The Mugesera Deal: Willfully Blind, Relentlessly Immoral--by Tiphaine Dickson [vo]
[Dr Leon Mugesera is one of the Rwandans who got out of the country relatively early--yet when it was still abundantly clear that the invading terrorist Rwandan Patriotic Front (RPF) would not sit down for negotiations over power-sharing without first demonizing to the G all efforts at national defense and would only be satisfied when it had cut off the head of every last political leader in the country and seized all power through the only means effectively available to a tiny feudalist minority: vicious armed chaos. He was prescient, because the RPF's reign of terror continued from its invasion of NE Rwanda from Uganda in October 1990 until it shot down the plane carrying the Hutu heads-of-state of Rwanda and Burundi on 6 April 1994. This date is Rwanda's 911--sort of--a finely tuned military hit made to look like either a civil aviation accident or a friendly fire incident. After the current Rwandan president Paul Kagame ordered the assassination of his predecessor, Juvenal Habyarimana, the decapitation of the Rwandan revolution was complete and the final RPF offensive was lauched, driving a great part of the country into exile in Congo--where, today, Kagame continues his mass murder to the end of ensuring his 70% share of coltan and other valuable exports from Central Africa. And as maitre Dickson describes below, Dr Mugesera's speech (as with President Milosevic's Kosovo Fields speech from 1989) was recontorted by the media and their Human Rights watchers to justify the four-year evisceration of a once-thriving popular revolution and its insidious morphing into a genocide of the 'genocidaires'. All this victimization-villainization reversal has recently been used by the sentimentalist check kiters of the movie business (those opiated denizens of the H'wood Dreamzwerken) as yet another source for their historical pornography: e.g., Terry George's latest, Hotel Rwanda--Nick Nolte as UN General Oliver (a shabby cover for the UNAMIR's Cowardly Lion, Canadian General Homeo Dallaire): 'They're killing all the Tutsi babies so the line can't continue.' I know how hard it must be for Nick to get his nose past a line these days: but this is one time he should've handed off the hose. More will follow (in version ami-requin) on this great deception. --mc]
Affaire Mugesera: aveuglement volontaire, acharnement immoral
Tiphaine Dickson
L'an passé, la Cour d’appel fédérale du Canada mettait apparamment fin à la longue saga judiciaire de Léon Mugesera, son épouse, et de ses cinq enfants, dans une rigoureuse décision qui renversait l'ordre de déporter toute une famille au Rwanda, cette quasi-dictature résolument militaire du Général Paul Kagame, dont les bruits de botte se font aujourd'hui de nouveau entendre au Congo voisin. Immigration Canada, poussé par divers lobbies, a porté l'affaire en appel, et la Cour suprême entendra les parties, ainsi que les intervenants agressifs en faveur de la déportation du Dr. Mugesera, ce mercredi le 8 décembre.
La Cour d’appel fédérale avait pourtant, (et surtout) au terme d'un exercice dont l'admirable impartialité et la méthodologie rigoureuse font honneur au système judiciaire canadien, invalidé le récit élevé au rang de quasi vérité institutionnelle voulant que Mugesera soit un criminel contre l'Humanité parmi nous, et qu'il fallait à tout prix l'accuser, le chasser, ou pire. Mugesera, nous a-t-on inlassablement répété, avait prononcé un discours incitant au génocide des Tutsis au Rwanda, on l'a même "vu" à la télévision. Radio-Canada avait en effet diffusé des images d'un discours de Mugesera (qui portait, en réalité, sur la transition vers la démocratie à l'occidentale et d'éventuelles élections) avec, en sous-titres, le texte d'un discours haineux. La réalité est que ces sous-titres ne correspondaient pas au discours que nous "voyions"; pire encore, les sous-titres, ce qui faisait qu'on avait "vu" Mugesera inciter à la haine, n'étaient pas la traduction fidèle du "fameux" discours, mais bien une version partiale, tronquée, et inexacte, discréditée devant la justice.
La Cour d’appel fédérale a conclu, après un examen attentif du gargantuesque dossier, que l'affaire Mugesera se résumait à ceci: "…des conclusions tantôt erronées, tantôt hâtives et spéculatives, tantôt douteuses au fondement superficiel maintes fois reprises et réitérées par d'autres sans discernement et sans autre forme de validation ont engendré une croyance en une réalité inexistante".
Certains persistent, avec un acharnement stupéfiant, à y croire encore. Il est vrai qu'il est fastidieux de lire une décision judiciaire de 137 pages, surtout si on croit déjà tout savoir, et surtout si on est convaincu d'avoir observé de visu le "flagrant délit". On ne peut, par exemple, oublier avoir vu, de nos propres yeux, cet homme émacié du camp d'Omarska, en Bosnie-herzégovine, derrière un barbelé, une image qui a illico fait du lieu un camp de concentration. Et nous avons tout de suite "su", parce que nous l'avions observé, qui étaient les coupables, et qui étaient les victimes. Mais qui, par contre, s'est intéressé à apprendre qu'en fait, (et un tribunal de Londres l'a reconnu par la suite) la journaliste britannique Penny Marshall a croqué cette image emblématique alors qu'elle était elle-même derrière un barbelé qui entourait un groupe électrogène, et que l'homme, malade depuis des années, s'est approché avec d'autres curieux, et qu'elle a filmé cet entretien en laissant croire aux spectateurs que des gens, qui n'étaient nullement prisonniers dans un camp de concentration (il s'agissait en fait d'un camp de réfugiés), l'étaient? Le journaliste australien Richard Carleton, quant à lui, a justifié le fait d'avoir falsifié un reportage sur l'ex-Yougoslavie, prétendant que de toute manière, même si son récit était inventé, il s'agissait tout de même d'un reflet fidèle de la réalité. Et s'agissant de Monsieur Mugesera, une nouvelle invention vient tout juste de s'ajouter au lot: Antoine Robitaille (Revue de la Presse canadienne, Le Devoir, le 20 novembre 2004) a récemment écrit que M. Mugesera avait prononcé son discours à la Radio Mille-Collines (RTLM), alors que M. Mugesera avait quitté le Rwanda, pour ne plus jamais y retourner, avant que cette radio ne soit établie, fin 1993!
Cette arrogante désinvolture, insoutenable lorsque la vie et la liberté d'êtres humains sont en jeu, colore l'affaire Mugesera depuis ses débuts. D'enviables carrières académiques et de droits de l'Homme (le paradoxe est douloureux) ont été bâties sur la persécution de cet homme, mais l'édifice est bien fragile. Des experts de renom, "spécialistes du Rwanda" ont été sévèrement critiqués par le Tribunal canadien, qui s'est dit étonné par leur manque de rigueur, et par les inquiétantes lacunes méthodologiques observées, tant dans leurs témoignages que dans le rapport de la Commission Internationale d'Enquête (1993) qui avait parti le bal des allégations contre Léon Mugesera. Le ouï-dire, les faits non vérifiés, les discours tronqués, les sources dont on ne peut divulguer le nom: tant d'éléments qui ont poussé les juges canadiens à balayer du revers de la main un récit qui pourtant fait école dans une littérature dite experte sur le Rwanda: que Léon Mugesera était un proche du Président Habyarimana, qu'il était membre des escadrons de la mort, que son discours avait immédiatement provoqué des tueries. Tout le monde y croit pourtant! Assez pour qu'Immigration Canada porte l'affaire en appel, et même que les interventions agressives se multiplient devant la Cour suprême. Mais qu'on le veuille ou non, et quelle que soit la ferveur de notre croyance (ou notre besoin de croire) que Mugesera est un "génocidaire" et que la Canada est complice, il faut se rappeler de ce qu'est une erreur judiciaire, de ce qu'est une vengeance politique transformée en procès, et de ce qu'est la pire injustice: celle qui condamne un innocent avant son procès, et qui lui fait porter les stigmates des pires crimes connus de l'Humanité. C'est une tache qui se répand sur une société toute entière.
L'honorable juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale offrait cette réflexion: "Je ne peux cacher mon étonnement face non seulement à cette facilité avec laquelle le texte du discours de M. Mugesera fut altéré à des fins partisanes par le Commission internationale d'enquête, mais surtout face à cette aisance et à cette assurance avec lesquelles les triturations de textes furent par la suite acceptées, avec les conséquences qu'on connaît."
"L'aisance", "l'assurance", et ajoutons, l'arrogance: celles-là mêmes qui nous ont offertes les armes de destruction massive en Irak. Avant de condamner Léon Mugesera ou d'espérer qu'il le sera, sachez que ses cinq enfants seront, avec leur parents, déportés vers un pays qui emprisonne les journalistes (et l'ancien Président du nouveau régime), force deux premiers ministres à choisir l'exil, et assassine un Ministre de l'Intérieur en plein jour à Nairobi. Sachez cela et imaginez ce que serait le sort du Dr. Mugesera. Et avant d'espérer dénoncer la "complicité" canadienne par la déportation de Mugesera (et non un blanc, canadien ou québécois, bien entendu), demandez-vous ce que vous savez vraiment de lui, du Rwanda, ou de l'horreur de 1994.
Tiphaine Dickson est avocate spécialisée en droit pénal international. Elle a agi comme conseil principal devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda lors d'un des premiers procès pour génocide menés par l'organisation des Nations unies.
Affaire Mugesera: aveuglement volontaire, acharnement immoral
Tiphaine Dickson
L'an passé, la Cour d’appel fédérale du Canada mettait apparamment fin à la longue saga judiciaire de Léon Mugesera, son épouse, et de ses cinq enfants, dans une rigoureuse décision qui renversait l'ordre de déporter toute une famille au Rwanda, cette quasi-dictature résolument militaire du Général Paul Kagame, dont les bruits de botte se font aujourd'hui de nouveau entendre au Congo voisin. Immigration Canada, poussé par divers lobbies, a porté l'affaire en appel, et la Cour suprême entendra les parties, ainsi que les intervenants agressifs en faveur de la déportation du Dr. Mugesera, ce mercredi le 8 décembre.
La Cour d’appel fédérale avait pourtant, (et surtout) au terme d'un exercice dont l'admirable impartialité et la méthodologie rigoureuse font honneur au système judiciaire canadien, invalidé le récit élevé au rang de quasi vérité institutionnelle voulant que Mugesera soit un criminel contre l'Humanité parmi nous, et qu'il fallait à tout prix l'accuser, le chasser, ou pire. Mugesera, nous a-t-on inlassablement répété, avait prononcé un discours incitant au génocide des Tutsis au Rwanda, on l'a même "vu" à la télévision. Radio-Canada avait en effet diffusé des images d'un discours de Mugesera (qui portait, en réalité, sur la transition vers la démocratie à l'occidentale et d'éventuelles élections) avec, en sous-titres, le texte d'un discours haineux. La réalité est que ces sous-titres ne correspondaient pas au discours que nous "voyions"; pire encore, les sous-titres, ce qui faisait qu'on avait "vu" Mugesera inciter à la haine, n'étaient pas la traduction fidèle du "fameux" discours, mais bien une version partiale, tronquée, et inexacte, discréditée devant la justice.
La Cour d’appel fédérale a conclu, après un examen attentif du gargantuesque dossier, que l'affaire Mugesera se résumait à ceci: "…des conclusions tantôt erronées, tantôt hâtives et spéculatives, tantôt douteuses au fondement superficiel maintes fois reprises et réitérées par d'autres sans discernement et sans autre forme de validation ont engendré une croyance en une réalité inexistante".
Certains persistent, avec un acharnement stupéfiant, à y croire encore. Il est vrai qu'il est fastidieux de lire une décision judiciaire de 137 pages, surtout si on croit déjà tout savoir, et surtout si on est convaincu d'avoir observé de visu le "flagrant délit". On ne peut, par exemple, oublier avoir vu, de nos propres yeux, cet homme émacié du camp d'Omarska, en Bosnie-herzégovine, derrière un barbelé, une image qui a illico fait du lieu un camp de concentration. Et nous avons tout de suite "su", parce que nous l'avions observé, qui étaient les coupables, et qui étaient les victimes. Mais qui, par contre, s'est intéressé à apprendre qu'en fait, (et un tribunal de Londres l'a reconnu par la suite) la journaliste britannique Penny Marshall a croqué cette image emblématique alors qu'elle était elle-même derrière un barbelé qui entourait un groupe électrogène, et que l'homme, malade depuis des années, s'est approché avec d'autres curieux, et qu'elle a filmé cet entretien en laissant croire aux spectateurs que des gens, qui n'étaient nullement prisonniers dans un camp de concentration (il s'agissait en fait d'un camp de réfugiés), l'étaient? Le journaliste australien Richard Carleton, quant à lui, a justifié le fait d'avoir falsifié un reportage sur l'ex-Yougoslavie, prétendant que de toute manière, même si son récit était inventé, il s'agissait tout de même d'un reflet fidèle de la réalité. Et s'agissant de Monsieur Mugesera, une nouvelle invention vient tout juste de s'ajouter au lot: Antoine Robitaille (Revue de la Presse canadienne, Le Devoir, le 20 novembre 2004) a récemment écrit que M. Mugesera avait prononcé son discours à la Radio Mille-Collines (RTLM), alors que M. Mugesera avait quitté le Rwanda, pour ne plus jamais y retourner, avant que cette radio ne soit établie, fin 1993!
Cette arrogante désinvolture, insoutenable lorsque la vie et la liberté d'êtres humains sont en jeu, colore l'affaire Mugesera depuis ses débuts. D'enviables carrières académiques et de droits de l'Homme (le paradoxe est douloureux) ont été bâties sur la persécution de cet homme, mais l'édifice est bien fragile. Des experts de renom, "spécialistes du Rwanda" ont été sévèrement critiqués par le Tribunal canadien, qui s'est dit étonné par leur manque de rigueur, et par les inquiétantes lacunes méthodologiques observées, tant dans leurs témoignages que dans le rapport de la Commission Internationale d'Enquête (1993) qui avait parti le bal des allégations contre Léon Mugesera. Le ouï-dire, les faits non vérifiés, les discours tronqués, les sources dont on ne peut divulguer le nom: tant d'éléments qui ont poussé les juges canadiens à balayer du revers de la main un récit qui pourtant fait école dans une littérature dite experte sur le Rwanda: que Léon Mugesera était un proche du Président Habyarimana, qu'il était membre des escadrons de la mort, que son discours avait immédiatement provoqué des tueries. Tout le monde y croit pourtant! Assez pour qu'Immigration Canada porte l'affaire en appel, et même que les interventions agressives se multiplient devant la Cour suprême. Mais qu'on le veuille ou non, et quelle que soit la ferveur de notre croyance (ou notre besoin de croire) que Mugesera est un "génocidaire" et que la Canada est complice, il faut se rappeler de ce qu'est une erreur judiciaire, de ce qu'est une vengeance politique transformée en procès, et de ce qu'est la pire injustice: celle qui condamne un innocent avant son procès, et qui lui fait porter les stigmates des pires crimes connus de l'Humanité. C'est une tache qui se répand sur une société toute entière.
L'honorable juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale offrait cette réflexion: "Je ne peux cacher mon étonnement face non seulement à cette facilité avec laquelle le texte du discours de M. Mugesera fut altéré à des fins partisanes par le Commission internationale d'enquête, mais surtout face à cette aisance et à cette assurance avec lesquelles les triturations de textes furent par la suite acceptées, avec les conséquences qu'on connaît."
"L'aisance", "l'assurance", et ajoutons, l'arrogance: celles-là mêmes qui nous ont offertes les armes de destruction massive en Irak. Avant de condamner Léon Mugesera ou d'espérer qu'il le sera, sachez que ses cinq enfants seront, avec leur parents, déportés vers un pays qui emprisonne les journalistes (et l'ancien Président du nouveau régime), force deux premiers ministres à choisir l'exil, et assassine un Ministre de l'Intérieur en plein jour à Nairobi. Sachez cela et imaginez ce que serait le sort du Dr. Mugesera. Et avant d'espérer dénoncer la "complicité" canadienne par la déportation de Mugesera (et non un blanc, canadien ou québécois, bien entendu), demandez-vous ce que vous savez vraiment de lui, du Rwanda, ou de l'horreur de 1994.
Tiphaine Dickson est avocate spécialisée en droit pénal international. Elle a agi comme conseil principal devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda lors d'un des premiers procès pour génocide menés par l'organisation des Nations unies.
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