanding that lands be shared and participation in the territorial administration, which, until then, had been in the hands of the Tutsis, as the Rwandan Mien Kampf: ‘This manifesto,’ writes Dominique Sopo, ‘lays the ideological foundations for the future’ (pages 62 & 63). The president of SOS Racisme assigns the final historical responsibility for the Rwandan genocide to Whites, because they instilled in the Hutus their own colonial vision of Rwandan society. Along the same lines, he explains how the Tutsis, as ‘members of a social category’ and ‘residents of a multi-secular Rwanda’, found themselves ‘racialized’ by the colonists, and, thereby, ‘exteriorized’. I quote him: ‘We will, furthermore, end up calling them “the Jews of Africa”, which, everyone must admit, does not bode well for their future’ (page 61).

Before writing a sentence like this, militant anti-racist that he is, Sopo should have worked a little more deeply on this dossier. To have worked on it, in any case, beyond the single week he spent in Rwanda in February 2006, where he only heard the potted histories of the ultra-Tutsis running the dictatorship in Kigali. He would have discovered that the expression, ‘Jews of Africa’, was used designedly by the Tutsis, themselves, in their propaganda. And it was the newspaper, Impuruza[1], that first used it in 1983: ‘A nation in exile, a people without leadership, the “Jews of Africa”, a nation without a State, all these expressions would make marvelous titles to describe the saga of our people.’ Though more mundane, it would have been enough for Dominique Sopo to meet some Rwandans who did not belong to the RPF, or who did not currently live in Rwanda, to become aware that his vision of Rwanda was totally ideological, that if the Tutsis and the Hutus feel themselves to be different, their differences are not of an economic nature, but ethnic, because the former dominated the latter until the end of the 1950s: this is the reality that the colonial administration previously calculated and crystallized. Some Rwandan historians and Rwandan nationals can explain this subject to you with a vision completely different from Sopo’s.

In his text, and despite a formal introduction critical of comparisons of the Tutsis with the Jews, Sopo constantly returns to the similarities between the Tutsis and the Jews, and, consequently, of the Hutus and the Nazis. The president of SOS Racisme seems not to recognize that to confuse the Shoah and the genocide of the Tutsis is a historical aberration and, moreover, in certain regards, an insult to the memory of the victims and those who survived the Shoah. It even verges on anti-Semitism: in 1933 as in 1939, it was certainly not a gang of Jews who took up arms and invaded Germany. Who would dare support such idiocy? But, it assuredly was the ultra-Tutsis of the RPF who, almost exclusively, took up arms against what was then called ‘Hutu Power’. And it was these same Tutsis who won the civil war and seized state power.

In just a few pages, Dominique Sopo almost perfectly dictates a version of this history that is radically opposed to the one in my book. The history he reports is the official, potted version that is disseminated by Kigali, and retold by those I call the ‘blancs menteurs’ [White liars].

Dogmatically locked into his personal theories of racism, Dominique Sopo, always meanly questioning the intentions of those French—politicians, military people, intellectuals and journalists—who don’t think as he does, and who, like me, speak of a ‘double genocide’, and of ‘accomplices in the on-going genocides and those that will occur in the future’ (page 71).

The president of SOS Racisme certainly has the right to think what he wants about the Rwandan drama, to think in terms of a fundamentalist dialectic of Good v Evil as the driving spirit of History, but I challenge him absolutely when he charges me with racism solely because I don’t think as he does! In my book, I was only trying to search out the truth.

Your Honor’s judgment will answer the question posed by Hervé Deguine, of Reporters Sans Frontières, in an article published in Médias: ‘Can one still write freely about Rwanda?’

I have confidence that the Justice system in my country will absolve me of the terrible charge that SOS Racisme has, outside all legitimacy and disdaining the truth, leveled against me.


Note:

[1] Impuruza was the first newspaper of the Rwandan diaspora. Founded by Alexandre Kamenyi in the US, the title was well chosen to describe the spirit of retaking by force of arms that political power which was lost. Impuruza is the traditional drum used before colonial times by the Tutsis as a call to war.

Crimes organisés en Afrique Centrale ! - Déclaration de Pierre Péan au tribunal de Paris - 23 septembre 2008

Crimes organisés en Afrique Centrale ! - Déclaration de Pierre Péan au tribunal de Paris - 23 septembre 2008

[Le procès Pierre Péan, dont un jugement va arriver le 7 novembre, nous intéresse beaucoup parce que l'accusé Péan pour la plupart de son carrier se visait d'exploser la culture de mensonges et désinformation, et de contredire la théorie dont la haine est la pulsion primaire à l'histoire, par exposant la vraie histoire torturée de Rwanda, et ses effets sur la tuerie en Congo actuel.

Mais Péan n'est pas le seul d'être attaqué des charges d’instiguer la haine (raciste) contre ses ennemis. À La Haye, Dr. Vojalsav Seselj subi la même charge dans le contexte de guerre qui a détruit Yougoslavie. Bien que Dr Seselj tentât d'établir une défense civile à son pays contre l'agression occidentale d’EU/UK/UE, pour mieux attaque la Russie, M. Péan luttait principalement pour la cause de vérité et justice en écriant l'histoire d'Afrique, continent le plus martyrisé de toutes. Voici la déclaration d'auteur du livre formidable sur Rwanda, Noires fureurs, blancs menteurs, dont il a présenté devant le Tribunal de Paris le 23 Septembre 2008. —mc]

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Crimes organisés en Afrique Centrale !
Déclaration de Pierre Péan au tribunal de Paris
23 septembre 2008

Monsieur le Président,

Je vis ma mise en examen pour incitation à la haine raciale et diffamation raciale comme une flétrissure. Une flétrissure plus grave que la marque au fer rouge de mon ancêtre condamné pour faux-saunage et mort deux ans plus tard au bagne de Brest. Lui n'avait fait que vendre en Mayenne du sel acheté en Bretagne aux seules fins de nourrir sa famille... Ce qui m'est imputé est bien plus grave que d'avoir tenté d'éviter les gabelous pour ne pas payer une taxe inique. Si le droit pénal qualifie l'incitation à la haine raciale de délit, je la considère, quant à moi, comme un crime. Elle aboutit en effet toujours à l'effusion de sang...

Depuis presque trois ans, je suis traîné dans la boue par de nombreux médias – je pense notamment à Charlie-Hebdo qui cisèle les contours d'une liberté d'expression à sa main ; dans le meilleur des cas, j'y suis présenté comme un raciste, mais aussi comme un antisémite, un révisionniste, voire un négationniste, comme ce fut aussi le cas dans Le Point sous la plume de M. Bernard-Henri Lévy.

C'est tout simplement insupportable. D'ailleurs, mon cœur n'a pas supporté ces attaques monstrueuses et injustes. Si vous deviez suivre l'accusation de SOS Racisme, relayant l'association Ibuka, elle-même courroie de transmission du gouvernement de Kigali, c'est toute ma vie, tous mes combats, tous mes engagements que vous rayeriez d'un trait.

Cette affaire m'a amené à regarder en arrière et à me poser beaucoup de questions. Je ne vais pas imposer au Tribunal la relation détaillée d'un demi-siècle d'une vie bien remplie, mais je crois indispensable qu'il sache le rôle important qu'ont joué dans mon parcours mes engagements contre le colonialisme, contre le racisme et pour le développement de ce qu'on appelait alors le tiers-monde. Après avoir milité contre l'Algérie française, participé aux grandes manifestations parisiennes, notamment, celle de Charonne en 1962, je suis parti en Afrique, à la fin de l'année 1962, avec un contrat gabonais - et non français - comme attaché de cabinet du ministre des Finances du Gabon. J'étais et je suis resté longtemps ce qu'on appelait un tiers-mondiste. J'ai vécu au Gabon jusqu'à la fin de l'année 1964, où j'ai milité contre le néo-colonialisme français. Tellement milité que j'ai été contraint de quitter le Gabon plus vite que prévu...

Depuis cette époque, j'ai maintenu des liens constants avec l'Afrique et les Africains. J'ai dû aller pas loin d'une centaine de fois sur le continent ; j'ai écrit plusieurs livres sur les relations entre la France et l'Afrique, dont celui qui m'a révélé au grand public, Affaires africaines, en 1983, mais aussi L'Argent noir, L'Homme de l'ombre, Manipulations africaines, Main basse sur Alger...

J'ai noué et gardé des relations étroites avec de nombreux Africains. J'ai été parrain de SOS Racisme, ai participé avec Christophe Nick à la création de Stop La Violence... L'Afrique était tellement présente à la maison que, dès qu'elle a fini ses études, ma fille s'est installée en Afrique. Elle y vit toujours avec ses trois enfants. Ma femme, que j'ai connue en Afrique, a une filleule congolaise. Ma sœur a épousé un Camerounais, est marraine d'une petite Congolaise, et, dans la communauté africaine de Sablé, elle est affectueusement surnommée "la maman des blacks"...

Malgré ce contexte, j'aurais donc, en 2005, à 67 ans, subitement et brutalement envoyé toutes mes convictions par-dessus bord, et été saisi d'une haine irraisonnée contre les Tutsis, j'aurais soudain mis toute mon énergie à leur faire du mal... Cela n'a évidemment pas de sens. Je respecte les Tutsis comme je respecte tous les citoyens du monde, quelle que soit leur origine, leur couleur ou leur religion, et j'éprouve même à leur égard une très grande compassion, en ayant toujours en tête le génocide qui les a visés en 1994.

Au début de ce procès, et pour apprécier les phrases qui me sont reprochées dans les pages 41 à 44 de mon livre Noires fureurs, blancs menteurs, il est important que le Tribunal comprenne la démarche qui m'a conduit à écrire ce livre.

Comme tout le monde, j'avais été très choqué par les images des massacres à la machette diffusées par toutes les chaînes en avril-mai 1994, massacres qualifiés quelques semaines plus tard de "génocide des Tutsis et des Hutus modérés ". J'ai d'ailleurs été confronté personnellement aux conséquences d'un des premiers meurtres qui ont suivi l'attentat contre l'avion qui transportait les deux présidents rwandais et burundais, dans lequel a péri, le 6 avril 1994, le président Habyarimana : l'assassinat d'Agathe Uwilingiyimana, la Première ministre hutue en exercice. J'ai en effet participé au sauvetage de ses cinq enfants... J'ai suivi avec étonnement les attaques violentes contre la France quand a été décidée l'opération Turquoise ; alors que je terminais mon livre, Une jeunesse française, j'ai eu le privilège de recevoir les confidences de François Mitterrand sur le drame rwandais, le 1er juillet 1994, juste avant qu'il ne reçoive Yoweri Museveni, le président de l'Ouganda ; j'ai vu pleurer dans les couloirs de l'Élysée des responsables français de la politique africaine qui ne comprenaient pas pourquoi la France était si violemment attaquée... Mais j'ai surtout, en 1996, reçu les confidences d'un ancien militant panafricain proche d'un des membres FPR du Network Commando qui a monté l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion présidentiel. Attentat qui avait pour objectif la prise de pouvoir par les rebelles du FPR, Tutsis dans leur très grande majorité. Attentat dont tout le monde s'accorde à dire qu'il a été le facteur déclenchant du génocide des Tutsis et des Hutus modérés.

À partir de là, j'ai évidemment porté une attention plus grande à tout ce qui se disait et s'écrivait sur le drame rwandais. J'ai écrit avec Jean-François Bizot mon premier article sur ce sujet dans L'Almanach d'Actuel de 1997. Article dans lequel était déjà dit l'essentiel, à savoir que Paul Kagame, patron du renseignement militaire d'Ouganda, était parti d'Ouganda à la tête d'exilés tutsis armés par ce pays pour prendre le pouvoir à Kigali par la force, en 1994. Nous disions aussi que Paul Kagame avait terminé sa conquête en abattant l'avion dans lequel se trouvait le président du Rwanda, et qu'il savait pertinemment qu'en agissant ainsi il déchaînerait la colère des Hutus contre les Tutsis du Rwanda, considérés par eux comme des partisans des rebelles du FPR. Ce n'est pas très élégant de se citer, mais, en la circonstance, je crois que c'est important. Dans Actuel, nous avions notamment écrit ces quelques phrases : "Mettez-vous dans la tête de Kagame au moment où il décide de "dessouder" les deux présidents hutus du Rwanda et du Burundi. Il sait qu'il va précipiter le chaos, enclencher le génocide de son propre peuple, les Tutsis. À deux ans, il a dû fuir le premier génocide [allusion aux exactions de 1959, à l'heure de l'indépendance, qui vit des milliers de Tutsis s'exiler]. Il ne voit pas d'autre solution pour contraindre les Tutsis à l'insurrection. En bon révolutionnaire, il se dit que la fin justifie les moyens. On n'écrit pas l'histoire avec un poignard en caoutchouc..." Je dois dire que ce très long article resta à l'époque sans échos... Personne ne le reprit, pas même pour le contester, ni alors, ni ultérieurement.

L'année d'après, en 1998, à la suite des attaques médiatiques lancées contre la France, relayées par quelques associations - Survie en tête - et par des supporters acharnés du nouveau pouvoir de Kigali, une mission parlementaire d'information a cherché à savoir si politiques et militaires français s'étaient mal comportés au Rwanda. Le rapport Quilès, qui concluait que la France avait peut-être commis des erreurs au Rwanda, mais qu'en aucun cas elle n'avait été complice du génocide, ne calma ni Kigali, ni ses supporters français qui, au contraire, ne cessèrent, après coup, d'élever le niveau de leurs attaques. En omettant bien entendu d'évoquer la responsabilité du Network Commando dans l'attentat du 6 avril 1994...

Dès cette époque, la version de Kigali s'était pratiquement imposée comme la version officielle du drame rwandais. Version qui présente l'avantage d'être simple, je dirai même simpliste. Elle réduit en effet le drame rwandais à une confrontation entre le Mal et le Bien, les Méchants et les Bons, les méchants Hutus et les bons Tutsis... À en croire la vulgate médiatique, et pour faire bonne mesure, les Hutus auraient été dirigés par un " nazi tropical ", aidé par Mitterrand-Hitler et ses Waffen-SS...

En 2000, de plus en plus exaspéré par la propagation de ces contrevérités manifestes, je tentai de les démasquer en initiant une nouvelle enquête sur les commanditaires de l'attentat du 6 avril, convaincu que la révélation de l'implication de Paul Kagame lui-même dans cet attentat, et donc de sa responsabilité personnelle dans le génocide, pouvait au moins faire réfléchir les gens de bonne foi... Je publiai le résultat de cette enquête dans Le Nouveau Papier journal. L'essentiel des conclusions du juge Bruguière, qui devaient fonder ses mandats d'arrêt internationaux lancés en décembre 2006, s'y trouvait.... Mais ce fut un nouveau coup d'épée dans l'eau. Personne n'osa se faire l'écho des résultats de mon enquête. Les télévisions, comme les principaux médias, continuaient d'avaliser les mensonges du chef d'État rwandais que d'aucuns, comme le professeur belge Reyntjens, qui témoignera devant vous, considèrent comme le " plus grand criminel de guerre vivant ". Comme on le vit faire jadis en Union soviétique, les médias continuèrent à donner la parole exclusivement à des " idiots utiles ", comme on les appelait du temps des " compagnons de route ", et à des militants déguisés en témoins. Je ne parle pas ici des récits sincères de survivants qui perdirent toute leur famille dans les massacres, je respecte leur souffrance et leur désir de témoigner ; comme tous les témoins, ils détiennent, eux, un fragment de l'histoire. Mais l'histoire, si elle les englobe, les dépasse grandement, surtout quand elle est encore en train de se faire et que certains instrumentalisent leur souffrance.

Devant ce spectacle, mon irritation a progressivement laissé place à de la colère : car l'installation par la force de Paul Kagame à Kigali n'a pas étanché sa soif de pouvoir. Il a poursuivi la guerre au-delà des frontières du Rwanda, débordant largement (et c'est peu dire) sur l'est de la République démocratique du Congo... Les soldats du FPR, aidés des Ougandais et protégés par les forces spéciales américaines, sous prétexte de traquer les génocidaires vont tuer des centaines de milliers de Rwandais et de Congolais ; ils déstabilisent le Zaïre, allant finalement jusqu'à Kinshasa pour placer Laurent-Désiré Kabila, leur marionnette, au pouvoir en 1997. Les crimes de masse rwandais ont été accompagnés d'un pillage massif de richesses. L'année suivante, sous prétexte que leur marionnette n'exécute pas leurs décisions au doigt et à l'œil, les soldats du FPR rééditent leurs exploits militaires dans l'ex-Zaïre. Parce que Paul Kagame a réussi à s'imposer comme le représentant des victimes du génocide rwandais, la Communauté internationale ne réagit pas aux crimes de masse, qualifiés de crime de génocide par un juge espagnol, commis par son ordre et sous sa responsabilité.

Le cœur de l'Afrique saigne depuis maintenant 18 années ! J'ai, dans un premier temps, tenté de convaincre des hommes politiques et des journalistes de réagir, d'examiner la situation globale, de dénoncer les mensonges de Paul Kagame...

La publication par Le Monde, en mars 2004, d'une partie de l'enquête du juge Bruguière a paradoxalement insufflé à Kigali et à ses thuriféraires un nouvel élan de combativité pour propager leur version mensongère de l'histoire du drame rwandais, pour accuser et insulter la France, ses personnels politiques et militaires.. . Je décidai donc de me battre à nouveau contre cette désinformation. Et la seule arme que je connaisse, c'est l'enquête. Une enquête approfondie, rapportée dans un livre de 544 pages, qui permette de faire un bout de chemin vers la vérité. Enquête qui visait à exposer comment la réécriture de l'histoire s'était faite, dédouanant de ses responsabilités Paul Kagame dans l'attentat du 6 avril 1994. Car le facteur déclenchant du génocide, je le répète, a bel et bien été cet attentat, et ce point de vue est désormais partagé par de nombreux autres connaisseurs de ce dossier.

Je mène des enquêtes depuis bientôt 40 ans et me suis spécialisé dans les enquêtes sensibles depuis une trentaine d'années. Pour approcher le drame rwandais, j'ai utilisé les mêmes méthodes que d'habitude, interrogeant beaucoup de monde, mais privilégiant au maximum les sources écrites. Toutefois, j'ai décidé de ne pas me rendre au Rwanda, car j'estimais qu'interroger des témoins sous une dictature sanguinaire qui laisse croupir des dizaines de milliers de gens en prison, qui a installé partout des tribunaux populaires, et élimine qui bon lui semble, n'avait aucun sens. La qualification de " dictature sanguinaire " ne relève pas ici d'une provocation : ce diagnostic a été porté par de nombreux observateurs et ONG, mais aussi et surtout par la justice espagnole, agissant à la suite d'une plainte du Forum international pour la vérité et la justice en Afrique des Grands Lacs, présidé par Juan Carrero, pour l'assassinat de neuf Espagnols (deux missionnaires, quatre frères maristes et trois membres de Médecins du Monde Espagne) au Rwanda et en RDC.

Je crois en effet qu'il est important pour la clarté des débats qui vont suivre d'avoir constamment à l'esprit la nature du régime dirigé par Paul Kagame. Et je me limiterai pour l'instant à vous lire le début de l'ordonnance espagnole qui a abouti en février dernier au lancement de 40 mandats d'arrêt contre l'appareil politico-militaire du pouvoir en place à Kigali :

"À ce jour se détachent des indices rationnels et fondés selon lesquels, à partir du mois d'octobre 1990, un groupe politico-militaire fortement armé et organisé a déclenché une série d'actions à caractère criminel sur le territoire rwandais à partir de l'Ouganda.

"Au cours des quatre premières années, on a assisté à différentes actions organisées et systématiques dont le but était l'élimination de la population civile, tant par l'ouverture d'hostilités belliqueuses contre l'armée rwandaise que par la perpétration d'actes terroristes d'amplitude et d'intensité diverses, exécutés sur le territoire rwandais, principalement dans les zones septentrionale et centrale, toute cette action étant déployée sous un commandement stable et structuré, sur les plans tant stratégique qu'organisationnel.

"Une fois le pouvoir arraché par la violence, [ce groupe] a instauré avec les mêmes méthodes un régime de terreur et une structure criminelle parallèle à l'état de droit, ayant pour fin planifiée et préméditée la séquestration, le viol de femmes et de fillettes, la perpétration d'actes terroristes (parfois conduits dans le but de simuler qu'ils avaient été commis par leurs ennemis), l'incarcération de milliers de citoyens sans la moindre instruction judiciaire, l'assassinat sélectif de personnes, la destruction et l'élimination systématique des cadavres par leur entassement dans des fosses communes sans identification aucune, l'incinération massive des corps ou leur précipitation dans les lacs et rivières, ainsi que les attaques non sélectives contre la population civile sur la base d'une présélection ethnique, dans le but d'éliminer l'ethnie majoritaire, et incluant aussi la commission d'actes à caractère belliqueux tant au Rwanda que dans le pays voisin, le Zaïre (actuellement République Démocratique du Congo), y perpétrant des massacres indiscriminés et systématiques de la population réfugiée, ainsi que des actes de pillage sur grande échelle dans le but de pourvoir à l'autofinancement de ces activités criminelles en sus de l'enrichissement illicite des responsables."

Le régime de Kigali a depuis longtemps compris l'importance de la "communication" pour sa survie et sait en tirer les ficelles. A-t-on naguère approché la réalité soviétique par des enquêtes menées en URSS, en interrogeant telles ou telles personnes au vu et au su des autorités ? Évidemment pas. Ce sont les défecteurs et les dissidents qui ont réussi à lever le voile sur la vraie nature du régime stalinien. Mais il existe suffisamment d'exilés chassés du Rwanda, y compris d'anciens proches de Kagame, pour contourner cette difficulté...

Après avoir approfondi ce que je savais déjà de l'attentat du 6 avril 1994, je me suis plongé dans une imposante masse de matériaux que j'ai pu réunir sur le drame rwandais : notamment le rapport Quilès, des documents de l'Élysée, la revue de presse et, plus surprenant, de très nombreux documents rédigés par des Hutus mais qui, depuis 1994, sont littéralement frappés d'interdit pour le simple motif qu'ils sont Hutus, donc supposés tous et comme génétiquement génocidaires.

Assez rapidement, j'ai éprouvé une bizarre sensation que je n'avais jamais ressentie dans mes enquêtes précédentes. Et Dieu sait que j'ai souvent approché des gens peu recommandables, pénétré dans des univers glauques, été à de multiples reprises confronté à la désinformation et aux mensonges... Là, j'ai été frappé par l'aspect systématique, je dirais presque industriel des trucages, des faux témoignages, qui servaient à créer de toutes pièces ce qui devait apparaître à presque tous comme des vérités. Frappé par les manipulations de l'histoire opérées par les vainqueurs et par le détournement de certains mots comme celui de "victimes", qui ne peuvent être que tutsies. Même le TPIR ne me semblait pas au-dessus de tout soupçon, puisqu'il refusait de poursuivre les responsables des massacres commis par le FPR. Comme l'a écrit Montaigne, le mensonge n'a pas, comme la vérité, un seul visage. "Car nous prendrions pour certain l'opposé de ce que dirait le menteur. Mais le revers de la vérité a cent mille figures, et un champ indéfini", écrit-il.

Mon livre se devait de scruter les mensonges rwandais et de démasquer les menteurs qui entendaient imposer au monde une version falsifiée de l'Histoire. Noires fureurs, blancs menteurs est d'abord un livre sur les mensonges du pouvoir en place à Kigali.

Comme je l'ai écrit à la page 44 de mon livre, "les militaires utilisent souvent des leurres - avions, tanks, camions en carton ou en bois - pour que l'ennemi croie à une attaque imminente, ou gaspille ses munitions sur de fausses cibles... Les rebelles tutsis ont fait beaucoup mieux. Ils ont réussi jusqu'à présent à falsifier complètement la réalité rwandaise en imputant à d'autres leurs propres crimes et actes de terrorisme, et en diabolisant leurs ennemis. Enquêter sur le Rwanda relève du pari impossible, tant le mensonge et la dissimulation ont été élevés par les vainqueurs au rang des arts majeurs. (Cette phrase, qui figure dans la plainte de SOS Racisme, je l'assume comme toutes les autres.) Ce qu'on y voit n'a rien de commun avec la réalité, mais avec les faux-semblants créés par Paul Kagame et ses stratèges. Les masques sont partout. Kagame et ses collaborateurs tutsis ont jusqu'à présent réussi à ce que l'opinion publique internationale prenne des vessies pour des lanternes..."

Face à un tel constat, dressé au terme de plusieurs mois d'enquête, j'ai éprouvé le besoin d'aller au-delà de l'enchaînement des faits décrivant la guerre déclenchée en octobre 1990, date à laquelle les rebelles tutsis pénétrèrent au Rwanda. La sophistication de la guerre de désinformation menée par le FPR m'a obligé à tenter de mieux comprendre l'histoire et la culture du Rwanda. Au-delà de la lecture de quelques livres, j'ai ainsi rencontré Antoine Nyetera. Tutsi, descendant du roi Kigeri III, il a une excellente connaissance de l'histoire rwandaise et de ses principaux acteurs. Il est considéré comme un "observateur impartial des événements, mieux placé qu'aucun autre témoin pour clarifier certains problèmes qu'un expert étranger ne peut appréhender", dis-je pour reprendre un document émanent du TPIR. Il a témoigné à plusieurs reprises devant de prestigieuses assemblées, notamment devant le Parlement européen. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a fait appel à lui : il s'est rendu à Arusha en février, juillet 2002 et septembre 2006. Son témoignage était intitulé Le Mythe tutsi et son influence sur la culture du mensonge et de la violence au Rwanda.

Abordant ce chapitre, j'ai voulu replacer la désinformation, utilisée comme une arme de guerre par le FPR pour masquer sa stratégie de conquête militaire du pouvoir entre 1990 et 1994, dans la longue histoire rwandaise marquée par l'usage de ce que j'ai appelé le "mensonge", qui porte un nom spécifique en kinyarwanda : l'ubengwe...

Les passages qui me sont reprochés figurent dans un premier chapitre qui ne fait que poser des jalons, " rudiments d'histoire et de géographie ", ai-je écrit (pour bien préciser que je n'ai pas la prétention de faire œuvre d'historien, mais qu'il faut bien fournir au lecteur français de quoi se faire une idée de l'histoire du pays) ; il était aussi indispensable d'adjoindre une " brève " présentation des spécificités de la société rwandaise, notamment de cette " culture du mensonge " qui est une manière de civilité très particulière, qui n'a d'ailleurs rien d'extraordinaire et est connue de longue date. Je crois n'avoir pas procéder différemment des spécialistes du terrorisme proche- et moyen-oriental qui, avant d'exposer leurs analyses, évoquent la " takya " qui est pratiquée dans ces régions : un droit de mentir pour défendre ses convictions.

L'existence d'une "culture du mensonge" au Rwanda, qui choque tant le président de SOS Racisme, est une évidence non seulement pour Antoine Nyetera, mais pour tous les Rwandais, un fait culturel indéniable que plusieurs scientifiques se sont attachés à étudier. Il s'agit, je l'ai dit, de l'ubgenge ou ubwenge, puisque la langue rwandaise possède ce terme spécifique pour le nommer. En langue française, aucun mot ne saurait le restituer parfaitement : on peut le traduire approximativement par mensonge, ruse, dissimulation, réserve, etc. Des témoins vous parleront mieux que moi de l'ubwenge. Je me limiterai ici à citer le professeur Pierre Erny qui, dans une étude publiée dans le numéro 40 des Cahiers de sociologie économique et culturelle (INIST/CNRS) , en 2003, intitulée Ubgenge : intelligence et ruse à la manière Rwanda et Rundi. Il écrit : "Dans une société où "la vérité n'est pas un élément dominant dans l'échelle des valeurs", où non seulement tout le monde est susceptible de dissimuler la vérité, mais où le "mensonge" est classé parmi les beaux-arts et les jeux de l'esprit parmi les plus excitants, personne n'est dupe, tout le monde sait à quoi s'en tenir, et comment adapter sa conduite. Autrement dit, seuls ceux du dehors se font avoir."

Je ne dis rien d'autre. Mais, dans le cas du Rwanda, malheur à ceux qui contestent le moins du monde la version officielle. Il ne fait d'ailleurs pas bon, aujourd'hui, mettre en doute les versions officielles. Et comme il s'agit ici d'un génocide, voire d'un double génocide, on se complaît à ramener tous ces types de massacres à un seul, celui de la destruction des Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. J'étais bien conscient de ce piège. J'ai écrit page 22 de mon livre : "Pour rendre leur thèse inexpugnable, les défenseurs inconditionnels de Kagame ont déployé un "plan com" redoutable : assimiler ceux qui contestaient leurs thèses aux révisionnistes qui nient la réalité des chambres à gaz ou le nombre des victimes de la Shoah. Pour disqualifier ceux qui doutent de la moralité de l'actuel Président rwandais, le président de Survie n'a pas hésité à parler de "négrophobie".

"Ainsi s'est peu à peu développé un redoutable usage rhétorique du vocabulaire et du corpus d'analyses engendrés par la Shoah. En somme, puisqu'il y a eu génocide au Rwanda, il y avait forcément des nazis, des tortionnaires. .. et, dans la foulée, un lot de révisionnistes. Quiconque émettait quelques doutes sur la vision "kagamiste" des événements s'exposait à être à son tour rangé dans le camp des néo-faurissoniens."

C'est ce qui m'arrive, mais je dois dire que je ne suis pas seul dans ce cas ; y figurent aussi des gens éminemment respectables. Je pense notamment au journaliste Stephen Smith, qui témoignera jeudi devant vous, mais aussi au juge Bruguière qui, après avoir lancé ses mandats d'arrêt contre l'entourage de Paul Kagame, a été traité à Kigali de révisionniste, et même de négationniste ; mais aussi le juge espagnol Merelles qui, après avoir lancé 40 mandats d'arrêt contre les principaux collaborateurs de Kagame, essuie à son tour les mêmes accusations et calomnies. Les deux juges font d'ailleurs l'objet d'attaques en justice intentées par le pouvoir de Kigali...

Je me suis longtemps demandé pourquoi le président de SOS Racisme intervenait dans ce débat aux côtés de François-Xavier Ngarambe qui, en tant que président d'Ibuka, a été chargé, début 2006, par le pouvoir de Kigali, d'engager des poursuites judiciaires contre moi. Pourquoi, lors de la conférence de presse annonçant en octobre 2006 la plainte déposée contre moi et mon éditeur, il parla d'"escroquerie manifeste" à propos de mon livre et laissa l'avocat Bernard Maingain parler à mon propos de "retour à la fascination d'un certain pétainisme".

Au printemps dernier, en lisant le livre intitulé Rwanda. Pour un dialogue des mémoires, publié en avril 2007 par les éditions Albin Michel et l'Union des Étudiants Juifs de France avec une préface de Bernard Kouchner, j'ai enfin compris. Dans cet ouvrage qui a été écrit par "des enfants de déportés juifs et des descendants d'esclaves noirs", pour reprendre la formule de Bernard Kouchner, après un voyage d'une semaine au Rwanda, en février 2006, qui leur permit de rencontrer des rescapés du génocide, Dominique Sopo, en tant que "descendant d'esclave noir", développe sa propre vision du drame rwandais. Sa contribution m'a permis de constater qu'il reprenait sans nuances la version officielle de la dictature en place à Kigali en l'intégrant à sa propre vision de l'histoire du monde, et qu'il n'hésite pas à son tour à assimiler le génocide des Tutsis et des Hutus modérés à la Shoah...

Pour Dominique Sopo, ce qui s'est passé au Rwanda n'est que le produit du racisme et du colonialisme occidentaux. Le génocide rwandais est, selon lui, le "dernier maillon d'une longue chaîne" (page 58) qu'il décrit comme prenant sa source dans la philosophie grecque, dans laquelle il voit les prémisses du racisme : "En identifiant le beau et le bien, n'incitait-elle pas à chercher les signes du mal dans l'aspect physique ?" (page 58) Ce qui n'empêche pas Sopo d'utiliser lui aussi les mêmes critères manichéens pour analyser le monde et l'histoire : d'un côté les bons, de l'autre les méchants. Souscrivant à cette dialectique primaire, il présente l'Afrique comme un paradis perdu depuis l'arrivée des Blancs... Le drame rwandais n'échappe pas, sous sa plume, à cette analyse rudimentaire.

Reprenant la thèse de l'école burundo-franç aise animée par Jean-Pierre Chrétien, Dominique Sopo explique que c'est l'administration coloniale du Rwanda (allemande, puis belge, je me permets de le rappeler) qui transforma deux catégories sociales, les éleveurs et les paysans, en deux races distinctes, les Tutsis et les Hutus. Le président de SOS Racisme ajoute une touche personnelle à la diabolisation des Hutus en en parlant comme " une race par ailleurs colonisatrice " (page 61). (Comment Sopo peut-il parler de race alors que les Hutus n'étaient - selon lui - qu'une catégorie sociale avant l'arrivée des colons ? Ce gros mot lui aura probablement échappé !) Si les Hutus sont ce qu'ils sont, c'est-à-dire des génocidaires, c'est, selon le président de SOS Racisme, parce qu'ils ont intégrés "La vision coloniale de la société rwandaise " (page 62). Autrement dit, si les Hutus sont apparemment noirs, ils sont en réalité Blancs à l'intérieur, donc mauvais. Du texte de Dominique Sopo il ressort que les Tutsis, eux, n'ont pas intégré la " vision coloniale ", qu'ils ont perdu le pouvoir parce qu'ils avaient des "prétentions indépendantistes", et qu'ils sont donc restés, eux, authentiquement noirs.

À partir de là, Dominique Sopo construit toute une histoire dans laquelle les Hutus sont décrits comme des nazis portant en eux l'idéologie génocidaire qui ne pouvait que déboucher sur le drame de 1994. Il fait du Manifeste des Bahutu, publié en 1957 par des intellectuels hutus qui réclamaient le partage des terres et la participation des Hutus à l'administration territoriale alors entre les mains des Tutsis, le Mein Kampf du Rwanda : "Ce manifeste, écrit Dominique Sopo, jetait les bases idéologiques à venir " (pages 62 et 63). Le président de SOS Racisme impute in fine la responsabilité historique du génocide rwandais aux Blancs pour avoir imprégné les Hutus de leur vision coloniale de la société rwandaise. Dans la même logique, il explique que les Tutsis " membres d'une catégorie sociale " et " résidents multiséculaires du Rwanda", se trouvèrent "racialisés" par les colons, et par là "extériorisés". Je le cite : "On finira d'ailleurs par les surnommer les "Juifs d'Afrique", ce qui, chacun en conviendra, n'était pas de très bon augure" (page 61).

Avant d'écrire une telle phrase, le militant antiraciste qu'il est aurait dû travailler un peu plus son dossier. Le travailler, en tout cas, au-delà de la semaine qu'il passa au Rwanda en février 2006, où il n'écouta que la version fabriquée par les Tutsis ultras, à la tête de la dictature installée à Kigali. Il aurait ainsi découvert que l'expression "Juifs d'Afrique" fut utilisée à dessein par les Tutsis eux-mêmes dans leur propagande. Ainsi, c'est le journal Impuruza[1] qui en use pour la première fois en 1983 : "Une nation en exil, un peuple sans leadership, les "Juifs d'Afrique", une nation sans Etat, toutes ces expressions pourraient faire des titres merveilleux pour décrire la saga de notre peuple..." Plus prosaïquement, il aurait suffi à Dominique Sopo de rencontrer des Rwandais n'appartenant pas au FPR et ne résidant pas actuellement au Rwanda pour se rendre compte que sa vision du Rwanda est totalement idéologique, que si les Tutsis et les Hutus se sentent différents, leurs différences ne sont pas de nature économique, mais ethnique, parce que les premiers ont dominé les seconds jusqu'à la fin des années 1950 : c'est cette réalité que l'administration coloniale a jadis prise en compte et cristallisée. Des historiens du Rwanda et des Rwandais vous exposeront à ce propos une vision toute différente de celle de Sopo.

Dans son texte, et malgré une critique liminaire formelle de l'assimilation des Tutsis aux Juifs, Sopo revient constamment sur la similitude de destin des Juifs et des Tutsis, et par contrecoup des Hutus avec les nazis. Le président de SOS Racisme semble méconnaître que confondre la Shoah et le génocide des Tutsis est une aberration historique et, de surcroît, à certains égards, une insulte à la mémoire des victimes et au sort des rescapés de la Shoah ; elle confine même à l'antisémitisme : en 1933 comme en 1939, ce n'est assurément pas une bande de Juifs qui prit les armes pour agresser l'Allemagne à ses frontières. Qui oserait soutenir pareille imbécillité ? Or, ce sont bien des Tutsis ultras du FPR qui presqu'exclusivement prirent les armes contre le pouvoir dit " des Hutus ". Et ce sont ces mêmes Tutsis qui gagnèrent la guerre civile et prirent le pouvoir...

En quelques pages, Dominique Sopo résume parfaitement une version de l'histoire que je conteste radicalement dans mon livre. L'histoire qu'il rapporte est celle, officielle, fabriquée et diffusée par Kigali, et relayée par ceux que j'ai appelés les "blancs menteurs".

Enfermé dogmatiquement dans sa théorisation personnelle du racisme, Dominique Sopo, fort peu avare de procès d'intention, fait de ceux - hommes politiques, militaires, intellectuels et journalistes français - qui ne pensent pas comme lui, et qui, comme moi, parle de "double génocide", des "complices des génocides en cours et de ceux qui adviendront dans le futur" (page 71).

Le président de SOS Racisme a certes le droit de penser ce qu'il veut sur le drame rwandais, de penser selon une dialectique intégriste du Bien et du Mal comme ressort de l'Histoire, mais je lui conteste absolument celui de m'accuser de racisme sous prétexte que je ne pense pas comme lui. Dans mon livre, je n'ai cherché qu'à tenter d'approcher la vérité.

Votre jugement répondra à la question posée par Hervé Deguine, de Reporters Sans Frontières, dans un article publié dans Médias : "Peut-on encore écrire librement sur le Rwanda ?"

J'ai confiance que la Justice de mon pays me lavera de la terrible accusation que SOS Racisme, hors de toute légitimité et de toute vérité, fait peser sur moi.

Note :

[1] Impuruza a été le premier journal de la diaspora rwandaise. Fondé par Alexandre Kamenyi aux Etats-Unis, le choix du titre indiquait bien l'esprit de reconquête par la force du pouvoir perdu. Impuruza désigne un tambour traditionnel utilisé avant la colonisation par les Tutsi pour les appeler à la guerre.